Réf. : Cass. civ. 1, 21 juin 2023, n° 21-25.326, F-D N° Lexbase : A413394T
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N6212BZ4
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 07 Juillet 2023
► Il résulte des articles 214 et 1537 du Code civil que, lorsque les juges du fond ont souverainement estimé irréfragable la présomption résultant de ce que les époux étaient convenus, en adoptant la séparation de biens, qu'ils contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d'eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l'un de l'autre, un époux ne peut, au soutien d'une demande de créance, être admis à prouver l'insuffisance de la participation de son conjoint aux charges du mariage pas plus que l'excès de sa propre contribution.
Les contrats de séparation de biens contiennent très souvent une clause affirmant que les époux sont réputés avoir contribué au charges du mariage au jour le jour, de sorte qu’ils ne sont tenus à aucun compte à ce titre.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 25 septembre 2013, a retenu que cette clause pouvait poser une présomption irréfragable, souverainement appréciée par les juges du fond, qui, dans ce cas, interdit toute discussion de l’époux solvens, spécialement du fait qu’il aurait, peut-être surcontribué (Cass. civ. 1, 25 septembre 2013, n° 12-21.892, F-P+B N° Lexbase : A9497KLC).
Aussi, dès lors que les juges du fond relèvent le caractère irréfragable de la clause, ils ne peuvent, dans le même temps, sans se contredire, admettre la preuve d’une surcontribution aux charges du mariage.
C’est exactement le sens de la présente décision rendue le 21 juin 2023 par la Cour de cassation ; la solution telle qu’énoncée ci-dessus par la Haute juridiction n’est pas nouvelle : elle avait déjà été posée en ces termes dans un précédent arrêt rendu le 18 novembre 2020 (Cass. civ. 1, 18 novembre 2020, n° 19-15.353, FS-P+B N° Lexbase : A506837T ; cassation partielle, CA Nîmes, 20 février 2019). Pour bien saisir l’articulation de cette solution avec d’autres décisions, il faut comprendre que « les juges du fond peuvent admettre la surcontribution dès lors qu’ils ne décident pas que la présomption posée par la clause est irréfragable » (pour une explication claire de cette jurisprudence, et une analyse critique, v. J. Casey, obs. n° 10, in Sommaires de droit des régimes matrimoniaux (septembre 2020 - décembre 2020), Lexbase Droit privé, n° 850, 14 janvier 2021 N° Lexbase : N6084BYY).
Or, en l’espèce, les juges du fond avaient souverainement estimé irréfragable la fameuse présomption. La Haute juridiction vient donc censurer l’arrêt rendu par la cour d’appel de Basse-Terre qui, pour condamner l’époux à payer à l’ex-épouse une certaine somme au titre du financement par des deniers personnels de celle-ci de la construction, sur un terrain appartenant à celui-là, d'un immeuble ayant constitué le domicile conjugal, après avoir relevé que le contrat de mariage prévoyait que les époux contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d'eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, de sorte qu'ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux, avait retenu que le fait que cette présomption interdise de prouver que l'un ou l'autre des époux ne s’était pas acquitté de sa contribution n'empêchait pas l'un d'entre eux de prouver que certaines dépenses qu'il avait prises en charge excédaient sa contribution aux charges du mariage et de bénéficier en conséquence d'une créance envers l'autre.
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