Le Quotidien du 26 août 2022

Le Quotidien

Responsabilité pénale

[Focus] La responsabilité pénale des personnes morales à la croisée des chemins

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par Jean-Yves Maréchal, Maître de conférences, HDR en droit privé et sciences criminelles, Codirecteur de l’institut de criminologie de Lille, Équipe de recherche appliquée au droit privé - CRDP

Le 25 Août 2022

Mots-clés : responsabilité pénale • personnes morales • convention judiciaire d’intérêt public • fusion-absorption • délégation de pouvoirs

Les difficultés d’application du mécanisme de la responsabilité pénale des personnes morales, qui se sont accumulées au fil du temps et ont été mises en lumière par la jurisprudence et la doctrine, sont l’occasion de s’interroger sur les perspectives d’une réforme de grande ampleur dont la nécessité n’est guère contestable.


 

Si l’instauration de la responsabilité pénale des personnes morales avait pu sembler une évidence lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle rédaction du Code pénal en 1994, l’appréciation qu’il est possible de porter sur cette innovation majeure, près de trente ans plus tard, est très mitigée. Cette forme de responsabilité est incontestablement devenue une réalité sur le plan judiciaire, mais demeurait limitée, en 2015, à moins de 5 % des poursuites pénales d’auteurs d’infractions, donnant lieu à environ cinq mille condamnations pour délits et contraventions [1], aucune personne morale n’ayant été, pour l’instant, poursuivie et jugée pour crime. En outre, la mise en cause des personnes morales, théoriquement possible pour n’importe quelle infraction, se cantonne, en pratique, à certaines catégories de délits tels que ceux prévus par le Code du travail ou les délits de nature financière ou économique [2]. Enfin, beaucoup d’affaires dans lesquelles des personnes morales sont mises en cause ne font l’objet d’aucune poursuite soit que celle-ci s’avère impossible, soit que l’affaire soit classée sans suite [3], étant précisé que le parquet joue un rôle essentiel puisque, même lorsque les faits peuvent être poursuivis, une mesure alternative à la poursuite est privilégiée dans plus de 70 % des cas [4]. Les personnes morales restent donc des délinquants occasionnels, ce qui peut s’expliquer par les difficultés juridiques à rendre responsable une entité abstraite.

En effet, le dispositif de l’article 121-2 du Code pénal N° Lexbase : L3167HPY, s’il n’a été modifié, essentiellement [5], qu’afin d’élargir son domaine à toute infraction par la suppression du principe dit de spécialité [6], a posé depuis l’origine de nombreuses questions auxquelles la jurisprudence a tenté de répondre, de manière plus ou moins convaincante et au prix d’hésitations parfois importantes, comme ce fut le cas au sujet du point de savoir si l’organe ou le représentant qui commet l’infraction doit être identifié ou non [7]. Le constat qui peut être fait aujourd’hui est celui d’un mécanisme qui, présentant initialement un caractère « expérimental », a montré ses faiblesses et révélé des lacunes qui conduisent à ne pas toujours l’appliquer tel qu’il est prévu, ce qui n’est guère satisfaisant dans une discipline dont la clé de voûte est ou devrait être le principe de la légalité. Il convient alors de s’interroger, après avoir montré l’existence d’un contournement du dispositif légal (I), sur les perspectives d’une réforme de ce dernier, nécessaire, selon nous, à sa pérennisation (II). 

I. Le contournement du dispositif légal

Face aux difficultés d’application de l’article 121-2 du Code pénal, la Cour de cassation en fait parfois une lecture très libre qui peut se comprendre, à défaut d’être toujours justifiée (A). Mais il est plus étonnant de constater que le législateur lui-même, plutôt que de résoudre lesdites difficultés, préfère créer des mécanismes qui permettent que le dispositif ne soit pas appliqué (B).    

A. Le contournement par la jurisprudence

Deux exemples peuvent être pris, le premier étant celui de l’interprétation de la notion de représentant susceptible d’engager la responsabilité pénale d’une personne morale, le second se révélant au travers du problème de la disparition de cette dernière en cours de procédure.

Pour être reprochée à une personne morale, une infraction doit avoir été commise, pour son compte, par un de ses organes ou représentants. Alors que la première condition ne pose pas de grande difficulté parce qu’elle semble ne jamais être contestée [8], la seconde est source d’incertitude depuis l’origine, les notions d’organe et surtout de représentant pouvant être interprétées de manière variée et plus ou moins stricte, ce qui influe nécessairement sur l’étendue de la responsabilité pénale des êtres moraux. Or, si la Cour de cassation a paru, un temps, vouloir limiter les contours de la notion de représentant, elle adopte aujourd’hui une conception de plus en plus large.

Dans un premier temps, la qualité de représentant a été attribuée au salarié investi d’une délégation de pouvoirs [9], ce qui paraissait logique parce que celle-ci emporte transfert de certains pouvoirs appartenant, en principe, au dirigeant de la personne morale. La Cour de cassation en est même venue à affirmer que seules ont la qualité de représentant les personnes pourvues de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires, ayant reçu une « délégation de pouvoirs, de droit ou de fait », de la part des organes de la personne morale [10]. Cette interprétation n’était restrictive qu’en apparence, car elle reposait sur l’admission que la délégation de pouvoirs puisse être « de fait », ce qui permettait, par exemple de juger que des salariés d’une discothèque exerçant la fonction de « videurs » soient considérés comme des représentants de la société gérant l’établissement, au motif qu’ils disposaient de la compétence et des moyens nécessaires pour sélectionner les clients [11]. Il est pourtant évident que ces salariés ne détenaient aucun pouvoir d’engager juridiquement la personne morale, autrement que sur le plan pénal. En d’autres termes, de tels salariés ne pourraient probablement pas se voir investis d’une délégation de pouvoir de droit, en raison de leur fonction de simples exécutants. 

Dans un second temps, cette limitation de la notion de représentant aux personnes investies d’une délégation de pouvoir a été abandonnée. Ainsi, dans une affaire de corruption d’agents publics étrangers commis dans le cadre d’un groupe de sociétés, la Chambre criminelle a admis que l’infraction était imputable à la société mère dès lors qu’elle était commise par des salariés de ses filiales, qualifiés de « représentants de fait » de cette dernière en raison de l’existence de l’organisation transversale propre au groupe et des missions qui leur étaient confiées, peu important l’absence de lien juridique et de délégation de pouvoirs à leur profit. Cependant, la responsabilité pénale de la société n’a été engagée qu’en raison de l’intervention complémentaire d’un organe collectif de la société mère, composé de dirigeants du groupe [12], les actes des salariés paraissant donc, isolément, insusceptibles d’engager ladite responsabilité. Il s’évince de cette jurisprudence, empreinte de réalisme et de pragmatisme, que la définition de la notion de représentant s’avère peu prévisible, son contenu pouvant changer au gré des espèces.

Le contournement des exigences légales de mise en jeu de la responsabilité pénale des personnes morales peut être illustré également par le revirement de jurisprudence relatif aux conséquences d’une fusion-absorption de sociétés anonymes. L’on sait que, par un arrêt très remarqué, la Chambre criminelle a considéré que l’article 121-1 du Code pénal N° Lexbase : L2225AMD, consacrant le principe de la responsabilité pénale du fait personnel, ne devait plus être appliqué dans un tel cas, au nom, ici encore, du réalisme [13], ce qui a pour conséquence que « la société absorbante peut être condamnée pénalement à une peine d'amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d'une infraction commise par la société absorbée avant l'opération » [14]. Sans revenir sur les critiques susceptibles d’être formulées à l’encontre de cette jurisprudence [15], on se bornera à relever, à la suite d’un éminent auteur [16], que la nouvelle solution pose une sérieuse difficulté au regard des conditions d’engagement de la responsabilité pénale de la société absorbante. En effet, en vertu de l’article 121-2 du Code pénal, les juges doivent établir que l’infraction a été commise, pour le compte de la société poursuivie, par son organe ou représentant. Or, dans le cas de la fusion-absorption, l’infraction a nécessairement été commise par un organe ou représentant de la société absorbée et pour le compte de celle-ci, ce qui signifie qu’en affirmant que la société absorbante peut être condamnée pour ladite infraction, la Cour de cassation paraît ignorer les conditions prévues par le Code pénal. En d’autres termes, la nouvelle solution de la Chambre criminelle conduit à retenir qu’une société peut être condamnée pour une infraction commise pour le compte d’une autre société et par un organe ou représentant de cette dernière [17]. Si la fusion-absorption a pour résultat que ne subsiste qu’une seule personne morale in fine, il n’en demeure pas moins qu’au moment des faits, les conditions de l’article 121-2 du Code pénal sont remplies à l’égard d’une société qui n’est pas celle qui sera condamnée. Une application rigoureuse du texte devrait alors conduire à ne retenir la responsabilité de la société absorbante que si l’organe ou représentant ayant commis les actes possède encore cette qualité au sein de ladite société, mais cette exigence ne figure pas dans la décision précitée, qui consacre, sous couvert de continuité économique, une responsabilité pénale du fait d’autrui.

La jurisprudence prend donc des libertés avec les conditions de mises en œuvre de la responsabilité pénale des personnes morales, mais le législateur contribue lui-même au contournement du dispositif légal.

B. Le contournement par le législateur

Alors que bien des défauts ou insuffisances du dispositif légal ont été mis en lumière par la doctrine [18], le législateur préfère, plutôt que l’amender, mettre en place des mécanismes procéduraux destinés à en éviter l’application. C’est dans le domaine des procédures alternatives aux poursuites que se manifeste ce phénomène, relativement récent.

Ainsi, la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019 [19] a étendu la composition pénale aux personnes morales [20] et il convient de remarquer que le texte impose comme condition de mise en œuvre de la procédure que la responsabilité pénale de l’être moral soit reconnue par une personne habilitée. S’il n’est pas fait de renvoi à l’article 121-2 du Code pénal, il semble logique d’admettre que cette responsabilité soit établie dans les termes de ce texte et que le magistrat chargé de valider la composition pourrait opérer une vérification sur ce point, qui est déterminant de la mise en œuvre de la procédure [21]. Ainsi, la composition pénale proposée à une personne morale repose sur sa responsabilité pénale, sans que celle-ci ait cependant à être dûment caractérisée.

Il en va autrement d’autres procédures applicables aux personnes morales, qui ne font aucune allusion à la responsabilité pénale de celles-ci tout en permettant de leur proposer d’exécuter certaines mesures présentant une certaine nature répressive.

C’est d’abord le cas des transactions pénales que certaines administrations peuvent conclure avec les auteurs, personnes physiques ou morales, de certaines infractions, par exemple les délits et contraventions du Code de l’environnement [22]. Les textes instaurant ces procédures ne prévoient pas que la personne concernée reconnaisse sa culpabilité ou sa responsabilité pénale pour l’infraction faisant l’objet de la transaction. Pourtant, l’exécution de celle-ci conduit, comme la composition pénale, à l’extinction de l’action publique [23].

C’est encore le cas de la procédure de convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), prévue initialement [24] pour des infractions « économiques » telles que la corruption ou la fraude fiscale [25], puis étendue, par la loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020 [26], à l’ensemble des délits du Code de l’environnement et aux infractions connexes [27], cette procédure présentant la particularité d’être exclusivement applicable aux personnes morales [28]. Cette procédure implique qu’une personne morale « mise en cause » pour une infraction se voie proposer par le procureur de la République la conclusion d’une convention pouvant comporter le versement d’une amende d'intérêt public, un programme de mise en conformité ainsi que, dans le cas des infractions au Code de l’environnement, la réparation du préjudice écologique résultant des infractions [29]. Au-delà des avantages que peut présenter le dispositif pour la personne morale concernée, le constat s’impose de nouveau qu’est absente toute référence à une quelconque responsabilité pénale de celle-ci, aucun renvoi n’étant fait à l’article 121-2 du Code pénal et aucune reconnaissance de culpabilité n’étant exigée par les textes. On notera d’ailleurs que la procédure peut être mise en œuvre alors qu’une instruction a d’abord été ouverte, sur transmission de la procédure par le juge d'instruction au procureur de la République [30]. Or, dans un premier temps, l’article 180-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L5534LZY énonçait que cette passerelle n’était possible que si la personne morale reconnaissait les faits et acceptait la qualification pénale retenue, ce qui impliquait donc un aveu de sa responsabilité pénale, comme dans le cadre d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Cette condition a été supprimée par la loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020, la transmission de la procédure au parquet ne reposant plus sur aucune condition légale de fond, seule étant nécessaire une demande ou un accord de la part de ce dernier, qui ne peut s’expliquer que par la perspective qu’une convention soit signée entre la personne morale et le parquet.

Ainsi, la CJIP semble totalement dissociée de l’établissement de la responsabilité pénale de la personne morale mise en cause, ce qui donne techniquement au mécanisme un avantage considérable sur une poursuite pénale, le ministère public étant déchargé du fardeau de la preuve de la commission d’une infraction pour le compte de l’être moral et par un de ses organes ou représentants. Le dispositif apparaît donc comme ayant pour effet, voire pour but, de contourner les exigences de l’article 121-2 du Code pénal. En effet, au-delà des apparences, il constitue bien une procédure répressive liée à la commission d’une infraction pénale et l’on saisit mal ce qui pourrait conduire une personne morale qui ne se reconnaîtrait pas responsable pénalement de celle-ci à accepter des mesures telles que des amendes d’un montant parfois extrêmement élevé [31]. En cela, la CJIP ne diffère pas des autres alternatives aux poursuites qui reposent logiquement sur la reconnaissance d’une responsabilité pénale, même si la caractérisation de celle-ci n’est pas toujours une condition de leur mise en œuvre.  

Si l’on peut comprendre et approuver la création de telles procédures, il reste que leur application et leur extension possible à de nouvelles infractions [32] peuvent conduire à marginaliser la mise en œuvre de l’article 121-2 du Code pénal et à instaurer un régime de répression des personnes morales qui ne repose plus sur l’établissement de leur responsabilité, dont on peut légitimement douter qu’il constitue un progrès du droit.

Plutôt que de contourner les difficultés posées, il serait alors souhaitable que le législateur se décide à les affronter en réformant le dispositif légal.

II. La nécessaire réforme du dispositif légal

Face aux défauts affectant le mécanisme de la responsabilité pénale des personnes morales, une proposition de réforme a été formulée récemment (A), qui, hélas, ne répond nullement aux difficultés dont la résolution implique des modifications beaucoup plus importantes (B).

A. L’insuffisance d’une réforme partielle

Faisant suite aux conclusions de la mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale portant sur l’évaluation de la loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016 [33], une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale le 19 octobre 2021 [34], visant à renforcer la lutte contre la corruption et reprenant quelques idées formulées dans le cadre de cette mission. Si l’objet principal de cette proposition n’est donc pas de réformer le dispositif de la responsabilité pénale des personnes morales, deux articles s’y rapportent néanmoins.

L’article 6 envisage ainsi une modification du Code de procédure pénale destinée, notamment, à étendre le domaine de la CJIP au délit de favoritisme. Il faut se reporter au rapport de la mission pour apprendre qu’une extension beaucoup plus importante a été évoquée, mais qu’elle est apparue comme prématurée, dans l’attente d’une évaluation du dispositif existant déjà [35]. On observera, à ce titre, que le délit de favoritisme constitue une infraction qui ne peut être commise que par certaines personnes telles qu’une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, notamment. Un tel délit est donc difficilement imputable à une personne morale [36], dans le cadre de l’application de l’article 121-2 du Code pénal, parce que la Cour de cassation impose de vérifier que la personne poursuivie possède bien la qualité prévue par le texte pour en être l’auteur [37]. Par conséquent, permettre que le favoritisme donne lieu à la conclusion d’une CJIP signifierait, semble-t-il, que ce sont des personnes morales de droit public, comme des communes, qui pourraient être mises en cause au sens de l’article 41-1-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L5527LZQ, alors qu’elles ne peuvent être poursuivies pénalement sur le fondement de l’article 121-2 du Code pénal que dans des cas exceptionnels [38]. En d’autres termes, une telle extension conduirait à ce qu’une personne morale puisse être amenée, dans le cadre de la convention, à accepter des mesures présentant un caractère répressif en raison d’une infraction dont elle ne pourrait probablement pas être rendue responsable. Les chances que la personne accepte pareille proposition semblent alors bien minces.

L’article 8 de la proposition de loi va cependant plus loin en envisageant que soit ajoutée, après l’alinéa 1er de l’article 121-2 du Code pénal, une nouvelle disposition selon laquelle « les personnes morales sont également responsables pénalement lorsque le défaut de surveillance de leur part a conduit à la commission d’une ou plusieurs infractions par l’un de leurs salariés ». Il s’agirait ainsi d’assouplir les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des personnes morales parce que ces conditions entravent les poursuites « contre les entreprises, dans la mesure où leurs organes ou représentants sont rarement en situation de commettre eux-mêmes les infractions, les décisions étant la plupart du temps, prises par des personnes non titulaires de délégations de pouvoir » [39].  L’objectif serait donc de permettre l’engagement de ladite responsabilité sans avoir à démontrer les conditions de l’alinéa 1er, à savoir la commission de l’infraction par un organe ou représentant et pour le compte de la personne morale.

On soulignera la proximité entre la règle envisagée et le mécanisme prétorien de la responsabilité pénale du chef d’entreprise puisque l’infraction d’un salarié rendrait responsable son employeur en raison d’un contrôle insuffisant de ce dernier sur l’activité du préposé. Cependant, alors que la jurisprudence n’admet cette responsabilité du chef d’entreprise que pour certaines infractions en rapport avec l’activité de celle-ci et sa réglementation, la personne morale serait ici responsable de toute infraction commise par le salarié, quelle que soit sa nature et sa gravité, sans même que soit exigé que l’infraction soit commise pour le compte de la personne morale. Ainsi, par exemple, la société dont le salarié travaillant chez un client commettrait un vol au domicile de ce dernier, pourrait être rendue responsable pénalement de l’infraction. Il s’agirait donc d’établir une responsabilité pénale du fait d’autrui à l’image de celle prévue, en droit de la responsabilité civile, par l’article 1242, alinéa 5, du Code civil N° Lexbase : L0948KZ7. Mieux encore, une société dont le salarié commettrait des détournements des fonds ou biens de la personne morale serait également potentiellement responsable pénalement de l’abus de confiance, dont elle serait en même temps la victime, solution évidemment absurde, mais pourtant permise par la rédaction du texte.

En réalité, une telle modification conduirait à créer une nouvelle forme de responsabilité pénale des personnes morales qui reposerait, dans tous les cas, sur une simple négligence, imputable directement à la personne morale et non à un organe ou un représentant, la personne morale devenant responsable, en raison de cette faute, d’une infraction quelconque du salarié. En définitive, il s’agirait d’un mécanisme de participation de la personne morale à l’infraction d’un tiers, qui ne serait pas la participation comme auteur ou complice, mais par « défaut de surveillance ». Une telle extension de la responsabilité pénale des personnes morales apparaît évidemment déraisonnable faute de délimitation des infractions dont la personne morale serait responsable et de précision du fondement juridique de l’imputation de l’infraction à celle-ci.

La proposition s’avère donc critiquable en raison de ses conséquences possibles et, rendant encore plus complexe le dispositif existant, elle ne résout aucunement les difficultés précédemment évoquées. Si l’objectif d’assouplir les conditions prévues par l’article 121-2 du Code pénal semble légitime, il ne peut être atteint que par une réflexion beaucoup plus générale sur le dispositif existant. 

B. La nécessité d’une réforme en profondeur

Le dispositif de la responsabilité pénale des personnes morales pourrait faire l’objet de plusieurs améliorations dont certaines sont devenues indispensables si l’on veut assurer la pérennité de son application. Ce sont naturellement les difficultés auxquelles la jurisprudence a été confrontée qui appellent en priorité une solution législative.

En premier lieu, la question de la disparition de la personne morale faisant l’objet d’une procédure pénale, qui dépasse le seul cas de la fusion-absorption, pourrait être réglée par le législateur assez facilement, sans toucher à l’article 121-2 du Code pénal, par la mise en place de règles procédurales qui, tout en affirmant que la dissolution de la personne morale est une cause d’extinction de l’action publique la concernant, donneraient à l’autorité judiciaire le pouvoir d’empêcher une personne morale poursuivie de débuter ou de poursuivre une opération de restructuration susceptible d’aboutir à sa dissolution et à sa liquidation [40]. Un tel mécanisme permettrait de restaurer le principe de la responsabilité pénale du fait personnel, malmené par la Cour de cassation [41], la jurisprudence précitée relative à la fusion-absorption n’ayant plus de raison d’être. 

En deuxième lieu, la difficulté à déterminer si l’infraction a été commise par un organe ou un représentant de la personne morale ne devrait pas continuer d’être traitée en la contournant par des dispositions telles que la CJIP. Plusieurs pistes de réforme de l’article 121-2 du Code pénal sont alors envisageables. A minima, il serait possible d’inscrire au sein de ce texte que le représentant peut être de droit ou de fait, en consacrant ainsi la jurisprudence qui considère que la responsabilité de l’être moral est susceptible d’être mise en œuvre par une personne physique qui se comporte comme si elle disposait du pouvoir d’engager juridiquement le groupement. Dans le même ordre d’idées, le texte pourrait être complété par l’affirmation que la personne morale est responsable de l’infraction commise par son organe, son représentant « ou toute autre personne disposant du pouvoir de l’engager juridiquement ». Enfin, de manière plus radicale, la condition de l’intervention humaine pourrait être atténuée voire supprimée, comme c’est le cas dans les procédures de transaction ou de CJIP, sous réserve que la commission de l’infraction pour le compte de la personne morale prenne une importance primordiale, qu’elle ne possède nullement pour l’instant [42].

Cependant, la réflexion devrait être étendue à la question de la responsabilité pénale des personnes publiques, l’irresponsabilité totale de l’État et celle, partielle, des collectivités territoriales, n’étant pas toujours justifiée [43]. Plus encore, le dispositif des peines applicables aux personnes morales déclarées coupables souffre de graves défauts, impliquant qu’il soit intégralement repensé [44].

En définitive, il est singulier de constater que le législateur, qui n’ignore pourtant pas les obstacles qui nuisent à l’efficacité de la mise en jeu de la responsabilité pénale des personnes morales, et qui s’accumulent au fil du temps, se contente de solutions de facilité conduisant, peu à peu, à permettre d’éviter l’application de l’article 121-2 du Code pénal, ce qui pourrait conduire, tôt ou tard, à se demander si ce texte présente encore une utilité.

 

[1] Le traitement judiciaire des infractions commises par les personnes morales, Infostat Justice, août 2017, n° 154, p. 1 [en ligne].

[2] Fraude, tromperie, pratiques commerciales trompeuses notamment (v. Infostat Justice, op. cit., p. 2).

[3] En 2015, 7 400 personnes morales ont été poursuivies sur 80 600 visées dans des affaires traitées par les parquets (v. Infostat Justice, op. cit., p. 3).

[4] V. Infostat Justice, op. cit., p. 4.

[5] V. également la modification du dernier alinéa par l’article 8 de la loi n° 2000-647, du 10 juillet 2000, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels N° Lexbase : L0901AI9.

[6] V. l’article 54 de la loi n° 2004-204, du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité N° Lexbase : L1768DP8.

[7] V. sur ce point, J.-Y. Maréchal, JCl. Pénal Code, Art. 121-2, Fasc. 20, n° 97 à 104.

[8] La Cour de cassation a seulement eu l’occasion d’affirmer que le fait que l’organe ou le représentant ait agi dans son propre intérêt n’est pas de nature à exclure qu’il l’ait fait également pour le compte de la personne morale (Cass. crim., 29 janvier 2020, n° 17-83.577, F-P+B+I N° Lexbase : A83173CZ : J.-Y. Maréchal, Condamnation de sociétés pour complicité d’une fraude fiscale commise par leur organe ou représentant en qualité d’auteur, Lexbase pénal, mars 2020 N° Lexbase : N2516BYT), ce qui ne renseigne guère sur la signification positive de la condition.  

[9] Cass. crim., 1er décembre 1998, n° 97-80.560 N° Lexbase : A4794AGN.

[10] Cass. crim., 17 octobre 2017, n° 16-80.821, F-D N° Lexbase : A4589WWU.

[11] Cass. crim., 28 février 2017, n° 15-87.378, F-D N° Lexbase : A9982TR7.

[12] Cass. crim., 16 juin 2021, n° 20-83.098, F-P N° Lexbase : A14224WL.

[13] Économique en l’occurrence : « l'activité économique exercée dans le cadre de la société absorbée, qui constitue la réalisation de son objet social, se poursuit dans le cadre de la société qui a bénéficié de cette opération » (Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955, FP-P+B+I, § 23 N° Lexbase : A551437D).

[14] Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955, op. cit. : M. Segonds, Fusion-absorption : frauder l’article 121-2 du Code pénal (suite… sans fin ?), Lexbase pénal, janvier 2021 N° Lexbase : N6117BY9.

[15] V. J.-Y. Maréchal, JCl. Pénal Code, Art. 121-2, fasc. 20, n° 46 à 48.

[16] J.-C. Saint-Pau, La responsabilité pénale d’une société absorbante pour une infraction commise par la société absorbée : revirement de jurisprudence !, JCP G, 2021, doctr. 27.

[17] Il en va de même dans le cas, traité par le même arrêt, où la fusion-absorption serait frauduleuse, ce recours à la notion de fraude ne reposant sur aucun fondement légal.

[18] V. M. Segonds, Frauder l’article 121-2 du Code pénal, Dr. pén., 2009, étude 18 ; E. Dreyer, Irresponsabilité ou responsabilité pénale des personnes morales de droit public ?, JCP G, 2016, 1256 ; J.-C. Planque, Comment limiter le recours aux techniques d'évitement de la responsabilité pénale des personnes morales ?, Dr. pén., 2018, Étude 25.

[19] Loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC.

[20] C. proc. pén., art. 41-3-1 A N° Lexbase : L9979LSE.

[21] Même si le texte ne prévoit pas expressément qu’il vérifie que l’auteur de l’infraction est bien responsable pénalement de celle-ci (v. C. proc. pén., art. 41-2, al. 28 N° Lexbase : L1312MAT).

[22] C. env., art. L. 173-12 N° Lexbase : L7905K9N. V. également, C. trav., art. L. 8114-4 N° Lexbase : L5686K7Q à L. 8114-8 N° Lexbase : L5690K7U ; C. consom., art. L. 523-1 N° Lexbase : L4505LX7 à L. 523-4 N° Lexbase : L0867K7A ; C. for., art. L. 161-25 N° Lexbase : Z46270LL ; C. transp., art. L. 6142-3 N° Lexbase : L6329INQ, L. 1721-3 N° Lexbase : L7981INW à L. 1721-6 N° Lexbase : L7978INS.

[23] V. par exemple, C. env., art. L. 173-12, IV N° Lexbase : L7905K9N.

[24] Par la loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique N° Lexbase : L6482LBP.

[25] C. proc. pén., art. 41-1-2 N° Lexbase : L5527LZQ.

[26] Loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020, du 24 décembre 2020 relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée N° Lexbase : L2698LZX.

[27] C. proc. pén., art. 41-1-3 N° Lexbase : L6721L73. V. P. Billet, La convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale, Revue internationale de la compliance et de l’éthique des affaires 2021, comm. 85.

[28] Ce qui peut d’ailleurs poser des difficultés lorsque des personnes physiques auteurs des mêmes infractions sont également mises en cause, V. A. Mignon Colombet, Quel avenir pour la convention judiciaire d'intérêt public, Revue Internationale de la compliance et de l’éthique des affaires 2021, comm. 84.

[29] C. proc. pén., art. 41-1-3, al. 4.

[30] C. proc. pén., art. 180-2 N° Lexbase : L5534LZY et 180-3 N° Lexbase : L5535LZZ, ce qui aboutit, de manière pour le moins étonnante, à un retour au stade de l’opportunité des poursuites alors que l’action publique a déjà été mise en mouvement, v. J.-Y. Maréchal, art. op. cit., n° 12.

[31] V. J.-Y. Maréchal, art. op. cit., n° 14 à 23. La société Airbus SE a ainsi accepté de régler une amende d’intérêt public d’un montant supérieur à deux milliards d’euros. V. Convention judiciaire d'intérêt public entre le procureur de la République financier près le tribunal judiciaire de Paris et AIRBUS SE, Paris 29 janvier 2020 N° Lexbase : N2607BY9 ; Ordonnance de validation d’une convention judiciaire d’intérêt public, Paris, 31 janvier 2020 [en ligne].

[32] V. infra II, A.

[33] Les conclusions de cette mission ont été rendues le 7 juillet 2021 : Rapport d’information sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 », Assemblée nationale, n° 4325 [en ligne].

[34] Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la corruption, présentée par R. Gauvain, Assemblée nationale, n° 4586, 19 octobre 2021 [en ligne].

[35] Rapport op. cit, p. 103 et 104.

[36] V. JCl. Pénal Code, Art. 432-14, Fasc. 20, n° 57.

[37] Cass. crim., 19 décembre 2018, n° 18-81.328, F-P+B N° Lexbase : A6664YRA : J.-Y. Maréchal, note, Gaz. Pal. 5 févr. 2019, n° 5, p. 19.

[38] Ce d’autant plus s’il s’agit de collectivités territoriales, l’article 121-2, alinéa 2, du Code pénal exigeant que l’infraction soit alors commise dans le cadre d’une activité susceptible de faire l’objet d’une convention de délégation de service public. 

[39] Rapport op. cit., p. 119.

[40] V. J.-C. Planque, op. cit., n° 22.

[41] V. supra, I. A.

[42] V. J.-Y. Maréchal, Plaidoyer pour une responsabilité pénale directe des personnes morales, JCP G, 2009, 249.

[43] V. E. Dreyer, op. cit.

[44] V. J.-Y. Maréchal, JCl. Pénal Code, Art. 131-37 à 131-49, Fasc. 10, n° 5, 20 à 24, 110.

newsid:481360

Baux d'habitation

[Brèves] Encadrement des loyers : reconduction du dispositif !

Réf. : Décret n° 2022-1079, du 29 juillet 2022, relatif à l'évolution de certains loyers dans le cadre d'une nouvelle location ou d'un renouvellement de bail, pris en application de l'article 18 de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989 N° Lexbase : L7862MDK

Lecture: 3 min

N2469BZH

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 25 Août 2022

► Publié au Journal officiel du 30 juillet 2022, le décret n° 2022-1079, du 29 juillet 2022, est venu reconduire le dispositif d'encadrement de l'évolution de certains loyers dans le cadre d'une nouvelle location ou d'un renouvellement de bail, tout en prenant en compte l'interdiction de la hausse du loyer pour les logements de la classe F ou G, posée par la loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, dite « Climat et résilience ».

Pour rappel, la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs N° Lexbase : L8461AGH prévoit, pour chacune des zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel, la fixation par décret d'un montant maximum d'évolution des loyers d'un logement nu ou meublé en cas de relocation ou de renouvellement du bail (sont ainsi concernées les agglomérations suivantes : Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch-Arcachon, Lille, Lyon, Marseille-Aix-en-Provence, Meaux, Menton-Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse). En cas de litige entre les parties, la loi prévoit la saisine de la commission départementale de conciliation préalablement à la saisine du juge.

Le décret reconduit pour une période d'un an (soit jusqu'au 31 juillet 2023) les dispositions du décret n° 2017-1198, du 27 juillet 2017 N° Lexbase : L3273LGC, relatif à l'évolution de certains loyers dans le cadre d'une nouvelle location ou d'un renouvellement de bail applicable du 1er août 2021 au 31 juillet 2022, pris en application de l'article 18 de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989.

Le décret du 27 juillet 2017 fixe un montant maximum d'évolution des loyers des baux des logements situés dans les communes où s'applique la taxe sur les logements vacants. Il prévoit des modalités de cet encadrement de l'évolution des loyers adaptées aux cas dans lesquels le préfet arrête un loyer de référence en application du I de l'article 140 de la loi n° 2018-1021, du 23 novembre 2018, dite « Elan » N° Lexbase : L8700LM8. Il permet, par ailleurs, des adaptations en cas de travaux ou de loyer manifestement sous-évalué.

Par ailleurs, l'article 159 de la loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, dite « Climat et résilience » N° Lexbase : L6065L7R, interdit toute hausse de loyer pour les logements de classe F ou G, pour les baux conclus, renouvelés ou tacitement reconduits un an après sa publication. En conséquence, le décret supprime les critères de performance énergétique qui conditionnent la mise en œuvre des adaptations, en cas de travaux ou de loyer manifestement sous-évalué, prévues par le décret du 27 juillet 2017 précité. Il précise que sont exclus du champ d'application du décret du 27 juillet 2017 les logements de la classe F ou G pour lesquels sera interdite tout hausse de loyer.

Entrée en vigueur. Les dispositions du décret sont entrées en vigueur le 1er août 2022, à l'exception des dispositions relatives à l'interdiction de la hausse du loyer pour les logements de la classe F ou G, qui entrent en vigueur le 24 août 2022 sauf en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.

 

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Consommation

[Brèves] Application des dispositions du Code de la consommation réprimant les pratiques commerciales déloyales aux transactions entre professionnels (rappel)

Réf. : Cass. crim., 22 juin 2022, n° 21-84.020, F-D N° Lexbase : A370278M

Lecture: 3 min

N2292BZW

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par Vincent Téchené

Le 25 Août 2022

► Les dispositions du Code de la consommation réprimant les pratiques commerciales déloyales s'appliquent aux transactions entre professionnels.

Faits et procédure. Saisie de plusieurs plaintes, une DIRRECTE (DREETS, depuis le 1er avril 2021) a adressé, le 7 juin 2013, au Procureur de la République un signalement portant à sa connaissance des faits susceptibles d'être qualifiés d'escroqueries, de faux et usage de faux, commis par une société dans le cadre de son activité de location de photocopieurs.

Il ressort des investigations que la société proposait des photocopieurs en location en s'engageant à verser, contre l'émission d'une facture, une « participation commerciale » ayant pour effet de faire baisser très fortement le montant du loyer. Plusieurs sociétés clientes se sont plaintes de n'avoir pas perçu le nouveau versement qui leur avait été promis au bout d'une durée de vingt mois. Les contrats étaient rédigés de façon ambiguë, la mention relative au renouvellement de la « participation commerciale » aux conditions équivalentes étant interprétée par la prévenue comme un versement en cas de signature d'un nouveau contrat de location, correspondant à une montée en gamme.

Le juge d'instruction et à sa suite la chambre d’instruction ont ordonné un non-lieu.

Les sociétés clientes ont donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l'article L. 121-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L2508IBI, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301, du 14 mars 2016 N° Lexbase : L0300K7A. La Chambre criminelle rappelle qu’aux termes du paragraphe 3 de ce texte, les pratiques commerciales trompeuses définies par le paragraphe 1 de ce même texte sont applicables aux transactions entre professionnels.

Or, elle relève que pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction du chef de pratiques commerciales trompeuses, l'arrêt d’appel énonce que les dispositions du Code de la consommation réprimant les pratiques commerciales déloyales sont relatives aux pratiques des entreprises qui portent directement atteinte aux intérêts économiques des consommateurs et ne s'appliquent pas aux transactions entre professionnels.

Par ailleurs, les juges ajoutent que les contrats litigieux sont des contrats conclus entre professionnels qui n'entrent pas dans le champ d'application du Code de la consommation. Ils en ont alors conclu qu'il ne peut être fait application des dispositions protectrices relatives aux pratiques commerciales trompeuses.

La cassation était ici inévitable, la Cour de cassation concluant qu’en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

Observations. Les règles relatives aux pratiques commerciales trompeuses sont désormais contenues aux articles L. 121-2 à L. 121-5 N° Lexbase : L1242MAA. Depuis l’ordonnance de 2016, le droit des pratiques commerciales déloyales s’est considérablement enrichi. On relèvera que la solution retenue par l’arrêt rapporté est pleinement applicable. En effet, c’est désormais l’article L. 121-5 du Code N° Lexbase : L9808LCA qui prévoit expressément que « Les dispositions des articles L. 121-2 à L. 121-4 sont également applicables aux pratiques qui visent les professionnels et les non-professionnels ».

Ces notions sont définies, depuis l’ordonnance du 14 mars 2016 à l’article liminaire du Code de la consommation N° Lexbase : Z63103TQ. Le non-professionnel est « toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ». Le professionnel est « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ».

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] Action récursoire en garantie des vices cachés et encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil : la troisième chambre civile à contre-courant

Réf. : Cass. civ. 3, 25 mai 2022, n° 21-18.218, FS-B N° Lexbase : A25537Y9

Lecture: 22 min

N1940BZU

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par Clint Bouland, Docteur en droit privé et sciences criminelles, Juriste assistant du magistrat au tribunal judiciaire de Melun

Le 25 Août 2022

Mots-clés : vices cachés • action récursoire • chaînes de contrats • prescription • forclusion • constructeur • maître d’ouvrage • fournisseur • fabricant • réforme • délai biennal • délai quinquennal • délai décennal • délai vingtennal

Par un arrêt rendu le 25 mai 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation revient sur la question de l’encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil, dans l’hypothèse d’une action récursoire en garantie des vices cachés engagée par un constructeur à l’encontre du fournisseur et du fabricant des matériaux défectueux. Elle expose, s’agissant des contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la réforme de la prescription du 17 juin 2008, que le constructeur ne pouvait pas agir contre le fournisseur et le fabricant avant d’avoir été lui-même assigné par le maître d’ouvrage, et suspend le délai décennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce. Elle ajoute, s’agissant des contrats conclus après l’entrée en vigueur de cette réforme, que seul le délai vingtennal de l’article 2232 du Code civil est de nature à permettre l’encadrement du délai biennal prévu par l’article 1648 du même Code, et rejette l’application de l’article L. 110-4 du Code de commerce. Dans les deux cas, elle s’oppose aux jurisprudences établies par la première chambre civile et par la Chambre commerciale.


 

L’actualité juridique, depuis quelques années, est particulièrement marquée par la thématique du point de départ du délai de la prescription extinctive. Si la première chambre civile et la Chambre commerciale de la Cour de cassation ont pu se prononcer sur cette question en matière de garantie des vices cachés et de chaînes de contrats [1], c’est désormais au tour de la troisième chambre civile de soutenir son analyse, dissidente.

En l’espèce, un maître d’ouvrage a, au cours de l’année 2008, confié la construction d’un bâtiment agricole à un constructeur, qui avait au préalable acheté ses matériaux à un fournisseur selon factures des 31 mai, 30 octobre et 30 novembre 2008, ce dernier les ayant lui-même acquis du fabricant. Se plaignant d’infiltrations, le maître de l’ouvrage assignait le constructeur et son assureur par acte du 31 octobre 2018, et obtenait la désignation d'un expert. Par acte du 4 février 2020, l’assureur du constructeur assignait en ordonnance commune le fournisseur ainsi que le fabricant. Le juge des référés faisait droit à cette demande.

Sur appel du fournisseur, la cour d’appel de Caen a, par un arrêt du 16 février 2021 [2], confirmé l’ordonnance, précisant que l'action en garantie des vices cachés qu'entendait introduire lassureur du constructeur à l'encontre du fournisseur et du fabricant n'était pas manifestement prescrite.

Ceux-ci se sont alors pourvus en cassation, arguant du fait que l’action en garantie des vices cachés, qui doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription de cinq années prévu par l'article L. 110-4 du Code de commerce, lequel commence à courir à compter de la vente initiale. Ils en concluent que l’action en garantie des vices cachés du constructeur et de son assureur à leur encontre est nécessairement prescrite, l’assignation en ordonnance commune étant intervenue plus de douze années après la date de la vente initiale.

Se posait alors, une nouvelle fois, la question de l’encadrement du délai biennal prévu par l’article 1648 du Code civil N° Lexbase : L9212IDK et de son articulation avec les délais de prescription de droit commun, dans l’hypothèse d’une action récursoire en garantie des vices cachés engagée par un intermédiaire à l’encontre d’un vendeur initial.

La troisième chambre répond en deux temps, distinguant la vente conclue antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la réforme de la prescription, à savoir le 19 juin 2008, et celles conclues postérieurement à cette date, ce que s’abstenaient de faire les demandeurs au pourvoi.

Pour la première, elle rappelle que le constructeur, intermédiaire, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés, sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale. Elle ajoute que le constructeur ne pouvait pas agir contre le fournisseur et le fabricant avant d’avoir été lui-même assigné par le maître de l’ouvrage, cette assignation constituant le point de départ du délai biennal prévu par l’article 1648, alinéa 1er, du Code civil. Elle en conclut que le délai décennal de l'article L. 110-4 du Code de commerce, dans sa version applicable au litige et courant à compter de la vente, est suspendu jusqu'à ce que la responsabilité du constructeur ait été recherchée par le maître de l’ouvrage.

Pour les secondes, elle expose que l'encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil, applicable en matière de vices cachés, ne peut être assuré que par l'article 2232 du même Code N° Lexbase : L7744K9P, qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit. Elle exclut ainsi l’application des articles 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC et L. 110-4 du Code de commerce N° Lexbase : L4314IX3, les délais quinquennaux prévus par ces deux derniers textes trouvant leur point de départ non à compter de la vente, mais à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, ce point de départ se confondant dès lors avec celui du délai biennal de l’article 1648 du Code civil. Elle en conclut que l'action en garantie des vices cachés doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l’assignation de l'intermédiaire, sans que ne puisse être dépassé le délai butoir de vingt ans prévu par l’article 2232 du Code civil à compter de la vente initiale.

Elle rejette par conséquent les pourvois, l’action du constructeur n’étant pas prescrite.

La troisième chambre civile expose ainsi son analyse de l’articulation entre le délai biennal de l’article 1648 du Code civil N° Lexbase : L9212IDK en matière de garantie des vices cachés, les délais décennaux et quinquennaux de droit commun, et le nouveau délai butoir vingtennal de larticle 2232 du Code civil, dans l’hypothèse d’une action récursoire d’un constructeur à l’encontre du vendeur initial. Que l’on considère les ventes conclues antérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme de la prescription (I) ou celles conclues postérieurement (II), elle se montre particulièrement bienveillante à l’égard de l'intermédiaire, à juste titre selon nous, et s’oppose ainsi aux jurisprudences constantes et récemment réaffirmées de la première chambre civile et de la Chambre commerciale, par ailleurs largement critiquées par la doctrine.

I. Encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil et ventes conclues antérieurement au 19 juin 2008

La troisième chambre civile de la Cour de cassation consacre d’abord la possibilité, pour le constructeur intermédiaire, d’exercer une action récursoire contre son vendeur (A). Elle constate ensuite la suspension du délai décennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce, dans sa version applicable à l’espèce, jusqu’à la mise en cause du constructeur (B).

A. La possibilité, pour le constructeur, d’exercer une action récursoire contre son vendeur

La troisième chambre civile commence par rappeler que les vices affectant les matériaux ou les éléments d'équipement mis en oeuvre par un constructeur ne constituent pas une cause susceptible de l'exonérer de la responsabilité qu'il encourt à l'égard du maître de l'ouvrage, quel que soit le fondement de cette responsabilité. Elle poursuit en précisant que le constructeur, dont la responsabilité est retenue, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés, sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge. Elle en conclut que ce constructeur ne peut voir son action enfermée dans un quelconque délai de prescription qui courrait à compter de la vente initiale.

Ce faisant, la troisième chambre civile adopte une position contraire à celle retenue par la première chambre civile et par la Chambre commerciale. Ces dernières considèrent en effet de façon constante [3] que le délai biennal prévu par l’article 1648 du Code civil, courant « à compter de la découverte du vice », est lui-même encadré par le délai décennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce [4], dans sa rédaction antérieure à la réforme du 17 juin 2008 et dès lors quun commerçant est concerné, et qui commence à courir à compter de la vente initiale. Ce double délai n’est pas dénué d’intérêt : il permet d’écarter l’insécurité temporelle résultant du point de départ « glissant » du délai biennal prévu par l’article 1648 du Code civil, préjudiciable au primo-vendeur, sur lequel pèse le risque de voir sa responsabilité engagée de nombreuses années après la conclusion du contrat de vente initial.

Cependant, si le respect de ce double délai semble particulièrement adapté dans lhypothèse dune vente simple, il montre ses limites dans le cadre dune chaîne de contrats, comme en l’espèce, où l’intermédiaire, qu’il soit constructeur ou vendeur, devrait par principe disposer d'une action récursoire à lencontre du vendeur initial, pour le cas où sa responsabilité serait recherchée. Or, en ce que chaque transaction génère sa propre prescription, celle de l’action de l’intermédiaire à l’encontre du primo-vendeur, prévue par l’article L. 110-4 du Code de commerce, commence à courir dès la vente initiale, la première chambre civile et la Chambre commerciale refusant en outre à l’intermédiaire toute suspension ou tout report de ce délai de prescription [5].

L’on comprend vite les effets pervers du double délai en cette hypothèse, souvent dénoncés par la doctrine [6] : la prescription décennale prévue par l’article L. 110-4 du Code de commerce peut être acquise avant même que le constructeur n’ait été mis en cause sur le fondement de la garantie des vices cachés par le maître douvrage, bloquant de facto l’exercice, par ce constructeur, de son action récursoire. Si la première chambre civile et la Chambre commerciale justifient cette position par l’idée que l'action du sous-acquéreur (ou du maître d’ouvrage en l’espèce) en garantie des vices cachés ne peut valablement faire revivre le droit du vendeur intermédiaire (ou du constructeur en l’espèce) qui était déjà éteint, une telle solution contrevient toutefois au principe actioni non natae non praescribitur, selon lequel laction qui nest pas née ne se prescrit pas, et, comme le rappelle ici la troisième chambre, au droit d’accès à un tribunal consacré par l’article 6 § 1 de la CEDH.

B. La suspension du délai décennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce

Forte de ce constat, la troisième chambre civile opte alors expressément, et à juste titre selon nous, pour la suspension du délai décennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce jusqu’à la mise en cause du constructeur par le maître d’ouvrage, et fait ainsi perdre à ce texte toute fonction d’encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil, afin d’assurer l’effectivité de son action récursoire par l’intermédiaire. La solution n’est pas nouvelle pour cette chambre [7].

Elle expose ainsi que le constructeur ne peut pas agir contre le vendeur et le fabricant avant d'avoir été lui-même assigné par le maître douvrage, étant jusqu’à cette date dans l’ignorance de l’existence des vices des matériaux acquis puis installés. Elle en conclut que le point de départ du délai qui lui est imparti par l'article 1648, alinéa 1er du Code civil est constitué par la date de sa propre assignation.

Une telle solution répond parfaitement à l’esprit de l’article 1648 du Code civil, précisant expressément que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Cette connaissance ne peut avoir lieu pour le constructeur qu’au moment de son assignation par le maître d’ouvrage, les vices étant par définition cachés auparavant, le constructeur n’ayant alors aucun intérêt à agir contre le vendeur initial avant cette date.

Cette solution, qui a le mérite d’assurer la protection de l’intermédiaire, n’est cependant pas à l’abri de toute critique. En se prononçant pour la suspension du délai décennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce, la troisième chambre civile supprime de facto tout encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil, en ce que le premier, comme le second, présentent désormais tous deux le même point de départ, à savoir l’assignation du constructeur intermédiaire par le maître d’ouvrage. Le délai biennal de l’article 1648 du Code civil n’étant plus encadré temporellement, il peut alors commencer à courir plusieurs dizaines d’années après la vente initiale, en raison de son point de départ « glissant », rendant ainsi la situation du vendeur initial particulièrement incertaine. Nous sommes alors en présence d’une opposition entre plusieurs intérêts distincts : celui du constructeur intermédiaire d’une part, et celui du vendeur initial, d’autre part. Contrairement à la première chambre civile et à la Chambre commerciale, la troisième chambre civile a tranché en faveur des intérêts du constructeur, et considère que la sécurité juridique, expliquant l’application d’un double délai, ne justifie toutefois pas que soient sacrifiés les intérêts des autres membres de la chaîne de contrats.

Une solution envisageable eût été d’appliquer le nouveau délai butoir vingtennal, prévu par l’article 2232 du Code civil issu de la réforme de la prescription du 17 juin 2008, afin d’assurer de nouveau l’encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil, et éviter une garantie du vendeur initial quasi imprescriptible. Une telle proposition se heurte toutefois à une jurisprudence du 1er octobre 2020 de cette même troisième chambre civile. Celle-ci a en effet précisé qu’en l’absence de dispositions transitoires qui lui soient applicables, le nouveau délai butoir vingtennal de l’article 2232 du Code civil relève, pour son application dans le temps, du principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle et ne peut, par conséquent, s’appliquer aux contrats conclus avant son entrée en vigueur [8]. Cet article 2232 du Code civil retrouve toutefois tout son intérêt pour les ventes conclues postérieurement à la réforme.

II. Encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil et ventes conclues postérieurement au 19 juin 2008

S’agissant des contrats conclus postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme de la prescription, la troisième chambre civile admet, de façon générale, l’application du délai vingtennal de l’article 2232 du Code civil comme délai butoir, et ce afin d’encadrer le délai biennal de l’article 1648 du même Code, au point de départ « glissant » (A). Elle rejette ensuite le délai quinquennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce pour remplir un tel rôle, alors pourtant que l’un des vendeurs serait commerçant (B). Ce faisant, elle s’oppose à nouveau aux solutions consacrées par la première chambre civile et par la Chambre commerciale.

A. L’application du délai vingtennal de l’article 2232 du Code civil comme délai butoir

L’entrée en vigueur de la réforme de la prescription semblait, de prime abord, condamner l’encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil par le délai de prescription de droit commun, à tout le moins s’agissant des contrats civils. En effet, l'article 2224 du Code civil dispose désormais que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Comme le rappelle la troisième chambre civile en l’espèce, en instaurant un point de départ « glissant », à l’instar de celui du délai biennal de l’article 1648 du Code civil, le législateur annihilait de facto toute possibilité dencadrement de l’action en garantie des vices cachés par l’article 2224 du Code civil, les points de départ de ces deux délais étant identiques, à savoir la découverte du vice. Confirmant une jurisprudence antérieure [9], la troisième chambre trouve dans l’article 2232 du Code civil un palliatif, celui-ci prévoyant que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. Dès lors, si le délai biennal de l’article 1648 du Code civil commence à courir à compter de la découverte du vice, l’action en garantie des vices cachés ne peut pas, en tout état de cause, être intentée plus de vingt ans après la conclusion du contrat de vente, en l’occurrence du contrat de vente initial s’agissant de l’action récursoire du constructeur.

La solution n’était pourtant pas évidente, et ce pour au moins trois raisons.

Tout d’abord, l’article 2232 du Code civil évoque le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription, hypothèses strictement délimitées par les articles 2233 et suivants du même Code. Or, l’article 1648 du Code civil, à l’instar d’ailleurs de l’article 2224, n’a pas véritablement pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription ou de suspendre la prescription qu’il instaure, il se contente de fixer ce point de départ au jour de la découverte du vice, ou de la connaissance du droit s’agissant de l’article 2224. Fixation du point de départ du délai et report de ce point de départ ne devraient donc pas, à proprement parler, être tenus pour identiques [10], le délai ne pouvant en théorie être reporté qu’une fois préalablement fixé. Une telle analyse serait pourtant tout à fait inopportune, dès lors qu’elle aurait pour conséquence de priver l’article 2232 du Code civil de son principal intérêt, à savoir éviter une garantie quasi perpétuelle lorsque le point de départ du délai de prescription, quel qu’il soit, présenterait un caractère « glissant » [11].

Ensuite, si l’article 2232 du Code civil mentionne le jour de la naissance du droit comme point de départ du délai vingtennal, il ne précise pas s’il évoque la naissance du droit substantiel, ou celle du droit d’action. La logique commande de retenir la naissance du droit substantiel comme point de départ, en l’occurrence la naissance du droit à garantie au jour de la conclusion du contrat de vente initial [12]. La solution contraire aurait également pour effet de priver l’article 2232 du Code civil et son délai vingtennal de toute fonction d’encadrement du délai biennal de l’article 1648 du même Code, le point de départ du premier se confondant avec celui du second.

Une dernière difficulté réside dans la nature même du délai biennal de l’article 1648 du Code civil, celui-ci ayant été qualifié de délai de forclusion, et non de prescription [13]. Or, l’article 2232 du Code civil évoque expressément la prescription. L’article 2220 du même Code dispose en outre que les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le titre vingtième concernant la prescription extinctive, comprenant l’article 2232. Peut alors se poser la question de l’application effective de l’article 2232 du Code civil au délai de forclusion biennal de l’article 1648. Un arrêt récent de la Cour de cassation a toutefois admis cette application, peu important que le délai de l’article 1648 soit qualifié de délai de forclusion, et non de prescription [14]. Cette analyse est en outre confortée à la lecture de l’article L. 217-5 du Code de la consommation, relatif à la garantie commerciale, le législateur prévoyant en substance que le vendeur reste tenu de la garantie légale de conformité et de celle relative aux défauts de la chose vendue dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1648 et 2232 du Code civil, admettant ainsi la possible combinaison de ces différents textes.

Dans une autre matière, une divergence de jurisprudences semble toutefois poindre, en raison d’un arrêt récemment rendu par la Chambre sociale, celle-ci refusant purement et simplement l’application de l’article 2232 du Code civil comme délai butoir de la prescription de droit commun de l’article 2224 du Code civil [15].

B. Le rejet du délai quinquennal de l’article L.110-4 du Code de commerce comme délai butoir

Si la troisième chambre civile admet ainsi l’encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil par le délai vingtennal de l’article 2232 du même Code dans le cadre de relations purement civiles, elle s’oppose au contraire à l’application du délai quinquennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce comme délai butoir dans l’hypothèse de relations commerciales.

Elle précise que, si le législateur a entendu réduire le délai de prescription prévu par ce dernier texte à cinq ans par la réforme du 17 juin 2008, il s’est abstenu de fixer son point de départ. Elle en conclut que ce point de départ ne peut résulter que du droit commun issu du nouvel article 2224 du Code civil, à savoir le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer, ces deux textes ayant été modifiés au cours de la même réforme. Dès lors, les délais quinquennaux des articles L. 110-4 du Code de commerce et 2224 du Code civil étant identiques, et présentant désormais tous deux un point de départ « glissant », il en résulte que le premier de ces textes se trouve tout aussi inefficace que le second dans l’encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil, présentant également ce même point de départ « glissant ». Elle applique ainsi le délai vingtennal de l’article 2232 du Code civil comme délai butoir, quand bien même l’un des contractants présenterait la qualité de commerçant, comme c’est le cas en l’espèce.

Ce faisant, elle s’oppose une nouvelle fois à la jurisprudence développée par la première chambre civile et par la Chambre commerciale, critiquée par la doctrine. En effet, ces dernières continuent à considérer que le point de départ du délai quinquennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce doit être fixé au jour de la conclusion du contrat de vente. Une telle solution, bien que critiquable, n’est pas non plus infondée, et peut être justifiée à l’inverse de celle proposée par la troisième chambre : si le législateur ne s’est pas prononcé sur le point de départ du délai quinquennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce lors de sa modification par la réforme du 17 juin 2008, il n’y a pas lieu de considérer que ce point de départ aurait changé, et la solution antérieure, le fixant au jour de la conclusion du contrat de vente, resterait de mise.

Une telle solution est pourtant inopportune. Tout d’abord, elle se montre particulièrement protectrice du vendeur initial, au détriment de l’intermédiaire, qui peut une nouvelle fois être de facto privé de toute action récursoire, dans l’hypothèse où sa responsabilité serait engagée et où sa propre action serait prescrite en vertu de l’article L. 110-4 du Code de commerce. À nouveau, elle contrevient au principe actioni non natae non praescribitur et au droit d’accès au tribunal.

Ensuite, la jurisprudence développée par la première chambre civile et par la Chambre commerciale a pour effet d’empêcher l’uniformisation des solutions sur la question du point de départ du délai de prescription, celui-ci n’étant pas identique en matière commerciale et en matière civile. La jurisprudence de la troisième chambre permet au contraire une telle uniformisation.

Enfin, la jurisprudence développée par la première chambre civile et par la Chambre commerciale permet au commerçant, tenu à une garantie durant cinq années à compter de la conclusion du contrat en vertu de l’article L. 110-4 du Code de commerce, de se libérer plus aisément que le non-commerçant, tenu quant à lui à une garantie durant vingt années à compter de la conclusion du contrat conformément à l’article 2232 du Code civil. La solution retenue par la troisième chambre civile permet, au contraire, d’éviter une telle différence de traitement absolument injustifiée.

Pour toutes ces raisons, l’arrêt rendu le 25 mai 2022 par la troisième chambre civile mérite d’être salué, et l’on espère désormais que la première chambre civile et la Chambre commerciale suivront le pas, dans un souci de cohérence.

 

[1] Not. Cass. civ. 1, 8 juin 2018, n° 17-17.438, FS-P+B N° Lexbase : A7366XQU ; Cass. com., 16 janvier 2019, n° 17-21.477 N° Lexbase : A6534YT8 ; Cass. civ. 1, 24 octobre 2019, n° 18-14.720 N° Lexbase : A6427ZST ; Cass. civ. 1, 11 décembre 2019, n° 18-19.975 N° Lexbase : A1625Z8P ; Cass. civ. 1, 8 avril 2021, n° 20-13.493 N° Lexbase : A12774PY.

[2] CA Caen, 16 février 2021, n° 20/01136 N° Lexbase : A13224HG.

[3] Et ce depuis un arrêt Cass. com., 27 novembre 2001, n° 99-13.428, FS-P N° Lexbase : A2848AXR.

[4] Ou par le délai de la prescription civile trentenaire avant la réforme de 2008 et quinquennal postérieurement à cette réforme, dans le cadre dun contentieux nimpliquant aucun commerçant.

[5] En ce sens, V. not. Cass. com., 16 janvier 2019, n° 17-21.477, F-P+B N° Lexbase : A6534YT8 ; Cass. civ. 1, 22 janvier 2020, n° 18-23.778, F-D N° Lexbase : A58833CU.

[6] V. not. P. Jourdain, Chaînes de contrats et point de départ de la prescription : la Cour de cassation s’obstine, RTD Civ., 2018, n° 4, p. 919 ; L. Leveneur, Retour aux errements passés à propos du délai de la garantie des vices cachés, C.C.C., 2018, n° 10, p. 19 ; P.-Y. Gautier, Actioni non natae, praescribitur ? Régression sur le point de départ de la prescription dans la garantie des vices cachés, RTD Civ., 2019, n° 2, p. 358 ; H. Gourdy, La fonction du délai de prescription de droit commun en matière de garantie des vices cachés : une mise à l’épreuve, D., 2020, n° 16, p. 919 ; M. Latina, La prescription dans les chaînes de contrats translatives de propriété, RDC, 2021, n° 3, p. 8.

[7] Cass. civ. 3, 6 décembre 2018, n° 17-24.111, F-D N° Lexbase : A7763YP9 ; Cass. civ. 3, 16 février 2022, n° 20-19.047, FS-B N° Lexbase : A33497ND.

[8] Cass. civ. 3, 1er octobre 2020, n° 19-16.986, FS-P+B+I N° Lexbase : A70153WQ.

[9] Ibid. ; Cass. civ. 3, 8 décembre 2021, n° 20-21.439, FS-B N° Lexbase : A46227EW.

[10] En ce sens, J.-D. Pellier, Retour sur le délai butoir de l’article 2232 du Code civil, D., 2018, n° 39, p. 2148, n° 4.

[11] En ce sens, C. Brenner, H. Lécuyer, La réforme de la prescription en matière civile, JCP E., 2009, 1169 et 1197.

[12] Cass. civ. 3, 1er octobre 2020, n° 19-16.986, FS-P+B+I N° Lexbase : A70153WQ.

[13] Cass. civ. 3, 10 novembre 2016, n° 15-24.289, FS-D N° Lexbase : A9021SG9 ; Cass. civ. 3, 5 janvier 2022, n° 20-22.670, FS-B N° Lexbase : A42167HM.

[14] Cass. civ. 3, 1er octobre 2020, n° 19-16.986, préc.

[15] Cass. soc., 3 avril 2019, n° 17-15.568, FP-P+B N° Lexbase : A3676Y8N : « Vu l'article 2224 du Code civil, ensemble l'article 2232 du même Code interprété à la lumière de l'article 6§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Attendu qu'en application du premier de ces textes, le délai de prescription de l'action fondée sur l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent ne court qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite, jour où le salarié titulaire de la créance à ce titre a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action, sans que puissent y faire obstacle les dispositions de l'article 2232 du Code civil ».

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Fonction publique

[Brèves] Assistance d'un fonctionnaire pour l'exercice d'un recours administratif : pas uniquement par un syndicat représentatif !

Réf. : Cons. const., décision n° 2022-1007 QPC, du 5 août 2022 N° Lexbase : A60928DY

Lecture: 2 min

N2466BZD

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par Yann Le Foll

Le 25 Août 2022

► Le fait de limiter la possibilité d’assistance d'un fonctionnaire pour l'exercice d'un recours administratif à un syndicat représentatif  n’est pas conforme à la Constitution.

Objet QPC. La question prioritaire de constitutionnalité porte sur le mot « représentative » figurant à la première phrase de l'article 14 bis de la loi n° 84-16, du 11 janvier 1984 N° Lexbase : L7077AG9 et à la première phrase de l'article L. 216-1 du Code général de la fonction publique N° Lexbase : L7315MDB ainsi formulée : « Les agents de l'État peuvent choisir un représentant désigné par l'organisation syndicale représentative de leur choix pour les assister dans l'exercice des recours administratifs contre les décisions individuelles qui leur sont défavorables relatives aux mutations, à l'avancement de grade et à la promotion interne. Sur leur demande, les éléments relatifs à leur situation individuelle au regard de la réglementation en vigueur et des lignes directrices de gestion leur sont communiqués » (sous renvoi de CE, 1°-4° ch. réunies, 1er juin 2022, n° 460759 N° Lexbase : A61707Y8).

Ces dispositions, en réservant la possibilité de désigner un représentant aux fins d'assister l'agent dans l'exercice d'un tel recours aux seules organisations syndicales représentatives, établissent une différence de traitement entre ces organisations et les organisations syndicales non représentatives.

Position des Sages. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre à l'agent d'être assisté pour l'exercice d'un recours administratif contre certaines décisions individuelles défavorables. Toutefois, le caractère représentatif ou non d'une organisation syndicale ne détermine pas la capacité du représentant qu'elle a désigné à assurer l'assistance de l'agent dans ce cadre. Dès lors, la différence de traitement est sans rapport avec l'objet de la loi.

Rappel. Il avait déjà été jugé que le fait d'interdire aux organisations syndicales non représentatives d'assister un fonctionnaire au cours d'une procédure de rupture conventionnelle institue une différence de traitement qui méconnaît le principe d'égalité devant la loi (Cons. const., décision n° 2020-860 QPC, du 15 octobre 2020 N° Lexbase : A61683XQ).

Décision. Les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et doivent donc être déclarées contraires à la Constitution à compter du 5 août 2022. La déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette même date.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Les libertés et protections des fonctionnaires dans la fonction publique d'État, La liberté de groupement dans la fonction publique d'État, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E07443L7.

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Majeurs protégés

[Brèves] Tutelle : le majeur protégé peut faire appel seul de la décision statuant sur sa résidence

Réf. : Cass. civ. 1, 13 juillet 2022, n° 21-10.030, F-D N° Lexbase : A56568B4

Lecture: 2 min

N2348BZY

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par Laure Florent

Le 25 Août 2022

► Il résulte de la combinaison des articles 1239 du Code de procédure civile, 430 et 459-2, alinéa 1er​​​​, du Code civil que la personne sous tutelle peut exercer seule le droit de former appel des décisions du juge des tutelles statuant sur sa résidence ; 
dès lors, la cour d’appel a pu statuer sur la demande de changement de résidence de la majeure protégée, après avoir constaté que cette dernière, non comparante, n’était pas représentée à l’audience.

Faits et procédure. En l’espèce, une majeure considérée comme vulnérable a été placée sous tutelle. Une ordonnance a fixé sa résidence dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Après renouvellement de la mesure de protection, le frère de la majeure protégée sollicite le changement de résidence de sa sœur, afin qu’elle regagne son domicile, ainsi que la désignation d’un autre membre de leur fratrie en tant que tuteur. Le juge des tutelles a rejeté ses demandes.

La majeure protégée et son frère interjettent tous deux appel de cette décision, mais la cour d’appel de Basse-Terre (CA Basse-Terre, 1er octobre 2020, n° 19/01746) rejette la demande.

Le frère forme un pourvoi en cassation, considérant qu’aux termes de l’article 475 du Code civil N° Lexbase : L8461HWB, la personne en tutelle doit être représentée en justice par son tuteur, alors que la cour d’appel a statué en l’absence du représentant de la majeure protégée, qui était elle-même non comparante.

Rejet. La Cour de cassation rejette le pourvoi, considérant qu’il résulte de la combinaison des articles 1239 du Code de procédure civile N° Lexbase : L3108LWZ, 430 N° Lexbase : L8412HWH et 459-2, alinéa 1er N° Lexbase : L8445HWP, du Code civil que la personne sous tutelle peut exercer seule le droit de former appel des décisions du juge des tutelles statuant sur sa résidence.

Dès lors, la cour d’appel a pu statuer sur la demande de changement de résidence de la majeure protégée, après avoir constaté que cette dernière, non comparante, n’était pas représentée à l’audience.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La curatelle et la tutelle du majeur vulnérable, spéc. Les effets de la curatelle et de la tutelle quant à la protection de la personne in La protection des mineurs et des majeurs vulnérables, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase N° Lexbase : E3515E4X.

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