Vu l'appel interjeté le 12 novembre 2020 par la SCI L'Odyssée à l'encontre du jugement prononcé le 26 octobre 2020 par le tribunal judiciaire d'Avignon dans l'instance n°19/02498.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 26 juillet 2022 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 27 juillet 2022 par la SCI Fontcouverte, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l'ordonnance du 24 mars 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 1er septembre 2022.
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Par acte sous seing privé du 1er août 1992, l'intimée a donné à bail à l'appelante un local à usage commercial situé à [Localité 2].
Ce bail, expirant le 31 juillet 2001, a été tacitement reconduit.
Par exploit du 28 septembre 2016, le bailleur a notifié au preneur un congé avec offre de renouvellement comportant une offre de prix du bail renouvelé à la somme de 23 800 euros au principal, toutes autres clauses charges et conditions demeurant inchangées, en application des dispositions de l'
article L.145-11 du code de commerce🏛.
Par exploit du 25 mars 2019, le bailleur a fait assigner le preneur en paiement de la somme de 23 800 euros annuelle au titre du bail renouvelé devant le juge des loyers commerciaux qui, par jugement du 26 octobre 2020, a ordonné une expertise des locaux commerciaux et renvoyé l'affaire à une prochaine audience.
Le preneur a relevé appel de ce jugement et demande à la cour de :
Par déboutement de toutes argumentations et prétentions contraires,
Par application des dispositions des
articles 118 et 119 du Code de procédure civile🏛🏛,
Par application des dispositions des
articles L.145-8 et suivants du Code de commerce🏛,
Par application des dispositions des
articles R145-23 et suivants du Code de commerce🏛,
Par application des dispositions des articles L145-12 alinéas 1 à 3 du Code de commerce et
L.145-60 du Code de commerce🏛,
Infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions attaquées,
- En ce qu'il a déclaré l'action en fixation du loyer du bail renouvelé de la bailleresse recevable
- En ce qu'il a dit qu'il n'y a pas de renouvellement acquis du bail litigieux aux clauses et conditions du bail expiré,
- en ce qu'il ordonne une expertise des locaux commerciaux situés sur la Commune d'[Localité 2],
- en ce qu'il commet pour y procéder un expert judiciaire
avec pour mission de :
1. se rendre sur les lieux et décrire les locaux et terrains objets du bail dont s'agit,
2. s'expliquer sur les 5 éléments déterminant la valeur locative,
3. estimer la valeur locative de l'immeuble en cause, en recourant au minimum à deux méthodes d'évaluation habituelles, à compter du 1er juillet 2019.
4. préciser le montant du loyer applicable.
Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du nouveau code de procédure civile et que notamment, il pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées et s'adjoindre tous sapiteurs ou spécialistes de son choix,
Dit que l'expert entendra les parties ou leurs représentants, s'expliquera sur leurs dires et observations et sur toutes difficultés auxquelles ses opérations et constatations pourraient donner lieu, qu'il s'entourera de tous renseignements utiles et qu'il consultera tous documents produits pouvant l'éclairer s'il y a lieu,
Rappelle qu'en application de l'
article 243 du code de procédure civile🏛, l'expert peut demander communication de tous documents aux parties et aux tiers, sauf au juge à l'ordonner en cas de difficulté sous astreinte si nécessaire,
Dit que le bailleur devra consigner au greffe du Tribunal (service de la régie) la somme de 1 500 € à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert et ce, dans le délai de deux mois à peine de caducité de la mesure ordonnée,
Dit que l'expert procédera à sa mission dès qu'il sera avisé du versement de la consignation ci-dessus fixée ; qu'il convoquera le plus rapidement possible les parties, qu'il évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours, en sollicitant le cas échéant le versement d'une consignation complémentaire ;
Dit que sauf accord contraire des parties, l'expert commis devra leur adresser un pré-rapport de ses observations et constatations afin de leur permettre de lui communiquer un "dire" récapitulant leurs arguments sous le délai de 6 semaines ;
Dit qu'à l'issue de ce délai et au plus tard le 29 janvier 2021, sauf prorogation dûment autorisée, il déposera au greffe son rapport définitif,
Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert commis, il sera procédé à son remplacement sur simple requête présentée à M. ('), président, chargé de la surveillance des opérations d'expertises ;
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,
Renvoie l'affaire à l'audience des loyers commerciaux du 1er mars 2021 et invite les parties à notifier leurs mémoires au vu du rapport qui aura dû être déposé ;
Fixe à titre provisionnel le loyer à la somme annuelle de 3 000 € hors charges et hors taxes, montant actuel du loyer acquitté, ce pour la durée de la procédure
Statuant à nouveau :
I ' la déclarer recevable en son appel.
II - prononcer la nullité de l'assignation devant le Juge des loyers commerciaux délivrée par exploit du 25 mars 2019 en violation de la procédure dérogatoire prévue aux
articles R145-23 et suivants du Code de commerce🏛 et prononcer la nullité du jugement rendu le 26 octobre 2020 par le Juge des loyers commerciaux près le Tribunal judiciaire d'Avignon.
III ' déclarer le bailleur irrecevable en son action et en l'intégralité de
ses demandes.
Subsidiairement,
IV - constater la prescription de l'action engagée par le bailleur.
V - juger que le bail se trouve définitivement renouvelé au 1 er avril 2017 pour une durée de neuf années aux clauses et conditions du bail expiré et au prix en vigueur à sa date d'expiration le 31 mars 2017.
A titre très subsidiaire,
VI ' dire le bailleur irrecevable en ses demandes de condamnations.
VII ' fixer le prix du bail renouvelé à la somme annuelle de 3.000 €.
En tout état de cause,
VIII - débouter le bailleur de l'intégralité des demandes formées à son encontre.
IX ' condamner le bailleur à lui payer la somme de 5.000 € par application des dispositions de l'
article 700 du Code de procédure civile🏛 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction à la SCP ALBERTINI ALEXANDRE
L'HOSTIS conformément aux dispositions de l'
article 699 du Code de procédure civile🏛.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante expose que :
Son appel est recevable car le juge s'est prononcé sur la recevabilité de l'action du bailleur dans les motifs quand bien même la disposition n'est pas reproduite dans le dispositif,
Le juge des loyers commerciaux a été saisi par assignation du 18 mars 2019, sans que le bailleur ne respecte la procédure du mémoire préalable à l'assignation et pas davantage la procédure à jour fixe,
Le silence gardé par le preneur après congé avec offre de renouvellement ne vaut pas acceptation de celui-ci ; l'assignation n'a pas d'effet interruptif de prescription, faute de mémoire préalable ; les mémoires déposés les 7 mai 2020 et 26 mai 2020 sont postérieurs au délai de 2 ans expirant le 1er avril 2019 ; l'action en fixation du loyer renouvelé est donc prescrite, d'autant que le bailleur ne justifie même pas de l'enrôlement de son assignation avant le 1er avril 2019 ;
L'action en paiement de loyers du bailleur est irrecevable devant le juge des loyers commerciaux, dont la compétence d'attribution est définie par l'
article R.145-23 du code de commerce🏛.
Le bailleur conclut à la confirmation du jugement déféré, demande à la cour de débouter le preneur de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
Au soutien de ses prétentions, le bailleur fait valoir que le bail commercial renouvelé est juridiquement un nouveau bail, qu'il a adressé un mémoire de demande en fixation de loyer le 7 mai 2020, puis le 26 mai 2020 et a saisi la commission départementale de conciliation le 7 mai 2020. Il en déduit que l'irrégularité de fond affectant la procédure en fixation de loyer a été couverte par la notification d'un mémoire régulier avant que la juridiction n'ait statué. Il expose que la prescription a été interrompue par son assignation du 25 mars 2019 et que l'instance doit suivre son cours après dépôt du rapport d'expertise.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Le juge des loyers commerciaux, dans sa motivation, a tout d'abord examiné la recevabilité de l'action en fixation du prix du bail renouvelé, pour retenir que la procédure avait été régularisée et a ensuite ordonné une mesure d'expertise. Le jugement, qui ne précise pas qu'il est rendu avant-dire-droit, ne comporte aucune disposition sur la recevabilité de l'action, mais l'instauration de cette mesure d'instruction ne se conçoit que dans le cadre d'une action jugée recevable dans la motivation du jugement.
L'appel immédiat est donc recevable.
Il convient de rappeler au préalable qu'à défaut d'accord des parties sur le nouveau loyer, la procédure en fixation du loyer est impérative. Le seul fait pour le locataire de se maintenir dans les lieux après un congé avec offre de renouvellement n'implique pas l'acceptation du prix demandé. Il appartient par conséquent à l'une ou l'autre des parties de saisir le juge des loyers commerciaux dans le délai de prescription de 2 ans pour fixer le loyer.
La procédure en fixation du prix du bail renouvelé est régie par les
articles R.145-24 et R.145-26 du code de commerce🏛🏛.
Il est prévu un mémoire préalable à l'assignation et le juge ne peut être saisi avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception par le premier destinataire du premier mémoire (
article R.145-27 du code de commerce🏛).
Une procédure introduite par assignation sans mémoire préalable est irrégulière et l'action irrecevable.
Le jugement en retenant que la procédure avait été régularisée s'est mépris sur la jurisprudence. En effet, la procédure sur mémoire peut être régularisée postérieurement au dépôt de conclusions après expertise par le dépôt d'un mémoire dès lors que le juge n'a pas encore statué, et ce depuis un arrêt de la 3ème chambre civile du 17 septembre 2008 pourvois 07-17.362 et 07-16.973.
Depuis un arrêt du 8 juillet 2015 (Cass. 3e civ. 14 15192), il a été admis qu'un mémoire préalable affecté d'une irrégularité de fond pouvait être régularisé si cette régularisation intervient avant que le juge ne statue.
De même, il y aurait eu procédure régulière si un mémoire avait été notifié à l'autre partie quand bien même il n'aurait pas été remis au greffe.
Mais, dans le cas d'espèce, il n'y a eu aucun mémoire préalable notifié à l'autre partie dans le délai de 2 ans débutant à compter de l'expiration du bail au 31 mars 2017.
En conséquence, l'action intentée par le bailleur est irrecevable et éteinte.
Sur les frais de l'instance :
Le bailleur, qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et payer à au preneur une somme équitablement arbitrée à 2 500 € en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.