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N0536B3A
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par Vincent Vantighem
Le 04 Octobre 2024
Il y a parfois des attitudes qui disent davantage qu’un long discours. Prenez Marine Le Pen, par exemple. À son arrivée, lundi 30 septembre, au tribunal judiciaire de Paris, elle s’est dite « tout à fait sereine ». De prime abord, cela ressemblait évidemment au discours classique d’un homme politique classique. D’un « élément de langage » dont on aurait pu douter. Mais non, la triple candidate à l’élection présidentielle était bien « sereine ».
Car, au-delà du discours, c’est son comportement qu’il fallait regarder. D’abord, contrairement à d’autres hommes politiques qui, en pareilles circonstances, ont fui les journalistes arrivant par une porte dérobée, elle n’a pas hésité à leur donner rendez-vous dans la salle des pas perdus pour livrer son état d’esprit, entraînant quelques sueurs froides au service d’ordre du tribunal. Mais surtout, il fallait la voir se lever doucement et s’avancer, comme au ralenti, lorsque la présidente de la onzième chambre l’a appelée à la barre pour décliner son identité. « Vous êtes Marion Le Pen, dite Marine Le Pen, a attaqué Bénédicte de Perthuis. Si vous en êtes d’accord, nous vous appellerons Marine ? » Réponse forte et immédiate : « Bien sûr Madame la Présidente. »
À ceux qui en doutaient, Marine Le Pen a donc montré en quelques minutes qu’elle serait la personnalité incontournable de ce procès fleuve qui vient à peine de débuter et qui doit durer jusqu’à fin-novembre. Si elle concentre tous les regards, elle n’est pas la seule à comparaître, loin de là. Sur les trois premiers bancs de la salle 2.01, ils sont ainsi vingt-quatre cadres ou ex-cadres de ce que l’on appelait, naguère, le Front national, à être jugé pour « détournement de fonds publics », « recel » et/ou « complicité ». L’affaire est connue. Il s’agit de celle dite des « assistants des eurodéputés du Front national » qui a occupé des juges d’instruction pendant huit ans.
Concrètement, neuf anciens eurodéputés, dont Marine Le Pen, et leurs anciens assistants parlementaires sont jugés pour avoir, selon l’accusation, arnaqué le Parlement européen entre 2004 et 2016. Comment ? En faisant croire que les assistants parlementaires travaillaient pour le compte des eurodéputés alors qu’en réalité, ils ne travaillaient que pour le parti. La martingale est connue. Elle a déjà entraîné la condamnation du MoDem et l’ouverture d’une enquête visant La France insoumise.
Un préjudice en million d’euros
Mais avec le Front national devenu Rassemblement national, c’est d’autre chose qu’il s’agit. D’un « système généralisé » selon l’accusation. D’un système qui aurait permis au parti de faire supporter des millions d’euros de salaire par le Parlement européen plutôt que par le parti. Lors de l’instruction, le Parlement européen a estimé son préjudice à 7 millions d’euros. Les juges d’instruction, eux, se sont contentés de 3,5 millions d’euros. Qu’en est-il réellement ? Difficile à dire mais les débats s’annoncent âpres sur cette question.
Car, aux yeux de l’accusation, les preuves ne manquent pas. Ici, on trouve un assistant parlementaire qui n’a jamais mis les pieds à Strasbourg ou à Bruxelles. Là, un autre qui n’a jamais rencontré la députée européenne qu’il était, pourtant, censé assister. Sans parler des multiples échanges (réunions, mails, SMS) attestant que le parti était bien informé de tout cela, voire qu’il l’encourageait.
C’est donc pour tout cela que toutes les anciennes têtes d’affiche du Front national ont pris place devant la onzième chambre lundi 30 septembre dernier : Louis Aliot, le maire de Perpignant ; Bruno Gollnisch, l’ancien numéro 2 du parti ; Wallerand de Saint-Just, ex-trésorier ; et toute une myriade d’assistants un peu dépassés par les événements. Car ils savent qu’ils vont dans les prochaines semaines venir devoir s’expliquer à la barre, face à la magistrate Bénédicte de Perthuis qui n’a pas l’air d’être venue pour rigoler.
Le risque d’une peine d’inéligibilité
Que vont bien pouvoir dire tous ces prévenus ? La question a parcouru les rangs du public quelques heures tant le dossier semble accablant. Mais finalement, Marine Le Pen a donné la réponse. Il suffisait de l’écouter parler de « liberté parlementaire » pour comprendre. En guise de ligne de défense, le parti a donc choisi de naviguer sur une ligne de crête. Il ne va pas reconnaître les faits mais il ne va pas, non plus, nier l’évidence. Comment le pourrait-il ? Il suffit par exemple de s’apercevoir que le garde du corps de Jean-Marie Le Pen, puis de Marine Le Pen, a bénéficié d’un contrat payé par le Parlement européen ! Non, le parti va donc plaider qu’il a choisi lui-même sa façon de fonctionner. Et peu importe si cela était fait avec l’argent du Parlement. Le tout au nom de la « liberté parlementaire ».
Il a fallu attendre le troisième jour du procès, mercredi 2 octobre, en fin de soirée pour bien le comprendre. Après un rappel long et fastidieux des faits et des premiers échanges tendus sur le montant du préjudice, Bénédicte de Perthuis a donné la parole à Marine Le Pen pour, qu’au nom du parti, elle donne des éléments de contexte.
« J’ai vraiment le sentiment que dans ce dossier, il y a énormément d’a priori, d’idées préconcçues (…) fabriquées par le Parlement européen qui nous a engagés dans un tunnel comme si nous étions un rongeur. » Et de détailler pendant une heure que non, il n’y a eu aucun « système » mis en place pour détourner l’argent du Parlement européen. Mais que tout cela s’est fait en bonne intelligence, au nom de la liberté d’un parti qui n’est autre que « la bête noire » politique des parlementaires de Strasbourg.
Une vraie ligne de crête, donc. Car la justice n’a pas l’habitude de faire de la politique… Le risque pour la triple candidate à l’élection présidentielle de basculer est bien réel. En plus d’une peine de dix ans de prison et d’une amende d’un million d’euros, elle pourrait aussi être condamnée à une peine d’inéligibilité qui perturberait forcément ses plans pour 2027…
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Réf. : CNB, actualité, 24 septembre 2024
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N0460B3G
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par Marie-Claire Sgarra
Le 02 Octobre 2024
► L’assemblée générale du CNB a pris position sur l’obligation pour les entreprises d’émettre et de recevoir des factures électroniques, qui entre vigueur progressivement à compter du 1er septembre 2026. Pour la profession cette obligation soulève une difficulté en matière de secret professionnel.
► Rappel du cadre législatif
Pour rappel, l’article 26 de la loi de finances rectificative pour 2022 (loi n° 2022-1157, du 16 août 2022, de finances rectificative pour 2022 N° Lexbase : L7052MDK) prévoit que les assujettis à la TVA en France devront, à terme, émettre, transmettre et recevoir les factures sous forme électronique dans leurs transactions avec d’autres assujettis et transmettre à l’administration fiscale les données de facturation, ainsi que les données relatives aux opérations non domestiques ou avec une personne non assujettie.
Depuis 2020, toutes les entreprises doivent éditer des factures numériques afin d’adresser leurs demandes de paiement, via Chorus pro, pour des contrats conclus par l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics.
L'ordonnance n° 2021-1190, du 15 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1190, du 15 septembre 2021, relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction N° Lexbase : L8999L7G, prévoit également la généralisation de la facturation électronique entre entreprises assujetties à la TVA. Cette obligation a notamment pour objectif de renforcer la compétitivité des entreprises
► Modes de transmission des factures
La facturation électronique proprement dite ou « e-invoicing » qui organise la transmission électronique des données de facturation entre opérateurs économiques en y associant l’administration fiscale :
La communication des données à l’administration fiscale ou « e-reporting », s’effectue a posteriori selon des normes de transmission définies par arrêté gouvernemental :
► Nouveau calendrier applicable
L'article 91 de la loi de finances pour 2024 fixe un nouveau calendrier du passage à la facturation électronique des entreprises (loi n° 2023-1322, du 29 décembre 2023, de finances pour 2024 N° Lexbase : L9444MKY).
Lire en ce sens, P. Pradeau, M. Mahtout et O. Galerneau, Loi de finances pour 2024 : les mesures en TVA, Lexbase Fiscal, janvier 2024, n° 969 N° Lexbase : N8036BZN. |
Pour les grandes entreprises et les ETI :
Pour les TPME et les microentreprises :
► Quid des avocats ?
« Dans le cadre de la transmission des données de facturation (e-invoicing), les avocats, en tant que « personnes dépositaires du secret professionnel », ne seraient pas tenus de transmettre « la dénomination précise du service rendu » (art. 242 nonies J de l’annexe II au CGI) mais resteraient néanmoins tenus de mentionner l’identité et l’adresse de leur client, information couverte par le secret professionnel en application de l’article 2.2 du RIN ».
L’assemblée générale exige que les avocats ne soient soumis qu’au seul système du e-reporting sans transmission de l’identité et de l’adresse du client y compris en relation avec des entreprises assujetties à la TVA.
L’assemblée invite à poursuivre la réflexion sur la pertinence et la faisabilité technique, juridique et financière d’une plateforme souveraine dédiée à la profession et respectueuse des données soumises au secret professionnel d’une part, et sur une labellisation d’opérateurs qui prendraient des engagements spécifiques pour la protection des données transmises d’autre part.
Consultez la résolution [en ligne].
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Réf. : CJUE, 26 septembre 2024, aff. C-330/23, Aldi Süd Dienstleistungs SE & Co. OHG N° Lexbase : A168957P
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N0491B3L
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par Vincent Téchené
Le 02 Octobre 2024
► L’article 6 bis, paragraphes 1 et 2, de la Directive n° 98/6/CE, relative à la protection des consommateurs en matière d’indication des prix des produits offerts aux consommateurs exige qu’une réduction de prix d’un produit annoncée par un professionnel sous la forme soit d’un pourcentage, soit d’une mention publicitaire visant à mettre en avant le caractère avantageux du prix annoncé, soit déterminée sur la base du « prix antérieur », au sens du paragraphe 2 de cet article.
Faits et procédure. Une association allemande de consommateurs conteste devant une juridiction allemande la manière dont le discounter Aldi fait de la publicité dans ses prospectus hebdomadaires au moyen de réductions de prix ou de « prix chocs ».
Selon l’association de consommateurs, Aldi n’est pas en droit de calculer une réduction de prix figurant dans une annonce publicitaire sur la base du prix immédiatement antérieur à l’offre mais, conformément à la Directive n° 98/6/CE du 16 février 1998 N° Lexbase : L9948AUY, devrait le faire sur la base du prix le plus bas pratiqué au cours des 30 derniers jours. Il ne suffirait pas de simplement mentionner le prix le plus bas des 30 derniers jours dans l’annonce. Les mêmes considérations s’appliqueraient à la désignation d’un prix comme « prix choc ».
Le juge allemand a interrogé la CJUE à cet égard.
Décision. Dans son arrêt la Cour répond donc qu’une réduction de prix, qui est annoncée par un professionnel sous la forme soit d’un pourcentage, soit d’une mention publicitaire visant à mettre en avant le caractère avantageux d’une offre de prix doit être déterminée sur la base du prix le plus bas appliqué par le professionnel au cours d’une période qui n’est pas inférieure à 30 jours avant l’application de la réduction de prix.
Les professionnels sont ainsi empêchés d’induire en erreur le consommateur, en augmentant le prix pratiqué avant d’annoncer une réduction de prix et en affichant ainsi de fausses réductions de prix.
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newsid:490491
Réf. : Ordonnance de validation de la Convention judiciaire d’intérêt public entre la société Nestlé Waters Supply Est et le président du tribunal judiciaire d’Épinal, le 2 septembre 2024
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N0535B39
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par Pauline Le Guen
Le 21 Octobre 2024
Le 10 septembre 2024 a été homologuée une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale, conclue entre le président du tribunal judiciaire d’Épinal et la société Nestlé Waters Supply Est, mise en cause pour des infractions au Code de l’environnement et tromperie. Une amende d’intérêt public de deux millions d’euros, ainsi qu’une amende d'un million d’euros au titre de réparation de l’impact écologique, et 516 000 euros de dommages et intérêts ont été décidées.
Rappel des faits. Depuis 2020, deux enquêtes préliminaires avaient été diligentées, et la société a été finalement poursuivie des chefs suivants :
Ces diverses infractions sont réprimées par les articles L. 173-8 N° Lexbase : L6472L7T, L. 173-1 N° Lexbase : L5958LZP et L. 173-5 N° Lexbase : L6473L7U du Code de l’environnement ainsi que les articles 131-38 N° Lexbase : L1751LWR et 131-39 N° Lexbase : L2364GU4 du Code pénal. Par ailleurs, la société était également poursuivie pour tromperie, par personne morale, sur la nature, la qualité, l’origine ou la quantité d’une marchandise. Au regard de la connexité entre ce délit et les infractions au Code de l’environnement, il a été décidé d’une résolution commune de ces infractions par le biais de la CJIP.
Procédure. Une proposition de convention avait été adressée à la société, et la CJIP a été signée le 2 septembre 2024. Préalablement, les victimes identifiées ont été avisées de la décision du procureur de proposer la conclusion d’une telle convention, et elles ont pu être entendues lors d’une audience publique le 10 septembre 2024, en conformité avec la procédure prévue aux articles 41-1-2 N° Lexbase : L7568MMA, 41-1-3 N° Lexbase : L7569MMB er R. 15-33-60-1 et suivants N° Lexbase : L2077LEN du Code de procédure pénale.
Pour rappel, une CJIP peut être proposée lorsqu’une personne morale est mise en cause pour des infractions prévues par le Code de l’environnement ainsi que pour des infractions connexes, à l’exclusion des crimes et délits contre les personnes.
Détermination du montant de l’amende. Pour mémoire, l’article 41-1-2 précité prévoit que le montant de l’amende doit être fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires connus à la date du constat des manquements.
En l’espèce, l’amende d’intérêt public mise à la charge de Nestlé Waters s’élève à deux millions d’euros, montant apparaissant proportionné étant donné qu’il a été constaté que la société a mis fin aux irrégularités grâce à la mise en œuvre d’un plan de transformation de son activité dans le but de se mettre en conformité avec la réglementation applicable. Par ailleurs, les manquements n’ont eu aucune conséquence sur la santé publique et n’ont pas affecté les propriétés minérales des produits. À cette amende s’ajoute une amende d'un million d’euros au titre de la réparation de l’impact écologique, et de 516 000 euros de dommages et intérêts pour les victimes (principalement des associations). Les associations ont par ailleurs demandé que soit réalisée une étude sur les quantités d’eau dans les nappes et l’impact de l’activité de la société sur ces dernières.
Si pour le parquet, cette CJIP permet de concilier sanction des non-conformités, régularisation rapide de la situation, réparation de l’impact écologique et indemnisation des parties, les associations ont quant à elles un avis mitigé, ayant l’impression que cette convention vise à « mettre l’affaire sous le tapis » et permettre aux responsables de s’en sortir sans d’autres explications ou conséquences. En 2022, Nestlé France avait déjà signé une CJIP après la pollution en 2020 d’une rivière, et avait alors accepté une amende de 400 000 euros.
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Réf. : CJUE, 26 septembre 2024, aff. C-792/22, Energotehnica N° Lexbase : A168157E
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N0473B3W
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par Jean-Philippe Tricoit, Maître de conférences - HDR à l'Université de Lille, co-directeur de l'Institut des sciences du travail
Le 02 Octobre 2024
► Dans le cadre du droit à un recours effectif, les ayants droit d’une victime d’un « accident du travail » doivent pouvoir être entendus afin d’obtenir une potentielle réparation en cas de manquement de l’employeur à l’une de ses obligations ; l’autorité de la chose jugée d’une décision juridictionnelle vis-à-vis d’une autre est subordonnée à cette condition.
Faits et procédure. Dans une affaire du 26 septembre 2024, deux procédures sont diligentées par les autorités roumaines à la suite du décès d’un salarié : d’une part, d’une enquête administrative menée par l’Inspecția Muncii (inspection du travail roumaine), découle une décision prononcée par le juge administratif qui exclut in fine la qualification d’accident du travail. D’autre part, des poursuites pénales sont engagées par le Parquet roumain, pour non-respect des mesures légales de sécurité au travail et homicide involontaire. Le juge pénal, en première instance, relaxe l'employeur des poursuites et rejette l'action civile des ayants droit de la victime. Saisie en appel, la Curtea de Apel (cour d’appel) de Braşov estime que la décision de la juridiction administrative s’impose normalement à la juridiction pénale, en raison de l’autorité de la chose jugée dont elle est revêtue. Ce faisant, les ayants droit de la victime sont procéduralement empêchés d'obtenir une éventuelle réparation.
Les questions préjudicielles. Prise d’un doute, la cour d’appel roumaine communique deux questions préjudicielles à la CJUE, sur la compatibilité de cette situation juridique avec l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la Directive n° 89/391/CEE du 12 juin 1989, garantissant la protection du travailleur dans sa santé, sa sécurité et sa dignité N° Lexbase : L9900AU9. La Haute juridiction statue sur ces questions dans cet arrêt du 26 septembre 2024.
Les éléments de réponse de la CJUE. L’affaire est d’abord mal engagée : dans le cadre des principes issus de la Directive de 1989, tels que la prévention des risques professionnels (art. 1er, § 1er et § 2) et l'obligation de l'employeur d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs (art. 5, § 1er), aucune disposition n'indique les modalités procédurales d’engagement de la responsabilité de l'employeur ayant manqué à ses obligations (point 48), et ce, conformément à la jurisprudence antérieure (CJUE, 14 juin 2007, aff. C-127/05, Commission/Royaume-Uni N° Lexbase : A8180DWU). De même, l’article 31 de la Charte est muet sur ces aspects (point 50). Cependant, grâce à son pouvoir d’évocation auto-attribué (CJUE, 25 avril 2024, aff. C-308/22, PAN Europe [Closer] N° Lexbase : A9142284), la CJUE estime qu’est en cause le droit à un recours effectif et à un tribunal impartial, consacré à l’article 47 de la Charte (point 53). Elle en conclut que les ayants droit de la victime doivent disposer du droit d’être entendues devant la juridiction pénale, l’office du juge national consistant à en vérifier l’effectivité (point 58). Dès lors, ce n'est pas tant l'autorité de la chose jugée qui est mise en question que la faculté des justiciables d'être entendu. Ce n'est d'ailleurs que dans l'hypothèse où les justiciables ne sont pas entendus que l'autorité de la chose jugée semble devoir être écartée par le juge. Quant à la question de savoir si le droit français est conforme à l'arrêt « MG », on peut nourrir quelques soupçons au regard des décisions les plus récentes ayant énoncé que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose sur l'existence des faits communs aux actions pénale et civile, sur sa qualification et sur la culpabilité ou l'innocence de son auteur (Cass. civ. 2, 1er décembre 2022, n° 21-10.773, F-B N° Lexbase : A45478WC ; Cass. civ. 2, 7 juillet 2022, n° 21-15.036, F-D N° Lexbase : A71438AS).
Par ailleurs, l’arrêt du 26 septembre 2024 donne à la CJUE l'opportunité de rappeler les conditions dans lesquelles elle assure la primauté du droit de l’Union, conformément à sa jurisprudence « RS » (CJUE, 22 février 2022, aff. C-430/21, RS N° Lexbase : A75257NZ). Dans son office, le juge national est tenu de laisser inappliquées d’office des décisions de la juridiction constitutionnelle de son État dès lors que ces décisions méconnaissent les droits provenant de la réglementation de l'Union. Tel est le cas s’agissant de la Directive de 1989, ce qui participe du renforcement du droit social de l’Union européenne. En outre, les magistrats ne peuvent encourir de poursuites disciplinaires pour ce motif. À cet égard, il semblerait que le régime de responsabilité des magistrats soit en adéquation avec le droit de l’Union : s'abstenir d'appliquer les décisions du Conseil constitutionnel ne peut pas être constitutif d'une infraction (Cass. crim., 9 décembre 1981, n° 81-94.848, publié N° Lexbase : A8498CGT). De même, il paraîtrait étrange que l'État exerce une action récursoire à l'encontre du magistrat en de telles circonstances dans le cadre de la responsabilité civile (Ordonnance n° 58-1270, du 22 décembre 1958 N° Lexbase : L5336AGQ, art. 11-1). Cela étant, sous l'angle disciplinaire, tout risque n'est pas écarté pour le magistrat, car le devoir de légalité, qui impose notamment le respect des prescriptions constitutionnelles et légales (v. D. Barlow, Conseil supérieur de la magistrature, Discipline des magistrats, J.-Cl. Procédure civile, Fasc. 260-20, § 12), pourrait fonder une sanction disciplinaire à son encontre.
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Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 27 septembre 2024, n° 490697, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A845554W
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N0504B33
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par Yann Le Foll
Le 02 Octobre 2024
► Ne commet pas de manquement une collectivité qui a communiqué au concurrent évincé les motifs de rejet de son offre quinze mois après la réunion de la commission d'appel d'offres.
Rappel. L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions précitées a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3270KG9.
L'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence.
Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative, et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction (CE, 2°- 7° s-s-r., 6 mars 2009, n° 321217 N° Lexbase : A5810EDK).
Principe. Il ne résulte ni des articles L. 2181-1 N° Lexbase : L8354LQH et R. 2181-1 N° Lexbase : L2687LRX et suivants du Code de la commande publique, ni de la finalité de la communication des motifs de rejet de l'offre, que le délai écoulé entre la décision d'attribution du marché et l'information d'un candidat évincé du rejet de son offre serait susceptible, à lui seul, de constituer un manquement de l'acheteur à ses obligations de transparence et de mise en concurrence.
Décision. En jugeant que la région Guadeloupe avait commis un manquement en ne communiquant au concurrent évincé sa décision concernant l'attributaire du lot n° 2 des travaux relatifs à la « Route nationale 2 - Déviation de la Boucan au droit de la Boucan - Terrassement, ouvrage d'art et ouvrages hydrauliques » que quinze mois après la réunion de la commission d'appel d'offres, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit (TA Guadeloupe, 21 décembre 2023, n° 2301443 N° Lexbase : A49962AB).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La passation du marché public, L'achèvement de la procédure, in Marchés publics – Commande publique (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E7112ZKM. |
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