Réf. : Cass. com., 5 juin 2024, n° 23-10.954, F-B N° Lexbase : A14595G7
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N9585BZZ
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par Vincent Téchené
Le 18 Juin 2024
► Le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments couverts par le secret des affaires, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Faits et procédure. Dans le cadre d’une action en concurrence déloyale, l’une des parties a demandé le paiement de dommages et intérêts du fait de l'obtention par les parties adverses et de la production, au cours de l'instance, de pièces couvertes par le secret des affaires.
La cour d’appel (CA Paris, 5-4, 23 novembre 2022, n° 22/08310 N° Lexbase : A29078WL) ayant fait droit à cette demande, les sociétés condamnées à ce titre à verser 30 000 euros de dommages-intérêts ont formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 151-8, 3°, du Code de commerce N° Lexbase : L0900MCC et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme N° Lexbase : L7558AIR.
Selon le premier de ces textes, à l'occasion d'une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n'est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue pour la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national.
Il résulte du second que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments couverts par le secret des affaires, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Or, pour condamner les sociétés demanderesse au pourvoi à des dommages et intérêts pour avoir produit, au cours de l'instance, une pièce protégée par le secret des affaires, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que la production de cette pièce constituerait une exception à la protection du secret des affaires prévues aux articles L. 151-7 N° Lexbase : L5716LLB et L. 151-8 du Code de commerce, notamment qu'elle serait justifiée par la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national.
Mais pour la Haute Cour, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la pièce produite était indispensable pour prouver les faits allégués de concurrence déloyale et si l'atteinte portée par son obtention ou sa production au secret des affaires n'était pas strictement proportionnée à l'objectif poursuivi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
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Réf. : Cass. crim., 11 juin 2024, n° 23-87.202, FS-B N° Lexbase : A22635HB
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N9616BZ8
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par Marie Le Guerroué
Le 26 Juin 2024
► En application de l'article 192 du Code de procédure pénale, le procureur général a, seul, qualité pour former un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction prononçant sur une contestation élevée en matière de saisie d'un document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil ; le pourvoi du procureur de la République financier doit donc être considéré comme irrecevable.
Faits et procédure. Lors d'une enquête préliminaire des perquisitions ont été menées dans les locaux de sociétés. Certains des documents découverts étant susceptibles de relever de l'exercice des droits de la défense et d'être couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil, les sociétés se sont opposées à leur saisie. Le juge des libertés et de la détention a ordonné le versement à la procédure de certains de ces documents, dont ceux objets du scellé n° 6 comprenant deux exemplaires d'une consultation juridique émanant de l’avocate. Les deux sociétés, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris et l’avocate, notamment, ont formé des recours contre cette décision. Le procureur de la République financier a, par la suite, formé un pourvoi contre l'ordonnance rendue par le président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.
Réponse de la Cour. À défaut de texte législatif contraire, l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction rendue sur le recours suspensif formé à l'encontre de la décision du juge des libertés et de la détention statuant sur la contestation, par le Bâtonnier ou son délégué, de la saisie effectuée dans le cabinet ou au domicile d'un avocat, entre dans les prévisions de l'article 567 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3958AZM.
Il en va de même de l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction portant sur la saisie, réalisée hors le cabinet ou le domicile d'un avocat, d'un document ou objet susceptible de relever de l'exercice des droits de la défense et d'être couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ. Dès lors, le ministère public a qualité pour former un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction. L'article 192 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3570AZA dispose que les fonctions du ministère public auprès de la chambre de l'instruction sont exercées par le procureur général ou par ses substituts. Il en résulte que le procureur général a, seul, qualité pour former un pourvoi contre la décision susvisée, les dispositions de l'article 56-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1314MAW, auxquelles renvoie l'article 56-1-1 N° Lexbase : L1315MAX de ce code, selon lesquelles le procureur de la République, s'il est le magistrat qui a procédé à la perquisition, est entendu par le juge des libertés et de la détention et, en cas de recours, par le président de la chambre de l'instruction, ne conférant pas pour autant au procureur de la République la qualité de représentant du ministère public devant le président de la chambre de l'instruction.
Irrecevabilité. En conséquence, le pourvoi formé par le procureur de la République financier est irrecevable.
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newsid:489616
Réf. : CE 3e et 8e ch. réunies, 31 mai 2024, n° 488432, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A37985EE
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N9563BZ9
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par Marie-Claire Sgarra
Le 18 Juin 2024
► Une vérification de comptabilité n’est pas nécessairement entachée d’irrégularité du seul fait qu’elle ne s’est pas déroulée dans ces locaux ; mais la vérification doit s’y dérouler dans des conditions matérielles satisfaisantes.
Faits. Une société qui exerce une activité d'études, recherches, conférences, formations, conseils relatifs à l'utilisation de la micronutrition a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service vérificateur a, d'une part, réduit le déficit qu'elle avait déclaré au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 et, d'autre part, mis à sa charge une cotisation supplémentaire d’IS au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015.
Procédure. Le tribunal administratif a rejeté la demande de la société tendant au rétablissement de son déficit + décharge des impositions supplémentaires. La cour administrative d'appel de Toulouse rejette l’appel formé contre ce jugement (CAA Toulouse, 20 juillet 2023, n° 21TL02338 N° Lexbase : A93121BI).
Aux termes de l’article L. 13 du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L1194MLS, les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent Livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables.
Le Conseil d’État rappelle que si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l’entreprise vérifiée, la vérification n’est toutefois pas nécessairement entachée d’irrégularité du seul fait qu’elle ne s’est pas déroulée dans ces locaux.
Lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans les locaux de l'entreprise ou que la vérification ne peut s’y dérouler dans des conditions matérielles satisfaisantes, les opérations de contrôle peuvent être conduites, d'un commun accord entre le vérificateur et ses représentants, en tout autre lieu, dès lors que cette circonstance ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la possibilité d’engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l’entreprise vérifiée et qu’elle ne les prive d’aucune autre garantie attachée à la procédure de vérification (CE Contentieux, 26 février 2003, n° 232841, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3425A7Y).
Plusieurs observations :
Aux vues de ces éléments, la cour administrative d'appel a jugé que n'avait pas été, en l'espèce, de nature à entacher d'irrégularité la vérification de comptabilité la circonstance que, conformément à la proposition formulée par la vérificatrice lors du premier entretien sur place sans rencontrer d'objections de la part du représentant de la société, la suite de la vérification s'était déroulée dans les locaux de l'administration.
En statuant ainsi, la cour, qui a par ailleurs relevé d'une part que la contribuable n'avait pas été privée, de ce fait, de la garantie tenant à la possibilité d'engager avec l'administration un débat oral et contradictoire et, d'autre part, que la vérificatrice ne s'était livrée à aucun emport irrégulier de documents, n'a pas commis d'erreur de droit.
Le recours de la société est rejeté.
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Réf. : Cass. civ 3, 30 mai 2024, n° 22-22.158, FS-B N° Lexbase : A97665D3
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N9588BZ7
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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté
Le 18 Juin 2024
► À défaut de transmission du bail pour cause de décès du preneur à un conjoint ou à un ayant-droit, le bailleur peut demander la résiliation du bail par tout moyen, en application l'article L. 411-34, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime.
En l’espèce, un bailleur a donné à bail à ferme à un preneur diverses parcelles, qu'il a mises, à compter de 2004, à la disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), dont il était l'unique associé. Le preneur est décédé le 14 septembre 2017, laissant pour recueillir sa succession sa conjointe survivante qui a cantonné ses droits à la résidence principale, et ses quatre enfants. Par lettre simple, datée du 1er mars 2018 et adressée à l'EARL, le bailleur a notifié sa décision de résilier le bail. Le 19 décembre 2019, l’un des enfants du preneur a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en constat de la continuation du bail à son profit, en rétablissement de l'accès aux parcelles et en indemnisation. Le tribunal paritaire des baux ruraux a constaté la résiliation du bail, solution qui est confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Rennes du 2 juin 2022 (CA Rennes, 2 juin 2022, n° 20/05633 N° Lexbase : A8567743).
Le descendant du preneur forme un pourvoi au motif que la notification de la résiliation du bail par lettre simple équivaut à une absence de demande de résiliation. Pour cette raison, la cour d’appel ne pouvait pas retenir que le bail avait été résilié, que le courrier simple adressé le 1er mars 2018 à l'EARL ne constituait pas une notification régulière de la résiliation du bail. Ainsi, la cour d'appel aurait violé l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4467I49.
En vain, car la Cour de cassation, dans un arrêt du 30 mai 2024, rappelle que, selon l'article L. 411-34, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. Elle ajoute qu’il résulte de ce texte, qui ne pose aucune condition de forme, que la demande en résiliation peut être faite par tout moyen. Par conséquent, la « demande en résiliation du bailleur, prévue à l'article L. 411-34, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime, lorsque le preneur décède sans laisser de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès, peut être faite par tout moyen ».
Ainsi, à défaut de formalisme obligatoire imposé par le législateur dans l’hypothèse particulière du décès du preneur en cours de bail, qui ne laisse ni conjoint, ni descendant en mesure de poursuivre l’exploitation agricole réalisée jusqu’alors, le bailleur peut adresser la résiliation du bail rural à la succession du preneur sans avoir à respecter une forme et des délais particuliers.
En effet, par application des articles 1742 du Code civil N° Lexbase : L1864ABN et L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime, lorsque le preneur vient à décéder sans laisser de conjoint, d'ascendants ou de descendants qui participent à l'exploitation ou qui y ont participé effectivement au cours des cinq années qui ont précédé le décès, le droit au bail passe néanmoins à ses héritiers ou à ses légataires universels, et le bailleur a seulement la faculté de demander, à peine de forclusion, dans le délai de six mois à compter de ce décès, la résiliation du bail à ferme (Cass. civ. 3, 24 février 1988, n° 86-15.863, publié au bulletin N° Lexbase : A0012AAP ; Cass. civ. 3, 27 juin 1979, n° 78-12.090, publié au bulletin N° Lexbase : A2207CKX). Pour cette raison, à défaut d’effectuer une demande de résiliation dans le délai imparti, les héritiers demeurent titulaires du bail sans condition de participation à l’exploitation préalablement au décès (Cass. civ. 3, 7 septembre 2022, n° 21-19.188, F-D N° Lexbase : A68198HZ, L. Florent, Transmission de plein droit du bail rural aux héritiers du preneur décédé, Lexbase Droit privé, septembre 2022, n° 917 N° Lexbase : N2640BZS).
La demande du bailleur doit être adressée à tous les héritiers du preneur décédé (CA Grenoble, 19 septembre 2017, n° 16/05499 N° Lexbase : A2110WSX).
Ainsi, le principe est la transmission du bail rural aux héritiers du preneur décédé. Toutefois, si ces derniers ne répondent pas aux conditions requises pour cette transmission, le bailleur peut, dans un délai de six mois et à condition de rapporter la preuve, demander la résiliation du bail par tout moyen. Passé ce délai, le bailleur peut encore résilier le bail en présence d'héritiers du défunt locataire n'ayant pas participé à l'exploitation du bien loué, en invoquant la réglementation des structures pour faire obstacle à la dévolution du bail (Cass. civ. 3, 24 avril 2013, n° 12-14.579, FS-P+B N° Lexbase : A6963KCU, nos obs, Conditions de la poursuite du bail par le descendant du preneur décédé, Lexbase Droit privé, mai 2013, n° 529 N° Lexbase : N7222BTN) car le candidat à la continuation du bail doit avoir l'autorisation d'exploiter. Cette exigence légale ne figure pas dans le régime juridique du fermage, mais elle est énoncée aux articles L. 331-1 N° Lexbase : L6543HHS et suivants du Code rural et de la pêche maritime et plus spécialement du « volumineux » article L. 331-2 N° Lexbase : L3130IT4.
Depuis la loi n° 2014-1170, du 13 octobre 2014, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt N° Lexbase : L4151I4I, l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime, prévoit que le délai de six mois, dont dispose le bailleur pour demander la résiliation du bail, court à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance, mettant ainsi un terme à la jurisprudence qui considérait qu’en l'absence de toute demande présentée par le bailleur, conformément aux dispositions de l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime, dans le délai de forclusion de six mois à compter du décès du preneur à ferme, le droit au bail de ce dernier passait à ses héritiers, peu important que le bailleur n'ait pas été averti du décès (Cass. civ. 3, 21 janvier 2009, n° 07-21.272, FS-P+B N° Lexbase : A6420ECR).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Résiliation du bail rural, Demande de résiliation du bail par le bailleur, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9031E9D. |
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Réf. : Cass. civ. 3, 13 juin 2024, n° 22-20.992, FS-B N° Lexbase : A78915HQ
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N9643BZ8
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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à l’Université de Franche-Comté
Le 19 Juin 2024
► Au sens de l’article L. 412-8 du Code rural et de la pêche maritime, rendu applicable au droit de la préemption de la SAFER par l’article L. 143-8 du même code, a la qualité d’acquéreur évincé, la personne mentionnée dans la notification du notaire au bénéficiaire du droit de préemption ;
En outre, l’acquéreur évincé peut agir en nullité lorsque la réalisation de l’acte de vente n’a pas été réalisée dans les deux mois, sans que le non-respect de ce délai ne soit pas imputable à la SAFER.
Un couple a souhaité acquérir deux parcelles cadastrées. Le 3 août 2016, le notaire a notifié le projet de cession à la SAFER qui, par courrier du 30 septembre 2016, lui a notifié en retour sa décision d'exercer son droit de préemption. Par la suite, le couple d’acquéreurs contestant la préemption, a fait assigner la SAFER devant le tribunal par exploit délivré le 27 mars 2017. Ces derniers demandaient au tribunal de constater la nullité de plein droit de la décision de préemption de la SAFER et subsidiairement d’annuler cette décision. Par jugement du 28 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a déclaré irrecevables les demandes des acquéreurs, lesquels ont interjeté appel.
Par un arrêt du 5 juillet 2022, la cour d’appel de Riom (CA Riom, 5 juillet 2022, n° 20/01634 N° Lexbase : A59478AI) rappelle que le premier juge a considéré que les acquéreurs étaient dépourvus de qualité à agir, dans la mesure où ils ne justifiaient pas de leur statut d'acquéreurs évincés, faute de démontrer l'approbation unanime des propriétaires indivis des parcelles litigieuses. La cour d’appel ne partage pas cette analyse, en indiquant qu’une condition avait été ajoutée à l'article L. 412-8 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4062AE8, que ce texte ne contenait pas. Le législateur n’exige nullement qu'un engagement ferme et définitif ait déjà été conclu entre les vendeurs et le candidat acquéreur. Par conséquent, le couple avait effectivement la qualité d’acquéreur évincé au sens de ce texte, justifiant de la qualité requise pour agir en nullité.
Sur la réalisation du droit de préemption de la SAFER, la cour d’appel indique que, par renvoi de l'article L. 143-8 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L1860KGY, l'article L. 412-8 du même code est applicable au droit de préemption de la SAFER. Par conséquent, celui qui exerce son droit de préemption bénéficie d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique. En l’occurrence, la SAFER avait indiqué au notaire vouloir préempter par courrier du 30 septembre 2016. Les acquéreurs avaient adressé un commandement de réaliser l’acte authentique par acte d’huissier du 27 mars 2017. Considérant que depuis sa réponse positive au notaire le 30 septembre 2016, la SAFER ne s'était nullement préoccupée de mettre en œuvre l'acte authentique nécessaire pour finaliser sa décision de préemption, et ce n'est que le 30 mars 2017, soit trois jours après avoir reçu le commandement des acquéreurs, qu'in extremis, qu'elle a confirmé au notaire son intention de régulariser la vente par acte authentique, la cour d’appel a jugé que la déclaration de préemption de la SAFER était nulle.
La SAFER a formé un pourvoi, en vain. Par un arrêt du 13 juin 2024, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejette les deux moyens du pourvoi.
Notion d’acquéreur évincé au sens de l’article L. 412-8 du Code rural et de la pêche maritime. La qualité pour agir en nullité de la préemption de la SAFER n’a pas toujours été reconnue à l’acquéreur évincé. En effet, l'article L. 412-8 du Code rural et de la pêche maritime a été modifié par la loi n° 88-1202, du 30 décembre 1988 N° Lexbase : L9121AGW, afin de conférer à l'acquéreur évincé la qualité pour délivrer la mise en demeure de régulariser la vente consécutive à la préemption de la SAFER. Antérieurement, la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 28 janvier 1987, n° 85-14.406, publié au bulletin N° Lexbase : A6513AAH) considérait que l'acquéreur évincé n'avait pas qualité pour initier une procédure destinée à constater la nullité de la préemption de la SAFER pour défaut de régularisation de l'acte authentique dans le délai imparti. La règle de droit actuelle le permet clairement : « l'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption ». Ainsi, le propriétaire, mais également l'acquéreur évincé, peuvent d'agir en nullité de la préemption réalisée par la SAFER, comme l’a précisé l’arrêt infirmatif de la cour d’appel dans cette affaire.
L'arrêt du 7 décembre 2011 a formellement énoncé cette solution une première fois (Cass. civ. 3, 7 décembre 2011, n° 10-27.027, FS-P+B N° Lexbase : A1891H4S), laquelle a été rappelée en 2014 (Cass. civ. 3, 21 mai 2014, n° 12-35.083, FS-P+B N° Lexbase : A5001MM8, nos obs., Mise en demeure faite par acte d'huissier : l'enveloppe est interdite !, Lexbase Droit privé, juin 2024, n° 574 N° Lexbase : N2664BU9). La décision du 13 juin 2024, dix ans plus tard, se situe dans le même sillage jurisprudentiel. Pour cette raison, la solution était prévisible.
Délai de deux mois pour réaliser la vente par acte authentique. Par ailleurs, cette décision permet de faire le point sur le délai dont dispose le titulaire d’un droit de préemption, en l’occurrence la SAFER, pour réaliser l’acte authentique de la vente.
Question. À l’issue de quel délai l’acquéreur évincé peut-il agir en nullité de la décision de préemption de la SAFER ?
Cadre juridique. En application de L. 412-8 du Code rural et de la pêche maritime, celui qui exerce son droit de préemption bénéficie d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique. Passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte de commissaire de justice et restée sans effet.
Réponse de la Cour de cassation. Le pourvoi contre la décision d’appel critiqué est rejeté, la Cour de cassation considérant que celle-ci avait valablement motivé sa décision.
En effet, la cour d'appel a énoncé, à bon droit, que, selon l'article L. 412-8 du Code rural et de la pêche maritime, en cas de préemption, c'est celui qui l'exerce, en l'occurrence la SAFER, qui dispose d'un délai de deux mois à compter de l'envoi de sa réponse pour réaliser l'acte de vente authentique et à qui il incombe donc d'accomplir les diligences nécessaires.
En l’espèce, l’envoi ayant été adressé au notaire par courrier du 30 septembre 2016, la SAFER disposait d’un délai expirant le 30 novembre 2016 pour faire réaliser l’acte authentique. Elle a été mise en demeure par commandement du 27 mars 2017, fixant le point de départ de l'ultime délai de quinze jours accordé à la SAFER. Ce n’est que trois ajours après la réception de cette mise en demeure que la SAFER a informé le notaire de son intention de régulariser la vente par acte authentique et lui avait demandé de lui adresser un projet d'acte, en précisant que la signature de l'acte devait intervenir impérativement dans ce délai de quinze jours, et que le notaire, qui n'avait reçu ce courrier que le 3 avril 2017, n'avait alors disposé que de huit jours, samedi et dimanche compris, pour passer l'acte, alors que les vendeurs étaient au nombre de sept dans le cadre d'une indivision. Or, la SAFER n’ignorait pas cette situation. Pour cette raison, la Cour de cassation a considéré que la cour d’appel faisait ressortir que la SAFER ne justifiait pas que le défaut de réalisation de la vente dans les délais légaux ne lui était pas imputable, elle a pu en déduire que sa déclaration de préemption en date du 30 septembre 2016 était nulle de plein droit.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Droit de préemption et droit de priorité du preneur à bail rural, Délai de réalisation de la vente en cas de préemption du preneur, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9295E97. |
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Réf. : Décret n° 2024-514, du 6 juin 2024, relatif aux mentions comprises dans l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral N° Lexbase : L5448MMQ
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N9604BZQ
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par Charlotte Moronval
Le 18 Juin 2024
► Publié au Journal officiel du 7 juin 2024, le décret n° 2024-514, du 6 juin 2024, précise les mentions devant être comprises dans l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral, en cas de mise en place ou de renouvellement du CSE.
Aux termes des dispositions du nouvel article D. 2314-1-1 du Code du travail N° Lexbase : L5549MMH, l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral doit désormais comporter a minima les informations suivantes :
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'organisation des élections des membres de la délégation du personnel au comité social et économique, L'information ou l'invitation de certaines organisations syndicales à la négociation du protocole d'accord préélectoral, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1924GAI. |
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Réf. : Cass. crim., 23 mai 2024, n° 23-81.457, F-D N° Lexbase : A40155D3
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N9619BZB
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par Pauline Le Guen
Le 26 Juin 2024
► La Chambre criminelle rappelle que seuls des actes postérieurs à la cessation des paiements ou qui l’auraient directement provoquée, peuvent être constitutifs du délit de banqueroute ; à défaut, il s’agit d’un ABS.
Faits et procédure. Deux personnes sont poursuivies devant le tribunal correctionnel, la première pour banqueroute, la seconde pour complicité de ce délit, et sont déclarées coupables. Les prévenus ainsi que le ministère public interjettent appel.
En cause d’appel. La cour d’appel confirme la décision en déclarant les prévenus coupables et en les condamnant pour banqueroute par détournement ou dissimulation de tout ou partie de l’actif, et complicité. Les prévenus se sont pourvus en cassation.
Moyens du pourvoi. Dans un premier temps, il est fait grief à la cour d’appel de déclarer les prévenus coupables par des motifs contradictoires. En effet, cette dernière retient d’une part que les détournements avaient eu lieu après la date de cessation des paiements. D’autre part, elle indique que les faits antérieurs à cette date peuvent être constitutifs du délit de banqueroute s’ils ont eu pour effet d’affecter la consistance de l’actif disponible, dès lors qu’il existe un lien de causalité entre les détournements et l’état de cessation des paiements, tout en considérant qu’il n’y a pas lieu de requalifier les faits en ABS puisque la qualification de banqueroute doit être retenue lorsque les détournements antérieurs ont directement provoqué l’état de cessation des paiements.
Par ailleurs, est reproché à l’arrêt de ne pas caractériser en quoi les actes de détournements ont directement provoqué cette cessation des paiements.
Enfin, l’arrêt est critiqué en ce qu’il retient la date de notification de proposition de rectification de l’administration fiscale pour dire que la société se trouvait déjà en état de cessation des paiements à ce moment, et non la date de notification de l’avis de mise en recouvrement.
Décision. La Cour de cassation casse l’arrêt au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3977AZC. Elle relève dans un premier temps que la cour d’appel a statué par des motifs contradictoires s’agissant de l’antériorité ou de la postériorité des actes de détournements. En effet, les juges du fond ne pouvaient caractériser la banqueroute en soulignant d’une part que la société était déjà en état de cessation des paiements avant les détournements, puis indiquant d'autre part que cette date était sans incidence dès lors que des faits antérieurs pouvaient constituer le délit s’ils avaient eu pour effet d’affecter la consistance de l’actif disponible et qu’il y avait un lien de causalité entre les détournements et la cessation des paiements, et refuser enfin de requalifier les faits en ABS au motif que la qualification de banqueroute doit être retenue quand des actes de détournements antérieurs ont directement provoqué l’état de cessation des paiements.
Enfin, la Chambre criminelle relève que la cour d’appel n’a pas suffisamment établi en quoi les détournements litigieux avaient provoqué la cessation des paiements, ni que la société se trouvait déjà dans cet état lors des détournements, dès lors que la seule proposition de rectification de l’administration fiscale est sans emport sur le passif exigible.
Cette décision vient rappeler les règles applicables en matière de qualification du délit de banqueroute. En effet, pour que l’infraction soit caractérisée, les détournements doivent avoir lieu après la date de cessation des paiements ou l’avoir directement provoquée.
Par ailleurs, la Cour s’était également prononcée plus tôt sur la question du préjudice du délit de banqueroute, dans un arrêt du 7 mai 2024 (Cass. crim., 7 mai 2024, n° 22-82.403, F-D N° Lexbase : A17045BQ), où elle indiquait que le montant du préjudice découlant directement du délit de banqueroute par absence de comptabilité et comptabilité irrégulière doit être souverainement apprécié par les juges du fond et ne peut être forfaitairement fixé au moment des dettes de la société.
Pour aller plus loin : ÉTUDE : Les règles spéciales à la banqueroute, in Entreprises en difficultés (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E7775EPN. |
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