Le Quotidien du 24 mars 2021

Le Quotidien

Droit pénal spécial

[Jurisprudence] De la ligne de partage entre exhibition et agression sexuelles

Réf. : Cass. crim., 3 mars 2021, n° 20-82.399, FS-P+B+I (N° Lexbase : A59494I8)

Lecture: 7 min

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par Marthe Bouchet, Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, Université Paris 2 Panthéon-Assas

Le 24 Mars 2021


Mots-clés : agressions sexuelles • exhibition sexuelle • contact physique • connotation sexuelle • circonstances entourant l’acte

Alors qu’on songe aujourd’hui à créer de nouvelles incriminations afin de mieux punir les actes sexuels imposés aux mineurs, c’est la frontière entre deux infractions déjà bien connues, l’exhibition sexuelle et l’agression sexuelle, qui est au cœur de l’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 3 mars dernier.


L’éventail des comportements sexuels déviants ne connaissant malheureusement aucune limite, la question cruciale de la qualification se révèle bien souvent délicate. En l’espèce, un individu se rend à la médiathèque. Excité par une bande dessinée érotique qu’il avait préalablement empruntée, il s’assoit à côté d’une enfant, lui effleure la main, ainsi que la jambe, du mollet jusqu’au genou, tout en se masturbant après avoir ouvert la braguette de son pantalon. Il est appréhendé alors que son sexe en semi-érection était visible. Il convenait de trouver la qualification qui corresponde le mieux aux faits, afin de les réprimer à leur juste mesure.

Les juges de première instance ont retenu la qualification d’exhibition sexuelle, punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. La cour d’appel s’est tournée vers une qualification plus sévère, considérant qu’étaient caractérisées des agressions sexuelles, punies d’une peine portée à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsqu’elles sont imposées à un mineur de 15 ans [1]. Il revenait à la Chambre criminelle de tracer la ligne de partage entre exhibition et agression sexuelle, une question dont l’importance théorique se doublait d’une incidence particulièrement lourde en termes de peine.

De prime abord, l’exhibition sexuelle pouvait légitimement être envisagée. Pour que cette infraction, prévue par l’article 222-32 du Code pénal (N° Lexbase : L5358IGK), soit retenue, un acte de nature impudique doit être imposé à la vue d’autrui dans un lieu public. En l’espèce, une médiathèque est un lieu accessible au public, et le prévenu a imposé son sexe, voire un acte sexuel, la masturbation, à la vue des personnes se trouvant sur place, et notamment à l’enfant à côté de laquelle il s’est assis. Il n’y avait donc aucun obstacle à retenir l’exhibition sexuelle.

Toutefois, l’exhibition sexuelle ne révélait qu’une partie des faits. Elle ne permettait pas d’appréhender le comportement délictuel dans toutes ses dimensions. Plus encore, l’exhibition sexuelle exclut en principe tout contact de nature sexuelle entre l’auteur et la victime [2]. Or, en l’espèce, l’auteur avait, en même temps qu’il se masturbait, caressé la main, le mollet et le genou de la victime. Retenir l’exhibition sexuelle revenait à occulter une partie du comportement de l’auteur, et l’on comprend que la cour d’appel et la Cour de cassation l’aient écartée.

Plusieurs autres qualifications étaient alors possibles.

Les atteintes sexuelles, commises par un majeur sur un mineur de quinze ans, n’ont cependant pas été retenues par les juridictions du fond, ce que le pourvoi ne contestait pas. On en déduit que l’usage de contrainte, menace, violence ou surprise de la part de l’auteur était acquis en l’espèce. La Chambre criminelle n’avait donc pas à examiner cette question d’ordinaire épineuse [3].

Elle devait en revanche se prononcer sur la qualification d’agressions sexuelles, autres que le viol, caractérisées par la cour d’appel et incriminées à l’article 222-27 du Code pénal. Les agressions sexuelles se définissent comme « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte menace ou surprise », en l’absence de pénétration. Au titre de son élément matériel, cette infraction exige justement un contact physique entre l’auteur et la victime, indiscutable en l’espèce. Toutefois, la jurisprudence ajoute que ce contact, entre l’auteur et la victime, doit être « de nature sexuelle ». La nature sexuelle du contact permet d’ailleurs de distinguer agressions sexuelles et violences volontaires. Elle se déduit le plus souvent de la zone du corps de la victime touchée par l’auteur. Ainsi, le sexe, les fesses, la poitrine ou encore les cuisses sont des parties sexuées du corps humain qui permettent de retenir les agressions sexuelles. En revanche, la main et le mollet n’ont pas intrinsèquement cette connotation. La principale difficulté en l’espèce venait donc de ce que, pour reprendre les termes employés par le pourvoi, « ces zones du corps n’étaient pas spécifiquement sexuelles en elles-mêmes ». Le contact physique ne faisait aucun doute, mais il n’était pas de nature sexuelle et pouvait empêcher de retenir les agressions sexuelles.

Ce n’est pas la position de la Chambre criminelle, qui, confirmant l’analyse de la cour d’appel, tient compte du « contexte dans lequel les faits se sont déroulés » pour admettre leur nature sexuelle. Ainsi, le fait que le prévenu se soit muni d’une bande dessinée érotique, et qu’il ait pratiqué un acte sexuel sur lui-même, confère un caractère sexuel aux caresses imposées à la victime. Ce raisonnement, fondé sur les circonstances entourant l’infraction, a déjà été retenu en matière de viol. Dans une affaire, le caractère sexuel de la pénétration a pu être déduit de ce que l’instrument ayant servi à pénétrer la victime était recouvert d’un préservatif [4]. Cette solution assez isolée, a néanmoins été contredite par la suite [5], et critiquée par une partie de la doctrine pour avoir étendu le champ d’application du viol, en référence au projet de l’auteur, et au mépris du principe d’interprétation stricte de la loi pénale [6].

La situation de l’espèce était cependant différente, et il nous semble qu’elle n’a pas donné lieu à une interprétation extensive de l’incrimination d’agressions sexuelles.

En effet, lorsque la qualification de viol est exclue, il reste encore, pour révéler le caractère sexuel du comportement, celle d’agression sexuelle. À l’inverse, dans notre espèce, en l’absence d’agressions sexuelles, ne restaient que les violences volontaires, très éloignées des faits. Ou alors il aurait fallu retenir deux infractions : une exhibition sexuelle d’une part, et des violences volontaires d’autre part. En effet, l’acte de l’auteur a causé un choc émotif à la victime. Toutefois, il y aurait eu une part d’artifice et un risque d’atteinte à ne bis in idem à diviser ainsi le comportement de l’auteur et à méconnaître le caractère sexuel du contact physique imposé à la victime. Par ailleurs, la peine encourue pour l’une comme l’autre de ces infractions reste très inférieure à celle qui est applicable aux agressions sexuelles.

Surtout, les agressions sexuelles correspondaient à l’espèce, parce qu’il n’y avait aucun doute sur le caractère sexuel du comportement de l’auteur. Ce n’est pas une référence discutable à l’intention de l’auteur, à son éventuelle volonté de commettre une agression sexuelle dans un contexte confus, qui fonde ici la décision des juges répressifs, mais bien une référence au comportement de l’auteur. Plus encore, le seul contexte semble insuffisant : ici l’usage d’un objet, de la bande dessinée érotique en l’occurrence, ne suffit pas à donner un caractère sexuel à l’acte, les juges du fond ajoutant que le prévenu s’est masturbé en même temps qu’il touchait la victime. L’attendu de la Chambre criminelle peut être lu de la même façon : la Haute juridiction ne se contente pas d’une référence au « contexte » dans lequel les faits ont été commis, elle évoque aussi « la manière » dont les caresses ont été effectuées. Seule la conjugaison de ces deux critères semble pouvoir conférer une dimension sexuelle, difficilement contestable, aux faits. Enfin, la ratio legis de l’infraction est respectée, la liberté sexuelle de la victime a indiscutablement été atteinte.

Pour toutes ces raisons, il est permis d’approuver la solution retenue par la Chambre criminelle. Elle ouvre peut-être des perspectives, puisqu’elle signifie qu’un contact physique imposé à la victime pourrait tomber sous le coup des agressions sexuelles, et non plus des seules violences, mais à la double condition que les circonstances et surtout la manière dont il a été effectué lui confèrent un caractère sexuel. Par ailleurs, d’un point de vue criminologique, on comprendrait mal que des faits de moindre gravité – tels qu’une caresse effectuée sur la cuisse – puissent être qualifiés d’agression sexuelle, et que les faits commis en l’espèce – des caresses imposées à un mineur alors que leur auteur se masturbe – ne puissent pas recevoir une telle qualification. En somme, confrontée à un cas d’espèce qui ne correspondait pas parfaitement au champ d’application classique des agressions sexuelles, la Chambre criminelle est parvenue à en livrer une lecture renouvelée et convaincante.


[1] C. pén., art. 222-19-1 (N° Lexbase : L9679KXR).

[2] V. Cass. crim., 7 septembre 2016, n° 15-83.287, FS-P+B (N° Lexbase : A5127RZW) : en l’absence de contact corporel entre l’auteur et la victime, seule l’exhibition sexuelle peut être retenue.

[3] V. tout de même le renvoi à l’appréciation souveraine des juges du fond, qui ont considéré que « l’enfant n’avait ni la maturité ni le pouvoir de s’opposer de manière efficiente à ces attouchements de nature sexuelle ». Sur ce point, v. M. Chollet, Caractérisation du délit d’agression sexuelle, Dalloz actualités, 12 mars 2021 [en ligne].

[4] Cass. crim., 6 décembre 1995, n° 95-84.881 (N° Lexbase : A9251ABA).

[5] Contra, v. Cass. crim., 9 décembre 1993, n° 93-81.044 (N° Lexbase : A8001ABX), et surtout, Cass. crim., 21 février 2007, n° 06-89.543, F-P+F (N° Lexbase : A6122DUB).

[6] En ce sens, v. Y. Mayaud, Du caractère sexuel du viol : vers un critère finaliste ? RSC 1996. 374. Contra, v. P. Conte, Droit pénal spécial, LexisNexis, 2019, n° 237.

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Arbitrage

[Brèves] Devoir d’abstention du juge étatique en présence d’une convention d’arbitrage et de la saisine préalable d’un tribunal arbitral

Réf. : Cass. civ. 1, 17 mars 2021, n° 20-14.360, F-P (N° Lexbase : A88994L8)

Lecture: 3 min

N6881BYI

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 24 Mars 2021

► La première chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 17 mars 2021, rappelle que lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'État, celle-ci doit se déclarer incompétente, sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ; en conséquence, le tribunal arbitral, saisi en premier lieu, est compétent par priorité́ pour apprécier si un différend entre dans le champ d'application de la convention d'arbitrage. 

Faits et procédure. Dans cette affaire, dans le cadre d’un projet d’investissement immobilier en Israël, trois personnes ont organisé par protocole leurs relations d’associés dans diverses sociétés dont la Société 8 Harlington 2 BV. Une sentence arbitrale rendue le 31 janvier 2011, confirmée par le tribunal étatique de Tel-Aviv-Yafo a fixé la répartition des sommes investies par les associés. En parallèle, un litige relatif à la valeur des parts perdurait entre les parties. En juillet 2017, l’un des associés est décédé, laissant son épouse et son fils en tant qu’héritiers.

Le demandeur a assigné l’associé restant et les héritiers du défunt devant le tribunal de grande instance pour voir juger que la succession de ce dernier soit soumise à la compétence des juridictions françaises. Il fait valoir que le défunt était dirigeant de fait de la société et que les déficits de 2011 à 2017 doivent être supportés par la succession. Enfin, il sollicite la condamnation des défendeurs à lui payer une certaine somme au titre de ses actions dans la société et ses affiliés.

Les défendeurs ont saisi le juge de la mise en état d’un incident tendant à voir dire que le tribunal arbitral rabbinique et les juridictions israéliennes, saisis en premier lieu, étaient seuls compétents. Le juge de la mise en état a rejeté l'exception de litispendance et leur demande tendant à voir déclarer les juridictions israéliennes saisies, dont l'arbitre.

Les défendeurs ont interjeté appel de cette ordonnance et par un arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 28 janvier 2020, n° 19/02799 N° Lexbase : A78083C8) l’ordonnance a été confirmée dans toutes ses dispositions.

Les juges d’appel, pour rejeter l’exception de litispendance, ainsi que la demande tendant à voir déclarer le tribunal arbitral et les juridictions étatiques israéliennes seuls compétents pour statuer sur les demandes du demandeur ont retenu que :

- les deux défendeurs étaient domiciliés dans le ressort du tribunal de grande instance saisi ;

- le fils du défunt n’était pas partie aux procédures diligentées en Israël ;

- les sociétés ne sont pas parties à l’instance ;

- enfin, que l’objet du litige, n’est pas le même en France et en Israël du fait que le demandeur sollicite la condamnation des défendeurs.

Les appelants ont formé un pourvoi en cassation.

Énonçant la solution précitée au visa de l’article 1448 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2275IPX), applicable à l'arbitrage international en vertu de l'article 1506 du même code (N° Lexbase : L2216IPR), et établissant le devoir d’abstention du juge en présence d’une convention d’arbitrage et de la saisine préalable d’un tribunal arbitral, les Hauts magistrats censurent le raisonnement de la cour d’appel retenant la compétence du juge étatique français. Ils relèvent que, compte tenu de la saisine antérieure du tribunal arbitral, il incombait à la cour d’appel de vérifier sa compétence au regard des seules dispositions du texte précité en recueillant au préalable les observations des parties à ce sujet, et qu’en conséquence, les motifs retenus étaient inopérants.

Solution. La Cour suprême casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt d’appel.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La convention d'arbitrageLa clause compromissoirein Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase (N° Lexbase : E5485E7B).

 

newsid:476881

Avocats/Champ de compétence

[Brèves] L’Autorité de la concurrence propose au Gouvernement la création de deux offices d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation d’ici 2023

Réf. : Avis Autorité de la concurrence n° 21-A-02, 23 mars 2021, relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation (N° Lexbase : X8366CMS)

Lecture: 2 min

N6889BYS

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par Marie Le Guerroué

Le 24 Mars 2021

► L’Autorité de la concurrence propose au Gouvernement la création de deux offices d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation d’ici 2023, qui viendront s’ajouter aux huit offices déjà créés depuis 2017, portant le nombre total d’offices à 70.

En application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (loi « Macron ») (N° Lexbase : L4876KEC), qui prévoit un réexamen de situation au moins tous les deux ans, l’Autorité a déterminé le nombre d’offices qu’il y a lieu de créer pour la période 2021-2023 (3ème période d’application de la loi). L’analyse menée, qui fait suite à celle réalisée pour les périodes 2016-2018 (4 offices créés) et 2018-2020 (4 offices créés) s’est appuyée sur l’évolution prévisible des contentieux devant les Hautes juridictions (Conseil d’État et Cour de cassation), sur l’activité et la situation économique des professionnels en place avant la réforme et de ceux nouvellement installés depuis 2016 dans le cadre de la libre installation (activité des professionnels, revenus, profitabilité). L’Autorité a notamment pris en compte dans son analyse les effets de la crise du Covid-19 sur l’activité des deux juridictions suprêmes et sur l’activité des avocats aux Conseils. Au terme de cette analyse, l’Autorité de la concurrence propose donc au Gouvernement la création de deux offices d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation d’ici 2023, qui viendront s’ajouter aux huit offices déjà créés depuis 2017, portant le nombre total d’offices à 70.

À noter que la publication de l’avis de l’Autorité au JO fera courir le délai de deux mois dans lequel les personnes intéressées peuvent déposer leur demande de nomination dans un office créé d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation (décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 relatif aux conditions d’accès à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, art. 25 N° Lexbase : L1713IRU).

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : La représentation en justice et défense, Le cas particulier des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassationin La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase, (N° Lexbase : E36333RY).

 

 

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Construction

[Brèves] De la validité de la clause d’exclusion de garantie en cas d’abandon de chantier

Réf. : Cass. civ. 3, 4 mars 2021, n° 19-21.309, F D (N° Lexbase : A02254KK)

Lecture: 3 min

N6829BYL

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 18 Mars 2021

► Les clauses exclusives ou limitatives de garanties sont, par principe, valables dans les polices d’assurance de responsabilité civile ;
► pour être valable, la clause d’exclusion doit être stipulée en caractères apparents mais également claire, précise, formelle et limitée, ce qui exclut la nécessité d’interpréter le contrat.

Pour aboutir à une position de non-garantie de l’assureur, les clauses d’exclusion de garantie stipulées dans les polices doivent remplir plusieurs conditions pour être valablement appliquées. L’article L. 113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH), au visa duquel le présent arrêt a été rendu, autorise, en effet, les parties à stipuler des exclusions de garanties. Dans le domaine des assurances obligatoires, ces clauses sont, par principe, réputées nulles et non-écrites, (pour reprendre l’expression consacrée) sauf à entrer dans les rares cas permis par les clause-types. Dans le domaine des assurances facultatives, c’est-à-dire dans les polices RC, la clause d’exclusion est, au contraire, réputée valable pourvu qu’elle soit suffisamment claire, précise, formelle et limitée en ce qu’elle ne vide pas le contrat de toute substance (V. parmi de nombreux exemples, Cass. civ. 3, 24 mars 2015, n° 13-25.737, F-D N° Lexbase : A6699NET ou, plus récemment, Cass. civ. 2, 19 septembre 2018, n° 18-19.616, FS-P+B+I A8473ZN7 et Cass. civ. 3, 19 décembre 2019, 18-10.678, F-D N° Lexbase : A1218Z9Y). A la variété de ces conditions de validité s’oppose la compréhension qui en faite par la jurisprudence qui semble appréhender ces conditions ensemble, sous la formule type, inlassablement reprise, selon laquelle « une clause d’exclusion de garantie ne se référant pas à des critères précis et des hypothèses limitativement énumérées n’est pas formelle et limitée et ne peut pas recevoir application en raison de son imprécision » (Cass. civ. 2, 5 février 2015, n° 14-10.507, F-D N° Lexbase : A2417NB7).

L’importance des conséquences de l’application de ces clauses, qui aboutissent à un refus de garantie de l’assureur, explique, à elle seule, l’abondance des contentieux, d’autant que l’appréciation de la validité de la clause est soumise à la libre appréciation des juges du fond, même si la Cour de cassation exerce un contrôle de motivation (V. pour exemple Cass. civ. 3, 27 octobre 2016, n° 15-23.841, FS-P+B N° Lexbase : A3270SC4).

L’arrêt rapporté en est une illustration supplémentaire mais son intérêt ne réside pas uniquement là. La clause prise en litige était stipulée dans une police de RC professionnelle souscrite par un maître d’œuvre auprès de la Compagnie ELITE, l’assureur dit LPS funestement connue pour avoir laissé sans assureur des milliers d’assurés depuis sa liquidation judiciaire en 2019 (V. not. M.C. Carrière, Construction, Elite Insurance, en liquidation judiciaire, compte 60 000 assurés, L’Argus de L’assurance, 13 fevrier 2020).

En l’espèce, la clause prévoyait une exclusion de garantie en cas d’abandon de chantier. L’assureur avait refusé sa garantie en application de cette clause, ce qui était contesté par l’assuré qui exposait que cette clause ne pouvait recevoir application dès lors que l’abandon du chantier ne résultait pas de son fait. Les juges du fond ont rejeté les demandes formées contre l’assureur. L’assuré forme un pourvoi en cassation aux termes duquel il expose, notamment, que la clause prise en litige avait été interprétée par les juges du fond, qui avaient estimé qu’il importait peu que l’assuré ou un tiers ait abandonné le chantier.

La Haute juridiction considère que la cour d’appel a retenu, sans dénaturation, que l’abandon du chantier visé par la clause d’exclusion de garantie était un chantier arrêté sur lequel aucune entreprise ne travaillait. Le pourvoi est rejeté.

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Divorce

[Brèves] Le divorce par compensation (« khol’â ») algérien (réservé à la seule épouse) est-il contraire au principe d’égalité entre époux ?

Réf. : Cass. civ. 1, 17 mars 2021, n° 20-14.506, FS-P (N° Lexbase : A89574LC)

Lecture: 5 min

N6887BYQ

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 24 Mars 2021

► Une décision de divorce prononcée par les juridictions algériennes en application de l’article 54 du Code de la famille algérien, qui permet à la seule épouse d’obtenir le divorce par compensation (sans l’accord de l’époux, moyennant le versement d’une somme à titre de « khol’â »), n’est pas contraire au principe d’égalité entre époux, et sa reconnaissance ne heurte donc pas l’ordre public international, dès lors que :
- l’épouse qui l’invoque est soumise à des règles moins favorables que l’époux (qui lui peut obtenir un divorce pour répudiation lequel n’est pas subordonné au paiement d’une somme d’argent) ;
- et que la procédure suivie n’a pas été entachée de fraude et que l’autre époux a pu faire valoir ses droits.

Divorce par compensation algérien. L’article 54 du Code de la famille algérien prévoit que « L’épouse peut se séparer de son conjoint, sans l’accord de ce dernier, moyennant le versement d’une somme à titre de "khol’â".

En cas de désaccord sur la contrepartie, le juge ordonne le versement d’une somme dont le montant ne saurait dépasser la valeur de la dot de parité "sadaq el mithl" évaluée à la date du jugement. »

Question soulevée. La question s’est ainsi posée, devant la première chambre civile de la Cour de cassation, de savoir si un jugement algérien prononçant un divorce en application de ce texte, pouvait être déclaré irrégulier, comme étant contraire au principe d’égalité entre époux, et donc contraire à l’ordre public international.

C’est ce que prétendait le requérant qui  faisait grief à l’arrêt de déclarer régulier et opposable le jugement de divorce rendu le 4 juillet 2017 par le tribunal de Hussein Dey (Algérie), d’autoriser en conséquence son épouse à faire procéder à son expulsion de la maison d’habitation appartenant à cette dernière, et de le condamner à payer une indemnité d’occupation jusqu’à son départ effectif du logement.

Il n’obtiendra pas gain de cause.

Réponse de la Cour de cassation. Selon la Haute juridiction, lorsqu’une décision de divorce a été prononcée à l’étranger en application d’une loi qui n’accorde pas à l’un des époux, en raison de son appartenance à l’un ou l’autre sexe, une égalité d’accès au divorce, sa reconnaissance ne heurte pas l’ordre public international, dès lors :

1° qu’elle est invoquée par celui des époux à l’égard duquel sont prévues les règles les moins favorables ;
2° que la procédure suivie n’a pas été entachée de fraude ;
3° et que l’autre époux a pu faire valoir ses droits.

L’arrêt est intéressant en ce qu’il indique que, dans le cas du divorce par compensation algérien, la première condition est vérifiée. En effet, la Cour de cassation valide le raisonnement des juges d’appel qui ont énoncé exactement, tant par motifs propres qu’adoptés, que toute assimilation du divorce par compensation prévu à l’article 54 du Code de la famille algérien à la répudiation prévue à l’article 48 du même code doit être écartée, dès lors que le premier, prononcé à l’initiative de l’épouse, est subordonné au paiement d’une somme d’argent, tandis que la seconde procède de la seule volonté de l’époux, lequel ne peut être tenu à une réparation pécuniaire qu’en cas de reconnaissance par le juge d’un abus de droit.

Pour les autres conditions, elles étaient également remplies en l’espèce, les juges d’appel ayant relevé que l’époux avait pu faire valoir ses moyens de défense et qu’il n’établissait pas que la saisine du juge algérien par l’épouse ait été entachée de fraude.

De ces énonciations et appréciations, la cour d’appel a exactement déduit que la décision algérienne, invoquée par l’épouse, n’était pas contraire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage, et donc à l’ordre public international.

À propos du divorce par répudiation algérien. On relèvera que la Cour de cassation a été amenée à juger, au contraire, à propos du divorce par répudiation algérien, que celui-ci pouvait emporter violation du principe de l'égalité des époux : est contraire à l'ordre public international un jugement de divorce algérien constatant la répudiation unilatérale et discrétionnaire par la seule volonté du mari, pour des motifs que ce dernier n'était tenu ni de révéler, ni de justifier, sans donner d'effet juridique à l'opposition de l'épouse, fût-elle dûment convoquée, ce qui rendait cette décision contraire au principe de l'égalité des époux lors de la dissolution du mariage, quelles que soient les nouvelles voies de droit ouvertes à l'épouse pour y parvenir (Cass. civ. 1, 23 octobre 2013, n° 12-21.344, FS-P+B+I N° Lexbase : A2621KNE).

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Entreprises en difficulté

[Brèves] Opposabilité des dispositions du plan de sauvegarde aux cautions personnes physiques : application aux engagement souscrits antérieurement au 1er janvier 2006

Réf. : Cass. com., 10 mars 2021, n° 19-16.816, F-P (N° Lexbase : A01064LI)

Lecture: 2 min

N6817BY7

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par Vincent Téchené

Le 23 Mars 2021

► Il résulte de l’article L. 626-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L3459IC4) que le jugement qui arrête le plan de sauvegarde d'un débiteur en rend les dispositions opposables à tous, et qu'à l'exception des personnes morales, les cautions de ce débiteur peuvent s'en prévaloir, même si leur engagement est antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT) qui a introduit ce bénéfice à leur égard, dès lors que la procédure a été ouverte postérieurement.

Faits et procédure. Une banque a, dans la limite des montants fixés par deux conventions de crédit global de trésorerie conclues les 3 novembre 2005 et 30 mars 2007 avec une société, consenti à celle-ci deux prêts qui ont été réalisés le 26 juillet 2013. N'ayant pas honoré ses engagements de remboursement, la débitrice a été mise en demeure, le 4 septembre 2014, de payer les sommes restant dues au titre des prêts. La même mise en demeure a été délivrée au gérant de la société, qui s'était rendu caution solidaire de l'exécution des conventions de crédit global de trésorerie. Les créances de la banque ont été cédées à une société (la cessionnaire). Le 30 septembre 2016, la débitrice a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde. Le 22 septembre 2017, un plan de sauvegarde a été adopté, prévoyant le règlement de la créance en un unique dividende forfaitaire de 10 %, le 22 septembre 2018.

Arrêt d’appel. C’est dans ces conditions que l’arrêt d’appel (CA Amiens, 5 février 2019, n° 16/04589 N° Lexbase : A1209YWP) a limité la faculté pour la caution de se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde aux sommes dues au titre du cautionnement du 30 mars 2007, et rejeté sa demande d'inclusion de celles dues au titre du cautionnement du 3 novembre 2005. Pour ce faire, les juges retiennent que l'article L. 626-11 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2006, n'est pas applicable au cautionnement donné le 3 novembre 2005 en garantie de la convention de crédit global consentie le même jour.

La caution a donc formé un pourvoi en cassation

Décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction censure l’arrêt d’appel.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les cautions, garants et coobligés, Plan de sauvegarde : possibilité pour les cautions, les garants et coobligés de se prévaloir des remises et des règles d'imputation des paiements, in Entreprises en difficulté, Lexbase (N° Lexbase : E3840EXI).

 

newsid:476817

Environnement

[Brèves] Validation de l’autorisation temporaire pour 2021 des néonicotinoïdes pour les betteraves sucrières

Réf. : CE, 15 mars 2021, n°s 450194, 450199 (N° Lexbase : A94174KY)

Lecture: 3 min

N6810BYU

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par Yann Le Foll

Le 16 Mars 2021

L’autorisation temporaire pour 2021 des néonicotinoïdes pour les betteraves sucrières est prévue par la loi, qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution ; elle est en outre conforme au droit de l’Union européenne sur l’utilisation des pesticides.

Faits. Le 5 février 2021, la ministre de la Transition écologique et le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation ont fixé par arrêté les modalités d’utilisation provisoire de semences de betteraves sucrières traitées avec des pesticides contenant les substances actives « imidaclopride » ou « thiamethoxam » pour la campagne 2021. Plusieurs associations environnementales ou représentant des apiculteurs et agriculteurs ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre cet arrêté.

Autorisation légale de l’autorisation provisoire de ces pesticides. L’utilisation de ces substances, en principe interdites, a été autorisée temporairement par la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020, relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières (N° Lexbase : L1025LZY), pour les betteraves sucrières, qui représentent 1,5 % de la surface agricole utile française.

Cette dérogation a été accordée pour protéger ces cultures menacées par des infestations massives de pucerons responsables de maladies virales et pour une durée limitée, le temps que soient mises au point, d’ici à 2023 au plus tard, des solutions alternatives satisfaisantes. Cette loi a été jugée conforme à la Constitution, notamment à la Charte de l’environnement et au droit de propriété des apiculteurs, par le Conseil constitutionnel (Cons. Const., décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020 N° Lexbase : A385439M).

Dès lors, l’arrêté attaqué, qui se borne à mettre en œuvre cette autorisation pour la campagne 2021, ne porte, par lui-même, aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie et au droit de propriété des éleveurs d’abeille.

Conformité au droit de l’Union européenne sur l’utilisation des pesticides. Le Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (N° Lexbase : L9336IEI), interdit l’utilisation des néonicotinoïdes mais prévoit des dérogations temporaires lorsqu’il existe de graves risques pour l’agriculture et en l’absence d’autre solution.

Le juge des référés observe que l’arrêté attaqué respecte cette dérogation, en raison du risque sérieux d’une nouvelle infestation massive par des pucerons porteurs des maladies de la betterave au printemps 2021. Les pertes importantes de production subies à cause de ces maladies en 2020 montrent qu’il n’existe pas d’autres moyens raisonnables pour maîtriser ce danger, tout au moins pour la campagne 2021.

La suspension de l’arrêté en cause est donc rejetée (sur l'effectivité du principe de non-régression du droit de l'environnement, voir CE 1° et 6° ch.-r., 8 décembre 2017, n° 404391, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0779W7Y et lire N° Lexbase : N2490BXI).

newsid:476810

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Base d'imposition à la TVA et remises conventionnelles accordées par les laboratoires pharmaceutiques à un organisme d'assurance-maladie

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 12 mars 2021, n° 442871, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A92954KH)

Lecture: 3 min

N6803BYM

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par Marie-Claire Sgarra

Le 17 Mars 2021

Le Conseil d’État est revenu dans un arrêt du 12 mars 2021 sur le régime TVA applicable aux remises conventionnelles accordées par les entreprises pharmaceutiques aux caisses privées d’assurance-maladie.

Les faits :

⇒ une société, qui exerce une activité de production et de vente de spécialités pharmaceutiques, a obtenu, par un jugement du tribunal administratif de Montreuil une restitution de TVA, motif pris de ce que la base d'imposition à la TVA devait être diminuée des remises versées par cette société en application de conventions conclues avec le Comité économique des produits de santé en application des articles L. 162-18 et L. 138-19-4 du code de la sécurité sociale,

⇒ la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif.

Sur les remises versées par les laboratoires pharmaceutiques

📌 La CJUE a précisé dans un arrêt en date du 20 décembre 2017 le régime TVA applicable aux remises conventionnelles accordées en Allemagne par les entreprises pharmaceutiques aux caisses privées d'assurance-maladie (CJUE, 20 décembre 2017, aff. C-462/16 Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co. KG N° Lexbase : A2534W8D).

📌 La première application de cette jurisprudence a été faite par la cour administrative d’appel de Versailles dans un arrêt du 28 janvier 2020 (CAA Versailles, 28 janvier 2020, n° 17VE02907 N° Lexbase : A84073CD). Cette dernière a considéré que les remises accordées par une entreprise pharmaceutique et versées à la Caisse d'assurance-maladie dans le cadre d'une convention conclue avec le Comité Economique des Produits de Santé devaient venir en déduction de la base d'imposition à la TVA.

« Est également inopérante la circonstance que le reversement des remises s’inscrirait dans le cadre de la participation au financement de la Sécurité sociale des entreprises du secteur dans une perspective de régulation des dépenses de santé et revêtirait, dans ce cadre et ainsi que le qualifie le ministre de l’action et des comptes publics, un caractère de sanction ».

La CAA précise que les caisses d’assurance-maladie doivent être regardées comme les consommatrices finales bénéficiant des remises, pour conclure que « ce reversement participe, conformément aux clauses figurant dans les conventions conclues avec le CEPS, de la détermination du prix des spécialités pharmaceutiques livrées effectivement perçu par la société ».

Solution du Conseil d’État.

Les remises prévues aux articles L. 162-18 (N° Lexbase : L2118LWD) et L. 138-9-4 (N° Lexbase : L9672LQB) du Code de la sécurité sociale, consenties à l'assurance-maladie, et qui, postérieurement aux opérations de vente des spécialités pharmaceutiques par les entreprises qui les produisent, viennent réduire la contrepartie perçue par ces entreprises, ne doivent pas être comprises dans leur base d'imposition à la TVA.

👉 Par suite, la cour administrative d'appel de Versailles n'a ni inexactement qualifié les faits de l'espèce ni commis d'erreur de droit en jugeant que, la base d'imposition à la TVA de la société devait être réduite du montant correspondant à ces remises.

newsid:476803

Temps de travail

[Brèves] Précisions de la CJUE sur le régime des astreintes

Réf. : CJUE, 9 mars 2021, aff. C-344/19 (N° Lexbase : A55804KU) et C-580/19 (N° Lexbase : A55794KT)

Lecture: 5 min

N6843BY4

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par Charlotte Moronval

Le 17 Mars 2021

► Une période de garde sous régime d’astreinte ne constitue, dans son intégralité, du temps de travail que lorsque les contraintes imposées au travailleur affectent très significativement sa faculté de gérer, au cours de cette période, son temps libre.

Les faits. Dans l’affaire C-344/19, un technicien spécialisé était chargé d’assurer le fonctionnement, durant plusieurs jours consécutifs, de centres de transmission pour la télévision, situés dans la montagne en Slovénie. Il effectuait, outre ses douze heures de travail ordinaire, des services de garde de six heures par jour, sous régime d’astreinte. Pendant ces périodes, il n’était pas obligé de rester au centre de transmission concerné mais devait être joignable par téléphone et être en mesure d’y retourner dans un délai d’une heure si besoin. Dans les faits, compte tenu de la situation géographique des centres de transmission, difficilement accessibles, il était amené à y séjourner pendant ses services de garde, dans un logement de fonction mis à sa disposition par son employeur, sans grandes possibilités d’activités de loisir.

Dans l’affaire C-580/19, un fonctionnaire exerçait des activités de pompier dans la ville d’Offenbach-sur-le-Main en Allemagne. À ce titre, il devait, en plus de son temps de service réglementaire, effectuer régulièrement des périodes de garde sous régime d’astreinte. Au cours de celles-ci, il n’était pas tenu d’être présent sur un lieu déterminé par son employeur mais devait être joignable et pouvoir rejoindre, en cas d’alerte, les limites de la ville dans un délai de 20 minutes, avec sa tenue d’intervention et le véhicule de service mis à sa disposition

Saisie à titre préjudiciel par les juridictions nationales respectives des deux intéressés, la Cour précise, notamment, dans quelle mesure des périodes de garde sous régime d’astreinte peuvent être qualifiées de « temps de travail » ou, au contraire, de « période de repos » au regard de la Directive 2003/88 (N° Lexbase : L5806DLM).

La position de la CJUE. Pour répondre à cette question, la Cour rappelle d’abord qu'une période sans activité n'est pas nécessairement une période de repos et que selon sa jurisprudence, une période de garde doit automatiquement être qualifiée de « temps de travail » lorsque le travailleur a l'obligation, pendant cette période, de demeurer sur son lieu de travail, distinct de son domicile, et de s'y tenir à la disposition de son employeur.

La Cour juge, ensuite, en premier lieu, que les périodes de garde, y compris sous régime d’astreinte, relèvent également, dans leur intégralité, de la notion de « temps de travail » lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours de celles-ci affectent objectivement et très significativement sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de se consacrer à ses propres intérêts. À l’inverse, en l’absence de telles contraintes, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours de telles périodes doit être considéré comme du « temps de travail ».

À cet égard, la Cour indique que, afin d’évaluer si une période de garde constitue du « temps de travail », seules les contraintes imposées au travailleur, que ce soit par une réglementation nationale, par une convention collective ou par son employeur, peuvent être prises en considération. En revanche, les difficultés organisationnelles qu’une période de garde peut engendrer pour le travailleur et qui sont la conséquence d’éléments naturels ou du libre choix de celui-ci ne sont pas pertinentes. Tel est, par exemple, le cas du caractère peu propice aux loisirs de la zone dont le travailleur ne peut, en pratique, s’éloigner durant une période de garde sous régime d’astreinte.

En outre, la Cour souligne qu’il appartient aux juridictions nationales d’effectuer une appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’espèce pour vérifier si une période de garde sous régime d’astreinte doit être qualifiée de « temps de travail », cette qualification n’étant en effet pas automatique en l’absence d’une obligation de demeurer sur le lieu de travail.

En deuxième lieu, la Cour rappelle que le mode de rémunération des travailleurs pour les périodes de garde ne relève pas de la directive 2003/88, et demeure donc à la libre appréciation des États.

Enfin, elle rappelle que la qualification par un employeur de « période de repos » d'une période de garde ne peut l'exonérer des obligations spécifiques qui lui sont imposées en droit européen en matière de santé et de sécurité des travailleurs.

Pour en savoir plus. V. aussi CJUE, 21 février 2018, aff. C-518/15 (N° Lexbase : A9558XDD), Ch. Radé, Les pompiers-bénévoles sont des travailleurs comme les autres... enfin presque !, Lexbase Social, mars 2018, n° 735 (N° Lexbase : N3233BXZ), qui considère que « le temps de garde qu’un travailleur passe à domicile avec l’obligation de répondre aux appels de son employeur dans un délai de 8 minutes, restreignant très significativement les possibilités d’avoir d’autres activités, doit être considéré comme “temps de travail” ».

V. ETUDE : Les asteintes, La définition et le régime de l'astreinte, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E0286ETR).

 

newsid:476843

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