Le Quotidien du 31 mars 2022

Le Quotidien

Concurrence

[Brèves] Conformité à la Constitution du cumul de sanctions à l'encontre d'un même auteur pour des manquements en concours relevant de pratiques restrictives de concurrence

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-984 QPC, du 25 mars 2022 N° Lexbase : A30397RY

Lecture: 3 min

N0941BZU

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par Vincent Téchené

Le 30 Mars 2022

► Sont conformes à la Constitution les dispositions du paragraphe VII de l'article L. 470-2 du Code de commerce, qui prévoient l’exécution cumulative de sanctions prononcées à l'encontre d'un même auteur pour des manquements en concours relevant de pratiques restrictives de concurrence.

Disposition contestée. Le paragraphe VII de l'article L. 470-2 du Code de commerce N° Lexbase : L9607LQU prévoit que  « Lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre d'un même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s'exécutent cumulativement ».

Reproches formulés par la requérante. La société requérante, rejointe par la partie intervenante, reproche à ces dispositions de méconnaître le principe de proportionnalité des peines, dès lors qu'elles ne prévoient aucun plafond au cumul des sanctions administratives prononcées pour des manquements en concours. Elle soutient également que ces dispositions méconnaîtraient le principe de légalité des délits et des peines, faute de définir la notion de « manquements en concours ». La partie intervenante dénonce enfin, comme contraire au principe non bis in idem, le cumul de sanctions administratives permis par ces dispositions.

Le Conseil d’État avait donc renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution du VII de l'article L. 470-2 du Code de commerce (CE, 9° et 10° ch.-r., 29 décembre 2021, n° 457203, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A20527HH)

Décision. En premier lieu, le Conseil rappelle qu’aucune exigence constitutionnelle n'impose que des sanctions administratives prononcées pour des manquements distincts soient soumises à une règle de non-cumul.

En second lieu, il relève, d'une part, que les dispositions contestées n'ont pas pour objet de déterminer le montant des sanctions encourues pour chacun des manquements réprimés. D'autre part, elles ne font pas obstacle à la prise en compte par l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de la nature des manquements, de leur gravité et de leur répétition pour déterminer le montant des sanctions, en particulier lorsqu'elles s'appliquent de manière cumulative.

Dès lors, il en conclut que le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit être écarté.

Ainsi, pour le Conseil constitutionnel, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas les principes de légalité et de nécessité des délits et des peines, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

Observations. Très récemment, la CJUE est venue préciser, dans deux arrêts rendus le même jour en grande chambre, la protection qu’offre le droit de l’Union contre la double incrimination en matière de poursuites et de sanctions de nature pénale en droit de la concurrence (CJUE, gde ch., 22 mars 2022, deux arrêts, aff. C-117/20 N° Lexbase : A00087RQ et aff. C‑151/20 N° Lexbase : A00097RR, V. Téchené, Lexbase Affaires, mars 2022, n° 711 N° Lexbase : N0889BZX).

newsid:480941

Délégation de service public

[Brèves] Contrôle du juge de cassation sur le transfert du risque d'exploitation d'un service pour la caractérisation d'une délégation de service public

Réf. : CE 2e - 7e ch. réunies, 24 mars 2022, n° 449826, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A34177RY

Lecture: 2 min

N0949BZ8

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par Yann Le Foll

Le 30 Mars 2022

► Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits constitutifs, dans un contrat confiant la gestion d'un service public à un opérateur économique, d'un transfert du risque lié à l'exploitation de ce service caractérisant une délégation de service public.

Rappel. Une délégation de service public est un contrat par lequel une collectivité territoriale confie la gestion d'un service public à un opérateur économique auquel est transféré un risque lié à l'exploitation du service, en contrepartie du droit d'exploiter ce service, éventuellement assorti d'un prix (voir lorsque la qualification de contrat de mobilier urbain en concession de services suppose le transfert d’un risque réel d’exploitation, CE, 2° et 7° ch.-r., 25 mai 2018, n° 416825, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4635XPD).

Application. Si la commune de Toulouse a apporté des soutiens financiers significatifs et quantitativement importants à son cocontractant, celui-ci a toujours conservé un risque lié à l'exploitation de la galerie, son équilibre financier n'étant pas garanti par les sommes apportées par la commune (était ici en cause l’exploitation du musée de la photographie ayant pour objet l'organisation d'expositions d'œuvres photographiques et la constitution et l'exploitation d'un fonds d'œuvres photographiques).

L'association a ainsi supporté les aléas de la gestion du musée et a subi des pertes d'exploitation ayant conduit à son placement en procédure de redressement judiciaire. Il s'ensuit qu'en jugeant que les conventions conclues entre celle-ci et la commune ne lui transféraient pas un risque d'exploitation et en en déduisant qu'elles ne constituaient pas des délégations de service public, le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis (TA Toulouse, 2 février 2021, n° 2005649 N° Lexbase : A83124HC).

Décision. Son jugement doit, par suite, être annulé (voir lorsque le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits constitutifs d'un vice de consentement de nature à affecter la validité d'un contrat, CE, 2° et 7° ch.-r., 9 novembre 2021, n° 438388, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A39397BI).

newsid:480949

Droit des biens

[Brèves] Servitude par destination du père de famille : applicabilité aux servitudes discontinues, piqûre de rappel !

Réf. : Cass. civ. 3, 23 mars 2022, n° 21-11.986, FS-B N° Lexbase : A12787RR

Lecture: 3 min

N0964BZQ

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 30 Mars 2022

► La destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes discontinues lorsqu'existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de la servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien.

Pour rappel, la destination du père de famille est un mode d’établissement de servitude lorsque le propriétaire de deux fonds prévoit des aménagements spécifiques tels que l’un des fonds est affecté au service de l’autre. Lors de la cession de l’un des fonds à un tiers, ce « service » peut être maintenu de sorte qu’il en résulte une servitude légalement établie entre les deux fonds.

Elle est envisagée par le Code civil, aux articles 692 N° Lexbase : L3291ABI, 693 N° Lexbase : L3292ABK et 694 N° Lexbase : L3293ABL.

L’article 692 du Code civil prévoit que « La destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes continues et apparentes. »

L’article 693 prévoit quant à lui qu’« Il n’y a destination du père de famille que lorsqu’il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c’est par lui que les choses ont été mises dans l’état duquel résulte la servitude. »

Enfin, l’article 694 dispose : « Si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l’un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d’exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné. »

À la lecture de ces dispositions, et en particulier du premier article 692, faut-il comprendre que le domaine d’application des servitudes par destination du père de famille ne peut concerner que les servitudes continues et apparentes ?

La réponse est clairement négative, la Cour de cassation ayant de longue date admis que le domaine d’application des servitudes par destination du père de famille s’étendait aux servitudes discontinues dans le cas, visé par l’article 694, de production de l’acte de « division » lequel ne contient aucune stipulation contraire au maintien de la servitude, et sous condition du caractère apparent de la servitude lors de la division (comme à l’article 692) : c’est exactement la solution rappelée par la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 23 mars 2022, selon la formule parfaitement claire : « la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes discontinues lorsqu'existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de la servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien » (solution énoncée en 2004 dans les mêmes termes : Cass. civ. 3, 24 novembre 2004, n° 03-16.366, FS-P+B N° Lexbase : A0391DE9 ; cf. également Cass. civ. 3, 2 mars 2017, n° 15-26.752, F-D N° Lexbase : A9850TRA, qui a admis l’existence de servitudes par destination du père de famille, concernant tant des servitudes continues (servitudes d’alimentation électrique, et de vue) que discontinues (servitude d’accès)).

La solution mérite d’être rappelée ; c’est ce qu’indique la Cour de cassation qui décide d’honorer la présente décision d’une publication au bulletin.

Elle censure en effet la décision des juges d’appel de Caen qui, en parfaite méconnaissance de cette solution, et donc par refus d’application de l’article 694 du Code civil, avaient retenu, pour rejeter la demande de reconnaissance d’une servitude par destination du père de famille, que, s'il n’était pas contesté que les parcelles en cause étaient issues de la division d'un seul fonds, suivant un acte du 30 septembre 1997 qui ne mentionnait pas l'existence d'une servitude d'écoulement des eaux usées, il était constant qu'une telle servitude avait un caractère discontinu, de sorte qu'elle ne pouvait s'acquérir par destination du père de famille, quand bien même elle présenterait un signe apparent matérialisé par un regard.

newsid:480964

Fiscalité immobilière

[Brèves] LF pour 2022 : obligation d’acquittement par télérèglement de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles détenus en France

Réf. : Loi n° 2021-1900, du 30 décembre 2021, de finances pour 2022, art. 138 N° Lexbase : L3007MAM

Lecture: 2 min

N0902BZG

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par Marie-Claire Sgarra

Le 30 Mars 2022

L’article 138 de la loi de finances pour 2022 instaure une obligation de paiement de la taxe de 3 % par télérèglement.

Pour rappel, aux termes de l’article 990 D du Code général des impôts N° Lexbase : L5483H9X, les entités juridiques, personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables qui, directement ou par entité interposée, possèdent un ou plusieurs immeubles situés en France ou sont titulaires de droits réels portant sur ces biens sont redevables d'une taxe annuelle égale à 3 % de la valeur vénale de ces immeubles ou droits.

Les entités passibles de cette taxe doivent déposer la déclaration n° 2746-SD [en ligne] au plus tard le 15 mai de chaque année faisant apparaître le lieu de situation, la consistance et la valeur vénale des immeubles et droits immobiliers imposables possédés au 1er janvier de l'année d'imposition.

Depuis le 1er avril 2021, cette déclaration doit être souscrite par voie électronique.

Consultez en ce sens la foire aux questions de l’administration fiscale sur cette nouvelle procédure [en ligne].

La loi de finances pour 2022 rend obligatoire le télérèglement de la taxe de 3 %.

Après le 7 de l'article 1681 septies du Code général des impôts N° Lexbase : L5773MA3, il est inséré un 7 bis ainsi rédigé :
« 7 bis. Le paiement de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France, mentionnée à l'article 990 D, est effectué par télérèglement ».

Le non-respect de cette obligation de télérèglement entraîne l'application d'une majoration de 0,2 % du montant des droits correspondant aux déclarations déposées selon un autre procédé ou du montant des sommes dont le versement a été effectué selon un autre mode de paiement. Le montant de la majoration ne peut être inférieur à 60 euros (CGI, art. 1738 N° Lexbase : L6954LL7).

newsid:480902

Licenciement

[Brèves] Mise en œuvre d’une réorganisation avant l’homologation d’un PSE

Réf. : Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-15.370, FS-B N° Lexbase : A12777RQ

Lecture: 2 min

N0958BZI

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par Charlotte Moronval

Le 30 Mars 2022

► Si le CSE doit être saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs, la réorganisation peut être mise en œuvre avant la date d'homologation du PSE par l'autorité administrative.

Faits et procédure. À la suite du refus d’une proposition de mutation pour motif économique, un salarié est dispensé d’activité avec maintien de sa rémunération.

Entre le moment de son refus de la modification de son contrat de travail et le moment où il a été dispensé d’activité, l’employeur consulte le comité social et économique sur la procédure de licenciement pour motif économique envisagée et élabore un PSE pour l’ensemble des salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail.

La cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 27 février 2020, n° 17/23121 N° Lexbase : A60563GE) juge le placement du salarié en dispense d’activité irrégulier dès lors que la réorganisation ne pouvait être mise en œuvre avant l’homologation du PSE par l’autorité administrative.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt de la cour d’appel qui, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l'employeur pour manquement à son obligation de fournir un travail, retient que le document unilatéral établi par la société, portant projet de réorganisation et plan de sauvegarde de l'emploi, ne pouvait être mis en œuvre avant son homologation par l'administration et qu'il en résultait que le salarié avait vocation à travailler sur le site dont la fermeture avait été décidée jusqu'à la mise en œuvre du plan.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Les attributions du comité social et économique dans les entreprises d'au moins 50 salariés, La consultation en cas de projet de restructuration et de compression des effectifs, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1974GAD.

 

newsid:480958

Procédure civile

[Brèves] Renvoi après cassation : précision sur la signification de l’acte de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi aux autres parties

Réf. : Cass. civ. 2, 24 mars 2022, n° 20-12.210, F-B N° Lexbase : A27897RQ

Lecture: 3 min

N0928BZE

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 30 Mars 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 24 mars 2022, énonce qu’en l'absence de dispositions particulières, notamment dans l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel N° Lexbase : L9025IPX, régissant la signification par son auteur aux autres parties à l'instance de la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi après cassation, ce dernier satisfait à l'obligation qui lui incombe, en application de l'article 1037-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7045LEN, en signifiant la déclaration de saisine qu'il a établie et remise au greffe.

Faits et procédure. Dans cette affaire, une société A et son mandataire liquidateur ont relevé appel à l’encontre d’une ordonnance rendue par un juge-commissaire d’un tribunal de commerce ayant admis au passif de la société A une créance déclarée par une société B. Sur le pourvoi de la société A, l’arrêt a été cassé en toutes ses dispositions avec renvoi (Cass. com., 24 janvier 2018, n° 16-18.335, F-D N° Lexbase : A8580XBE). Le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de renvoi a été saisi par la société B d'un incident de caducité de la déclaration de saisine, tirée de son absence de signification. Après avoir statué sur le déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant accueilli l'incident, la cour d'appel s'est prononcée sur le fond du litige.

Le pourvoi. La société B fait grief aux arrêts rendus les 14 mars 2019 et 16 janvier 2020 (CA Aix-en-Provence, 16 janvier 2020, n° 19/04776 N° Lexbase : A77323BY) par la cour d’appel d’Aix-en-Provence de l’avoir débouté de sa demande tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi, à raison de l'absence de signification de la déclaration.

En l’espèce, la cour d’appel a constaté que l’auteur de la déclaration de saisine avait signifié aux autres parties de l’instance, le message d’origine, matérialisé sous un format papier, comportant toutes les mentions prescrites par les dispositions de l’article 1033 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1308H49. La juridiction d’appel a décidé que refuser toute validité à une telle signification serait, en tout état de cause, de nature à constituer une atteinte disproportionnée aux droits du déclarant de saisir la juridiction de renvoi.

Solution. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel et rejette le pourvoi. Nous pouvons constater que la Haute juridiction n’a pas la même exigence que celle de sa jurisprudence sur la déclaration d’appel.

newsid:480928

Responsabilité

[Brèves] De l’autonomie des préjudices « d’angoisse de mort imminente » et « d’attente et d’inquiétude »

Réf. : Cass. mixte, 25 mars 2022, deux arrêts, n° 20-17.072 N° Lexbase : A30357RT et n° 20-15.624 N° Lexbase : A30367RU

Lecture: 5 min

N0967BZT

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 30 Mars 2022

► Les préjudices subis par une victime doivent être prouvés et identifiés avant d’être indemnisés ;
► en raison de leur particularité, les préjudices « d’angoisse de mort imminente » et « d’attente et d’inquiétude » doivent être indemnisés de manière spécifique.

Tels sont les principes dégagés par la Chambre mixte de la Cour de cassation, dans ses arrêts rendus le 25 mars 2022, et qui viennent unifier les solutions divergentes jusqu’alors retenues par les différentes chambres (cf. le communiqué de la Cour de cassation).

La « nomenclature Dintilhac ». La loi ne prévoit pas de référentiel de réparation des préjudices corporels. Une nomenclature de ces préjudices, issue des travaux de la commission présidée par M. Jean-Pierre Dintilhac en 2005, s’est dès lors imposée comme une référence pour tous les acteurs de la réparation du dommage corporel : elle est utilisée par les juridictions judiciaires, les victimes, les avocats et les assureurs.   Cette nomenclature dite « Dintilhac » prévoit une liste de « postes » correspondant à des définitions précises de divers préjudices.                             

Les procédures.  Au cours des dernières années, à la suite notamment des attentats commis en France, la justice a été saisie de demandes en réparation de catégories de préjudices que la « nomenclature Dintilhac » n’avait pas envisagées. 

Ainsi, deux décisions de cours d’appel statuant sur l’indemnisation de victimes d’une infraction de droit commun ou d’un acte de terrorisme ont fait l’objet de pourvois en cassation :

- la première porte sur le préjudice dit « d’angoisse de mort imminente » (CA Paris, 2, 4, 30 janvier 2020, n° 19/02479 N° Lexbase : A22443DH). Il s’agit du préjudice ressenti par la victime directe qui, entre le moment où elle a subi une atteinte et son décès, a eu la conscience du caractère inéluctable de sa propre fin. Les héritiers de la victime peuvent, en son nom, obtenir réparation de ce préjudice ;

- la seconde porte sur un préjudice dit « d’attente et d’inquiétude » (CA Papeete, 29 août 2019, n° 18/00213 N° Lexbase : A2741ZMH). Il s’agit du préjudice subi par les proches d’une victime directe lorsqu’ils apprennent qu’elle est ou a été exposée à un péril. Leur souffrance naît de l’état d’attente et d’incertitude dans lequel ils se trouvent, entre le moment où ils apprennent que leur proche est en péril et le moment où ils ont connaissance de l’issue de l’événement pour celui-ci.  

Les décisions de la Cour de cassation. Jusqu’à présent, les différentes chambres de la Cour de cassation n’apportaient pas de réponse uniforme sur les modalités de réparation du préjudice de mort imminente :

  • la Chambre criminelle a depuis longtemps admis la possibilité d’évaluer séparément les préjudices distincts constitués par les souffrances endurées du fait des blessures, et par l'angoisse d'une mort imminente (Cass. crim., 23 octobre 2012, n° 11-83.770, FS-P+B N° Lexbase : A0580IWE ; également en ce sens : Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 16-86.796, F-D N° Lexbase : A9908WMW ; Cass. crim., 27 septembre 2016, n° 15-84.238, FS-D N° Lexbase : A7274R48) ;
  • la deuxième chambre civile, au contraire, a procédé au rattachement du préjudice d’angoisse de mort imminente au poste « souffrances endurées » de la « nomenclature Dintilhac » (Cass. civ. 2, 18 avril 2013, n° 12-18.199, F-D N° Lexbase : A4002KC9 ; Cass. civ. 2, 20 octobre 2016, n° 14-28.866, FS-P+B N° Lexbase : A6505R9S ; Cass. civ. 2, 2 février 2017, n° 16-11.411, F-P+B N° Lexbase : A4160TBP ; Cass. civ. 2, 29 juin 2017, n° 16-17.228, F-D N° Lexbase : A7157WLN ; Cass. civ. 2, 14 septembre 2017, n° 16-22.013, F-D N° Lexbase : A0847WS8) ;
  • la première chambre civile avait rejoint sur ce point la jurisprudence de la deuxième chambre civile (Cass. civ. 1, 26 septembre 2019, n° 18-20.924, F-D N° Lexbase : A0408ZQ8).

C’est ainsi que la Chambre mixte de la Cour de cassation, unifiant les solutions, décide, s’agissant du préjudice d’angoisse de mort imminente, que l'angoisse d'une mort imminente se distingue du poste des « souffrances endurées », lesquelles sont définies par la « nomenclature Dintilhac » comme « toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation [état définitif des séquelles]. En effet, à compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre ». 

S’agissant du préjudice d’attente et d’inquiétude que subissent les proches de la victime directe, ce préjudice ne se confond pas avec leur préjudice d’affection ni avec aucun autre poste de préjudice indemnisant les victimes par ricochet, mais constitue un préjudice spécifique qui doit être réparé de façon autonome.

Pour aller plus loin : ces décisions feront l'objet d'un commentaire approfondi par Vincent Rivollier, Maître de conférences à la Faculté de droit de l’Université Savoie Mont Blanc, à paraître dans la revue Lexbase Droit privé n° 903 du 21 avril 2021.

 

newsid:480967

Successions - Libéralités

[Brèves] Incapacité à recevoir des libéralités frappant les auxiliaires de vie à domicile (aujourd’hui abrogée) : retour sur l’application temporelle

Réf. : Cass. civ. 1, 23 mars 2022, n° 20-17.663, F-B N° Lexbase : A12737RL

Lecture: 4 min

N0965BZR

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 30 Mars 2022

► L'article L. 116-4, alinéa 2, du Code de l'action sociale et des familles, frappant notamment les personnes assistant, à leur domicile, les personnes âgées ou handicapées, d’une incapacité à recevoir des libéralités consenties par ces dernières, ne saurait être appliqué à un testament établi à une date antérieure à son entrée en vigueur.

Pour mémoire, l’article L. 116-4 du Code de l'action sociale et des familles N° Lexbase : L7971L3M, a été introduit par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement N° Lexbase : L0847KWB ; il prévoit une incapacité de recevoir à titre gratuit visant un ensemble de personnes parmi lesquelles les personnes « accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code ».

En l’espèce, le de cujus était décédé le 22 janvier 2016, sans descendance, en l'état d'un testament authentique du 17 décembre 2013, confirmé par codicille daté du 13 décembre 2014, instituant, d'une part, des légataires universels, d'autre part, différents légataires à titre particulier, parmi lesquels une auxiliaire de vie à domicile employée par le défunt. Des difficultés étaient survenues entre eux pour le règlement de la succession.

Pour dire que les légataires universels étaient déchargés de toute obligation de délivrance du legs au profit de l’auxiliaire de vie à domicile gratifiée, la cour d’appel de Paris (CA Paris, 4, 2, 5 septembre 2018, n° 15/00861 N° Lexbase : A4717X34), avait :

1° fait application de l'article L. 116-4, alinéa 2, du Code de l'action sociale et des familles, créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 et dans sa version en vigueur au jour du décès du de cujus ;

2° retenu qu'il résultait de cette loi que c’était à la date de la libéralité qu'il y avait lieu de rechercher si le légataire avait une qualité l'empêchant, au jour du décès du testateur, de recevoir. Après avoir relevé qu'à la date du testament authentique, l’intéressée était employée par le défunt en qualité d'auxiliaire de vie à domicile, ils en avaient déduit que le legs à titre particulier consenti à son profit se heurtait à l'interdiction résultant de ce texte.

Sauf que le texte n’était pas applicable. Les conseillers d’appel ont donc commis une erreur de raisonnement sur le premier point, que la Cour régulatrice vient corriger au visa l'article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4,  selon lequel « la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif » ; il en résulte qu’en l'absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus.

Ce n’était donc pas au jour du décès, mais au jour de l’établissement du testament qu’il convient de déterminer le texte applicable.

Or, il ressortait des constatations de la cour d’appel qu'au jour de l'établissement du testament, en 2013, l'article L. 116-4, alinéa 2, du Code de l'action sociale et des familles n'était pas en vigueur.

On rappellera qu’en tout état de cause, les dispositions en cause ont été abrogées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 mars 2021, déclarant que les mots « ainsi qu'aux salariés mentionnés à l'article L. 7221-1 du Code du travail N° Lexbase : L7371K9U accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code N° Lexbase : L3383H98 » figurant au second alinéa du paragraphe I de l'article L. 116-4 du Code de l'action sociale et des familles, étaient contraires à la Constitution ; étant précisé que la déclaration d’inconstitutionnalité était applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de sa décision le 12 mars 2021 (Cons. const., décision n° 2020-888 QPC, du 12 mars 2021 N° Lexbase : A80714K7 ; cf. J. Casey, obs. n° 4, in Sommaires d’actualité de droit des successions & libéralités 2021-1 (Janvier – Juillet), Lexbase Droit privé, septembre 2021, n° 875 N° Lexbase : N8596BYZ).

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