Le Quotidien du 8 janvier 2025

Le Quotidien

Avocats/Responsabilité

[Brèves] Conditions d’engagement de la responsabilité civile professionnelle dans le cadre d’une consultation donnée sur les chances de succès d'un recours

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 20 décembre 2024, n° 488061, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A99196NP

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N1415B3S

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par Yann Le Foll

Le 08 Janvier 2025

L’avocat ayant dissuadé son client de poursuivre une action dont il n’est pas établi qu’elle avait eu de chances manifestes d'aboutir ne peut voir engagée sa responsabilité civile professionnelle.

Pour rappel, il appartient à l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de faire preuve à l'égard de son client de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence (décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat N° Lexbase : L6025IGA). S'il est libre de choisir, dans l'intérêt de son client, les moyens susceptibles d'être soumis à la juridiction, il doit, dans tous les cas, lui donner son avis sur les chances de succès d'un recours qu'il est chargé d'instruire.

Ici, selon les juges, il ne résulte pas de l'instruction qu'en estimant, dans le cadre de la consultation préalable, que les chances du recours étaient faibles, voire nulles comme indiqué dans une correspondance ultérieure, cet avocat aurait failli à son devoir de conseil en dissuadant son client de poursuivre son action.

En effet, il n'est pas établi que cette action aurait eu des chances manifestes d'aboutir. En outre, l'avocate a demandé à son client, au terme de la consultation, s'il souhaitait poursuivre son action et que ce dernier, en sa qualité de notaire et s'agissant de l'exercice de sa profession, était en mesure de décider, de façon éclairée, s'il entendait poursuivre cette action ou y renoncer.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La responsabilité civile professionnelle de l'avocat, La caractérisation du manquement de l'avocat quant à son devoir de conseil, in La Profession d’avocat, Lexbase N° Lexbase : E40273RL).

 

newsid:491415

Commercial

[Observations] Guichet unique : délivrance d’un récépissé en cas de « difficulté grave de fonctionnement »

Réf. : Arrêté du 20 décembre 2024 pris pour l'application de l'article R. 123-15 du Code de commerce N° Lexbase : L9058MRW

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N1408B3K

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par La rédaction

Le 23 Janvier 2025

► Face aux dysfonctionnements persistants du guichet unique, le gouvernement déploie une procédure de secours. Un arrêté du 20 décembre 2024, publié au Journal officiel du 22 décembre, vient préciser les modalités de délivrance d'un récépissé en cas de « difficulté grave » du service. Cette mesure, prise en application de l'article R. 123-15 du Code de commerce, devrait soulager de nombreux professionnels du droit et leurs clients.

Définition de la « difficulté grave ». L'arrêté apporte une définition claire de ce qui constitue une "difficulté grave" de fonctionnement (art. 1er). Sont concernées les situations où le dépôt des dossiers uniques est rendu impossible, que ce soit en raison :

  • d'une indisponibilité générale du guichet unique électronique, ou
  • d'un blocage affectant un ou plusieurs types de déclarations (création, modifications de la situation ou cessation d'activité).

Cette définition large devrait couvrir la plupart des situations problématiques rencontrées par les utilisateurs du guichet unique.

Procédure de délivrance du récépissé. Ainsi, lorsque l'organisme unique établit qu'une difficulté grave affecte le fonctionnement du guichet unique électronique des formalités d'entreprises, le directeur général de l’INPI décide de la délivrance d’un récépissé et en informe sans délai le président du collège stratégique.

Plus précisément (art. 2), pour toute déclaration dont l'accomplissement est rendu impossible en raison d'une difficulté grave, l'organisme unique met à disposition du déclarant, le jour même de la demande de dépôt de la formalité, un récépissé daté du jour de son édition.

Un délai de grâce pour les déclarants. Une fois la difficulté technique résolue, l’organisme unique informe le déclarant par tous moyens de communication. Le déclarant dispose d’un maximal de quinze jours pour soumettre sa déclaration. Lors de cette soumission, il doit joindre le récépissé qui lui a été délivré.

Quelle est la date de dépôt initiale ? Point crucial pour les praticiens et leurs clients : les autorités chargées de la validation des inscriptions et les administrations destinataires doivent retenir comme date de dépôt celle figurant sur le récépissé, et non celle de l'accusé de réception électronique du dossier unique. Cette disposition permet de préserver les droits des déclarants en cas de délais légaux contraignants.

En conclusion, cet arrêté représente une avancée significative pour sécuriser les démarches des entreprises et le travail des professionnels du droit. Il témoigne d'une prise de conscience des autorités face aux difficultés rencontrées sur le terrain. Cependant, il ne doit pas être considéré comme une solution définitive, mais plutôt comme une étape dans l'amélioration continue du guichet unique. Les avocats et autres praticiens du droit devront rester vigilants et continuer à faire remonter les problèmes rencontrés pour contribuer à l'optimisation du système.

newsid:491408

Comité social et économique

[Jurisprudence] Absence de consultation du CSE et trouble manifestement illicite

Réf. : Cass. soc., 27 novembre 2024, n° 23-13.806, F-B N° Lexbase : A25706KE

Lecture: 13 min

N1399B39

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par Mathilde Caron, Maître de conférences HDR en droit privé à l’Université de Lille, ULR 4487 – CRDP

Le 06 Janvier 2025

Mots clefs : CSE • information/consultation • C. trav., art. L. 2312-8 • trouble manifestement illicite • réorganisation de l’entreprise • UES

L’absence de consultation du CSE, lorsqu’elle est obligatoire, est constitutive d’un trouble manifestement illicite que le juge des référés peut faire cesser par les mesures qu’il estime utiles en vertu de son pouvoir souverain. Il peut ainsi ordonner à l’employeur de procéder à la consultation omise, de convoquer le CSE dans un certain délai sous astreinte en lui communiquant les informations requises et, le cas échéant, ordonner la suspension de la mesure en cause ou lui faire interdiction de la mettre en œuvre tant que le CSE n’aura pas été consulté.


Le CSE peut être mis en place dans les établissements, les entreprises, les groupes, les unités économiques et sociales (UES). L’UES est un périmètre social qui évite les abus de création de sociétés juridiquement distinctes dont les seuils d’effectifs sont inférieurs aux seuils de mise en place obligatoire du CSE. Le 18 juillet 2000, la Chambre sociale de la Cour de cassation la caractérise « en premier lieu, par la concentration des pouvoirs de direction à l'intérieur du périmètre considéré ainsi que par la similarité ou la complémentarité des activités déployées par ces différentes entités, en second lieu, par une communauté de travailleurs résultant de leur statut social et de conditions de travail similaires pouvant se traduire en pratique par une certaine permutabilité des salariés [1] ». Le CSE constitué au sein d’une UES possède des attributions plus ou moins étendues selon qu’il s’agit d’un petit ou d’un grand CSE. Parmi ces attributions, celle de l’information/consultation du grand CSE, plus particulièrement les consultations et informations ponctuelles, sont au cœur de l’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 27 novembre 2024. 

En l’espèce, un groupe de sociétés et associations spécialisées dans le domaine du maintien à domicile est constituée d’une unité économique et sociale (UES) qui est composée, entre autres, de l’association AMAPA et de l’association de soins à domicile pour personnes âgées dite l’ASDAPA. Cette UES est dotée d’un CSE unique au niveau national, d’une commission santé, sécurité et conditions de travail centrale, de commissions santé, sécurité et conditions de travail locales, et de représentants de proximité. C’est à propos de deux projets de réorganisation concernant ces deux associations que le CSE a saisi le tribunal judiciaire, invoquant le non-respect par l’employeur de ses prérogatives d’information et de consultation.

La cour d’appel de Metz, le 24 janvier 2023 (CA Metz, 24 janvier 2023, n° 21/02368 N° Lexbase : A32009B7), a débouté le CSE de ses demandes, décision confirmée par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 27 novembre 2024. Les juges se sont prononcés sur le trouble manifestement illicite constitué ou non en cas d’absence de consultation du CSE.

En effet, le CSE de l’UES n’a pas été consulté (I.) sur des projets de réorganisation des associations, ce qui dans l’une des deux hypothèses était justifié et donc ne constituait pas un trouble manifestement illicite, alors que dans l’autre hypothèse, cela était injustifié (II.), ce qui implique comme conséquence que l’employeur fasse cesser ce trouble (III.).

I. L’absence de consultation du CSE sur le fondement de l’article L. 2312-8 du Code du travail

La Cour de cassation, sur les deuxième et troisième moyens, se fonde sur l’article L. 2312-8 du Code du travail N° Lexbase : L6660L7S qui concerne les attributions générales du CSE. Il s’agit de la version antérieure à la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 N° Lexbase : L6065L7R qui a ajouté l’aspect environnemental des décisions prises par l’employeur à la consultation obligatoire. Selon l’article L. 2312-8 du Code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance de 2017, « le comité social et économique a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur : 1° Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ; 2° La modification de son organisation économique ou juridique ; 3° Les conditions d'emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle ; 4° L'introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ; 5° Les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre, des invalides civils, des personnes atteintes de maladies chroniques évolutives et des travailleurs handicapés, notamment sur l'aménagement des postes de travail. Le comité social et économique mis en place dans les entreprises d'au moins cinquante salariés exerce également les attributions prévues à la section 2 ». Il est interprété à la lumière de l’article 4 de la Directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la communauté européenne N° Lexbase : L7543A8U. Ces textes, rappelons-le, ont promu le processus d’information et de consultation du CSE, anciennement comité d’entreprise. Ces consultations et informations peuvent avoir lieu de manière récurrente [2] ou ponctuelle [3].

Le deuxième moyen de l’arrêt est consacré au projet de l’ASDAPA, plus spécialement à la réorganisation des locaux, le changement de logiciel ainsi que les modifications de fiches de postes, les processus de recrutement et l’organisation des astreintes. Il s’agit donc respectivement de mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, de l’introduction de nouvelles technologies, et de l’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, visés à l’article L. 2312-8 précité.

Le troisième moyen de l’arrêt est consacré au projet de l’AMAPA qui concerne, d’après les précisions données dans l’arrêt d’appel, une réorganisation de l’ensemble du groupe affectant l’organisation du travail de ses salariés c’est-à-dire des mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs visées à l’article L. 2312-8 du Code du travail.

Selon que les mesures précitées sont considérées comme devant ou non faire l’objet d’une information/consultation du CSE de l’UES, le trouble manifestement illicite sera ou non constitué.

II. La réorganisation de l’entreprise et le trouble manifestement illicite

La Cour de cassation précise, sur le deuxième moyen, que « les mesures [prises au sein de l’ASDAPA sont] ponctuelles ou individuelles sans incidence sur l’organisation, la gestion et marche générale de l’entreprise ni de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs au niveau de l’entreprise [la cour d’appel] a pu en déduire, la consultation du comité social et économique n’étant pas requise, l’absence de trouble manifestement illicite ».

L’arrêt ici commenté confirme une jurisprudence antérieure qui mettait en évidence le fait que lorsque les mesures sont ponctuelles ou individuelles, l’information/consultation du CSE n’est pas obligatoire. En effet, selon l’arrêt rendu le 1er juillet 1997 par la Chambre sociale de la Cour de cassation, « lorsque l’employeur apporte aux horaires en vigueur, pour les besoins de l’entreprise, une modification ponctuelle ou individuelle n’affectant pas les conditions générales de travail, cette modification ne nécessite pas l’accord préalable du comité d’entreprise et ne porte pas atteinte à l’engagement unilatéral qu’il a pris à l’égard de l’ensemble des salariés en ce qui concerne les horaires ». Dans l’affaire de 1997, un seul salarié était concerné par une adaptation de ses tâches, car certaines ne pouvaient pas être accomplies le samedi [4]. Pour l’espèce du 27 novembre 2024, la cour d’appel liste les éléments démontrant la faible importance de la réorganisation et les faibles effectifs : cinq salariés sont concernés, les logiciels installés ont les mêmes fonctions que les anciens, il n’en ressort pas d’impact sur les conditions de travail des salariés, il n’y a encore pas eu de modification des astreintes, etc. Le trouble manifestement illicite est absent.

De plus, la Cour de cassation confirme, en 2024, un arrêt du 30 septembre 2009  [5] et un arrêt du 21 septembre 2022 [6] qui s’inscrit dans la continuité du premier. Ces arrêts posent que les consultations ponctuelles ne sont pas subordonnées au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le CSE sur respectivement l’évolution annuelle des emplois et des compétences et les orientations stratégiques de l’entreprise.

Sur le troisième moyen, la Cour de cassation, dans sa réponse, confirme la décision de la cour d’appel ayant constaté l’existence d’un trouble manifestement illicite concernant la réorganisation du service de portage de repas par transfert de salariés de l’association AMAPA vers une autre société filiale du groupe, car le CSE n’a pas été consulté alors qu’il aurait dû l’être en application de l’article L. 2312-8 du Code du travail.

À la différence du moyen précédent qui concerne l’ASPADA, les données ne sont pas de faible importance. En effet, l’AMAPA a décidé d’externaliser une partie de la prestation de portage de repas vers une autre société du groupe et sept salariés sont alors intégrés à ce groupe. Il s’agit donc d’une réorganisation de l’ensemble du groupe qui affecte l’organisation du travail de ses salariés. Pour cela, le CSE devait être informé et consulté avant la décision d’externalisation, ce qui n’a pas été le cas. La Cour de cassation est donc fidèle à sa jurisprudence impliquant que l’importance du projet a un impact sur la consultation. Les juges ont d’ailleurs décidé, dans un arrêt du 29 mars 2023 [7], « en application de l'article L. 2312-14, alinéa 3, du Code du travail, interprété à la lumière des articles 1, § 2 et 5 de la Directive 2002/14, que si, en présence d'un accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le comité social et économique n'a pas à être consulté sur cette gestion prévisionnelle dans le cadre de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques, sont, en revanche, soumises à consultation les mesures ponctuelles intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise au sens de l'article L. 2312-8 du Code du travail, notamment celles de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, quand bien même elles résulteraient de la mise en œuvre de l'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. L'arrêt retient que le Plan équilibre, présenté par la société, prévoyait, au 1er octobre 2019, l'adaptation des compétences de quinze à vingt postes des départements BID et COS se traduisant par des mobilités au sein de celle-ci et du groupe Thales et affectant le volume d'emploi du département COS. La cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir l'existence d'une mesure de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs au sens de l'article L. 2312-8 du Code du travail, a pu en déduire que le défaut de consultation constituait un trouble manifestement illicite ».

Lorsque les juges caractérisent l’existence d’un trouble manifestement illicite, ils peuvent prendre les mesures utiles à faire cesser ce trouble.

III. Les conséquences de la caractérisation du trouble manifestement illicite

Lorsque le trouble manifestement illicite est constitué, le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, peut faire cesser le trouble. En effet, selon l’article 835 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8607LYG, même en présence d’une contestation sérieuse, il peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. En l’espèce, il a été ordonné, sous astreinte, à l’employeur de convoquer le CSE de l’UES dans un délai de quarante jours afin de procéder à l’information/consultation sur le projet de réorganisation de portage de repas de l’AMAPA. La Cour de cassation estime que la cour d’appel a ainsi exercé, quant au choix de la mesure appropriée, le pouvoir souverain qui lui est reconnu par l’article précité. Elle se fonde encore sur l’article L. 2312-8 du Code du travail, pour juger que la remise en état décidée par le juge pour faire cesser le trouble manifestement illicite constitue une mesure appropriée au sens de l’article 8, § 1 de la Directive n° 2002/14/CE.

Cela signifie que le versement de dommages-intérêts au CSE n’est pas automatique, les juges décident de la sanction la plus appropriée.

Dans un arrêt du 19 avril 2023, qui confirmait un arrêt de principe du 8 novembre 2017, la Cour de cassation se fondait sur les mêmes textes pour décider que « selon une jurisprudence constante de la Cour (Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 16-15.584, FS-P+B N° Lexbase : A8440WYA), l'irrégularité affectant le déroulement de la procédure d'information-consultation permet seulement aux institutions représentatives du personnel d'obtenir la suspension de la procédure, si elle n'est pas terminée, ou à défaut, la réparation du préjudice subi à ce titre ».

► Quel impact sur la pratique ?

Lorsqu’une réorganisation d’entreprise n’est pas individuelle, c’est-à-dire qu’elle entraîne des conséquences, importantes, de type externalisation ou encore bouleversement de l’organisation, sur plusieurs salariés, alors l’employeur doit consulter le CSE. À défaut, le trouble manifestement illicite pourrait être constitué et les juges pourraient prendre les mesures qu’ils estiment utiles pour le faire cesser.


[1] Cass. soc., 18 juillet 2000, n° 99-60.353, publié N° Lexbase : A9195AGN.

[2] C. trav. art. L. 2312-17 N° Lexbase : L5645MKB à L. 2312-36 N° Lexbase : L5647MKD.

[3] C. trav., art. L. 2312-37 N° Lexbase : L1434LKC à L. 2312-58 N° Lexbase : L8290LG7.

[4] Cass. soc., 1 juillet 1997, n° 95-12.000, publié N° Lexbase : A1748ACQ.

[5] Cass. soc., 30 septembre 2009, n° 07-20.525, FS-P+B+R N° Lexbase : A5779ELM.

[6] Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 20-23.660, FS-B+R N° Lexbase : A25208KK.

[7] Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-17.729, FS-B+R N° Lexbase : A39249LW.

newsid:491399

Cotisations sociales

[Observations] Solidarité financière : toute l'attestation de vigilance, rien que l'attestation de vigilance !

Réf. : Cass civ. 2, 5 décembre 2024, n° 22-21.152, F-B N° Lexbase : A15986LR

Lecture: 6 min

N1405B3G

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par François Taquet, Professeur de Droit social (IESEG, Skema BS), Avocat, spécialiste en Droit du travail et protection sociale, Directeur scientifique du réseau d’avocats GESICA

Le 09 Janvier 2025

► Faute pour le sous-traitant d’avoir fourni au donneur d’ordre l’attestation de vigilance comportant les informations exigées par l’article D. 243-15 du Code de la Sécurité sociale, le donneur d’ordre n’a pas procédé aux vérifications qui lui incombent.

Faits. Dans cette affaire, à la suite du contrôle d'un sous-traitant d’une société donneur d'ordre, ayant donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre du sous-traitant, une URSSAF avait adressé au donneur d'ordre une lettre d'observations, mettant en œuvre la solidarité financière prévue par les articles L. 8222-1 N° Lexbase : L5106IQ8 et suivants du Code du travail, suivie d'une mise en demeure et d'une contrainte.

Procédure. La cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 7 juillet 2022, n° 20/01008 N° Lexbase : A05908BH) avait  annulé la mise en demeure et la contrainte et condamné l'URSSAF à rembourser au donneur d'ordre des cotisations et majorations de retard versées en exécution de celles-ci, en relevant que le donneur d'ordre s'était fait remettre par la société sous-traitante des attestations sur l'honneur établies par sa gérante mentionnant son immatriculation au registre du commerce, l'absence d'interdictions prévues aux articles 43 et 44 du code des marchés publics et son engagement à n'employer que des salariés régulièrement déclarés auprès des organismes sociaux ainsi qu'une attestation émanant du Régime social des Indépendants mentionnant un compte à jour de déclarations et de paiement des cotisations personnelles de la gérante de l'entreprise sous-traitante. Dans ces conditions, et pour les juges du fond, le donneur d'ordre avait satisfait aux exigences de l'article D. 8222-5 du Code du travail N° Lexbase : L8381L3S.

Solution. C’est cette décision qui est cassée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, cette dernière estimant que faute pour le sous-traitant d’avoir fourni au donneur d'ordre l'attestation de vigilance comportant les informations exigées par l'article D. 243-15 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L9096LSP, le donneur d'ordre n'avait pas procédé aux vérifications qui lui incombaient.

Cette décision demande incontestablement à être remise dans son contexte.

Contexte. On sait que le donneur d’ordre est tenu de vérifier, lors de la conclusion d’un contrat portant sur une obligation d’une certaine valeur (5 000 € HT ; C. trav., art. R. 8222-1 N° Lexbase : L0218LBP), puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution, que son cocontractant s’acquitte, entre autres obligations, de celles relatives à la déclaration et au paiement des cotisations à l’égard de l’URSSAF (CSS, art. L. 243-15 N° Lexbase : L2691MAW ; C. trav., art. L. 8222-1 N° Lexbase : L5106IQ8 et D. 8222-5 N° Lexbase : L8381L3S).

Concrètement, le donneur d’ordre doit demander à son cocontractant les documents suivants :

  • l’attestation dite de vigilance URSSAF (attestation de fourniture, déclaration sociale et paiement des cotisations et contributions de Sécurité sociale) de moins de 6 mois, dont il faudra vérifier l’authenticité (n° d’authentification) ;
  • l’extrait KBIS (ou carte d’identification auprès du répertoire des métiers) ;
  • la liste des salariés étrangers soumis à autorisation de travail.

À défaut de procéder à ces vérifications et si le sous-traitant a eu recours au travail dissimulé, le donneur d’ordre peut être poursuivi pénalement et devoir régler solidairement les cotisations sociales du sous-traitant. Il peut également perdre le bénéfice des exonérations et réductions de cotisations applicables à ses salariés sur toute la période où le délit de travail dissimulé du sous-traitant aura été constaté (C. trav., art. L. 8222-2 N° Lexbase : L3605H9E ; CSS, art. L. 133-4-5 N° Lexbase : L2531MGT)

Le Conseil Constitutionnel a validé le dispositif de solidarité financière le 31 juillet 2015 (Cons. const., décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015 N° Lexbase : A0565NNA), tout en  apportant une réserve de taille : les dispositions « ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789, interdire au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu ».

Les URSSAF ont tout de suite vu l’opportunité qu’elles pouvaient retirer de ces textes. Certes, le motif invoqué est la nécessaire lutte contre le travail dissimulé. Dans la circulaire interministérielle DILTI du 31 décembre 2005, l’idée était que la lutte contre le travail dissimulé ne devait pas viser seulement à mettre en cause la responsabilité des auteurs immédiats de cette délinquance économique et financière. Il s’agissait, pour agir efficacement, de rechercher celle des donneurs d’ordre qui sont souvent les véritables bénéficiaires et les instigateurs des pratiques frauduleuses génératrices d’une importante évasion sociale et fiscale. Toutefois, à y regarder de près, l’objectif paraît moins louable et s’orienter vers une préservation des intérêts financiers des organismes sociaux (Ass. nat., Rapport d’information n° 2250). De même, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, a relevé que cette solidarité « constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public et de celle des organismes de protection sociale » (considérant 8) (la circulaire interministérielle susmentionnée du 31 décembre 2005 l’a implicitement reconnu en invoquant le fait que le débiteur solidaire est « généralement beaucoup plus solvable financièrement que l’auteur du travail dissimulé »)

Le respect du formalisme est ici important. Dans le passé, il a été décidé que le fait que le donneur d’ordre ait vainement réclamé l’attestation de vigilance, ou ait obtenu des pièces plus ou moins équivalents, ne suffit pas pour éviter la solidarité (Cass. civ. 2, 11 février 2016, n° 15-10.168, F-P+B N° Lexbase : A0458PLK ; Cass. civ. 2, 11 février 2016, n° 14-10.614, F-P+B N° Lexbase : A0443PLY ; CA Paris, 6-12, 12 mars 2021, n° 17/01018 N° Lexbase : A98814K8). La Cour de cassation enfonce ici le clou : seule la remise de cette attestation de vigilance permet de satisfaire aux obligations de l’article L. 8222-1 du Code de la Sécurité sociale. À bon entendeur, salut !

newsid:491405

Droit international privé

[Brèves] Contrariété à l’ordre public international d’un jugement étranger d’adoption insuffisamment motivé

Réf. : Cass. civ. 1, 11 décembre 2024, n° 23-15.672, FS-B+R N° Lexbase : A15266MH

Lecture: 7 min

N1417B3U

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par Jean Sagot-Duvauroux, Maître de conférences en droit privé (HDR) à l'Université de Bordeaux

Le 13 Janvier 2025

► En matière d’adoption, le juge de l’exequatur doit être en mesure, à travers la motivation de la décision ou de documents équivalents, de connaître les circonstances de l’adoption et de s’assurer que les parents ou les représentants légaux ont consenti dans son principe comme dans ses effets. 

La loi du 21 février 2022 (loi n° 2022-219 visant à réformer l’adoption N° Lexbase : L4154MBH) a modifié certains aspects du régime de l’adoption internationale dans le but de la rendre plus éthique et de prévenir les trafics illicites d’enfants. C’est ainsi que le législateur français a notamment consacré le principe d’interdiction des démarches individuelles afin de renforcer le contrôle du consentement des représentants légaux de l’enfant dans le pays d’origine. Cette initiative ne peut évidemment qu’être saluée. Toutefois, pour qu’elle soit véritablement efficace, encore faut-il que les parents désireux d’adopter des enfants en provenance de pays étrangers n’aient pas la possibilité de s’affranchir des exigences posées par le droit français. Ces derniers peuvent en effet être tentés de demander à un juge étranger, moins scrupuleux, qu’il prononce l’adoption et de revendiquer, ensuite, les effets du jugement étranger au sein de l’ordre juridique français. Afin de rendre inefficaces de tels stratagèmes, il est nécessaire de répercuter les principales exigences posées par le droit français au stade de l’instance indirecte. C’est ce à quoi s’efforce la Cour de cassation dans l’arrêt commenté.

En l’espèce, un tribunal américain de l’Utah prononce l’adoption d’un mineur né aux États-Unis par un homme, certainement de nationalité française. Le jugement étranger précise qu’il met fin aux droits des parents biologiques et que l’enfant portera le nom de l’adoptant qui exercera les droits et devoirs relatifs à l’assistance et aux successions comme s’il était le père biologique. Le requérant sollicite ensuite l’exequatur du jugement américain devant les juridictions françaises. Au second degré, la demande est rejetée au motif que le jugement étranger d’adoption est contraire à la conception française de l’ordre public international.

L’adoptant forme alors un pourvoi en cassation. Parmi les cinq branches qui composent le moyen, seules deux sont examinées par la première chambre civile. Selon le requérant, ni l’absence de motivation de la décision étrangère ni le fait que ne soit pas mentionné le consentement à l’adoption du représentant légal ne pouvaient être considérés comme des atteintes aux conceptions fondamentales françaises et conduire, par voie de conséquence, à refuser l’exequatur.

Ainsi, la question posée aux juges de la première chambre civile était la suivante : quels éléments la motivation d’un jugement étranger d’adoption doit-elle contenir pour que ce dernier soit conforme à l’ordre public international et puisse recevoir effet au sein de l’ordre juridique français ?

Tout d’abord, la Cour de cassation prend le soin de résumer les grands principes qui gouvernent le régime de l’effet des jugements étrangers en France : reconnaissance de plano des jugements étrangers relatifs à l’état des personnes (point 6), nécessité de contrôler la régularité internationale en cas d’action en inopposabilité ou de demande d’exequatur (point 7) et interdiction de la révision au fond de la décision étrangère (point 8). Elle rappelle également les trois conditions de la régularité internationale des jugements étrangers dégagées par l’arrêt « Cornelissen » (Cass. civ. 1, 20 février 2007, n° 05-14.082, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2537DUI), à savoir la compétence indirecte du juge d’origine, l’absence de fraude et la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure (point 8).   

Ensuite, s’agissant de cette dernière condition, conformément à sa jurisprudence constante (voir notamment Cass. civ. 1, 17 mai 1978, n° 76-14.843, publié au bulletin N° Lexbase : A8573CHY ; Cass. civ. 1, 28 novembre 2006, n° 04-19.031, F-P+B N° Lexbase : A7709DSC ; Cass. civ. 1, 22 octobre 2008, n° 06-15.577, FS-P+B+I N° Lexbase : A9277EAT), la première chambre civile rappelle qu’« est contraire à la conception française de l’ordre public international la reconnaissance d’une décision étrangère non motivée lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante » (point 10).

Enfin, et c’est là le principal apport de la décision commentée, la Cour de cassation vient plus spécifiquement préciser les éléments que doit contenir la motivation d’une décision étrangère d’adoption pour être considérée comme internationalement régulière. Ce faisant, elle indique que le jugement étranger d’adoption (ou des documents équivalents) doit permettre « de connaître les circonstances de l’adoption et de s’assurer qu’il a été constaté que les parents ou les représentants légaux y ont consenti dans son principe comme dans ses effets » (point 10).

Constatant que les juges du fond ont souverainement établi que de tels éléments ne figuraient ni au sein de la motivation de la décision américaine ni dans des documents complémentaires, c’est en toute logique que la première chambre civile rejette le pourvoi.

L’arrêt commenté ne doit pas être analysé de manière isolée. Il reprend, presque à l’identique, la solution précédemment retenue s’agissant de l’exequatur des jugements étrangers établissant des liens de filiation d’enfants nés par GPA à l’égard de parents d’intention (Cass. civ. 1, 2 octobre 2024, n° 22-20.883 N° Lexbase : A7775574 et Cass. civ. 1, 14 novembre 2024, n° 23-50.016, FS-B+R N° Lexbase : A54346GD). Cette convergence des solutions apparaît particulièrement opportune afin d’éviter que les protagonistes recourent à l’un de ces procédés afin de s’affranchir des conditions inhérentes à l’autre. Dorénavant, force est de constater que l’existence d’un consentement libre et éclairé constitue une condition de reconnaissance des décisions étrangères tant en matière d’adoption que de GPA pratiquées à l’étranger.

Cette exigence d’un consentement libre et éclairé de la part des représentants légaux n’est pas nouvelle en matière de reconnaissance des jugements étrangers d’adoption. Par le passé, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’approuver des juges du fond d’avoir refusé de reconnaître les effets d’un jugement étranger d’adoption au motif qu’il ne faisait pas état d’un consentement libre et éclairé pourtant requis par l’article 370, alinéa 3, du Code civil N° Lexbase : L5302ME4 (Cass. civ. 1, 9 mars 2011, n° 09-72.371, FS-D N° Lexbase : A2512G9W). Très critiqués par la doctrine en ce qu’ils autorisaient ainsi une révision au fond de la décision étrangère, les juges de la première chambre civile ont par la suite fait marche-arrière en affirmant que « la violation de l’article 370-3 ne peut être opposée à l’exequatur d’un jugement étranger » (Cass. civ. 1, 7 décembre 2016, n° 16-23.471, F-P+B N° Lexbase : A3898SP3 et plus récemment Cass. civ. 1, 13 juin 2019, n° 18-18.855, F-D N° Lexbase : A5880ZEI ; Cass. civ. 1, 6 novembre 2019, n° 18-17.111, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8751ZTB ; Cass. civ. 1, 9 juin 2021, n° 20-14.205, F-D N° Lexbase : A93364UC ou encore Cass. civ. 1, 11 mai 2023, n° 21-24.178, F-D N° Lexbase : A33969UC).

En l’espèce, la Cour de cassation justifie sa solution au regard de l’obligation de motivation. Si elle prend bien soin de ne pas mentionner l’article 370-3 du Code civil N° Lexbase : L5380MEY, c’est pourtant bien l’exigence substantielle d’un consentement libre et éclairé qu’elle entend promouvoir au nom des conceptions fondamentales françaises. Il existe ainsi un véritable risque qu’à l’avenir les juges procèdent à une révision au fond de la décision étrangère. Tel sera notamment le cas s’ils contrôlent directement l’existence d’un contentement à l’adoption de la part des représentants légaux de l’enfant et non la motivation de la décision étrangère.  

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