La lettre juridique n°701 du 8 juin 2017

La lettre juridique - Édition n°701

Électoral

[Brèves] Abrogation des dispositions du Code électoral fixant les temps de diffusion des clips de campagne pour les élections législatives

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017 (N° Lexbase : A6643WER)

Lecture: 1 min

N8577BWL

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par Yann Le Foll

Le 08 Juin 2017

Les dispositions du Code électoral fixant les temps de diffusion des clips de campagne pour les élections législatives méconnaissent le pluralisme des opinions et l'équité entre les partis et doivent donc être abrogées. Ainsi statue le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 31 mai 2017 (Cons. const., décision n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017 N° Lexbase : A6643WER).

L'article L. 167-1 du Code électoral (N° Lexbase : L3121LCL) fixe les conditions dans lesquelles les partis et groupements politiques ont accès aux antennes du service public de radiodiffusion et de télévision pour la campagne officielle en vue des élections législatives. Le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur pouvait prendre en compte la composition de l'Assemblée nationale à renouveler et, eu égard aux suffrages qu'ils avaient recueillis, réserver un temps d'antenne plus important à ceux des partis qui y sont représentés. Toutefois, selon les Sages, le législateur doit également déterminer des règles propres à donner aux autres partis des durées d'émission qui ne soient pas manifestement hors de proportion avec leur représentativité.

En l'espèce, les dispositions contestées donnent aux partis disposant d'un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale des durées de trois heures et une heure trente quel que soit le nombre de ces groupes. Les durées attribuées aux autres partis sont, par comparaison, très réduites. En outre, des durées d'émission identiques sont accordées aux partis et groupements qui ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale, sans distinction selon l'importance des courants d'idées ou d'opinions qu'ils représentent. Le Conseil constitutionnel en a déduit que les dispositions contestées peuvent conduire à l'octroi de temps d'antenne sur le service public manifestement hors de proportion avec la participation à la vie démocratique de la Nation de ces partis et groupements politiques. Il a donc jugé qu'elles méconnaissent l'article 4 de la Constitution (N° Lexbase : L0830AH9) et affectent l'égalité devant le suffrage dans une mesure disproportionnée.

Il a, en conséquence, déclaré contraires à la Constitution les dispositions des paragraphes II et III de l'article L. 167-1 du Code électoral (cf. l’Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E1829A8A).

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Électoral

[Brèves] Validité de la décision de radiation des listes électorales notifiée à la dernière adresse connue

Réf. : Cass. civ. 2, 2 juin 2017, n° 17-60.248, F-P+B+I (N° Lexbase : A2579WGM)

Lecture: 1 min

N8640BWW

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par Yann Le Foll

Le 08 Juin 2017

Est valide la décision de radiation des listes électorales notifiée à la dernière adresse connue. Telle est la solution d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 juin 2017 (Cass. civ. 2, 2 juin 2017, n° 17-60.248, F-P+B+I N° Lexbase : A2579WGM).

Mme X a sollicité sa réinscription sur les listes électorales de la commune de Strasbourg, au motif qu'elle avait été radiée sans respect des formalités légales à la suite d'un changement d'adresse. Elle fait grief au jugement attaqué de rejeter sa requête, alors, selon elle, que le juge aurait dû vérifier que la notification de la radiation avait été faite à son adresse actuelle, et non à son ancienne adresse, alors que la mairie ne pouvait ignorer qu'elle avait déménagé et qu'il appartenait au tribunal de vérifier si elle n'avait pas été radiée à la suite d'une erreur matérielle.

La Cour suprême indique que la décision de radiation avait été notifiée à l'intéressée à la dernière adresse connue. Le tribunal d'instance en a donc exactement déduit que la radiation ne procédait pas d'une erreur purement matérielle et que les formalités des articles L. 23 (N° Lexbase : L2531AAY) et L. 25 (N° Lexbase : L0553HWE) du Code électoral avaient été observées (cf. l’Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E0695GAY).

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Réduction d'impôt mécénat : quid de la redevabilité pour une société rejoignant un groupe fiscalement intégré ?

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 29 mai 2017, n° 404610, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5485WEU)

Lecture: 2 min

N8600BWG

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par Jules Bellaiche

Le 08 Juin 2017

Une société qui a dégagé une réduction d'impôt mécénat et ne l'a pas imputée antérieurement à son intégration fiscale ne peut la transmettre à la société mère du groupe fiscalement intégré qu'elle rejoint pour que cette dernière l'impute sur l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 29 mai 2017 (CE 8° et 3° ch.-r., 29 mai 2017, n° 404610, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5485WEU).
En l'espèce, la société requérante demande l'annulation des paragraphes 170, 180 et 190 de l'instruction n° BOI-BIC-RICI-20-30-30 (N° Lexbase : X4832ALK) au motif qu'ils ajoutent aux dispositions de l'article 220 E (N° Lexbase : L4104HLL) et du e du 1 de l'article 223 O (N° Lexbase : L3199KWE) du CGI en établissant, pour les dépenses de mécénat engagées par une société appartenant à un groupe fiscalement intégré, une distinction entre la réduction d'impôt constatée avant l'intégration et la réduction d'impôt constatée pendant la période d'intégration.
Pour la Haute juridiction, qui n'a pas donné raison à la requérante, une société qui rejoint un groupe fiscalement intégré n'étant plus redevable de l'IS, elle ne peut utiliser, pour le paiement de cet impôt, l'excédent éventuel non imputé antérieurement à son intégration qu'à la condition qu'elle redevienne redevable de cet impôt, en quittant le groupement dans le délai d'imputation de la réduction défini par cet article. En outre, en vertu du e du 1 de l'article 223 O, la société mère d'un groupe fiscalement intégré ne peut se substituer à ses sociétés filiales que pour l'imputation des réductions d'impôt que celles-ci dégagent au titre d'un exercice pour lequel elle est elle-même redevable de l'impôt sur les sociétés pour le groupement.
Ainsi, les dispositions de cet article ne permettent pas qu'une société mère se substitue à sa filiale pour l'imputation, sur l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable, des réductions d'impôt qui ont été dégagées par cette dernière au cours d'un exercice au titre duquel la société mère n'était pas encore redevable de l'impôt sur les sociétés pour cette filiale. Par conséquent, l'instruction fiscale litigieuse se bornant à rappeler ces principes, la société requérante n'est pas fondée à en demander l'annulation (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X4832ALK).

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Fiscalité immobilière

[Jurisprudence] Exonération de la plus-value sur la vente de la résidence principale : de la "normalité" temporelle et des diligences "nécessaires" en droit fiscal

Réf. : CAA Paris, 3 mai 2017, n° 16PA03412, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7488WBX)

Lecture: 7 min

N8610BWS

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par Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité)

Le 08 Juin 2017

L'article 150 U du CGI (N° Lexbase : L1327LDI) incarne l'esprit du "libéralisme propriétarien" au coeur de notre civilisation politique, économique et juridique. Sur ce fondement, une plus-value, advenant à la suite de la cession du logement entendu comme résidence principale du cédant au jour de cession, fait l'objet d'une louable exonération. Si le principe semble clair, son application ne manque pas de générer un contentieux abondant, l'administration ayant tendance à remettre en cause l'exonération de la plus-value lorsqu'elle estime que le bien ne mérite pas la qualité de résidence principale. Dans une décision du 3 mai 2017, la cour administrative d'appel de Paris fait droit aux prétentions de la requérante (CAA Paris, 3 mai 2017, n° 16PA03412, inédit au recueil Lebon). Celle-ci demandait la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle avait été assujettie au titre de l'année 2009 ; le tribunal administratif de Paris avait initialement rejeté sa demande (TA Paris, 27 septembre 2016, n° 1517242/2-1). Après avoir (rapidement) estimé que la requérante n'était pas recevable à demander la décharge des contributions sociales, la cour cogite sur la seule question de la décharge de la cotisation supplémentaire d'IR. La requérante invoque, à l'appui de sa cause, l'instruction 8 M 1-09 n° 35 du 31 mars 2009 (N° Lexbase : X5934AEI) : dès lors qu'un immeuble a été occupé jusqu'à sa mise en vente par le contribuable, ce dernier bénéficie, sur le fondement de l'article 150 U du CGI, de l'exonération de la plus-value de cession... à condition que la vente intervienne dans un délai regardé comme "normal".

Par normal, il faut entendre ici un délai de deux ans pour les cessions opérées en 2009 ou 2010. Partant du principe que l'administration, à qui échoit la dévolution de la preuve, ne démontre pas que déménagement il y a eu plus de deux avant la cession du bien immobilier, la requérante récuse toute remise en cause du bénéfice de l'exonération de la plus-value. De même, estime-t-elle qu'elle ne saurait souffrir de l'application de la majoration pour manquement délibéré. Le cour administrative rappelle, dans un considérant n° 4 porteur de bien des qualités juridiques, les principes devant gouverner l'action de l'administration fiscale en la matière : "un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l'immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal ; [...] il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l'immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu".

On entrevoit combien l'application de ce principe peut se relever ardue tant elle est conditionnée par des notions contingentes et subjectives pouvant conduire à des qualifications, et donc à des interprétations bien différentes et potentiellement contradictoires. Quid d'un délai "normal" ? Quid des diligences "nécessaires" ? Quid du "contexte" économique local ? Quid d'une date "prévisible" ? Il n'est guère étonnant que l'administration souligne que la résidence habituelle du contribuable, à savoir le lieu où il réside "habituellement pendant la majeure partie de l'année" soit une "question de fait qu'il appartient à l'administration d'apprécier" (BOI-RFPI-PVI-10-40 N° Lexbase : X9356AL4). Cette définition tautologique (résidence habituelle = lieu de résidence où le cédant réside habituellement la majeure partie de l'année) ne manque pas d'impressionner ; d'autant que l'administration ajoute, toujours sensible au principe de légalité, "sous le contrôle du juge de l'impôt" (BOI-RFPI-PVI-10-40), formule qui ne peut que rassurer le contribuable pressé de se débarrasser de son bien immobilier.

On l'a compris, aucun délai maximum ne peut, a priori, être fixé en ce qui concerne la réalisation de la cession ; selon l'administration, seule peut valoir une "appréciation circonstanciée de chaque situation, y compris au vu des raisons conjoncturelles qui peuvent retarder la vente" afin de déterminer la dimension normale/anormale du délai de vente (BOI-RFPI-PVI-10-40). L'administration considère que le délai d'une année, "dans un contexte économique normal", mérite d'être regardé comme un "délai maximal" (BOI-RFPI-PVI-10-40). Le mariage fécond de la "normalité" et de la "maximalité" obligent donc, selon l'administration, à retenir le délai d'une année pour bénéficier de la qualité de résidence principale et de la notable exonération qui en découle. Quid dans notre espèce de cette question de fait analysée à l'aune des vertus fiscales de la normalité (délai), des diligences (nécessaires), de la contextualité (économique et réglementaire) locale, et de la prévisibilité (date) ?

Présentement, la requérante demandait à jouir de l'exonération prévue à l'article 150 U du CGI alors même qu'un délai de 22 mois s'était écoulé entre la mise en vente du bien immobilier et sa vente (septembre 2007... juin 2009). De manière méthodique, la cour évalue cette fameuse "question de fait". Pour soutenir que le bien cédé constituait bien sa résidence principale jusqu'au 31 décembre 2008, la requérante produit des factures d'électricité établies à son nom pour les années 2007 et 2008 ; la consommation d'électricité relevée est "significative et constante" ; de plus, la requérante a été imposée en 2007 et 2008 à la taxe d'habitation à raison du bien immobilier au coeur du litige. Quand bien même la requérante a déménagé à Cannes (voir ci-après pour l'importance de cette ville dans le contentieux) en octobre 2007, cela ne saurait constituer un élément susceptible de lui nuire fiscalement : nonobstant le déménagement, il y a "occupation effective" du bien jusqu'en décembre 2008 au regard des "factures d'électricité établies au nom de la requérante".

Moralité : même si vous habitez un endroit du territoire français porteur d'un micro climat connaissant le soleil tout au long de l'année, même si vous être amoureux d'une fraicheur rigoriste ou si vous êtes tout simplement radin, il appert que la consommation régulière et substantielle d'électricité s'avère bénéfique pour votre santé fiscale dans l'hypothèse de la vente de votre résidence principale.

Par ces premiers éléments évoqués, la cour, dans le cadre du balancement des intérêts en présence qu'il lui convient de peser, semble pencher plutôt du côté de la requérante. D'autant que le juge morigène quelque peu l'administration en ses prétentions non argumentées : cette dernière évoquait en effet la possibilité de l'occupation du bien par une tierce personne. Etait ainsi mise en avant la thèse de l'occupation du bien : si tel est le cas (location du bien ou occupation du bien à titre gratuit par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers), le mécanisme d'exonération de l'article 150 U du CGI ne joue pas. Le juge ne suit pas l'administration sur ce terrain, faute de matière probatoire à l'appui d'une telle assertion : il n'est pas apporté "le moindre élément qui permettrait d'étayer son affirmation".

Restait la question des enfants, question souvent problématique pour des contribuables luttant avec l'administration fiscale quand il s'agit de déterminer le lieu de résidence principale. Car les enfants de la requérante sont alors scolarisés, durant la période litigieuse considérée, à Cannes, station balnéaire assez éloignée de Tourgeville (lieu du bien immobilier cédé). Avec les documents par elle produits, la requérante a apporté de logiques justifications. Sa situation familiale (elle est séparée du père de ses enfants, père qui réside à Cannes et avait, à la date de la cession, la garde des enfants) explique une telle configuration. Quant aux attendues "diligences nécessaires", elles ont bien été accomplies selon le juge de l'impôt puisque la requérante a confié, et ce dès le mois de septembre 2007, un mandat de vente à une agence immobilière.

La cour conclut que la requérante peut bénéficier de l'exonération de la plus-value par elle réalisée lors de la vente du bien immobilier qui constituait effectivement sa résidence principale au moment de la cession. On ne peut que louer la décision des juges parisiens. Nonobstant le délai de 22 mois entre la mise en vente et la vente du bien immobilier, le contribuable ne perd pas le bénéfice de l'exonération de la plus-value prévue à l'article 150 U du CGI. La cour reprend la politique jurisprudentielle du Conseil d'Etat. Celui-ci avait par exemple rendu une décision assez similaire le 7 mai 2014 (CE 3° et 8° s-s-r., 7 mai 2014, n° 356328, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9363MKY). La décision mérite intérêt par sa brièveté et par la dimension négative du raisonnement adopté par le Conseil d'Etat.

On sait que c'est souvent par la négative, en censurant ce que le juge d'appel n'a pas fait, que le Conseil d'Etat apporte sa pierre à l'édifice contentieux. Dans cette décision de 2014, le Conseil d'Etat, après avoir rappelé les principes gouvernant son action ("un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour [...] pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu"), censure l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 1er décembre 2011, 10NT02095 N° Lexbase : A2216H8L). L'arrêt mérite censure car la cour nantaise s'est bornée de relever que la requérante n'occupait plus le bien immobilier à la date de cession "sans rechercher si le délai pendant lequel ce bien était demeuré inoccupé pouvait, dans les circonstances de l'espèce [...] être regardé comme normal". Une erreur de droit a été commise par la cour administrative d'appel de Nantes.

Qu'il s'agisse du Conseil d'Etat ou des cours administrative d'appel, une ligne directrice assez claire semble émerger. Eu égard à la contingence des éléments en présence (motifs de la cession, caractéristiques de l'immeuble, contexte économique et réglementaire local), une lecture formelle de l'article 150 U du CGI par l'administration serait l'incarnation de la non équité fiscale. La volatilité même du marché immobilier et les contraintes existentielles des contribuables conduisent le juge à écarter, en fonction de l'espèce, le raisonnement minimaliste temporel de l'administration. Retenir une lecture restrictive de la formule "dans les meilleurs délais" pourrait conduire à nuire gravement aux intérêts des propriétaires soucieux de vendre leur bien dans des conditions matérielles/financières acceptables. Ou tout simplement à porter atteinte indûment au droit de propriété en ce qu'il implique possibilité de cession du bien, et ce en bénéficiant d'une exonération souhaitée par le législateur lui-même.

newsid:458610

[Textes] L'ordonnance du 4 mai 2017 sur l'agent des sûretés : entre précisions et oublis

Réf. : Ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017, relative à l'agent des sûretés (N° Lexbase : L1669LEK)

Lecture: 8 min

N8618BW4

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par Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux"

Le 08 Juin 2017

La loi n° 2007-211 du 19 février 2007, instituant la fiducie (N° Lexbase : L4511HUM), a créé un article 2328-1 dans le Code civil (N° Lexbase : L2525IB7), qui énonce que "toute sûreté réelle peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation garantie par une personne qu'ils désignent à cette fin dans l'acte qui constate cette obligation" (1). Il s'agissait ainsi de permettre aux praticiens, sur le fondement du droit français, de recourir à la technique de l'agent des sûretés. Particulièrement utile dans les pools bancaires, pour l'octroi de crédits syndiqués, ce mécanisme était jusqu'alors ignoré de notre droit.
L'article 2328-1 a cependant fait l'objet de critiques (2). Il faut dire qu'il est difficile de prétendre encadrer un mécanisme tel que celui de l'agent des sûretés en un seul texte, de trois lignes. Le texte apparaissait trop restrictif et de nombreuses questions demeuraient en suspens. En outre, l'article 2328-1 souffrait de la comparaison avec le droit OHADA. Le nouvel Acte uniforme des sûretés (AUS) de 2011 consacre en effet des dispositions détaillées à l'agent des sûretés (art. 5 à 11) (3).
L'article 2328-1 du Code civil n'étant pas d'une grande utilité, les praticiens préféraient recourir à des mécanismes étrangers, avec les incertitudes que ceux-ci engendrent lorsqu'une quelconque reconnaissance est demandée à une juridiction française (4).
La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (5), en son article 117, habilitait le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance pour "clarifier et moderniser" la technique de l'agent des sûretés. Cette loi énonçait également, en quatre points, les règles que l'ordonnance devrait établir. Il est d'ailleurs permis de se demander si une ordonnance était vraiment nécessaire : la loi du 9 décembre 2016 aurait certainement pu faire le travail elle-même.
Un délai de 10 mois était accordé pour la prise de l'ordonnance. Une fois n'est pas coutume, l'ordonnance survint bien avant l'expiration du délai, puisqu'elle a été signée le 4 mai 2017, telle une sorte de cadeau d'adieu de la part du Gouvernement Cazeneuve.
L'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés abroge l'article 2328-1 du Code civil, et crée sept articles (C. civ., art. 2488-6 N° Lexbase : L2192LEW à 2488-12) dans le Code civil (6). Il résulte de cette ordonnance des textes à la fois plus larges (I) et plus précis (II) que le précédent, même s'il est possible de relever certains oublis (III). I - Une extension du mécanisme de l'agent des sûretés

Par rapport à l'ancien article 2328-1, l'ordonnance du 4 mai 2017 réalise une extension du mécanisme de l'agent des sûretés à deux points de vue.

D'une part, les nouveaux textes ne sont pas limités aux sûretés réelles. L'article 2328-1 commençait en précisant que "Toute sûreté réelle [...]", et était situé dans le titre du Code civil consacré à cette catégorie de sûretés (titre II du livre IV). A l'inverse, les nouveaux textes sont l'objet d'un titre III dans le livre IV, spécialement créé pour l'occasion, et entièrement consacré à l'agent des sûretés. L'article 2488-6 commence en énonçant que "Toute sûreté ou garantie [...]", ce qui, à l'évidence, ne limite plus ce mécanisme aux sûretés réelles. La mission de l'agent des sûretés pourra donc également porter sur des sûretés personnelles, notamment sur des cautionnements (7), et sur d'autres techniques, dont la qualification de sûreté ne nous semble toujours pas acquise : droit de rétention (8), clause de réserve de propriété (9), etc.. Une telle extension est certainement inspirée du droit OHADA (AUS, art. 5).

D'autre part, la convention d'agent des sûretés n'est plus liée à la convention de crédit. L'article 2328-1 précisait in fine que l'agent des sûretés est une personne que les créanciers désignent dans l'acte qui constate l'obligation garantie. Le contrat principal devait donc identifier et désigner l'agent des sûretés. Dorénavant, plus aucune indication n'est fournie par les textes sur le moment de la désignation de l'agent des sûretés. Le mécanisme y gagne assurément en souplesse : les créanciers pourront désigner l'agent dès la conclusion du comtat principal, comme auparavant, mais ils pourront également choisir de différer cette désignation.

II - Des textes plus précis que l'ancien article 2328-1

Les précisions apportées par les nouveaux textes sont nombreuses.

La première concerne la nature de l'agent des sûretés. La doctrine s'interrogeait sur cette question. Devait-on y voir un mandataire ? Ou plutôt un commissionnaire ? Le fait que l'article 2328-1 ait été créé par la loi relative à la fiducie faisait-elle de l'agent des sûretés une variété particulière de fiduciaire ? Les nouveaux textes ne prennent pas véritablement parti, mais l'article 2488-6 précise que l'agent agit en son nom propre, ce qui exclut la qualification de mandataire. En traitant de l'agent des sûretés dans un titre qui lui est réservé, et en le dotant d'un régime à peu près complet, il y a lieu de penser que l'ordonnance du 4 mai 2017 en fait un mécanisme sui generis. Ceci dit, la parenté avec la fiducie est particulièrement marquée, même si une différence irréductible existe entre les deux : tandis que le patrimoine fiduciaire suppose une cession fiduciaire, c'est-à-dire un transfert au fiduciaire, le patrimoine affecté à la mission de l'agent peut se composer de droits transférés à l'agent, mais aussi et surtout de sûretés constituées par l'agent lui-même et sur lesquelles il n'y a pas, par hypothèse, de transfert lors de la conclusion du contrat.

Ce même article 2288-6 précise que l'agent est titulaire des sûretés, ce qui exclut implicitement qu'il soit titulaire des créances. Même si la question a pu être posée (10), la réponse est cohérente : les créanciers demeurent titulaires de leur créance, l'agent des sûretés n'est titulaire que de la sûreté.

L'article 2288-6 apporte enfin une précision importante : les droits et biens sur lesquels porte la mission de l'agent sont "un patrimoine affecté à celle-ci, distinct de son patrimoine propre". Il y a donc, à l'instar de la fiducie, création d'un patrimoine d'affectation. Ce patrimoine se composera pour l'essentiel de sûretés, mais peut également contenir des biens : tel sera notamment le cas lorsque l'agent a perçu les fruits du bien grevé (par exemple en matière de gage immobilier).

Les pouvoirs et missions de l'agent des sûretés ne sont pas modifiés : l'agent prend, inscrit, gère, et réalise les sûretés. A ce sujet, il convient de préciser que si certaines sûretés ont été conclues avec dépossession, l'agent des sûretés assumera les obligations d'entretien et de conservation du bien grevé, qui incombent en principe au créancier.

L'article 2488-7 (N° Lexbase : L2198LE7) fixe la forme de la convention d'agent des sûretés. A peine de nullité, le contrat doit être écrit, et doit mentionner la qualité de l'agent des sûretés, l'objet et la durée de sa mission, et l'étendue de ses pouvoirs. Bien évidemment, cette dernière mention devra être rédigée avec le plus grand soin, afin d'encadrer les pouvoirs de l'agent, sans pour autant le brider excessivement. C'est à cette occasion que le contrat devra, par exemple, préciser si l'agent est totalement maître de la réalisation ou non, c'est-à-dire s'il peut librement choisir entre vente forcée et attribution du bien, ou s'il doit se conformer à des instructions émanant du créancier concerné.

L'information des tiers s'opère de manière similaire à la fiducie : l'agent qui agit es qualité doit expressément faire mention de cette qualité (C. civ., art. 2488-8 N° Lexbase : L2197LE4). Cette disposition sera par exemple utile dans le cas de l'information annuelle de la caution : c'est l'agent qui informera la caution, avant le 31 mars, du montant de la dette au 31 décembre de l'année précédente. Or, cette information devant émaner du créancier (C. mon. et fin., art. L. 313-22 N° Lexbase : L7564LBR), il est nécessaire que la caution soit renseignée sur la qualité de la personne qui l'informe en lieu et place du créancier.

L'article 2488-9 (N° Lexbase : L2196LE3) accorde deux droits importants, et fondamentaux pour l'efficacité du mécanisme, à l'agent des sûretés. Il peut agir en justice pour défendre les intérêts des créanciers, et procéder aux déclarations de créances nécessaires en cas de procédure collective, sans avoir à justifier d'un mandat spécial. L'agent n'a ainsi pas besoin de requérir un mandat spécial de la part de chaque créancier avant d'engager une action en justice ou de déclarer une créance.

Les trois dernières précisions sont librement inspirées du régime de la fiducie. La première d'entre elles précise le degré de cloisonnement du patrimoine d'affectation : ce patrimoine ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de sa gestion ou de sa conservation (sous réserve des droits de suite et des hypothèses de fraude) et l'ouverture d'une procédure collective envers l'agent des sûretés n'a aucun effet sur le patrimoine d'affectation (C. civ., art. 2488-10 N° Lexbase : L2195LEZ). Il s'agit là de la transposition des articles 2024 (N° Lexbase : L6520HWE) et 2025 (N° Lexbase : L6521HWG) du Code civil.

La deuxième envisage le cas d'une faute grave de l'agent ou de l'ouverture d'une procédure collective à son encontre, en reconnaissant la possibilité pour l'un des créanciers de demander la désignation d'un agent des sûretés provisoire, ou le remplacement de l'agent (C. civ., art. 2488-11 N° Lexbase : L2194LEY).

Enfin, la dernière précision tient à la responsabilité de l'agent : celui-ci, en cas de faute, est responsable sur son patrimoine propre (C. civ., art. 2488-12 N° Lexbase : L2193LEX).

III - Les oublis

Le premier oubli concerne les mentions requises dans l'acte constitutif (C. civ., art. 2488-7). Le texte ne vise ni l'identité des créanciers concernés, ni les obligations garanties. C'est indéniablement source de souplesse, puisque l'acte originel n'aura pas à être modifié en cas de remplacement d'un créancier par un autre (par l'effet d'une subrogation par exemple) ou si l'obligation vient à être modifiée ultérieurement à la constitution de l'agent des sûretés.

La souplesse ne doit cependant pas dériver en imprécision. Au regard des pouvoirs étendus dont peut être investi l'agent, il apparaît gênant qu'aucune identification des créanciers et des créances concernés ne soit imposée dans l'acte constitutif. L'AUS de l'OHADA prévoit expressément ces mentions dans l'acte (art. 6, 1° et 2°).

Le deuxième oubli de l'ordonnance du 4 mai 2017 tient à l'absence d'obligation de reddition de comptes à la charge de l'agent des sûretés. Peut-on imaginer, dans un tel contrat, que l'agent n'ait aucun compte à rendre aux créanciers pour le compte desquels il agit ? Le mandataire a une obligation de reddition de comptes (C. civ., art. 1993 N° Lexbase : L2216ABP), tout comme le fiduciaire (C. civ., art. 2022, al. 1er N° Lexbase : L2241IBM) ou l'agent des sûretés en droit OHADA (AUS, art. 6, 5°). Cet oubli laisse à penser qu'aucune obligation de reddition de comptes n'existe. Et même si l'on estimait qu'une telle obligation est sous-jacente à ce type de contrat, imposer à l'acte constitutif de fixer les modalités de cette reddition (périodicité, éléments pertinents d'information, etc.) aurait été utile.

Un troisième oubli qui nous semble regrettable est celui de l'extinction du contrat d'agent des sûretés. Certes, l'article 2488-11 envisage une hypothèse particulière, lorsque l'agent commet une faute grave ou fait l'objet d'une procédure collective. Mais qu'en est-il des autres causes d'extinction ? Il est permis de supposer que le décès de l'agent (s'il est une personne physique, ce que rien n'interdit même si cela devrait être relativement rare) met un terme au contrat (qui est fortement teinté d'intuitus personae).

Il est également permis de penser que l'extinction des créances garanties, lorsqu'elle provoque l'extinction par voie accessoire des sûretés et garanties, met fin à sa mission.

Des difficultés pourraient cependant voir le jour. Par exemple, qu'en sera-t-il d'une créance garantie par une hypothèque rechargeable ? Lorsque la créance sera éteinte, le créancier n'aura plus cette qualité. Mais l'hypothèque rechargeable subsiste. Dans l'hypothèse où il n'y a plus d'autres créanciers, l'agent des sûretés, étant titulaire des sûretés, verra donc sa mission se poursuivre. Il se retrouvera dans une situation étonnante : agent des sûretés, titulaire d'une hypothèque rechargeable, mais sans aucun créancier au profit duquel la gérer...

Enfin, il aurait peut-être été utile de clarifier l'articulation entre le nouveau régime de l'agent des sûretés et certains textes existants. A titre d'illustration, qu'en est-il de l'article 2345 du Code civil (N° Lexbase : L1172HIA), aux termes duquel "lorsque le détenteur du bien gagé est le créancier de la dette garantie, il perçoit les fruits de ce bien et les impute sur les intérêts ou, à défaut, sur le capital de la dette" ? Dans l'hypothèse qui nous intéresse, le détenteur du bien gagé est l'agent des sûretés, et non le créancier. Faut-il déduire de ce texte, initialement pensé pour distinguer les gages avec et sans dépossession, que l'agent ne peut percevoir les fruits du bien grevé ? Une telle solution, incontestable au regard de la lettre du texte, serait bien peu opportune.


(1) Le terme "constituée" ayant été ajouté ultérieurement, par l'article 80 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 (N° Lexbase : L7358IAR).
(2) V. par exemple S. Laval, Pour une réforme de l'agent des sûretés, Dr. & Patr., avril 2016, p. 28 ; P. Nabet, Pour un agent des sûretés efficace en droit français, ou comment donner un effet utile à l'article 2328-1 du Code civil, D., 2010, p. 1901.
(3) P. Crocq, Les grandes orientations du projet de réforme de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés, Dr. & Patr., 2010, n° 197, p. 58 ; G.-A. Likillimba, L'agent des sûretés en droit OHADA, RTDCom., 2012, p. 475.
(4) V. notamment, au sujet d'une dette parallèle, l'arrêt "Belvedere", Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-25.533, FS-P+B (N° Lexbase : A7460HXL), D., 2011, p. 2518, note L. d'Avout et N. Borga, Rev. crit. DIP, 2011, p. 870, note J.-P. Rémery ; A. Bordenave, Lexbase, éd. aff., 2011, n° 265 (N° Lexbase : N7797BSL). Adde, M. Attal, La reconnaissance des sûretés mobilières conventionnelles étrangères dans l'ordre juridique français, Defrénois, 2005.
(5) Tout un programme...
(6) Précisions que ces nouveaux textes n'entreront en vigueur que le 1er octobre 2017 (art. 4).
(7) Il est ainsi possible d'imaginer un agent des sûretés qui se chargera, par exemple, de l'information annuelle des cautions (C. mon. et fin., art. L. 313-22 N° Lexbase : L7564LBR).
(8) Rép. civ. Dalloz, V° Rétention, spéc. n° 15 et s.
(9) Que le Code civil ne qualifie pas expressément de sûreté, et qui nous semble ne pas mériter cette qualification, faute d'effet satisfactoire pour le créancier.
(10) S. Laval, préc. note 2.

newsid:458618

Immobilier et urbanisme

[Manifestations à venir] Airbnb et plates-formes collaboratives : quelles incidences sur le droit immobilier ?

Lecture: 1 min

N8687BWN

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Le 09 Juin 2017

Caroline de Puységur et Marine Parmentier, CoPrésidentes de la Commission Droit Immobilier de l'ACE (Avocats conseils d'entreprise) vous invitent à participer à la prochaine réunion qui aura lieu le mardi 27 juin 2017 (11h/13h) dans les locaux de l'ACE sur le thème "Airbnb et plates-formes collaboratives : quelles incidences sur le droit immobilier ?"
  • Intervenantes

Charlotte Félizot, Avocate CMS Bureau Francis Lefebvre
Sandra Kabla, Counsel CMS Bureau Francis Lefebvre

Les travaux de la commission seront retransmis sur le site Lexradio

  • Renseignements/Inscriptions

Nombre de places limité : inscription par e-mail : s.lagorce@avocats-conseils.org

Gratuit pour les adhérents ACE - AAMTI - AFJE
50 euros TTC pour les non membres bulletin d'inscription

2 heures de formation continue

ACE - 5, rue Saint-Philippe du Roule - 75008 Paris - Tél 01.47.66.30.07
ace@avocats-conseils.org - www.avocats-conseils.org

newsid:458687

Mineurs

[Brèves] De la nécessité, pour le mineur devenu majeur, d'être assisté par un avocat devant la juridiction pénale des mineurs statuant sur l'action civile

Réf. : Cass. avis, 26 mai 2017, n° 17009 (N° Lexbase : A8540WEZ)

Lecture: 1 min

N8588BWY

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 08 Juin 2017

Le majeur, qui a été poursuivi pour des faits remontant à sa minorité, doit être assisté d'un avocat devant la juridiction pénale des mineurs statuant sur l'action civile. C'est en ce sens que s'est prononcée la Cour de cassation, à travers un avis rendu le 26 mai 2017 (Cass. avis, 26 mai 2017, n° 17009 N° Lexbase : A8540WEZ).

En effet, selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. crim., 21 mars 1947, Bull. crim. n° 88), l'âge de la personne poursuivie, qui fonde le principe de spécialisation des juridictions chargées des mineurs, est apprécié au jour des faits et non à celui du jugement. Il n'existe aucune règle spéciale traitant de la procédure en matière d'action civile dans l'ordonnance du 2 février 1945 (N° Lexbase : L4662AGR). L'article 10 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9876IQT), disposition générale qui trouve donc à s'appliquer, précise que lorsque l'action civile est exercée devant une juridiction répressive, la procédure pénale s'applique sauf pour les mesures d'instruction ordonnées par le juge pénal sur les seuls intérêts civils qui obéissent aux règles de la procédure civile. L'article 4-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 prévoit que le mineur poursuivi doit être assisté d'un avocat et ne distingue pas suivant que celui-ci est devenu ou non majeur à la date de sa comparution devant la juridiction de jugement (Cass. avis, 29 février 2016, n° 16002 N° Lexbase : A2657QE7). Dès lors, le mineur devenu majeur doit bénéficier d'une telle assistance devant le juge pénal statuant sur l'action civile et ne peut y renoncer.

newsid:458588

(N)TIC

[Brèves] Recevabilité des courriels produits au débat par l'employeur en cas d'absence de déclaration simplifiée d'un système de messagerie électronique professionnelle non pourvu d'un contrôle individuel de l'activité des salariés

Réf. : Cass. soc., 1er juin 2017, n° 15-23.522, FS-P+B (N° Lexbase : A2658WGK)

Lecture: 2 min

N8626BWE

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par Aurélia Gervais

Le 09 Juin 2017

L'absence de déclaration simplifiée d'un système de messagerie électronique professionnelle non pourvu d'un contrôle individuel de l'activité des salariés, qui n'est dès lors pas susceptible de porter atteinte à la vie privée ou aux libertés au sens de l'article 24 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS), ne rend pas illicite la production en justice des courriels adressés par l'employeur ou par le salarié dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés et conservés par le système informatique. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 1er juin 2017 (Cass. soc., 1er juin 2017, n° 15-23.522, FS-P+B N° Lexbase : A2658WGK).

En l'espèce, un directeur administratif et financier a été licencié pour insuffisance professionnelle en mai 2010. Dans le cadre du contentieux prud'homal relatif à ce licenciement, l'employeur a produit aux débats des courriels échangés avec le salarié, issus de sa messagerie professionnelle.

Le 24 juin 2015, la cour d'appel de Paris a écarté des débats des pièces de l'employeur retenant que l'article 22 de la loi du 6 janvier 1978 (N° Lexbase : L8794AGS), modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel (N° Lexbase : L0722GTW), dispose que les traitements automatisés de données à caractère personnel font l'objet d'une déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), que le traitement automatisé est un traitement réalisé mécaniquement ou électroniquement, qu'enfin, la norme simplifiée n° 46 adoptée par la Cnil le 13 janvier 2005 (N° Lexbase : X8981ACM) impose la déclaration simplifiée pour la gestion de la messagerie électronique professionnelle, à l'exclusion de tout traitement permettant le contrôle individuel de l'activité des employés qui doit faire l'objet d'une déclaration normale. La cour d'appel a estimé, qu'en l'espèce, il est établi que l'employeur n'a pas effectué de déclaration relative à un traitement de données à caractère personnel auprès de la Cnil. Elle en a déduit que, dès lors, les courriels qu'il produit aux débats, issus de cette messagerie professionnelle non déclarée, constituent des preuves illicites qui seront écartées des débats.

En énonçant la règle susvisée, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4598EXL).

newsid:458626

Procédure civile

[Brèves] De l'interruption des délais de prescription et de forclusion par un acte de saisine, même entaché d'un vice de procédure

Réf. : Cass. civ. 2, 1er juin 2017, n° 16-14.300, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8538WEX)

Lecture: 2 min

N8597BWC

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par Aziber Seïd Algadi

Le 08 Juin 2017

L'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion. Telle est la solution rappelée par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 1er juin 2017 (Cass. civ. 2, 1er juin 2017, n° 16-14.300, FS-P+B+I N° Lexbase : A8538WEX ; déjà en ce sens, Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-22.088, F-P+B N° Lexbase : A6522MY9 et lire N° Lexbase : N4495BUZ ; il convient de rappeler que l''article 2241, alinéa 2, du Code civil N° Lexbase : L7181IA9, ne distinguant pas entre le vice de forme et l'irrégularité de fond, l'assignation, même affectée d'un vice de fond, a un effet interruptif ; cf., Cass. civ. 3, 10 novembre 2016, n° 14-25.318, FS-P+B N° Lexbase : A9104SGB et lire N° Lexbase : N5630BWG).

Selon les faits de l'espèce, dans un litige les opposant à une SCI, M. et Mme X ont fait assigner celle-ci devant un tribunal de grande instance. La SCI a appelé dans la cause les constructeurs et les assureurs. La SCI ayant fait l'objet d'une procédure de dissolution anticipée, le président du tribunal de grande instance a désigné, comme mandataire ad hoc, la société R.. Cette dernière a interjeté appel, pour le compte de la SCI, du jugement rendu par le tribunal de grande instance. Une ordonnance d'un conseiller de la mise en état a constaté la nullité pour irrégularité de fond de la déclaration d'appel formalisée par la société R.. Pour confirmer l'ordonnance, la cour d'appel (CA Lyon, 7 janvier 2016, n° 15/06557 N° Lexbase : A2121N3X) a retenu que la déclaration d'appel formée par la société R. est entachée d'une nullité de fond, au sens de l'article 117 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1403H4Q), dès lors que cette dernière n'avait pas le pouvoir de représenter la SCI pour faire appel en son nom, que l'article 121 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1412H43) ne peut trouver application qu'à la condition que la nullité soit encore susceptible d'être couverte avant l'expiration du délai d'appel et que la régularisation est intervenue postérieurement au 18 janvier 2015, date à laquelle expirait ledit délai.

En statuant ainsi, relève la Haute juridiction, alors que demeurait possible la régularisation de la déclaration d'appel qui, même entachée d'un vice de procédure, avait interrompu le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 2241, alinéa 2, du Code civil et 121 du Code de procédure civile (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1152EU9).

newsid:458597

Rel. collectives de travail

[Brèves] Inconstitutionnalité du recours de l'employeur contre une expertise CHSCT : maintien provisoire de la jurisprudence de la Cour de cassation

Réf. : Cass. soc., 31 mai 2017, n° 16-16.949, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6652WE4)

Lecture: 2 min

N8576BWK

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par Blanche Chaumet

Le 08 Juin 2017

Les dispositions de l'article L. 4614-13 du Code du travail (N° Lexbase : L0722IXZ ; modifié par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C, dite loi "Travail" : N° Lexbase : L7241K93) telles qu'interprétées de façon constante par la Cour de cassation constituent le droit positif applicable jusqu'à ce que le législateur remédie à l'inconstitutionnalité constatée dans sa décision n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015 (Cons. const., décision n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015 N° Lexbase : A9179NXA, relatif à la contestation et à la prise en charge des frais d'une expertise décidée par le CHSCT) et au plus tard jusqu'au 1er janvier 2017. L'atteinte ainsi portée au droit de propriété et au droit au recours effectif pour une durée limitée dans le temps est nécessaire et proportionnée au but poursuivi par les articles 2 (N° Lexbase : L4753AQ4) et 8 (N° Lexbase : L4798AQR) de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) protégeant la santé et la vie des salariés en raison des risques liés à leur domaine d'activité professionnelle ou de leurs conditions matérielles de travail. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 31 mai 2017 (Cass. soc., 31 mai 2017, n° 16-16.949, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6652WE4).

Le CHSCT d'une société a voté par délibération le recours à une expertise sur le fondement d'un risque grave, en application de l'article L. 4614-12 du Code du travail (N° Lexbase : L5577KGN, applicable en la cause) et a désigné pour y procéder un expert. La société a été déboutée de sa contestation de cette mesure par jugement du 8 novembre 2012. Par arrêt du 6 novembre 2013, la cour d'appel a infirmé cette décision et annulé la délibération. Le cabinet d'expertise a rendu son rapport en novembre 2013 et a fait parvenir sa note d'honoraires complémentaires mais la société a refusé de régler cette note et a demandé le remboursement des sommes déjà payées, en exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel. L'expert a alors saisi, le 27 mars 2014, le président du TGI d'une demande de condamnation de la société au paiement d'une somme correspondant à la totalité des honoraires dus.

La cour d'appel ayant rejeté sa demande afin de garantir le droit à un procès équitable et l'effectivité de l'exécution de l'arrêt du 6 novembre 2013, rendu dans une instance à laquelle le cabinet d'expertise avait été appelé, ce dernier s'est pourvu en cassation.

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt au visa des articles 2, 6 § 1 (N° Lexbase : L7558AIR), et 8 de la CESDH, ensemble les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du Code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause (voir également la note explicative de l'arrêt ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3406ETC).

newsid:458576

Temps de travail

[Jurisprudence] Le régime des heures de délégation prises pendant un repos compensateur obligatoire

Réf. : Cass. soc., 23 mai 2017, n° 15-25.250, FP-P+B+R (N° Lexbase : A1068WEB)

Lecture: 7 min

N8595BWA

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par Gilles Auzero, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 08 Juin 2017

Afin que les salariés investis d'un mandat de représentant du personnel puissent utilement exercer leurs fonctions, le législateur leur a octroyé des heures de délégation, de plein droit considérées comme du temps de travail. Les salariés concernés sont ainsi assurés de ne pas subir de perte de rémunération du fait de l'exercice de leur mandat, puisque, pour le dire simplement, ces heures leur seront payées comme s'ils avaient effectivement travaillé. La mise en oeuvre de cette règle de principe présente, toutefois, une difficulté lorsque, au moment où le représentant du personnel utilise ses heures de délégation, son contrat de travail se trouve suspendu. La question est alors de savoir si ces heures doivent être, là aussi, rémunérées. Un arrêt rendu le 23 mai 2017 par la Cour de cassation, dans lequel était en cause un représentant du personnel bénéficiant de repos compensateurs, apporte des éléments de réponse appréciables à cette interrogation.
Résumé

Si le temps alloué à un représentant élu du personnel ou à un représentant syndical pour l'exercice de son mandat est de plein droit considéré comme temps de travail et si le salarié ne peut être privé des jours de repos compensateur du fait de l'exercice de ses mandats durant cette période de repos compensateurs, il résulte de l'article D. 3121-14 du Code du travail (N° Lexbase : L7287IBI) alors applicable que ce n'est que lorsque le contrat de travail prend fin avant que le salarié ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos qu'il reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.

Observations

I - Heures de délégation et suspension du contrat de travail

La faculté d'exercer le mandat. Comme tout autre salarié, un représentant du personnel peut voir son contrat de travail suspendu en raison de la survenance de divers évènements. Le Code du travail n'a cependant nullement réglé les conséquences de cette suspension sur l'exercice du mandat de représentant du personnel. Saisie de la question, la Cour de cassation a décidé, à de multiples reprises, que la suspension de l'exécution du contrat de travail n'a pas pour effet de suspendre le mandat de représentation (1), y compris lorsque la suspension trouve sa cause dans une mise à pied disciplinaire ou conservatoire (2) ou que le salarié est en arrêt maladie (3).

Dès lors que la suspension du contrat de travail ne fait pas obstacle à l'exercice des fonctions de représentants du personnel, il en résulte nécessairement que le salarié est en droit de prendre les heures de délégation auxquelles il a droit. La situation fait cependant naître une importante difficulté technique relative au paiement de ces heures de délégation.

La rémunération des heures de délégation. En application de la loi, les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail (4). Il en résulte que les représentants du personnel ne doivent subir aucune perte de salaire du fait de l'exercice de leurs fonctions. La rémunération des heures consacrées au mandat doit être calculée de telle sorte qu'ils perçoivent le même salaire que s'ils avaient effectivement travaillé. Si la situation se conçoit bien lorsque le salarié prend ses heures de délégation durant son temps de travail, voire en dehors de celui-ci (5), elle s'avère plus problématique lorsque le contrat de travail se trouve suspendu. Dans une telle hypothèse, le représentant du personnel peut-il prétendre à la rémunération des heures de délégation ?

Dans la mesure où ces dernières sont assimilées à du temps de travail, on est tenté de répondre par l'affirmative. La Cour de cassation a, à cet égard, pu considérer que les heures de délégation utilisées par des représentants du personnel au cours d'un mouvement de grève doivent être rémunérées (6). Mais elle a aussi décidé que lorsqu'un salarié a perçu une indemnité de congés payés, il ne peut la cumuler avec les sommes dues au titre des heures de délégation utilisées pendant la période de congés payés afférente (7).

Cette dernière solution peut se justifier par l'idée que si le salarié ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de l'exercice de ses heures de délégation, il ne doit pas non plus en retirer un bénéfice indu, en cumulant, pour une même période, une indemnité et une rémunération. Il s'agirait donc de rechercher une égalité de situation entre les salariés, qu'ils exercent ou non un mandat de représentant du personnel (8). Ce raisonnement peut expliquer la solution retenue dans l'arrêt sous examen, dans lequel le représentant du personnel n'était pas en congé, mais bénéficiait de repos compensateurs.

II - Heures de délégation et repos compensateur obligatoire

L'affaire. Etait, en l'espèce, en cause, une salariée titulaire de plusieurs mandats représentatifs. L'employeur ayant cessé, à compter du mois de mars 2015, de lui payer les heures de délégation effectuées lors de ses contreparties obligatoires en repos, la salariée avait saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes en paiement des heures de délégation effectuées en mars et avril 2015, outre les congés payés afférents.

Pour condamner l'employeur au paiement provisionnel des sommes réclamées, le juge des référés avait retenu que, le représentant du personnel, qui bénéficie de jours de repos compensateurs conventionnels (contrepartie obligatoire à repos) et utilise ses heures de délégation pendant ce repos, est en droit de bénéficier de la quote-part de repos correspondant au temps de délégation. Or, en l'espèce, l'employeur n'avait pas procédé au report de la quote-part de la contrepartie obligatoire en repos de la salariée correspondant au temps de l'exercice de ses mandats pendant cette période.

Le jugement est censuré au visa de l'article D. 3121-14 du Code du travail alors applicable, ensemble l'article R. 1455-7 du Code du travail (N° Lexbase : L0818IAK). Ainsi que l'affirme la Cour de cassation, "en statuant ainsi, alors que, si le temps alloué à un représentant élu du personnel ou à un représentant syndical pour l'exercice de son mandat est de plein droit considéré comme temps de travail et que la salariée ne pouvait être privée des jours de repos compensateur du fait de l'exercice de ses mandats durant cette période de repos compensateurs, il résulte de l'article D. 3121-14 du Code du travail alors applicable que ce n'est que lorsque le contrat de travail prend fin avant que le salarié ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos, qu'il reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis, ce dont il résultait que, le contrat de la salariée n'ayant pas été rompu, sa demande, non en report de ses jours de repos compensateurs mais en paiement de l'indemnité correspondante se heurtait à une contestation sérieuse, la formation de référé du conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés".

Il résulte, au premier chef de cette solution que, conformément aux prescriptions de l'article R. 1455-7 du Code du travail, la formation de référé ne pouvait accorder une provision au créancier, dans la mesure où l'existence de l'obligation était sérieusement contestable. Mais c'est précisément l'objet de cette contestation qui doit ici retenir l'attention.

Une rémunération des heures de délégation sous condition. Pour aller à l'essentiel, on rappellera qu'un salarié qui accomplit des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel doit bénéficier d'une contrepartie obligatoire en repos (9). Pendant ce temps de repos, l'exécution du contrat de travail du salarié est, par hypothèse, suspendu sans que, pour autant, et conformément à ce qui a été dit précédemment, le mandat de représentant du personnel dont il peut se trouver par ailleurs investi, se trouve lui-même suspendu. Par voie de conséquence, il est en mesure de prendre des heures de délégation.

Ainsi que le laisse clairement entendre la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, ces heures de délégation, dont il faut rappeler qu'elles sont de plein droit considérées comme temps de travail, ne sauraient venir amputer le repos du salarié. En d'autres termes, et pour que celui-ci conserve sa raison d'être, le salarié doit bénéficier du report de la quote-part de la contrepartie obligatoire au repos qu'il n'a pu prendre du fait de ses heures de délégation. On remarquera que les juges du second degré n'avaient pas dit autre chose, en l'espèce. Mais ils avaient décidé que, faute pour l'employeur d'avoir procédé au report, il devait payer à la salariée ses heures de délégation.

C'est à ce stade que la Cour de cassation s'éloigne du raisonnement des juges d'appel ; de manière justifiée, à notre sens. En effet, en condamnant l'employeur à payer à la salariée des heures de délégation, ces derniers autorisaient le cumul entre la rémunération des heures de délégation et l'indemnisation du repos obligatoire. Rappelons, en effet, que selon l'ancien article D. 3121-9 du Code du travail (N° Lexbase : L7335IBB) (10), la contrepartie obligatoire en repos est assimilée à une période de travail effectif et donne lieu à une indemnisation qui n'entraîne aucune diminution de rémunération par rapport à celle que le salarié aurait perçue s'il avait accompli son travail.

Admettre un tel cumul reviendrait à accorder un certain privilège au salarié investi d'un mandat de représentant du personnel. Or, comme il a été dit précédemment, la loi entend simplement assurer une égalité de situation ou, plus exactement, interdire que le représentant du personnel subisse un préjudice du fait de l'exercice de son mandat.

Ainsi, pas plus que l'indemnité de congés payés, l'indemnisation du repos obligatoire ne saurait se cumuler avec le paiement des heures de délégation. En revanche, le salarié doit pouvoir bénéficier de l'intégralité de ce repos et, dès lors, obtenir son report. Reste alors l'hypothèse dans laquelle, du fait de la rupture de son contrat de travail, le salarié ne peut bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos. La question est réglée par l'ancien article D. 3121-14 du Code du travail (11) qui prévoit, comme le rappelle la Cour de cassation, que ce n'est que lorsque le contrat de travail prend fin avant que le salarié ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit, ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos, qu'il reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.

En conséquence de tout cela, soit le contrat de travail est en cours, et le salarié doit bénéficier d'un repos équivalent aux heures de délégation prises durant le repos compensateur (12), soit le contrat a pris fin, et le salarié est en droit de prétendre, sinon au paiement de ces heures de délégation, du moins à l'indemnité correspondant au repos non pris. Mais dans la mesure où, tant les heures de délégation que le repos compensateur sont assimilés à du temps de travail, le salarié sera rempli de ses droits.

Au final, la solution retenue apparaît équilibrée (13). Le salarié investi d'un mandat de représentant du personnel est assuré de pouvoir exercer ses fonctions sans subir le moindre préjudice, mais sans non plus bénéficier d'un traitement privilégié par rapport à ses collègues de travail.


(1) V. par ex., Cass. crim., 25 mai 1983, n° 82-91.538, publié (N° Lexbase : A1814AAG), Bull. crim., n° 153 (chômage technique) ; Cass. soc., 27 février 1985, n° 82-40.173, publié (N° Lexbase : A1718AAU), Bull. civ. V, n° 124 (fait de grève).
(2) Cass. soc., 2 mars 2004, n° 02-16.554, publié (N° Lexbase : A3741DB8), Bull. civ. V, n° 71 ; Cass. crim., 11 septembre 2007, n° 06-82.410, F-P+F (N° Lexbase : A6902DYB), Bull. crim., n° 199.
(3) Cass. mixte, 21 mars 2014, n° 12-20.002, P-B+R+I (N° Lexbase : A2650MHM) ; nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 565 (N° Lexbase : N1577BUX) ; JCP éd. S., 2014, 621, note D. Corrignan-Carsin.
(4) C. trav., art. L. 2143-17 (N° Lexbase : L2207H9M), L. 2315-3 (N° Lexbase : L2669H9Q) et L. 2325-7 (N° Lexbase : L9801H8I).
(5) Auquel cas, on le sait, les heures de délégation doivent être traitées comme des heures supplémentaires.
(6) Cass. soc., 27 février 1985, n° 82-40.173, publié, préc.. Il convient de noter qu'était en cause, en l'espèce, le temps passé en réunion avec l'employeur.
(7) Cass. soc., 19 octobre 1994, n° 91-41.097, inédit (N° Lexbase : A1725ABI) ; RJS 12/94, n° 1419.
(8) V., en ce sens, les obs. préc. à la RJS 12/94. Mais, en ce cas, on s'explique mal le paiement des heures de délégation prises pendant une grève, alors que, faut-il le rappeler, un salarié gréviste ne perçoit en principe aucune rémunération.
(9) Ces règles n'ont pas été modifiées par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), qui, en substance, se contente de les répartir selon la nouvelle architecture des règles qu'elle établit en matière de durée du travail et de congés.
(10) Ces règles figurent aujourd'hui, à l'identique, à l'article D. 3121-19 (N° Lexbase : L5484LBQ).
(11) Dispositions qui figurent aujourd'hui à l'article D. 3121-23 (N° Lexbase : L5439LB3).
(12) Il semble que la Cour de cassation n'entende pas ici laisser d'option entre le paiement des heures de délégation et la prise d'un repos correspondant. Dans la mesure où le contrat de travail continue de recevoir exécution, seule cette modalité est envisageable.
(13) V., dans le même sens mais à propos de jours de repos d'une autre nature, Cass. soc., 20 mai 1992, n° 89-43.103, publié (N° Lexbase : A4992ABI), Bull. civ. V, n° 309. V. aussi, Cass. soc., 27 novembre 2013, n° 12-24.465, FS-P+B (N° Lexbase : A4628KQH) ; Bull. civ. V, n° 290.

Décision

Cass. soc., 23 mai 2017, n° 15-25.250, FP-P+B+R (N° Lexbase : A1068WEB)

Cassation (CPH Montpellier, 16 juillet 2015)

Textes visés : C. trav., art. D. 3121-14 du Code du travail (N° Lexbase : L7287IBI) alors applicable et R. 1455-7 (N° Lexbase : L0818IAK) du même code.

Mots-clefs : représentant du personnel ; suspension du contrat de travail ; heures de délégation ; rémunération ; contrepartie obligatoire en repos.

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