Le Quotidien du 11 avril 2025

Le Quotidien

Construction

[Podcast] Le dommage futur en droit de la responsabilité des constructeurs, schizophrène ?

Lecture: 1 min

N2011B3U

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Le 08 Avril 2025

Dans cet épisode de LexFlash, Juliette Mel, avocate en droit immobilier, décrypte la notion de dommage futur en matière de responsabilité des constructeurs. Une notion aux contours flous, oscillant entre anticipation et insécurité juridique : faut-il y voir une approche schizophrène du droit ?

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newsid:492011

Contrats administratifs

[Jurisprudence] Le délai raisonnable issu de la jurisprudence « Czabaj » n’est pas applicable en matière d’exécution des contrats publics

Réf. : CAA Marseille, 3 mars 2025, n° 24MA00756 N° Lexbase : A197163E

Lecture: 4 min

N2013B3X

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par Goulven Le Ny, Avocat au barreau de Nantes

Le 03 Avril 2025

Mots clés : Czabaj • contrats publics • délégation de service public • forclusion • délais de recours

Dans un arrêt rendu le 3 mars 2025, la cour administrative d’appel de Marseille a précisé le champ d’application de la décision « Czabaj » du Conseil d’État, selon laquelle le destinataire à quoi n’a pas été notifié le délai de recours applicable ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable, qui ne peut en principe excéder un an. La cour précise que ce délai n’est pas applicable aux mesures d’exécution d’un contrat, telle que la réclamation indemnitaire en cause en l’espèce, complétant ainsi la jurisprudence rendue en matière contractuelle.


 

Selon le principe désormais bien connu en contentieux administratif de la décision « Czabaj », le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire ou dont celui-ci a eu connaissance. Malgré l’absence de notification des voies et délais de recours, il doit être fait application d’un délai raisonnable, en principe d’un an, au-delà duquel la décision ne peut plus être contestée [1].

Ce principe ayant été dégagé au visa de l’article R. 421-5 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3025ALM selon lequel le délai de recours n’est opposable qu’à la condition d’avoir été mentionnée, son application en matière d’exécution des contrats ne paraissait pourtant pas aller de soi. Le délai de recours de deux mois, prévu par le Code n’est en effet pas applicable « à la contestation des mesures prises pour l’exécution d’un contrat » (CJA, articles R. 421-1 N° Lexbase : L4139LUT et R. 421-2 N° Lexbase : L4150LUA).

Le Conseil d’État a déjà tranché la question en matière de passation des marchés publics. Le recours en contestation de la validité du contrat peut être exercé dans le délai raisonnable d’un an « à compter de la date à laquelle il est établi que le requérant a eu connaissance, par une publicité incomplète ou par tout autre moyen, de la conclusion du contrat, c’est-à-dire de son objet et des parties contractantes », lorsque « faute que tout ou partie des mesures de publicité appropriées aient été accomplies, le délai de recours contentieux de deux mois n’a pas commencé à courir » [2].

Reste la question de l’exécution du contrat, qui n’a pas encore été explicitement tranchée par le Conseil d’État.

Une première jurisprudence était intervenue pour préciser que le délai raisonnable d’un an ne trouvait pas à s’appliquer en matière indemnitaire, s’agissant d’un litige de responsabilité médicale, puisque dans ce cas la prescription quadriennale suffisait à la sécurité juridique. Ainsi, « cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés » [3]. On pouvait donc envisager qu’elle soit transposée en matière de responsabilité contractuelle.

Une deuxième jurisprudence était intervenue pour régler la question de manière plus précise, affirmant que « cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux litiges relatifs au règlement financier d'un marché », alors qu’il était question de la contestation par le titulaire d’une notification de pénalités dans le cadre d’un marché soumis au « CCAG Fournitures courantes et services » [4]. Le juge avait fondé sa solution sur le fait que les articles R. 421-1 et R. 421-2 du Code de justice administrative « ne sont pas applicables à la contestation des mesures prises pour l'exécution d'un contrat, en particulier à la décision par laquelle l'administration applique des pénalités à son cocontractant ».

Saisie d’une affaire où il était question de la requête adressée au tribunal administratif à la suite du rejet d’une demande préalable indemnitaire ayant été présentée concernant l’exécution d’un contrat, la cour administrative d’appel de Marseille a logiquement jugé que la jurisprudence « Czabaj » n’était pas applicable.

Si elle emploie une motivation similaire à celle retenue par la cour administrative d’appel de Versailles en faisant valoir qu’il est question d’une mesure d’exécution d’un contrat, la solution aurait été également justifiée en affirmant qu’il était question d’un recours indemnitaire.

En effet, un long litige a opposé les parties à l’affaire quant à l’interprétation des clauses d’une délégation de service public. Le juge administratif ayant finalement donné raison au titulaire sur le terrain de l’interprétation des clauses, celui-ci a entrepris un recours indemnitaire, pour lequel il lui avait été donné raison en première instance. Les autorités concédantes ont tenté de faire valoir en appel, sans succès, que le recours était forclos.

La cour administrative d’appel de Marseille fournit ici une nouvelle illustration bienvenue sur les dérogations au principe dégagé par l’arrêt « Czabaj » en matière contractuelle.

 

[1] CE, Ass., 13 juillet 2016, n° 387763, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2114RXL.

[2] CE, 19 juillet 2023, n° 465308 N° Lexbase : A85291BI.

[3] CE, 17 juin 2019, n° 413097 N° Lexbase : A6638ZEL.

[4] CAA Versailles, 1er juillet 2024, n° 21VE02325 N° Lexbase : A43685MQ.

newsid:492013

Fiscalité des particuliers

[Questions à...] La prolongation du dispositif d'abattement au profit des dirigeants de PME partant à la retraite - Questions à Vivien Streiff, Associé Auteuil Notaires

Réf. : Loi n° 2025-127 du 14 février 2025, de finances pour 2025 N° Lexbase : L4133MSU

Lecture: 8 min

N2075B3A

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Le 28 Juillet 2025

Mots clés : PME • abattement • retraite • dirigeants d'entreprise • transmission d'entreprises

La loi de finances pour 2025 a prorogé jusqu'au 31 décembre 2031 l'abattement fixe de 500 000 euros sur les plus-values résultant de la cession de titres dont bénéficient les dirigeants de PME partant à la retraite. Pour connaître les éléments constitutifs de cette mesure présentée comme visant à faciliter la transmission des entreprises, soutenir les PME et accompagner la transition des chefs d’entreprises partant à la retraite, Lexbase a interrogé Vivien Streiff, Associé Auteuil Notaires*.


 

Lexbase : En quoi consiste l'abattement fixe de 500 000 euros sur les gains de cession ?

Vivien Streiff : Codifié à l’article 150‑0 D ter du Code général des impôts (CGI) N° Lexbase : L5819M8Z, cet abattement à vocation incitative en vue de favoriser le renouvellement entrepreneurial a pour objet de réduire la base imposable des plus-values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières et de droits sociaux (actions, parts sociales ou droits démembrés) par les dirigeants de PME partant à la retraite. Pour cela, un abattement fixe de 500 000 euros vient diminuer le gain net de cession soumis à l’impôt sur le revenu. Cet abattement s’applique quelles que soient les modalités d’imposition (PFU ou barème progressif) mais attention, toutefois, car il ne s’applique pas pour le calcul des prélèvements sociaux. Si donc le contribuable réalise un gain net de 750 000 euros, le gain imposable sera réduit à 250 000 euros et les prélèvements sociaux seront calculés sur une assiette de 750 000 euros.

L’objectif est simple : il s’agit de favoriser la transmission d’entreprises en allégeant la charge fiscale du dirigeant cédant, tout en instaurant des conditions strictes garantissant le caractère incitatif et exceptionnel de ce dispositif.

La bonne nouvelle est venue de la loi de finances pour 2025 (loi n° 2025-127 du 14 février 2025, de finances pour 2025 N° Lexbase : L6315MSP), puisqu’alors qu’il devait initialement s’achever au 31 décembre 2024 ce dispositif a finalement été prorogé jusqu’au 31 décembre 2031.

Deux précisions nous paraissent importantes. Tout d’abord, les conditions relatives au cédant s’apprécient, dans le cas d’un couple marié ou de partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS), au niveau de chaque conjoint pris isolément. Ainsi lorsque les époux ou partenaires remplissent chacun l’ensemble des conditions, ils sont susceptibles de bénéficier chacun de l’abattement fixe porté ainsi à un million d’euros, le reliquat non utilisé par l’un ne pouvant cependant pas être reporté et imputé sur la plus-value réalisée par l’autre. Ensuite, cet abattement fixe ne se cumule pas avec les abattements proportionnels institués par les articles 150-0 D 1 ter et quater  du CGI dont on rappellera qu’ils sont de 50 % ou de 65 % du montant des gains nets selon la durée de détention des actions, droits ou titres, pour être portés à 85 % pour l’abattement renforcé. Si donc le contribuable souhaite bénéficier de l'abattement proportionnel, il doit renoncer au bénéfice de l'abattement fixe pour la totalité du gain net de cession réalisé. Avant de vendre ses actions, il devra calculer avec l’aide de ses conseils la solution la plus avantageuse pour lui. On peut même imaginer qu’au sein d’un couple, l’un de ses membres ait intérêt à choisir l’abattement fixe alors que l’autre empruntera la voie de l’abattement proportionnel, que ce soit par opportunité ou faute de remplir les conditions pour bénéficier de l’abattement alternatif. Il faut donc anticiper ces questions.

Lexbase : Quelles sont les conditions relatives au dirigeant pour bénéficier de cet abattement ?

Vivien Streiff : Pour bénéficier de l’abattement fixe de 500 000  euros, le dirigeant doit, d’une part, démontrer l’exercice effectif et continu de fonctions de direction durant les cinq années, appréciée de date à date, précédant la cession et, d’autre part, de manière concomitante, cesser toute activité dans la société cédée tout en faisant valoir ses droits à la retraite dans une période qui ne dépasse pas 24 mois avant ou après la cession. Cette condition est déterminante pour garantir que le départ du dirigeant s’inscrit dans un objectif de transition vers la retraite, sans maintien d’une activité pouvant remettre en cause le régime d’abattement.

Rappelons par ailleurs que la fonction de direction doit être effective (gérant statutaire, président, associé en nom d’une société de personne, directeur général, président du conseil de surveillance, ou membre du directoire) et continue dans la société dont les titres sont cédés. Elle est assurée moyennant une rémunération normale en lien avec la nature et l’importance de l’activité de l’entreprise et cette rémunération doit en outre représenter plus de la moitié de ses revenus professionnels dans les catégories imposables (traitements, salaires, BIC, BA, BNC, ou revenus des gérants et associés). Il est important de préconstituer la preuve de l’exercice continu des fonctions par la production de contrats, de procès-verbaux, ou encore de bulletins de salaire.

Enfin, l'abattement s'applique aux gains retirés de la cession à titre onéreux ou du rachat d'actions, de parts de sociétés, ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts. La cession doit porter sur l’intégralité des titres détenus par le cédant ou, en cas de cession partielle, sur plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux. Les titres cédés doivent également avoir été détenus depuis au moins un an à la date de la cession. Dans le cadre de cessions échelonnées, le reliquat d’abattement non utilisé lors de la première opération peut être imputé sur celles qui suivent, à condition de respecter rigoureusement les délais et conditions. Cet abattement ne s’applique donc pas à chaque cession mais à l’ensemble des gains afférents à la cession des titres d’une même société. Ainsi, en cas de cession de titres de plusieurs sociétés par un même cédant, l’abattement s’applique pour chaque société.

Lexbase : Quelles sont les conditions relatives à l'entreprise pour bénéficier de cet abattement ?

Vivien Streiff : La société émettrice doit répondre à des conditions strictes liées à sa qualification de PME et à son activité réelle. La société doit être considérée comme une petite ou moyenne entreprise au sens de l'annexe I du Règlement (UE) n° 651/2014 du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du Traité N° Lexbase : L5604I3X, ce qui implique le respect de seuils précis en termes d'effectifs (moins de 250 salariés), de chiffre d'affaires (ne dépassant pas 50 millions d'euros) et de total de bilan (ne dépassant pas 43 millions d'euros). S’agissant du seuil des salariés, on rappellera qu’au regard de la jurisprudence ne sont par exemple pas pris en compte dans les effectifs d'une entreprise de travail temporaire pour l'application du critère les travailleurs intérimaires qui ont vocation à être placés dans les entreprises clientes de l'entreprise de travail intérimaire

L'entreprise doit en outre exercer une activité opérationnelle (commerciale, industrielle, artisanale, libérale, bancaire ou financière) de façon continue pendant les 5 années précédant la cession que ce soit directement ou par l’intermédiaire de ses filiales.

Elle doit enfin être soumise à l'impôt sur les sociétés ou, le cas échéant, l'imposition qui serait applicable si l’activité était réellement exercée en France, et avoir son siège dans un État membre de l'Union européenne ou dans un pays de l'Espace économique européen. Un audit interne ou externe peut être recommandé afin de confirmer la qualification de l'entreprise au regard des critères européens et des exigences du CGI, évitant ainsi tout redressement fiscal ultérieur.

Les conditions que nous venons d’évoquer doivent être scrupuleusement respectées. À défaut, le montant de l'abattement fixe appliqué à tort constitue un revenu imposable l'année de sa remise en cause suivant les règles de taxation applicables au titre de cette même année.

Lexbase : Afin d'encourager la transmission des entreprises agricoles au profit de jeunes agriculteurs, cet abattement a été porté à 600 000 euros ; quelles sont les conditions dans ce cas pour en bénéficier ?

Vivien Streiff : Là encore, il s’agit de faciliter la transmission des petites et moyennes entreprises agricoles soumises à l’impôt sur les sociétés au profit de jeunes agriculteurs en augmentant l’abattement fiscal applicable aux plus-values de cession à 600 000 euros contre 500 000 euros auparavant. Pour que cet abattement soit applicable aux gains nets, il faut que la cession des titres soit réalisée au profit d’un (ou plusieurs) jeune agriculteur ou au profit d’une société (ou groupement) dont chacun des associés bénéficie de l’aide à la première installation.

*Propos recueillis par Marie-Claire Sgarra, Rédactrice en chef de Lexbase Fiscal et Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public

newsid:492075

Institutions

[Point de vue...] Justice et politique : quelques enseignements d'un procès historique

Lecture: 7 min

N2035B3R

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par Jean-Jacques Urvoas, ancien Garde des Sceaux, Professeur de droit public à l’Université de Brest

Le 07 Avril 2025

Il est difficile de s’extraire du vacarme médiatique généré par la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Paris, lundi dernier, 31 mars 2025, à l’encontre de Madame Le Pen, de son parti et de vingt-trois autres personnes. Pourtant, en Bretagne, l’on sait que le bruit des vagues masque souvent le mouvement des marées profondes. Seule la distance permet donc d’observer dans son ensemble la pièce qui se joue, d’en saisir les actes majeurs et d’en tirer les leçons… qui pourraient s’avérer étonnamment positives.

C’est ainsi qu’il faut d’abord se féliciter de l’égalité devant la loi que traduit ce jugement. Puisque la loi ne distingue pas, ce n’est pas au juge de le faire. La sanction du tribunal est donc logiquement proportionnée à la gravité des faits commis, et les peines sont individualisées, conformément aux critères fixés par l’article 132-1, alinéa 3 du Code pénal N° Lexbase : L9834I3M (circonstances, personnalité, situations matérielles, familiales et sociales). Les juges ont donc fait fi du brouhaha immédiatement orchestré par les responsables du RN en novembre dernier, aux fins de les mettre sous pression. Le président du RN avait notamment qualifié ces réquisitions d’« atteinte à la démocratie », dénonçant par là même un « acharnement » contre Mme Le Pen avant de lancer (déjà) une pétition en ligne en guise de protestation. Cette dernière, promptement invitée le soir même (déjà) sur TF1, s’insurgeait, estimant que c’était « [sa] mort politique qui [était] réclamée » et avait d’ailleurs trouvé des oreilles compréhensives puisque Gérald Darmanin, alors député, lui apporta un soutien inattendu. On gage que, pour les juges du tribunal correctionnel de Paris, l’exercice ne fut pas de tout repos. Comment savoir, comment être sûr qu’une décision est juste ? L’acte de juger est une responsabilité particulière, car le don de juger n’existe pas. Juger n’est pas un honneur mais une charge. Non une source de gloire, mais une exigence de modestie et de doute. Une tâche si délicate que, pour y parvenir, il faut de la sérénité, du courage et ne pas se disperser. « Il faut rendre hommage aux femmes et aux hommes de justice qui n’obtiennent pas, comme ils le mériteraient, la reconnaissance de leurs concitoyens », disait Robert Badinter, le 6 février 1986. Ces mots sont hélas toujours vrais.

Il est tout aussi rassurant de constater que l’opinion mesurée par les entreprises de sondage a fait preuve de davantage de discernement que les invités des plateaux des chaînes de télévision. Ainsi, selon une enquête réalisée le jour même de la condamnation par Elabe, 57 % des personnes interrogées estimaient qu’il s’agissait d’une « décision de justice normale au vu des faits reprochés » à Madame Le Pen, seuls 42 % considéraient que le tribunal avait la « volonté de l’empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle ». Et, de manière alors cohérente, il se trouvait deux sondés sur trois pour affirmer que « la règle d’exécution provisoire en cas de condamnation pour détournement de fonds publics [était] juste ». Ce week-end, une autre étude conduite par l’IFOP confirmait cette tendance en soulignant que près des deux tiers (64 %) des personnes interrogées n’estimaient pas nécessaire de modifier la loi pour supprimer l’exécution provisoire pour un élu condamné en première instance. Cette fermeté ne surprend pas. En février 2025, l’enquête annuelle que le Cevipof mène sur « la confiance politique » avait souligné l’érosion très importante du crédit qu’accordent les Français à leurs responsables politiques. Ainsi, 74 % des personnes interrogées considéraient que les élus étaient corrompus, un chiffre en progression de six points en une année. À titre de comparaison, en Allemagne, la probité des responsables politiques est contestée par 49 % des sondés (-2 points). L’indignation populaire que prétendent relayer les responsables du RN n’est donc qu’une construction médiatique destinée à occulter le fait principal : la condamnation de Madame Le Pen à quatre ans de prison, dont deux fermes, pour « détournement de fonds publics ». Manifestement, le stratagème a piteusement échoué.

Le troisième enseignement utile tient à la clarification politique opérée en une semaine. Notre espace public est fréquemment submergé par un flot de mots dont la répétition incantatoire finit par en dissoudre le sens. Il en est ainsi de « l’état de droit ». Constamment évoquée, cette notion plastique apparaît comme un objectif partagé, rassemblant toutes les forces politiques dans un immense élan de cohésion sociale. Mais si toutes plaident pour son renforcement, peu s'emploient à le définir clairement. Comment, dans de telles conditions, en évaluer les avantages ? C’est donc l’un des mérites de la semaine écoulée : avoir permis de mesurer le degré d’adhésion des uns et des autres à la limitation des pouvoirs par le biais du droit. L’état de droit implique en effet une soumission de tous à la loi, gouvernants comme citoyens, avec le juge comme garant. Or, les récentes diatribes stigmatisant un « quarteron de procureurs et de juges », une « tyrannie », voire une « dictature des juges », témoignent d'un rejet manifeste de ce principe par certains. Pourtant, notre équilibre ne peut reposer que sur une tension contenue entre le pouvoir politique et des contrepoids homogènes, au premier rang desquels figure le juge. François Luchaire l’avait parfaitement anticipé en 1974, écrivant dans les Mélanges Waline : « Dans la mesure où les pouvoirs législatif et exécutif tendent à se confondre (…) l’indépendance du troisième pouvoir, celui du juge, devient une garantie encore plus nécessaire qu’auparavant pour la protection des libertés. » Si au XIXe siècle, le législatif primait tout comme l’exécutif durant le XXe, le XXIe siècle, lui, pourrait bien être celui du pouvoir des juges en raison de l’importance grandissante de l’espace public, du développement de nouveaux outils de protection des droits individuels, de la diversification des voies d’accès à la justice et de la prise en compte des intérêts collectifs dans le rapport entre la société et l’État. Et, à l’évidence, ce déplacement n’est pas – encore – admis par tous.

Ultime observation : cette place du juge n’est pas suffisamment incarnée. Dans les obligations déontologiques des magistrats éditées par le Conseil supérieur de la magistrature, il est rappelé que, dans son expression publique, le juge doit faire preuve de mesure afin de ne pas compromettre l’image d’impartialité de la justice, indispensable à la confiance du public. Pour autant, le CSM a aussi eu l’occasion de rappeler que cette obligation de réserve « ne saurait servir à réduire un magistrat au silence ou au conformisme ». Bien qu’il soit naturel que les trois magistrats se soient tenus à l’expression de leur décision à travers les 152 pages de motivations particulièrement détaillées de leur jugement, les représentants de l’Union syndicale des magistrats ont dû se sentir assez seuls sur les plateaux face à des journalistes qui n’avaient, de surcroît, manifestement pas assisté aux longues semaines d’audience (entre le 30 septembre et le 27 novembre 2024) ni même parcouru le jugement.

L'inclination des juristes pour les précédents devrait nous conduire à espérer que cette affaire incite à considérer beaucoup plus la forêt que l’arbre. Même si c’est plus difficile.

newsid:492035

Mineurs

[Dépêches] Audition de l’enfant : une Charte proposée par le CNB prochainement diffusée

Réf. : CNB, Actualité du 17 mars 2025

Lecture: 2 min

N2048B3A

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par La rédaction

Le 10 Avril 2025

Le CNB diffusera prochainement à l'ensemble de la profession une Charte sur l'audition de l'enfant dans le contentieux civil des personnes ; cette Charte propose un cadre général dont chaque ordre pourra s'emparer et adapter à ses contraintes locales en vue d'un conventionnement avec sa juridiction ; elle répond surtout à la nécessité d'une meilleure prise en compte de la parole de l'enfant et de ses souhaits.

La Charte sur l'audition de l'enfant dans le contentieux civil des personnes s'inspire de l'existant et notamment des barreaux les plus avancés en la matière. L'harmonisation n'étant pas l'uniformisation, elle ne remet pas en cause les conventionnements existants s'ils satisfont aux parties.

Dans son contenu, la Charte concerne toutes les procédures civiles qui touchent l'enfant qui n'est pas partie à la procédure telles que l'exercice de l'autorité parentale ou sa délégation, le divorce, les tutelles, les déplacements illicites ou le changement de prénom de l'enfant. Elle ne concerne pas l'assistance éducative.

Le rapport de présentation de cette Charte est également l'occasion d'attirer l'attention des avocats sur les spécificités de l'audition de l'enfant dans le cadre des procédures qui présentent un élément d'extranéité.

La base commune de bonnes pratiques posées par ce nouvel outil facilitateur se veut respectueuse de l'intérêt de l'enfant et de ses droits tel que d'être auditionné, exprimer son opinion en justice ou être assisté d'un avocat.

Elle s'articule autour des grands axes suivants :

  • privilégier le principe de l'audition d'enfant par son juge afin de lutter contre les délégations accrues de l'audition par le JAF ;
  • privilégier la continuité de la défense et l'assistance de l'enfant par son avocat suivant le principe « un enfant, un avocat », reformulation imposant que l'avocat précédemment désigné pour le mineur dans une autre procédure (pénale ou assistance éducative,...) soit le même qui sera désigné en cas d'audition devant le JAF ou le juge des tutelles ;
  • privilégier l'assistance systématique des enfants par des avocats d'enfants ayant suivi une formation dédiée ;
  • unifier / harmoniser les pratiques d'audition de l'enfant sur le territoire national et ses suites ;
  • faciliter l'information claire de l'enfant qu'il a la possibilité d'être auditionné par le juge et d'avoir un avocat qui pourra être présent devant les différents interlocuteurs qu'il sera amené à rencontrer ;
  • proposer un cadre de rédaction du CR d'audition de l'enfant dans le respect du contradictoire ;
  • permettre une consultation facilitée des dossiers car de nombreuses juridictions imposent aux avocats de se déplacer (transmission par RPVA).

newsid:492048

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