Jurisprudence : Cass. soc., 08-12-2021, n° 20-13.680, F-D, Cassation

Cass. soc., 08-12-2021, n° 20-13.680, F-D, Cassation

A79727EY

Référence

Cass. soc., 08-12-2021, n° 20-13.680, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/75471409-cass-soc-08122021-n-2013680-fd-cassation
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SOC.

LG


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2021


Désaveu et Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 1405 F-D


Pourvois n°
G 20-13.680
X 20-13.693 JONCTION


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 DÉCEMBRE 2021


Mme [Y] [M], domiciliée [Adresse 1], a formé les pourvois n° G 20-13.680, X 20-13.693 contre un même arrêt rendu le 20 novembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans les litiges l'opposant :

1°/ à la société Kodak, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à l'AGS-CGEA de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la société [W] (BTSG), société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société Champion Chemtech Ltd, dont le siège est [Adresse 6] (Canada),

défenderesses à la cassation.

La société Kodak a formé des pourvois incidents éventuels contre le même arrêt.

La demanderesse aux pourvois principaux invoque, à l'appui de ses recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse aux pourvois incidents éventuels invoque, à l'appui de ses recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.


Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [M], de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de la société Kodak, et l'avis écrit de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 20-13.680 et X 20-13.963 sont joints.

Sur la requête en désaveu d'avocat

Vu le désistement total déposé le 28 février 2020 par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, au nom de Mme [M], du pourvoi formé le 24 février 2020 :

Vu le titre IX de la deuxième partie du règlement du 28 juin 1738 maintenu par l'article 90 du titre VI de la loi du 27 ventôse an VIII et par l'article 1er du décret n° 79-941 du 7 novembre 1979 et l'article 417 du code de procédure civile🏛 :

2. Par arrêt du 14 octobre 2020, cette chambre a autorisé Mme [M] à former le désaveu de son avocat, la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, pour avoir déposé sans mandat, le 28 février 2020, le désistement total de son pourvoi.

3. La SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet n'a pas présenté d'observations en défense dans la huitaine de la signification de l'arrêt du 14 octobre 2020 et de la déclaration de désaveu déposée le 15 octobre 2020.

4. Il n'est pas contesté que Mme [M] n'avait pas donné mandat à son avocat pour se désister de son pourvoi. Il en résulte que le désaveu est bien fondé et que le désistement du 28 février 2020 doit être réputé non avenu.

Désistement partiel

5. Il est donné acte à Mme [M] du désistement de ses pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre la société Champion Chemtech Ltd.


Faits et procédure

6. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 novembre 2019), le 10 février 2006, la société Kodak a cédé à la société [Localité 5] photochimie, créée à cet effet par le groupe repreneur canadien Champion, une partie de son activité exploitée sur le site de [Localité 5] et transféré les contrats de travail des cent quatre salariés affectés sur ce site, dont celui de Mme [M], salariée investie de divers mandats représentatifs.

7. Par décision du 21 mars 2006, l'inspecteur du travail a autorisé la société Kodak à procéder au transfert du contrat de travail de la salariée.

8. Par jugements des 21 janvier 2010 et 20 mai 2010, le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société [Localité 5] photochimie, puis a prononcé sa liquidation judiciaire, la société [W], prise en la personne de M. [Ab], étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

9. Licenciée le 17 juin 2010 après autorisation de l'inspecteur du travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant, à titre principal, à la nullité de son licenciement et au paiement d'une indemnité à ce titre.


Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident éventuel, ci-après annexé

10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande fondée sur la nullité des contrats de cession conclus le 10 février 2006 entre la société Kodak et le groupe Champion et, par conséquent, de la débouter de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, alors « que le conseil des prud'hommes est seul compétent, même après la cessation de la relation de travail entre un salarié et un employeur, pour connaître d'un litige qui trouve sa source dans le contrat de travail et est en relation directe avec lui ; qu'il est, partant, seul compétent pour connaître de l'action en reconnaissance du transfert frauduleux du contrat de travail opéré par l'employeur initial et de la demande de nullité du licenciement en résultant ; qu'en jugeant incompétente la juridiction prud'homale, aux motifs propres et adoptés qu'il ne lui appartiendrait pas d'apprécier le caractère frauduleux d'une opération de cession à l'origine du transfert contesté du contrat de travail, quand la contestation de l'origine de l'opération de transfert du contrat de travail trouve sa source dans l'exécution du contrat de travail et est en relation directe avec le contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1411-1 du code du travail🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1411-1 du code du travail🏛 :

12. Selon ce texte, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différents qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

13. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, l'arrêt retient qu'il n'appartient pas au juge prud'homal de statuer sur le caractère frauduleux ou non de la cession intervenue le 10 février 2006 entre la société Kodak et le groupe Champion.

14. En statuant ainsi, alors que la fraude alléguée était le fondement de la demande principale de la salariée, tendant à la nullité du transfert de son contrat de travail par la société Kodak à la société [Localité 5] photochimie et de son licenciement, laquelle relevait de la compétence de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

DESAVOUE la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet pour avoir déposé sans mandat, le 28 février 2020, un acte de désistement total du pourvoi de Mme [M] ;

DIT que ce désistement est non avenu ;

REJETTE le pourvoi incident éventuel ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que l'instance introduite par Mme [M] devant le conseil de prud'hommes n'est périmée à l'égard d'aucune des parties et en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Kodak à l'encontre de la société [W], prise en la personne de M. [W], en qualité de liquidateur de la société [Localité 5] photochimie, l'arrêt rendu le 20 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Kodak aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Kodak et la condamne à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [M], demanderesse aux pourvois principaux n° G 20-13.680 et X 20-13.693


Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de nullité des contrats de cession conclus le 10 février 2006 entre la société Kodak et le groupe Champion et par conséquent, débouté la salariée de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement.

AUX MOTIFS, propres, QUE c'est à juste titre, par des motifs que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes, dont le jugement sera confirmé sur ce point, a dit qu'il ne lui appartenait pas de statuer sur le caractère frauduleux ou non de la cession intervenue le 10 février 2006 entre la société Kodak et le groupe Champion et a rejeté la demande en paiement de Mme [M] fondée sur la nullité de ladite cession.

AUX MOTIFS, adoptés, QUE la qualification de fraude pour cette opération d'externalisation entre les deux sociétés, montrant l'intention de la société Kodak d'échapper à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi coûteux, par le paiement de garanties financières au repreneur, n'est pas dans la compétence du conseil des prud'hommes. Le conseil renvoie le demandeur à mieux se pourvoir devant la juridiction compétente, pour connaître de la fraude dans cette opération d'externalisation et soulève la responsabilité du Procureur de la république dans la poursuite de ce chef de demande. Ainsi, les demandes subséquentes ne pourront être accordées à Mme [M].

ALORS QUE le conseil des prud'hommes est seul compétent, même après la cessation de la relation de travail entre un salarié et un employeur, pour connaître d'un litige qui trouve sa source dans le contrat de travail et est en relation directe avec lui ; qu'il est, partant, seul compétent pour connaître de l'action en reconnaissance du transfert frauduleux du contrat de travail opéré par l'employeur initial et de la demande de nullité du licenciement en résultant ; qu'en jugeant incompétente la juridiction prud'homale, aux motifs propres et adoptés qu'il ne lui appartiendrait pas d'apprécier le caractère frauduleux d'une opération de cession à l'origine du transfert contesté du contrat de travail, quand la contestation de l'origine de l'opération de transfert du contrat de travail trouve sa source dans l'exécution du contrat de travail et est en relation directe avec le contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1411-1 du code du travail🏛.
Moyen produit par la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Kodak, demanderesse aux pourvois incidents éventuels n° X 20-13.693 et G 20-13.680


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'instance introduite par Mme [M] devant le conseil de prud'hommes n'est périmée à l'égard d'aucune des parties

AUX MOTIFS QUE « Sur la péremption d'instance
La société Kodak produit la décision prononcée le 10 octobre 2011, en vertu de laquelle le conseil de prud'hommes de Macon a dit qu'il appartient au demandeur de faire citer par huissier la société Champion Photochemistry Limited au Canada, constaté le défaut de diligence du demandeur à l'audience de ce jour, ordonné la radiation de l'affaire et son retrait du rang des affaires en cours et dit que l'affaire ne sera réenrôlée qu'avec la citation valablement délivrée au groupe champion.
le demandeur, Mme [Y] [M], verse aux débats :
- un courrier daté du 20 septembre 2013 adressé par son avocat au conseil de prud'hommes de Macon pour lui transmettre ses conclusions et lui demander la réintroduction de l'affaire
- la copie d'un projet d'assignation à délivrer à la société Champion Chemtech Limited.
Il ressort du dossier de la procédure transmis à la cour que l'affaire a été enrôlée par le conseil de prud'hommes de Macon le 7 mai 2014, avec mention sur la cote d'un acte de saisine en date du 2 mai 2014 qui ne figure pas au dossier, le jugement d'incompétence du 8 décembre 2014 faisant état d'une demande reçue le 7 mai 2014.
Le conseil de prud'hommes a lui-même envoyé à nouveau le 5 juin 2014 à la société Chemtech Limited une convocation d'avoir à se présenter à l'audience du 8 décembre 2014, par lettre recommandée avec accusé de réception revenue non réclamée.
Au vu de ces éléments, il apparaît que :
- par son courrier du 20 septembre 2013, soit dans le délai de deux ans suivant la décision du 10 octobre 2011, Mme [M] a manifesté sa volonté de poursuivre l'instance ;
- le conseil de prud'hommes a accepté d'enrôler l'affaire et de convoquer les parties pour l'audience du 8 septembre 2014, ce qui démontre qu'il a vérifié que la diligence impartie à Mme [M] avait été effectuée.
dans ces conditions, la péremption d'instance n'est encourue à l'égard d'aucune des parties, ni sur le fondement de l'article 386 du code de procédure civile🏛, ni sur celui de l'article R. 1452-8 du code du travail🏛.
le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté la péremption d'instance à l'égard de la société Champion Photochemistry Limited »

1/ ALORS QUE l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile🏛, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; qu'en l'espèce, par décision du 10 octobre 2011, le conseil des prud'hommes de Macon avait ordonné la radiation de l'affaire après avoir jugé qu'il appartenait à la salariée de faire citer par huissier la société Champion Photochemistry au Canada et dit que l'affaire ne sera réenrôlée qu'avec la citation valablement délivrée au groupe Champion ; que la société Kodak faisait valoir que la salariée n'ayant pas fait citer par huissier la société Champion Photochemistry dans le délai de deux ans courant à compter de la notification de cette décision, l'instance était périmée ; qu'en jugeant que l'instance n'était pas périmée au motif inopérant que par son courrier du 20 septembre 2013, Mme [M] avait manifesté sa volonté de poursuivre l'instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1452-8 du Code du travail🏛 et l'article 386 du Code de procédure civile🏛 ;

2/ ALORS QUE l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile🏛, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; qu'il ne résulte pas du jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Macon du 8 décembre 2014 qui, s'étant déclaré territorialement incompétent, n'a pas examiné la fin de non-recevoir tirée de la péremption, que la salariée aurait fait citer par huissier la société Champion Chemistry Ltd dans le délai de deux ans courant à compter de la notification de sa décision de radiation du 10 octobre 2011 ; que dès lors, en déduisant du fait que le conseil de prud'hommes avait accepté d'enrôler l'affaire et de convoquer les parties pour l'audience du 8 septembre 2014, qu'il avait vérifié que la diligence impartie à Mme [M] avait été effectuée, sans le vérifier elle-même, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1452-8 du Code du travail🏛 et l'article 386 du Code de procédure civile🏛.

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