Jurisprudence : TA Nantes, du 06-12-2022, n° 1911076


Références

Tribunal Administratif de Nantes

N° 1911076

1ère Chambre
lecture du 06 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 mars 2022, 10 mai 2022 et 23 mai 2022, l'association Nos Amis Les Animaux demande au tribunal de liquider l'astreinte prononcée par le jugement n° 1911076 du tribunal administratif de Nantes du 28 juillet 2020.

Elle soutient que :

- la société Antoine C n'a pas communiqué une copie des registres légaux d'entrée et de sortie des animaux de la fourrière et des registres de suivi sanitaire, après occultation des mentions figurant dans la colonne " provenance ", au sein de la rubrique " entrée ", dans la colonne réservée au numéro d'identification, au sein de la rubrique " animal ", dans la colonne " destination " au sein de la rubrique " sortie ", et dans la colonne " cause de la mort ", s'il s'avérait que les mentions y figurant permettent d'identifier la personne concernée par la mort de l'animal, communication à laquelle elle a été enjointe par un jugement n°1603419 du 26 février 2019 ;

- par une décision n°452034 du 17 mars 2022, le conseil d'Etat⚖️ a jugé que la société Antoine C est tenue d'accomplir toutes les diligences nécessaires pour reconstituer les documents qu'elle dit avoir détruits,

- la société Antoine C n'établit pas que cette reconstitution entraînerait une charge de travail manifestement disproportionnée ;

- elle n'est pas animée de mauvaises intentions à l'égard de la société Antoine C.

Par des mémoires enregistrés les 5 avril 2022, 22 avril 2022 et 17 juin 2022, la société Solution Antoine C, représentée par Me Crestin, demande au tribunal :

1°) de constater qu'elle a, conformément au dispositif du jugement du 28 juillet 2020, justifié de la destruction des documents demandés en cause ;

2°) de prescrire une enquête sur les faits dont la constatation lui paraît utile à l'instruction de l'affaire conformément aux dispositions des articles R. 623-1 à R. 623-5 du code de justice administrative🏛🏛 afin de faire constater, par tout moyen, la destruction des documents demandés ;

3°) de prescrire toute mesure utile permettant d'emporter la conviction du tribunal quant à la destruction desdits documents demandés ;

4°) de juger en conséquence qu'il n'y pas lieu de prononcer une astreinte, ni de procéder à sa liquidation provisoire ou définitive ;

5°) de modérer à la baisse le montant de l'astreinte provisoire lors de sa liquidation définitive et affecter l'intégralité de ce montant au budget de l'Etat.

Elle fait valoir que :

- son gérant a détruit les registres afin d'assurer sa sécurité et celle de sa famille ;

- contrairement à ce que retient le jugement n°1911076 du 28 juillet 2020, elle avait justifié par tout moyen de la destruction des registres ;

- elle justifie encore davantage de cette destruction, par une attestation sur l'honneur de son gérant effectuée devant un huissier ainsi que par l'attestation de la secrétaire de l'établissement qui a assisté à la destruction ;

- l'accomplissement de toutes les diligences nécessaires pour reconstituer les documents détruits entraînerait une charge de travail manifestement disproportionnée ; si elle demande aux communes concernées de lui communiquer les registres pour les communiquer à l'association Nala, ces communes lui opposeront le même refus que celui opposé à l'association lors de sa demande de communication ;

- l'acharnement judiciaire de l'association Nala à l'encontre de la société Solution Antoine C a pour objectif d'obtenir la liquidation de l'astreinte afin d'espérer obtenir la fermeture de cette entreprise ;

- si l'astreinte provisoire est liquidée c'est la personne morale qui devra en supporter le paiement alors que ladite astreinte trouve son origine dans l'acte de destruction de M. C qui est détachable de cette société puisqu'il a décidé seul de détruire les documents dont la communication est demandée par l'association Nala ;

- le taux de l'astreinte doit être modéré à 1 euro afin que la somme à régler n'ait pas pour conséquence d'entrainer sa liquidation judiciaire ni pour effet d'enrichir sans cause l'association NALA ou l'Etat.

Un mémoire a été enregistré le 4 juillet 2022 pour l'association Nos Amis Les Animaux et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B ;

- les conclusions de M. Sarda, rapporteur public,

- les observations de Me Crestin, avocat de la société Solution Antoine C ;

- les observations de M. C.

Une note en délibéré, enregistrée le 25 novembre 2022, a été présentée par la société Solution Antoine C.

Des pièces, enregistrée le 1er décembre 2022 et le 5 décembre 2022, ont été présentées par la société Solution Antoine C.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative🏛 : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". Aux termes des dispositions de l'article L. 911-6 de ce code🏛 : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts ". Aux termes des dispositions de l'article L. 911-7 de ce code🏛 : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ". Aux termes de l'article R. 921-7 du même code🏛 : " A compter de la date d'effet de l'astreinte prononcée, même à l'encontre d'une personne privée, par le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, le président de la juridiction ou le magistrat qu'il désigne, après avoir accompli le cas échéant de nouvelles diligences, fait part à la formation de jugement concernée de l'état d'avancement de l'exécution de la décision. La formation de jugement statue sur la liquidation de l'astreinte. / Lorsqu'il est procédé à la liquidation de l'astreinte, copie du jugement ou de l'arrêt prononçant l'astreinte et de la décision qui la liquide est adressée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière ".

2. Par un jugement n°1603419 du 11 décembre 2018, le tribunal a, à la demande de l'association Nos Amis Les Animaux (NALA), annulé la décision implicite de refus opposée par la société Solution Antoine C à la demande de communication de documents administratifs présentée par cette association. Par l'article 2 du même jugement, le tribunal a enjoint à cette société de communiquer à l'association NALA, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement, une copie des registres légaux d'entrée et de sortie des animaux de la fourrière et des registres de suivi sanitaire, pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015, après occultation des mentions figurant dans la colonne " provenance ", au sein de la rubrique " entrée ", dans la colonne réservée au numéro d'identification, au sein de la rubrique " animal ", dans la colonne " destination " au sein de la rubrique " sortie ", et dans la colonne " cause de la mort ", s'il s'avère que les mentions y figurant permettent d'identifier la personne concernée par la mort de l'animal.

3. Par un jugement n° 1911076 du 28 juillet 2020, ce tribunal a prononcé une astreinte à l'encontre de la société Solution Antoine C si elle ne justifiait pas avoir, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent jugement, exécuté l'article 2 du jugement n° 1603419 en ayant procédé à la communication des documents administratifs susmentionnés ou justifié de leur destruction ou de leur versement aux archives dans les conditions susmentionnées, le taux de cette astreinte étant fixé à 50 euros par jour à compter de l'expiration de ce délai.

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Solution Antoine C n'a pas procédé à la communication des documents administratifs susmentionnés. Si la société Antoine C fait valoir qu'elle a procédé à la destruction de ces documents, pour un motif non établi, le gérant de la société invoquant soit le respect de dispositions relatives à la conservation de ce type de documents, soit la volonté de " se protéger et de protéger sa famille ", à une date imprécise et en tout état de cause postérieure à la notification du jugement du 11 décembre 2018 et dans des conditions indéterminées, elle n'en justifie pas par la production d'une attestation sur l'honneur annexée à un procès-verbal de constat d'huissier se bornant à consigner les déclarations de son gérant, ni par la circonstance que la secrétaire de l'entreprise a, le 30 mars 2022, attesté avoir vu le gérant procéder à la destruction des registres papier relatifs aux activités de fourrière animale et que les documents demandés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015 ont tous été détruits. En tout état de cause, les administrations mentionnées à l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration🏛 ne peuvent s'exonérer de leur obligation d'assurer l'exécution d'une décision de justice annulant une décision de refus de communication de documents administratifs et de celle de communiquer les documents sollicités dans les conditions prévues par cette décision qu'à la condition d'établir l'impossibilité matérielle de communiquer lesdits documents. Pour ce faire, les administrations doivent, d'une part, faire état de ce que des faits postérieurs au jugement ou des faits dont elles ne pouvaient faire état avant son prononcé ont rendu impossible cette communication et, d'autre part, qu'elles ont accompli toutes les diligences nécessaires pour assurer l'exécution de cette décision compte-tenu de la date d'élaboration des documents demandés et de la précision de cette demande. Elles ne peuvent en aucun cas procéder à la destruction délibérée des documents dont le refus de communication a été annulé par le juge administratif, alors même que la réglementation ne leur imposerait plus, à cette date, de les conserver. Si elles ont procédé à une telle destruction après la notification du jugement, elles sont tenues d'accomplir toutes les diligences nécessaires pour les reconstituer, sous réserve d'une charge de travail manifestement disproportionnée, sans préjudice de l'engagement de leur responsabilité. La société Antoine C ne justifie d'aucune diligence pour reconstituer les documents qu'elle allègue avoir détruits alors qu'elle fait elle-même valoir avoir transmis copie de ces documents aux collectivités lui ayant délégué la gestion de leur fourrière, ainsi qu'à la direction départementale de la protection des populations de la Vendée et qu'il lui saurait donc possible de solliciter la communication de ces copies. La circonstance que l'association NALA n'ait pas pu obtenir communication de ces copies auprès de certaines collectivités concernées n'est pas susceptible de démontrer que la société Antoine C, délégataire de ces collectivités, ne serait pas elle-même en mesure d'obtenir communication des documents en cause. Enfin, la seule production d'un courrier de la direction départementale de la protection des populations de la Vendée du 28 mars 2014 n'est pas de nature à établir, pour la société Solutions Antoine C, une charge de travail manifestement disproportionnée dès lors que la reconstitution exigée implique uniquement de demander aux destinataires des copies de registres la communication de ces copies, avant qu'ensuite la société Antoine C procède à la communication de ces registres dans les conditions précisées à l'article 2 du jugement du 26 février 2019, conditions qui, au demeurant, ne font pas état d'une présentation par commune.

5. Dans ces conditions, dans l'attente de la communication ordonnée et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction aux fins de vérification de la destruction effective des documents objets de la communication, il y a lieu de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par le jugement du 28 juillet 2020 pour la période du 30 septembre 2020 au 6 décembre 2022 inclus, soit une durée de 797 jours, d'en modérer le taux journalier à 25 euros, et par suite, de liquider cette astreinte à la somme de 19 925 euros.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'association NALA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

D E C I D E :

Article 1er : La société Solutions Antoine C est condamnée à verser la somme globale de 19 925 euros à l'association Nos Amis Les Animaux, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par le jugement du 28 juillet 2020.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'association Nos Amis les Animaux et à la société Solution Antoine C.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. A de Baleine, président,

Mme Thomas, première conseillère,

Mme Milin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.

La rapporteure,

C. B

Le président,

A. A DE BALEINE

La greffière,

L. LÉCUYER

La République mande et ordonne au préfet de Vendée en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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