Le Quotidien du 18 septembre 2025

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[A la une] Le procès de trois « Revenantes » de Syrie s’est ouvert devant la cour d’assises à Paris

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N2903B3W

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par Axel Valard

Le 17 Septembre 2025

Elle a commencé par rabattre le pan de sa veste grise sur son chemisier blanc. Puis elle a tendu les mains aux gendarmes afin qu’ils lui ôtent les menottes. Jennyfer Clain a alors embrassé du regard le box des accusés. Alors, seulement, la trentenaire a adressé un grand sourire à son avocat. Un sourire qui lui donnait l’air d’une éternelle adolescente. Comme si, finalement, elle était heureuse d’être là, devant cette cour d’assises spécialement composée après des années de détention provisoire.

Six ans exactement depuis qu’elle a été interpellée en Turquie et ramenée en France. Autant que Christine Allain, 67 ans. Mayalen Duhart, 42 ans, elle, comparaît libre. Trois « revenantes » de Syrie. Trois femmes jugées pour association de malfaiteurs terroristes. Pour avoir adhéré aux thèses de l’État islamique, avoir vécu sur ce qu’on appelle benoîtement le « théâtre des opérations » à Raqqa en Syrie. Et pour y avoir emmené et élevé leurs enfants pour deux d’entre elles.

Leur procès s’est donc ouvert lundi 15 septembre sur l’île de la Cité à Paris. Et comme toujours dans ce genre de dossier, il donne à voir une équation quasi insoluble. Peut-on croire aujourd’hui ces femmes lorsqu’elles assurent être totalement sorties de l’emprise mortifère de Daesh alors que l’on découvre ce qu’elles ont fait, ce qu’elles ont traversé ? Après le rappel des faits terribles par la présidente de cette cour d’assises, Jennyfer Clain est la seule à avoir tenu à prendre la parole.

« Je regrette. Je regrette tellement. Je ne suis pas ici pour nier. Oui, j’ai adhéré à cet état terroriste tueur. Oui, j’ai emmené mes enfants alors que je devais les protéger. J’aimerais bien revenir en arrière. Mais malheureusement, je ne le peux pas ». La jeune femme sait en plus qu’elle porte toujours un nom tristement célèbre dans la djihadospère : Clain. Le même que Jean-Michel et Fabien, les « voix » de Daesh qui ont revendiqué les attentats du 13 Novembre. Ceux qui ont entonné des anasheed, ces chants religieux, pour se réjouir des massacres perpétrés dans les rues de Paris. Jennyfer Clain est leur nièce.

Ils allaient au parc mais assistaient à des exactions.

Car avant d’être un dossier d’emprise terroriste, ce dossier est surtout une histoire de famille. Christine Allain, la plus âgée des accusées, est en réalité la belle-mère des deux femmes qui l’accompagnent dans le prétoire. Ses fils ont épousé les deux jeunes femmes. Aujourd’hui, l’un a été condamné à mort en Irak et attend depuis de savoir ce qu’il va devenir. Le second est, a priori, détenu quelque part au Kurdistan.

Avec leurs épouses et leurs neuf enfants, ils résidaient donc à Raqqa. Attiré par la puissance du « califat » lorsque celui-ci a vu le jour en 2014. « Pour Jennyfer Clain, c’était un rêve de vivre dans un pays qui applique la charia », a rappelé l’enquêtrice de personnalité au premier jour d’audience. Et quand elle décrit qu’elle allait « au parc », qu’elle faisait « la cuisine » et « des activités manuelles » avec les petits âgés alors de 3 à 9 ans, on se demande alors si sa vie était vraiment différente.

Bien sûr que oui. La suite des débats a plongé la cour d’assises spéciale dans les atrocités de la guerre. D’abord lorsque Jennyfer a admis avoir eu des doutes lorsque ses proches ont été arrêtés et torturés sur place. Ensuite lorsqu’on a découvert que leur logement était à une centaine de mètres de la place où Daesh organisait les « exécutions publiques » tous les vendredis. « Oui, les enfants ont été témoins des exactions violentes », a sobrement rappelé la présidente.

Car c’est bien le sort des enfants qui interroge ici la cour d’assises. Pour bien centrer les débats, la présidente a fait une longue digression pour rappeler que Mayalen Duhart avait donné naissance à un fils, en 2016, alors qu’elle se trouvait sous les bombes. Et que celui-ci était décédé au bout d’une dizaine de mois, faute de soins... « Vous rappelez-vous sa date de naissance ? » a interrogé la magistrate. « Non… C’était fin 2016. Il est mort en 2017 », a sobrement répondu l’accusée, contrite.

Les enfants souhaitent se constituer partie civile à l’audience.

Au-delà de l’accusation d’association de malfaiteurs terroristes, les deux plus jeunes femmes de ce procès doivent aussi répondre de soustraction à leurs obligations de mère. Au fait d’avoir contrevenu « à la santé, à l’éducation, à la moralité » de leurs enfants en les emmenant sur cette zone et en les maintenant là-bas. « En les mettant en danger physique et psychologique », a encore asséné la présidente.

Aujourd’hui âgés de 9 à 19 ans, les enfants ont justement souhaité se constituer partie civile dans la procédure. Certains d’entre eux, le visage dissimulé sous un masque chirurgical ou une grosse écharpe, ont assisté aux débats. Leurs histoires devraient être examinées en détail à partir de vendredi 19 septembre. Nul doute qu’elles viendront nourrir la réflexion des magistrats professionnels chargés de juger ces trois femmes. Chargés d’estimer si elles peuvent être réinsérées dans la société. Toutes les trois encourent une peine de 30 ans de réclusion criminelle. Le verdict doit être rendu le 26 septembre.

newsid:492903

Droit public éco.

[Dépêches] Publication du rapport d'activité 2024 de la DAJ

Réf. : Rapport d’activités de la DAJ pour 2024

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N2904B3X

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par La Rédaction

Le 17 Septembre 2025

Le 16 septembre 2025, la direction des Affaires juridiques a publié son rapport d’activités pour 2024.

Dans un environnement exigeant, où les normes évoluent rapidement, où les transitions économique, numérique et écologique se croisent et s’intensifient, sa mission reste constante : sécuriser l’action publique, rendre le droit plus lisible, plus accessible, plus opérationnel. 

Le rapport publié témoigne de cette mobilisation collective. Il illustre la diversité et la technicité des sujets traités, du pilotage du projet de loi de simplification de la vie économique à l’élaboration de guides très concrets pour les acheteurs publics. Il donne à voir des chiffres parlants : plus de 1 300 saisines juridiques, plus de 13 000 nouvelles affaires contentieuses suivies, plusieurs centaines de textes examinés. 

La DAJ se donne ainsi pour principale mission de contribuer au chantier de la simplification administrative (à travers le projet de loi de simplification de la vie économique), de diffuser son expertise (pour répondre aux praticiens du droit), d’adapter et de moderniser le droit de la commande publique (par exemple accompagner les acheteurs dans la définition d’une politique d’achat durable ou promouvoir les modes de règlements alternatifs des litiges), de défendre les intérêts de l’État (contentieux écologiques et miniers) et d’assurer un suivi de la production normative (grâce au bilan d’application des lois des ministères économiques et financiers).

newsid:492904

Energie

[Podcast] Pourquoi le financement de projet revient en force ?

Lecture: 1 min

N2874B3T

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Le 11 Septembre 2025

Dans cet épisode, Xavier Matharan, associé fondateur du cabinet Parme Avocats, revient sur le retour en force du financement de projet, à travers une illustration concrète : le projet CEOG, Centrale Électrique de l’Ouest Guyanais.

Pourquoi ce mode de financement retrouve-t-il sa pertinence aujourd’hui ?

Quels sont ses avantages dans le contexte de transition énergétique ?

Et surtout, quels enseignements tirer de CEOG, projet pionnier mêlant énergie renouvelable, stockage massif et montages juridiques innovants ?

Un éclairage clair, technique et accessible, à destination de tous ceux qui s’intéressent à l’évolution des montages contractuels et financiers dans les projets d’infrastructure, à retrouver sur Youtube.

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Entreprises en difficulté

[Commentaire] L’extinction de l’engagement du repreneur de payer les échéances d’un crédit et son incidence sur la caution du débiteur

Réf. : Cass. com., 2 juillet 2025, n° 24-13.481, F-B N° Lexbase : B6745API

Lecture: 9 min

N2888B3D

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par Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université Côte d'Azur, Codirectrice du Master ALED, Membre du CERDP

Le 18 Septembre 2025

Mots-clés : plan de cession - engagement du repreneur de payer les échéances d’un crédit cautionné contracté par le débiteur – procédure collective ouverte contre le repreneur – absence de déclaration de créance régulière du prêteur au passif du repreneur - extinction de la dette du repreneur – absence d’incidence en raison de l’absence de novation sur la dette de la caution

L'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l'emprunteur, les mensualités à échoir de ce prêt ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur, de sorte que la caution solidaire des engagements de l'emprunteur demeure tenue de garantir l'exécution de ce prêt.

Chacun sait que le repreneur en plan de cession n’est pas l’ayant-cause à titre universel du débiteur. Par conséquent, il n’est pas tenu des dettes de celui-ci.

Par exception, l’article L. 642-12, alinéa 4, du Code de commerce N° Lexbase : L9204L7Z oblige le repreneur à payer les échéances du crédit qui restent à échoir, lorsque le prêt est consenti pour financer un bien sur lequel une sûreté a été inscrite en garantie du prêt. Sont alors dues par le repreneur les échéances restant à échoir après transfert de propriété à son profit du bien grevé de la sûreté. Il ne s’agit pas là d’un engagement du repreneur, c’est une obligation légale puisque la loi l’oblige à payer cette fraction de dette du débiteur.

En l’espèce, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Bordeaux (la banque) a consenti à la société Spa Academy deux prêts garantis par deux cautions solidaires. La banque a déclaré ses créances.

Le 4 septembre 2013, le tribunal a arrêté le plan de cession totale des actifs de la société Spa Academy au profit de la société H Développement (le repreneur) laquelle s'est engagée à reprendre le remboursement des deux prêts.

Le repreneur ayant été défaillant dans l'exécution de cet engagement, un arrêt du 9 mai 2018 l'a condamné, ainsi que les cautions, au paiement du solde des prêts.

 Le 25 juillet 2018, le repreneur a été mis en redressement judiciaire.

Ayant déclaré tardivement sa créance au passif de la procédure collective du repreneur, la banque a formé une demande de relevé de forclusion.

Par une ordonnance du 17 octobre 2019, le juge-commissaire a rejeté la demande.

Poursuivant l'exécution de l'arrêt du 9 mai 2018, la banque a délivré aux cautions un commandement aux fins de saisie immobilière puis les a assignées devant un juge de l'exécution.

La cour d’appel de Toulouse, par arrêt en date du 6 mars 2024 [1], a annulé le commandement de payer valant saisie immobilière en ce qu'il était fondé sur une créance éteinte.

La banque s’est pourvue en cassation en faisant avaloir que « la transmission de plein droit au cessionnaire de la charge des sûretés garantissant le remboursement d'un crédit souscrit pour l'acquisition d'un des biens formant l'objet d'un plan de cession est dépourvue de tout effet novatoire et ne libère pas le débiteur principal des obligations que le prêt met à sa charge ; que de même, l'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l'emprunteur, des mensualités à échoir de ce prêt ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur ; qu'en conséquence, la caution de l'emprunteur demeure tenue, dans les mêmes conditions que celui-ci, de rembourser, sous déduction des sommes versées par le cessionnaire, l'intégralité de l'emprunt ».

La Cour de cassation va suivre l’argumentation et casser la décision de la cour d’appel de Toulouse en jugeant, au visa des articles L. 622-13 N° Lexbase : L7287IZW, L. 631-14 N° Lexbase : L9175L7X, L. 631-22 N° Lexbase : L9181L78 et L. 642-7 N° Lexbase : L8628LQM du Code de commerce et l'article 1271 du Code civil N° Lexbase : L1381ABR dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, que «  Le prêt consenti par un professionnel du crédit avant l'ouverture du redressement judiciaire de l'emprunteur n'est pas un contrat en cours au sens du premier de ces textes et ne peut donc être cédé au titre des contrats visés au quatrième.

L'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l'emprunteur, les mensualités à échoir de ce prêt ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur, de sorte que la caution solidaire des engagements de l'emprunteur demeure tenue de garantir l'exécution de ce prêt.

Pour annuler le commandement de payer valant saisie immobilière, l'arrêt retient que la créance de la banque garantie par le cautionnement était éteinte dès lors que le juge-commissaire de la société H Développement avait refusé de l'admettre au passif de cette société.

En statuant ainsi, alors que le rejet de la créance de la banque au passif du redressement judiciaire du repreneur était sans incidence sur l'obligation de l'emprunteur initial et, partant, sur celle de la caution qui demeurait tenue en l'absence de novation par substitution de débiteur, la cour d'appel a violé les textes précités ».

La Cour de cassation prend soin d’abord de rappeler que le prêt consenti par un professionnel du crédit avant l'ouverture du redressement judiciaire de l'emprunteur n'est pas un contrat en cours. Ce contrat consensuel fait en effet naître dès sa signature une obligation de rembourser à la charge de l’emprunteur, mais ne met plus aucune obligation à la charge de la banque. Si l’emprunteur est placé sous procédure collective, la banque n’a plus d’obligation essentielle à exécuter. Par conséquent, puisque le partenaire contractuel du débiteur n’a plus d’obligation essentielle à sa charge au jour du jugement d’ouverture, le contrat ne peut plus être en cours à cette date. Faute d’être un contrat en cours, ce contrat n’est pas cessible en plan de cession et c’est ce qui explique le double visa par la Cour de cassation de l’article L. 622-13, applicable en redressement judiciaire en vertu de l’article L. 631-14, et de l’article L. 642-7 du Code de commerce.

La banque dans son pourvoi exhibait l’article L 642-12, alinéa 4, du Code de commerce en faisant état de « la charge des sûretés garantissant le remboursement d'un crédit souscrit pour l'acquisition d'un des biens formant l'objet d'un plan de cession », principe obligeant le repreneur à payer les échéances d’un crédit restant à échoir si les conditions fixées au texte sont réunies. Elle faisait valoir que cette règle mettant à la charge du repreneur certaines sommes dues initialement par le débiteur « est dépourvue de tout effet novatoire et ne libère pas le débiteur principal des obligations que le prêt met à sa charge ». En effet, sous l’empire des textes antérieurs à l’ordonnance de réforme n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L7463MS9, le transfert de la charge de la sûreté en plan de cession n’avait pas d’effet novatoire et la Cour de cassation avait pu en déduire que la caution d’un débiteur non déchargé en raison de l’absence d’effet novatoire, n’était pas davantage dégagée de ses obligations [2].

L’ordonnance du 15 septembre 2021 a modifié l’article L. 642-12, alinéa 4, en déchargeant le débiteur des obligations mises à la charge du repreneur.  Pour autant, il semble que la caution, quant à elle reste tenue, en vertu de l’article 2298, alinéa 2 du Code civil N° Lexbase : L0172L8U, texte interdisant à la caution de se prévaloir des décharges légales de la caution lorsqu’elles ont pour cause la défaillance du débiteur [3].

La Cour de cassation ne procède pas au visa de l’article L. 642-12 du Code de commerce, faisant comprendre que le repreneur avait ici pris un engagement particulier, et qu’il n’était pas question d’appliquer les règles du transfert de la charge de la sûreté. Cela devait-il emporter des conséquences pour la caution ?  Tout dépendait en réalité d’un élément déterminant : cet engagement du repreneur de payer les échéances du crédit entrainait-il en même temps que la création d’une nouvelle dette, celle du repreneur, l’extinction de l’ancienne, celle du débiteur ?  En d’autres termes, était-il novatoire ? Avant la réforme du droit des obligations par l’ordonnance du 10 février 2016, droit applicable aux faits de l’espèce, la novation ne se présumait pas. La solution n’a pas été modifiée au demeurant par l’article 1330 du Code civil N° Lexbase : L0990KZP. Par conséquent, le fait que le repreneur prenne l’engagement de payer une dette du débiteur n’entraine pas, sauf clause contraire de l’acte, novation. Le débiteur d’origine reste donc tenu. Et puisque le débiteur initial reste tenu, par accessoire, sa caution reste identiquement engagée.

L’engagement du repreneur est un engagement distinct de celui du débiteur d’origine. Par conséquent, le banquier qui ne déclare pas régulièrement sa créance au passif du repreneur continue à bénéficier de son lien d’obligation avec le débiteur d’origine. Et puisque ce lien d’obligation d’origine n’est pas atteint par l’absence de déclaration au passif du repreneur, la caution ne peut prétendre être libérée de la dette qu’elle a cautionnée, à savoir la dette du débiteur d’origine.

La solution de la cour d’appel de Toulouse selon laquelle le commandement de payer valant saisie immobilière en ce qu'il était fondé sur une créance éteinte était triplement contestable. De première part, c’était faire fi du caractère non novatoire de l’engagement du repreneur de payer la dette du débiteur. De deuxième part, c’était oublier l’autonomie de l’engagement du repreneur par rapport à celui du débiteur d’origine. De troisième part, c’était encore poser une fausse sanction de l’absence régulière de déclaration de créance au passif de la procédure collective du repreneur : la créance de la banque n’aurait été qu’inopposable à la procédure collective du repreneur ; elle n’aurait pas été éteinte. La cassation était inévitable et la solution de la Cour de cassation ne peut donc qu’être approuvée.


[1] CA Toulouse, 6 mars 2024, n° 23/02555 N° Lexbase : A76352TX.

[2] Cass. com., 14 juin 1994, n° 92-13.101 N° Lexbase : A8869AHX, Rev. proc. coll., 1995, 178, n° 51, obs. B. Soinne – Cass. com., 13 avril 1999, n° 97-11.383, publié N° Lexbase : A6409AGH, RTD com., 1999, 964, obs. C. Saint-Alary-Houin ; D. Affaires, 1999, 801, obs. Lienhard ; RTD com., 2000. 177, obs. A. Martin-Serf – Cass. com., 3 avril 2002, n° 99-10.932, F-D N° Lexbase : A4475AYE, Rev. proc. coll., 2003, p. 333, n° 13, obs. Lèguevaques – Cass. com., 9 novembre 2004, n° 02-17.467, F-D N° Lexbase : A8427DDH.

[3] Sur cette question, V. D. Boustani in Droit et pratique des procédures collectives, dir. P.-M. Le Corre, Dalloz action, 13ème éd., 2025/2026, n° 722.15.

newsid:492888

Licenciement

[Observations] De la vie personnelle du salarié à la discrimination fondée sur les convictions religieuses

Réf. : Cass. soc., 10 septembre 2025, n° 23-22.722, FS-B N° Lexbase : B8754BQB

Lecture: 4 min

N2908B34

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par Jean-Philippe Tricoit, Maître de conférences - HDR à l'Université de Lille, co-directeur de l'Institut des sciences du travail

Le 17 Septembre 2025

Mot-clés : licenciement disciplinaire • vie personnelle du salarié • liberté de religion • discrimination • nullité du licenciement

Le licenciement, prononcé pour motif disciplinaire en raison de faits relevant, dans la vie personnelle d'un salarié, de l'exercice de sa liberté de religion, est discriminatoire et encourt donc la nullité.


Sentiment amoureux. Récemment, la Chambre sociale de la Cour de cassation a tranché divers contentieux intéressant le sentiment amoureux, soit pour reconnaître un manquement à l’obligation de loyauté pour dissimulation d’une relation intime en rapport avec les fonctions professionnelles [1], soit pour valider le licenciement d’un salarié par trop insistant à l’égard d’une collaboratrice, sans pouvoir se cacher derrière le voile pudique de la vie personnelle [2].

Sentiment religieux. C'est de cette dernière situation dont se rapproche une espèce du 10 septembre 2025, où est en jeu non pas le sentiment amoureux, mais le sentiment religieux. Dans cet arrêt, une salariée est recrutée en qualité d'agente de service par une association spécialisée notamment dans la protection de l'enfance, ce qui fait furieusement penser à un fameux arrêt « Baby Loup » [3]. Or, cette salariée est sanctionnée par son employeur pour avoir notamment remis des bibles à de jeunes mineures résidentes dont l'association avait la charge. À la suite de son licenciement, la salariée saisit la juridiction prud'homale pour en obtenir l'annulation, en arguant que les mesures prises à son encontre étaient fondées sur ses convictions religieuses et étaient, en conséquence, discriminatoires. Le sentiment religieux est-il plus noble que le sentiment amoureux ? L’arrêt du 10 septembre 2025 ne répondra pas à cette question, car c'est dans l’articulation de son raisonnement, qui mène du « motif tiré de la vie personnelle » à la nullité du licenciement pour discrimination religieuse, que réside l’intérêt majeur de cet arrêt.

Sentiment mitigé. Dans un premier temps, en référence au visa notable de l'article L. 1121-1 du Code du travail N° Lexbase : L0670H9P, la Haute juridiction se positionne sur le terrain du respect de la vie personnelle et, plus précisément, sur celui de l’exercice de la liberté religieuse dans ce cadre. En ce sens, comme elle l'affirme constamment dans sa jurisprudence [4], « un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ». Pour délimiter ce qui relève de la vie personnelle, l’arrêt indique, en l’espèce, que « les faits reprochés par l'employeur étaient intervenus en dehors du temps et du lieu du travail de la salariée et ne relevaient pas de l'exercice de ses fonctions professionnelles ». Cassant l'arrêt d'appel, les juges du Quai de l'Horloge estiment que, d'une part, les faits reprochés appartiennent à la sphère personnelle et, d'autre part, qu'aucune violation des obligations contractuelles ne peut être retenue à l'encontre de la salariée.

Sentiment contrôlé. Toutefois, la foi n'exclut pas le contrôle. En filigrane, la décision de la Cour de cassation laisse apparaître la possibilité d’une autre solution par le biais d’un contrôle de la « nature de la tâche à accomplir » (C. trav., art. L. 1121-1 N° Lexbase : L0670H9P) par la salariée. La Haute juridiction prend le soin de préciser que ladite salariée était « agente de service et non éducatrice ». Si la salariée avait exercé les fonctions d’éducatrice plutôt que celles d’agent de service, peut-être aurait-elle été vue comme outrepassant ses fonctions et, partant, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle ?

Sentiment de malaise. En outre, dans un second temps consacré à la nature de la sanction, l'arrêt du 10 septembre 2025 abandonne le domaine de la protection des libertés fondamentales pour s'orienter vers celui des discriminations. En l’occurrence, il est jugé que « le licenciement prononcé pour motif disciplinaire en raison de faits relevant, dans la vie personnelle de la salariée, de l'exercice de sa liberté de religion [est] discriminatoire ». Ce faisant, pour la Cour de cassation, la combinaison entre la vie personnelle et l’exercice de la liberté religieuse donne curieusement naissance à une discrimination fondée sur les convictions religieuses.

Sentiment de satisfaction. En ce sens, au visa des articles L. 1132-1 N° Lexbase : L0918MCY et L. 1132-4 N° Lexbase : L0920MC3 du Code du travail, il est jugé que « tout acte pris à l'encontre d'un salarié en méconnaissance de la prohibition des discriminations en raison des convictions religieuses est nul ». Or, habituellement, lorsque les faits reprochés au salarié relèvent de sa vie personnelle et ne constituent pas un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse [5]. En revanche, selon l’arrêt du 10 septembre, lorsque les faits relèvent, dans la vie personnelle d'un salarié, de l'exercice de sa liberté de religion, le licenciement est frappé de nullité.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La cause réelle et sérieuse de licenciement, Le licenciement discriminatoire, Le licenciement discriminatoire, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E469903G.

[1] Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-16.218, F-B N° Lexbase : A84155DZ.

[2] Cass. soc., 26 mars 2025, n° 23-17.544, F-B N° Lexbase : A16040CE.

[3] Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5857KA8 ; Ass. plén., 25 juin 2014, n° 13-28.369, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7715MR8.

[4] Cass. soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464, FS-P+B N° Lexbase : A2484HQ3 ; Ass. plén., 22 décembre 2023, n° 21-11.330, FS-D N° Lexbase : A50019BT ; en dernier lieu, Cass. soc., 22 janvier 2025, n° 23-10.888, F-B N° Lexbase : A39386RB.

[5] Cass. soc., 22 janvier 2025, préc..

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