Le Quotidien du 8 décembre 2023

Le Quotidien

Baux commerciaux

[Brèves] Covid-19 et bail commercial : précision sur l’application des mesures de protection contre la résiliation et les voies d’exécution pour les charges et loyers impayés

Réf. : Cass. civ. 3, 30 novembre 2023, n° 22-14.594, FS-B N° Lexbase : A023417S

Lecture: 5 min

N7681BZI

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par Vincent Téchené

Le 07 Décembre 2023

► Les conditions restrictives de réouverture en salle des restaurants et débits de boissons à compter du 22 juin 2020 constituent des mesures de police affectant l’activité du locataire. Dès lors, s’il remplit les critères d'éligibilité posés l'article 14 de la loi n° 2020-1379, du 14 novembre 2020, ce dernier ne peut encourir, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de ces mesures, toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à son encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives dus.

Faits et procédure. En raison de la crise sanitaire liée au virus Covid-19 et des mesures gouvernementales interdisant la réception du public dans les restaurants, la locataire de locaux à usage de restauration, salon de thé et accessoirement vente à emporter a, le 29 avril 2020, avisé la bailleresse de la suspension du paiement du loyer du deuxième trimestre 2020.

Une ordonnance de référé du 20 janvier 2021 a constaté l'acquisition, au 19 novembre 2020, de la clause résolutoire insérée au bail et a condamné la locataire au paiement d'une certaine somme à titre de provision à valoir sur l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation, y compris le quatrième trimestre 2020.

En exécution de cette décision, la bailleresse a, le 23 février 2021, fait dresser un procès-verbal de reprise des locaux loués puis, le 12 mars 2021, a procédé à la saisie-attribution d'un compte bancaire ouvert au nom de la locataire.

Le 16 mars 2021, la locataire a assigné la bailleresse en annulation du procès-verbal de reprise des locaux loués et mainlevée de la saisie-attribution.

Elle invoquait le bénéfice des dispositions l'article 14, de la loi n° 2020-1379, du 14 novembre 2020 N° Lexbase : L6696LYN, qui prévoit que les personnes morales de droit privé exerçant une activité économique ne peuvent encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était affectée par une mesure de police administrative prise en raison de la crise sanitaire de Covid-19. En effet, selon elle, l'autorisation de réouverture en salle à compter du 22 juin 2020 était subordonnée à des conditions et, compte tenu des caractéristiques et de la surface de son local d'exploitation, elle ne pouvait en aucun cas satisfaire à ces obligations, ce qui l'a contrainte à rester purement et simplement fermée au-delà de cette date.

La cour d’appel de Paris (CA Paris, 1-10, 10 février 2022, n° 21/07718 N° Lexbase : A87847MB) a rejeté les demandes de la locataire. Elle a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision.  Selon l’article 14, de la loi n° 2020-1379, du 14 novembre 2020, applicable à compter du 17 octobre 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I, de l'article 1er, de la loi n° 2020-856, du 9 juillet 2020 N° Lexbase : L6437LXP ou du 5°, du I, de l'article L. 3131-15 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4891L7B, les personnes morales de droit privé satisfaisant à plusieurs critères d'éligibilité ne peuvent encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives dus pour une période, même antérieure au 17 octobre 2020, au cours de laquelle leur activité économique est affectée par l'une des mesures de police précitée.

Par ailleurs, l'article 40 du décret n° 2020-663, du 31 mai 2020 N° Lexbase : L2457LXB et l'article 40, du décret n° 2020-860, du 10 juillet 2020 N° Lexbase : Z058979X prévoient que les établissements recevant du public de type N, restaurants et débits de boissons, ne peuvent accueillir du public qu'à la condition que les personnes accueillies aient une place assise, qu'une même table ne regroupe que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes, et qu'une distance minimale d'un mètre soit garantie entre les tables occupées par chaque personne ou groupe de personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, sauf si une paroi fixe ou amovible assure une séparation physique.

Selon la cour d’appel, les établissements accueillant du public ont été autorisés à reprendre leur activité sous certaines conditions qu'il appartenait à la locataire de respecter. Ainsi, une partie des loyers impayés, à savoir ceux échus du mois d'août au mois d'octobre 2020, est devenue exigible alors que l'activité de la locataire n'était pas affectée par des mesures de police, de sorte que la reprise des lieux loués et la saisie-attribution du 12 mars 2021 étaient régulières.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel retenant que l'obligation d'accueillir les personnes à une place assise, de ne recevoir que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes, et de respecter une distance minimale d'un mètre entre les tables, sauf installation d'une paroi fixe ou amovible assurant une séparation physique, constituait bien une mesure de police réglementant les conditions d'accès et de présence du public.

Pour aller plus loin :

  • v. J. Prigent, Bail commercial et mesures relatives aux loyers et charges de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, Lexbase Affaires, novembre 2020, n° 655 N° Lexbase : N5296BYS ;
  • v. ÉTUDE : L'obligation du locataire de payer le loyer du bail commercial, L'exigibilité du loyer du bail commercial en période de crise sanitaire (Covid-19), in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E504834Q.

newsid:487681

Collectivités territoriales

[Brèves] Pas de cumul du mandat de député et de conseiller de la métropole de Lyon

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1073 QPC, du 1er décembre 2023 N° Lexbase : A324617D

Lecture: 2 min

N7656BZL

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par Yann Le Foll

Le 07 Décembre 2023

► Le fait de ne pas soumettre les conseillers de la métropole de Lyon à la règle d’incompatibilité parlementaire, à la différence des conseillers départementaux, implique une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.

Rappel. Le premier alinéa de l’article L.O. 141 du Code électoral N° Lexbase : L9266LEW prévoit que le mandat de député est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats locaux qu’il énumère, parmi lesquels figure, aux termes des dispositions contestées, celui de conseiller départemental. Cette incompatibilité parlementaire ne s’applique pas au mandat de conseiller de la métropole de Lyon.

Position CConst. Or, il résulte des articles L. 3611-1 N° Lexbase : L9655IZM, L. 3611-3 N° Lexbase : L9657IZP et L. 3641-2 N° Lexbase : L9687IZS du Code général des collectivités territoriales que, sauf disposition spéciale contraire, la métropole de Lyon, collectivité territoriale à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution N° Lexbase : L1342A9L, s’administre dans les conditions fixées par la législation en vigueur relative au département et exerce de plein droit sur son territoire les compétences que les lois attribuent au département. Ainsi, le mandat de conseiller de la métropole de Lyon comporte notamment les mêmes attributions que celui de conseiller départemental.

Décision. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, être interprétées comme autorisant le cumul du mandat de député avec l’exercice simultané du mandat de conseiller de la métropole de Lyon et de l’un des autres mandats locaux énumérés au premier alinéa de l’article L.O. 141 du Code électoral.

Cette réserve s’applique à compter de la date de publication de la présente décision. 

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Les élections législatives, Les incompatibilités du mandat de député avec d'autres fonctions électives, in Droit électoral (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E62867HB

newsid:487656

Droit rural

[Brèves] Cessation d'activité d'un copreneur : sanction de l’absence de régularisation de la situation du copreneur resté en place ?

Réf. : Cass. civ. 3, 30 novembre 2023, n° 21-22.539, FS-B N° Lexbase : A023317R

Lecture: 5 min

N7687BZQ

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 07 Décembre 2023

► L'article L. 411-35, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que lorsqu'un des copreneurs d'un bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom, ne crée, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°.

Le présent arrêt rendu le 30 novembre 2023 tranche une question qui méritait d’être clarifiée : en cas de cessation d’activité d’un copreneur, quelles sont les conséquences de l’absence de régularisation de la situation du copreneur resté en place afin de poursuivre le contrat à son seul nom, comme le lui permet l’article L. 411-35, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4458I4U ?

Plus précisément, s’agit-il d’un motif de résiliation judiciaire sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°, du même code N° Lexbase : L8924IWG, qui prévoit que le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ?

Ou bien cela prive-t-il simplement le preneur resté en place de sa faculté de céder le bail dans les conditions de l'article L. 411-35.

Dans son arrêt rendu le 30 novembre 2023, promis aux honneurs du bulletin, la Haute juridiction retient la seconde option aux termes d’une motivation enrichie, alors qu’elle avait retenu l’option inverse dans un précédent arrêt inédit (Cass. civ. 3, 4 mars 2021, n° 20-14.141, F-D N° Lexbase : A02404K4).

En l’espèce, les bailleurs se référaient manifestement à cet arrêt puisqu’ils exposaient l’argument  suivant : l'article L. 411-31, II, 1°, du Code rural et de la pêche maritime permet au bailleur de demander la résiliation du bail s'il justifie de toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 du même code ; aussi, le défaut d'accomplissement de l'obligation d'information du propriétaire, en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs, qui doit s'entendre comme la cessation de sa participation à l'exploitation de façon effective et permanente, constitue un manquement aux obligations nées du bail et une violation de l'article L. 411-35.

Et l’argument est effectivement convaincant si l’on s’en tient à une lecture stricte des textes. Mais la Haute juridiction choisit de modifier sa position en adoptant ici une interprétation téléologique de la loi.

C’est ainsi qu’en l’espèce, reprochant à la copreneuse restée en place de ne pas leur avoir demandé la poursuite du bail à son seul nom alors que le copreneur aurait cessé de participer à l'exploitation du bien loué, les bailleresses avaient assigné les preneurs en résiliation du bail. Elles n’obtiendront pas gain de cause devant la Cour suprême, qui rejette l’argument aux termes d’une motivation enrichie.

Elle relève ainsi qu’aux termes de l'article L. 411-35, alinéa 1er, du Code rural et de la pêche maritime, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du Code civil N° Lexbase : L1839ABQ, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. À défaut d'agrément par le bailleur, la cession peur être autorisée par le tribunal paritaire.

Selon l'article L. 411-35, alinéa 3, de ce code, issu de la loi n° 2014-1170, du 13 octobre 2014, lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom.

Selon l'article L. 411-31, II, 1°, du même code, le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de contravention aux dispositions de l'article L. 411-35.

La formalité prévue par le deuxième de ces textes a pour objet de permettre au preneur resté en activité de régulariser la poursuite du bail à son seul nom et de préserver ainsi sa faculté de le céder dans les conditions de l'article L. 411-35.

En effet, la cessation de la participation à l'exploitation du bien loué par l'un des copreneurs, qui y reste tenu, est de nature à faire obstacle à la cession du bail (Cass. civ. 3, 3 février 2010, n° 09-11.528 N° Lexbase : A6149ER8).

Ce texte ne crée donc, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Cession du bail rural, sous-location et cotitularité du bail, spéc. Cessation d'activité d'un copreneur et poursuite du contrat par l'autre copreneur in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9061E9H.

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Responsabilité

[Brèves] Force majeure et exonération du gardien de la chose : à propos de la chute d’un pilote sur un circuit

Réf. : Cass. civ. 2, 30 novembre 2023, n° 22-16.820, F-B N° Lexbase : A992814H

Lecture: 4 min

N7674BZA

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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

Le 07 Décembre 2023

► La faute de la victime n’exonère totalement le gardien de sa responsabilité qu’à la condition de constituer un cas de force majeure ; tel n’est pas le cas d’un pilote qui chute sur un circuit, faute d’imprévisibilité.

Faits et procédure. En l’espèce, le pilote d’une motocyclette, au cours d’une séance de « roulage » sur un circuit fermé, a chuté au sol lors d’une manœuvre de freinage, avant d'être percuté par une autre motocyclette conduite. Il assigne en indemnisation le conducteur l’ayant percuté et son assureur sur le fondement de la responsabilité pour faute et de la responsabilité du fait des choses.

La cour d’appel déboute la victime de toutes ses demandes en considérant qu’elle avait freiné brutalement sans nécessité, contrairement aux consignes données, alors qu'elle était en pleine accélération après une sortie de virage, créant un risque de collision avec les motards qui le suivaient. Les juges du fond estiment ainsi que la victime avait commis une faute de conduite en lien de causalité avec son dommage.

La cour d’appel considère par ailleurs que les fautes imprévisibles et irrésistibles de la victime exonèrent totalement le conducteur de la motocyclette l’ayant percuté de sa responsabilité de gardien, dès lors que ce dernier ne pouvait prévoir que, durant une course consacrée aux pilotes de la catégorie « confirmé » qui s'étaient vus rappeler les consignes de sécurité avant le départ, la victime violerait ces règles et opérerait un freinage brutal qui ne s'imposait pas (CA Paris, 17 février 2022, n° 20/05938).

La victime de l’accident forme un pourvoi en cassation. Elle fait grief à l'arrêt de l’avoir déboutée de toutes ses demandes indemnitaires alors notamment que « l'exonération totale du gardien de la chose instrument du dommage suppose que la faute de la victime revête les caractéristiques de la force majeure » et que « le freinage brutal d'un participant en cas d'accident lors d'une course de motocyclette, ne saurait être considéré comme un événement imprévisible » et cela malgré des consignes de sécurité avant le départ dès lors que la victime n'était pas licenciée contrairement au motocycliste l’ayant percuté, et où leur commune appartenance au classement confirmé ne résultait que « des performances de temps réalisées au tour précédent ». Comment caractériser la cause étrangère ?

Solution. La Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond. Après voir rappelé, au visa de l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L0948KZ7 que « la faute de la victime n'exonère totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue un cas de force majeure », elle considère que, contrairement à ce que retient la cour d’appel, « la chute d'un pilote sur un circuit ne constitue pas un fait imprévisible pour les motards qui le suivent ». La force majeure ne pouvant être caractérisée, le conducteur ne peut être exonéré de sa responsabilité de gardien du véhicule.

Il est quelque peu étonnant que la Cour de cassation ne tienne pas compte des circonstances de l’espèce ni ne renvoie à l’appréciation souveraine des juges du fond quant à l’appréciation du caractère extérieur, imprévisible et irrésistible de la force majeure. Toutefois, si les juges du fond sont souverains pour apprécier si les faits de l’espèce permettent de caractériser les éléments constitutifs de la force majeure, la Cour de cassation exerce son contrôle sur la qualification (v. Cass. civ. 2, 13 juillet 2006, n° 05-10.250, FS-P+B N° Lexbase : A4485DQ8) et vérifie que les juges du fond justifient de l’imprévisibilité de l’évènement (v. par ex. Cass. civ. 2, 27 mars 2014, n° 13-15.528, F-D N° Lexbase : A2339MIH ; Cass. civ. 2, 6 février 2018, n° 16-26.198, FS-P+B+I N° Lexbase : A6833XC3). On peut néanmoins regretter la formulation très générale retenue en l’espèce qui ne renvoie pas explicitement à cette exigence de justification mais semble signifier que désormais aucune chute sur un circuit ne saurait être qualifiée de force majeure.

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Secret professionnel

[Brèves] « Le secret professionnel de l'avocat ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du CPC »

Réf. : Cass. civ. 1, 6 décembre 2023, n° 22-19.285, FS-B N° Lexbase : A6695174

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N7695BZZ

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par Marie Le Guerroué

Le 14 Décembre 2023

► Le secret professionnel de l'avocat ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile dès lors que les mesures d'instruction sollicitées, destinées à établir la faute de l'avocat, sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve du requérant, proportionnées aux intérêts antinomiques en présence et mises en œuvre avec des garanties adéquates.

Faits et procédure. Un avocat inscrit au barreau de Toulouse avait conclu avec une société une convention de prestations juridiques. La société, soutenant que l'avocat avait commis un détournement de clientèle et une rétention de dossiers, avait déposé plainte pour abus de confiance. La convention avait été résiliée à l'initiative de l'avocat. Le président d'un tribunal judiciaire, saisi d'une requête de la société sur le fondement des articles 145 N° Lexbase : L1497H49, 845 N° Lexbase : L9340LT4 et 846 N° Lexbase : L9341LT7 du Code de procédure civile, avait désigné un huissier de justice, avec mission de se rendre au cabinet professionnel de l'avocat et de procéder, avec l'aide éventuelle d'un expert informatique, notamment, à la recherche de documents et correspondances de nature à établir les faits litigieux, les copies réalisées devant être séquestrées entre les mains de l'huissier de justice. L'ordonnance avait été exécutée. L'avocat avait alors assigné la société en rétractation de cette ordonnance, opposant le secret professionnel.

En cause d’appel. Pour rétracter l'ordonnance sur requête, l'arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse retient qu'aucun texte n'autorise la consultation ou la saisie des documents détenus par un avocat au sein de son cabinet en dehors de la procédure prévue à l'article 56-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1314MAW et que le juge a autorisé des mesures sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile qui ne sont pas légalement admissibles en ce qu'elles portent atteinte au secret professionnel des avocats.

Devant la Cour de cassation, la société fait grief à l'arrêt rendu par la cour d’appel de rétracter l'ordonnance, de prononcer la nullité du procès-verbal et de restituer les pièces appréhendées.

Solution. La Haute juridiction rend sa décision au visa de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et les articles 145 du Code de procédure civile, 66-5, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ et 4 du décret n° 2005-790, du 12 juillet 2005 N° Lexbase : L6025IGA, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2023-552, du 30 juin 2023, portant Code de déontologie des avocats N° Lexbase : L0651MIX.
Elle énonce que le droit à un procès équitable, garanti par le premier de ces textes, implique que chaque partie à l'instance soit en mesure d'apporter la preuve des éléments nécessaires au succès de ses prétentions. Aux termes du deuxième de ces textes, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Constituent des mesures légalement admissibles, au sens de ce texte, des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi. Si, selon le troisième de ces textes, le secret professionnel couvre en toutes matières, dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier, il est institué dans l'intérêt du client ayant droit au respect du secret des informations le concernant et non dans celui de l'avocat. En application du quatrième de ces textes, l'avocat ne peut commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel, à moins qu'il n'assure sa propre défense devant une juridiction.
Pour la Cour, il s'en déduit que le secret professionnel de l'avocat ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile dès lors que les mesures d'instruction sollicitées, destinées à établir la faute de l'avocat, sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve du requérant, proportionnées aux intérêts antinomiques en présence et mises en œuvre avec des garanties adéquates.
La Cour de cassation estime qu’ en statuant comme elle l’a fait, la cour d'appel a donc violé les textes susvisés.
Cassation. La Cour casse et annule la décision rendue par la cour d'appel de Toulouse.

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Sociétés

[Brèves] Durabilité : transposition de la Directive « CSRD »

Réf. : Ordonnance n° 2023-1142, du 6 décembre 2023, relative à la publication et à la certification d'informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d'entreprise des sociétés commerciales N° Lexbase : L5068MKW

Lecture: 3 min

N7693BZX

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par Perrine Cathalo

Le 09 Janvier 2024

Publiée au Journal officiel du 7 décembre 2023, l’ordonnance n° 2023-1142, prise en application de l’article 12 de la loi « DDADUE » du 9 mars 2023, transpose la Directive « CSRD » en droit français.

Pour mémoire, la Directive « CSRD » (Directive n° 2022/2464, du 14 décembre 2022 N° Lexbase : L1830MGU) impose non seulement la publication, par les entreprises, d'informations en matière de durabilité, mais encore un audit du rapport de durabilité par un commissaire aux comptes, qui peut être différent de celui certifiant les comptes.

Aux côtés des commissaires aux comptes, la Directive « CSRD » autorise également les États membres à permettre à des prestataires de services d'assurance indépendants (PSAI) d'effectuer l'audit des informations en matière de durabilité, à condition, d'une part, d'être accrédités par les États membres et, d'autre part, de respecter des exigences équivalentes à celles énoncées dans la Directive « Audit » (Directive n° 2014/56, du 16 avril 2014 N° Lexbase : L3258I33) pour les commissaires aux comptes. La France lève cette option dans le cadre l’ordonnance n° 2023-1142, et permet aux organismes tiers indépendants (OTI) de procéder à l'audit des informations en matière de durabilité.

Dès lors, la transposition de la Directive « CSRD » implique une modification du corpus législatif relatif à la publication d'informations extra-financières et à la profession réglementée de commissaire aux comptes et nécessite ainsi :

  • la modification des dispositions existantes relatives à la publication d'informations extra-financières au sein du livre II du Code de commerce ;
  • l'adaptation des règles relatives à la profession de commissaires aux comptes pour l'exercice de la nouvelle mission d'audit des informations en matière de durabilité au sein du titre II du livre VIII du Code de commerce ;
  • la création de nouvelles dispositions relatives à l'activité d'organisme tiers indépendant.

Les règles transposées visent également à faire en sorte que l'ensemble des professionnels procédant à l'audit des informations en matière de durabilité, qu'ils soient commissaires aux comptes ou auditeurs des informations en matière de durabilité au sein d'OTI, soient supervisés par le même superviseur, à savoir le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), qui assure aujourd'hui le rôle de superviseur des commissaires aux comptes.

L’ordonnance n° 2023-1142 dote également la H2A des compétences et des moyens nécessaires à la transposition de la Directive « CSRD », notamment : la tenue de la liste des professionnels autorisés à procéder à l'audit de durabilité, le contrôle de ses professionnels, en lien avec le COFRAC s'agissant des organismes tiers indépendants, la sanction des professionnels, ainsi que la normalisation de l'activité d'audit de durabilité.

Enfin, conformément au 3°, de l'article 12, de la loi « DDADUE », du 9 mars 2023 N° Lexbase : L1222MHQ, l’ordonnance n° 2023-1142 permet d'articuler et d'harmoniser, de façon claire et cohérente, les autres dispositifs qui sont liés ou qui poursuivent les mêmes desseins que la Directive « CSRD ». Cet aspect se décline en trois séries de mesures :

  • d'une part, l'ordonnance n° 2023-1142 simplifie et clarifie les autres dispositifs de reporting en matière de RSE, en prenant appui sur le nouveau cadre, issu de la Directive « CSRD », de publication des informations en matière de durabilité ;
  • d'autre part, elle permet de créer des définitions communes des différentes tailles de sociétés et de groupes, qui permettront de rationaliser l'approche des seuils au sein du livre II du Code de commerce ;
  • enfin, elle permet d'unifier les procédures d'injonction assurant l'effectivité de ces différents dispositifs.

Pour en savoir plus :

  • v. P. Cathalo, RSE : publication au JOUE de la Directive « CSRD », Lexbase Affaires, janvier 2023, n° 741 N° Lexbase : N3875BZK ;
  • v. C. Trebert, L’élaboration de l’information en matière de durabilité : quel encadrement ?, RTDF, juin 2023, n° 62 N° Lexbase : N6086BZG.

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Syndicats

[Brèves] Action de l’employeur en cas d’utilisation abusive des heures de délégation par un délégué syndical

Réf. : Cass. soc., 22 novembre 2023, n° 22-19.658, F-D N° Lexbase : A364014L

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N7641BZZ

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Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/102178556-edition-du-08122023#article-487641
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par Lisa Poinsot

Le 07 Décembre 2023

L’employeur est recevable à agir sur le fondement d’un abus de droit quant au positionnement par le salarié de ses heures de délégation.

Faits et procédure. Un salarié, titulaire d’un mandat de délégué syndical d’établissement, dispose d’un crédit de 20 heures de délégation.

Il lui est reproché une utilisation abusive de ses heures de délégation par un fractionnement lui permettant d’être dispensé d’un nombre conséquence d’heures de service tout en percevant sa rémunération par application des règles relatives au repos quotidien, de sorte que la juridiction prud’homale est saisie d’une demande de condamnation de ce salarié au versement de dommages et intérêts pour utilisation abusive de ses heures de délégation.

La cour d’appel (CA Paris, 1er juin 2022, n° 19/08341 N° Lexbase : A63197YP) constate que :

  • le salarié travaille habituellement de 18 heures 15 à 1 heure 30 ;
  • il positionne systématiquement des heures de délégation fractionnées de 30 minutes entre 5 heures et 7 heures puis entre 14 heures et 16 heures, en dehors de son horaire habituel de travail ;
  • ce fractionnement entraîne l’interruption par 2 fois du temps de repos obligatoire de 11 heures consécutives, en application des règles statutaires régissant le temps de travail des agents de la RATP, et empêche sa prise de service à 18 heures 15 ;
  • les conditions d’utilisation des heures de délégation, prises en dehors de l’horaire normal de travail, ont conduit l’employeur a placer le salarié en autorisation d’absence rémunérée et à différer sa prise de service.

De ces éléments de fait, la cour d’appel en déduit que la majoration pour heures supplémentaires n’était pas due.

De plus, les juges du fond considèrent que le salarié ne justifie pas des nécessités liées au mandat le conduisant à prendre systématiquement des heures de délégation en dehors de son horaire habituel de travail puisque la demande de l’employeur auprès du salarié de lui fournir plus de précisions sur ce point est restée sans réponse.

Ils rejettent donc la demande d’irrecevabilité du salarié et le condamnent au paiement d’une somme à titre de dommages et intérêts pour utilisation abusive de ses heures de délégation.

Ce dernier forme un pourvoi en cassation en soutenant que :

  • les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale. L'employeur ne peut saisir la juridiction prud'homale pour contester l'usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après l'avoir payé ;
  • l'employeur ne peut saisir le juge du fond d'une action en paiement de dommages et intérêts pour usage abusif des heures de délégation qu'après avoir préalablement demandé à l'intéressé, fût-ce, en cas de refus, par voie judiciaire, l'indication des activités pour lesquelles elles ont été utilisées.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les heures de délégation, Le contingent d’heures de délégation des délégués syndicaux, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1690ETR.

 

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