La lettre juridique n°951 du 29 juin 2023 : Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Textes] Les difficultés liées à l’application de la nouvelle obligation d’information en cas d’accident du travail mortel

Réf. : Décret n° 2023-452, du 9 juin 2023, relatif aux obligations incombant aux entreprises en matière d'accident de travail et d'affichage sur un chantier N° Lexbase : L8634MHA

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par Naouele Benhaddou, Avocate, Directrice de mission, BDO Avocats

le 03 Juillet 2023

Mots-clés : accident mortel du travail • obligation • déclaration • délai de douze heures • inspection du travail • affichage • chantier

Le décret n° 2023-452 du 9 juin 2023, publié au Journal officiel du 11 juin 2023, relatif aux obligations incombant aux entreprises en matière d'accident de travail et d'affichage sur un chantier a, dans le cadre du plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels, précisé les obligations d’information de l’Inspection du travail qui incombent aux entreprises en cas d’accident du travail mortel, assortissant cette obligation d’une sanction pénale en cas de non-respect.

De plus, il permet aux entrepreneurs travaillant sur un chantier de recourir à un QR-code, plutôt qu’un panneau d’affichage classique, pour afficher les informations obligatoires.


I. Obligation d’information de l’inspection du travail par l’employeur en cas d’accident mortel

En cas d’accident du travail mortel, l’employeur a l’obligation, dans les douze heures qui suivent le décès du travailleur, d’effectuer une information auprès de l’inspection du travail compétent pour le lieu de survenance de l’accident.

Si le ministère du Travail a pris ce texte dans un souci d’efficacité des enquêtes en cas d’accident mortel du travail (A.), il convient de souligner des difficultés quant aux modalités d’application (B.) et de la sanction encourue (C.).

A. Objectif et contenu de l’obligation d’information

1) L’objectif poursuivi par cette nouvelle obligation

Avant l’entrée en vigueur de ce texte, en cas d’accident du travail mortel, une enquête était réalisée par les services de l’inspection du travail afin de vérifier si un manquement dans l’application de la réglementation était ou non à l’origine de cet accident.

En pratique, les services de police ou de gendarmerie se chargeaient de prévenir l’inspection du travail de l’accident puisqu’aucune disposition légale ne faisait obligation à l’employeur d’avertir l’inspection du travail de la survenance d’un tel accident.

Avec ce décret, l’employeur a une obligation déclarative auprès de l’inspection du travail, encadrée dans un délai relativement court (C. trav., art. R. 4121-5 N° Lexbase : L8766MH7).

L’objectif poursuivi est, d’après le Ministère du travail (communiqué de presse du 11 juin 2023), de parvenir à déterminer au mieux les circonstances de l’accident en permettant à l’inspection du travail d’arriver sur les lieux dans un temps extrêmement proche de l’accident et de garantir au mieux l’efficacité de l’enquête menée sur l’accident

En effet, selon le Ministère du travail, « des constats trop tardifs sont susceptibles de nuire à la manifestation de la vérité, compte tenu du risque d’altération des preuves ».

2) Le contenu de cette information

Cette information, effectuée par tout moyen conférant date certaine, auprès de l’inspection du travail territorialement compétente, devra comprendre (C. trav., art. R. 4121-5, al. 3) :

« Le nom ou la raison sociale ainsi que les adresses postale et électronique, les coordonnées téléphoniques de l’entreprise ou de l’établissement qui emploie le travailleur au moment de l’accident ;

Le cas échéant, le nom ou la raison sociale ainsi que les adresses postale et électronique, les coordonnées téléphoniques de l’entreprise ou de l’établissement dans lequel l’accident s’est produit si celui-ci est différent de l’entreprise ou établissement employeur ;

Les noms, prénoms, date de naissance de la victime ;

Les date, heure, lieu et circonstances de l’accident ;

L’identité et les coordonnées des témoins, le cas échéant ».

Il convient de préciser que le non-respect de cette obligation constitue une contravention de 5ème classe (C. trav., art. R. 4741-2 N° Lexbase : L8767MH8).

Cette obligation ne dispense bien entendu pas l’employeur d’établir la déclaration d’accident du travail dans un délai de 48 heures suivant sa connaissance (CSS, art. R. 441-3 N° Lexbase : L0580LQK).

B. Une obligation aux modalités d’applications complexes

Cette nouvelle obligation, en apparence relativement simple, est toutefois source de nombreuses interrogations pratiques.

Il apparaît en effet que la rédaction de l’article R. 4121-5 du Code du travail, qui instaure cette nouvelle obligation, suscite des difficultés pratiques.

Ce nouvel article dispose, dans ses deux premiers alinéas, que :

« Lorsqu’un travailleur est victime d’un accident du travail ayant entraîné son décès, l’employeur informe l’agent de contrôle de l’inspection du travail compétent pour le lieu de survenance de l’accident immédiatement et au plus tard dans les douze heures qui suivent le décès du travailleur, sauf s’il établit qu’il n’a pu avoir connaissance du décès que postérieurement à l’expiration de ce délai. Dans ce cas, le délai de douze heures imparti à l’employeur pour informer l’agent de contrôle de l’inspection du travail court à compter du moment où l’employeur a connaissance du décès du travailleur.

Cette information est communiquée par tout moyen permettant de conférer date certaine à cet envoi ».

Deux difficultés se posent alors.

1) Une difficulté quant au délai applicable

Comme il l’a été évoqué, l’article R. 4121-5 du Code du travail précise que l’employeur doit informer l’agent de contrôle de l’inspection du travail immédiatement et au plus tard dans les douze heures qui suivent le décès du travailleur, sauf s’il établit qu’il n’a pu avoir connaissance du décès que postérieurement à l’expiration de ce délai. Dans ce cas, le délai de douze heures imparti à l’employeur pour informer l’agent de contrôle de l’inspection du travail court à compter du moment où l’employeur a connaissance du décès du travailleur.

Il apparaît, à la lecture de cet article, que l’employeur dispose d’un délai de douze heures à compter de l’accident, pour remplir son obligation informative.

Ce n’est que s’il a eu connaissance de l’accident postérieurement à l’expiration de ce délai de douze heures, qu’un nouveau délai de douze heures suivant sa connaissance de l’accident lui est ouvert pour remplir son obligation d’information auprès de l’inspection du travail.

Dès lors, l’employeur qui aurait connaissance de l’accident après sa survenance mais avant l’expiration du délai de douze heures, ne disposerait que du temps restant à courir jusqu’à l’expiration de ces douze heures pour informer l’inspection du travail de cet accident.

Cette rédaction laisse perplexe puisque cela signifie que l’employeur qui aurait eu connaissance l’accident onze heures trente après sa survenance ne disposerait que de trente minutes pour remplir son obligation informative auprès de l’inspection du travail.

En revanche, l’employeur qui aurait été informé de l’accident douze heures trente après sa survenance, voir trente heures après, disposerait d’un nouveau délai de douze heures pour effectuer l’information auprès de l’inspection du travail.

Une telle rédaction est absurde est incitera, à coup sûr, les employeurs qui n’ont pas été avisés immédiatement de l’accident, d’indiquer n’en avoir eu connaissance que postérieurement au délai de douze heures.

Peut-être aurait-il été plus logique de prévoir que cette obligation d’information devait être effectuée dans les douze heures suivant la connaissance par l’employeur de l’accident, peu importe qu’il en ait eu connaissance avant ou après l’expiration d’un délai de douze heures suivant la survenance de cet accident.

Il n’est d’ailleurs pas à exclure que cette lecture soit retenue en pratique.

2) Une difficulté quant aux modalités d’information

L’article R. 4121-5 du Code du Travail dispose, en son alinéa 2, que « cette information est communiquée par tout moyen permettant de conférer date certaine à cet envoi ».

Il apparaît toutefois que la preuve de cette information dans le délai de douze heures sera difficile à rapporter.

N’oublions en effet pas que le recommandé, tout comme l’acte signifié par huissier de justice – seuls actes permettant de conférer date certaine à l’envoi – ne précisent que la date à laquelle l’envoi a été effectué et non l’heure.

En effet, et comme le nouvel article le précise, ces modalités confèrent date certaine et non heure certaine !

Comment alors démontrer que l’information a été faite dans le délai de douze heures ?

Cela semble très difficile, voire impossible, en pratique.

C. Sanction en cas de non-respect de cette obligation

Il convient de préciser que le non-respect de cette obligation constitue une infraction pénale, l’employeur encourant une amende de cinquième classe conformément aux dispositions de l’article R. 4741-2 du Code du travail, soit 1 500 euros pour une personne physique et 7 500 euros pour une personne morale.

Cette peine est doublée en cas de récidive dans un délai de « un an à compter de la prescription de la précédente peine ».

Il est légitime, au vu des difficultés d’application de cette obligation, de s’interroger sur les possibilités pour l’employeur d’échapper à la peine s’il ne parvient pas à démontrer avoir respecter les délais impartis par les textes.

Il semble raisonnable de penser que le principe d’interprétation stricte de la loi pénale permettra à l’employeur d’échapper à la sanction, celui-ci ne pouvant matériellement prouver avoir effectuer l’information dans les délais impartis, les modes d’envoi conférant date certaine ne permettant en effet pas de s’assurer de l’heure d’envoi.

Force est donc de constater que cette obligation suscite de nombreuses difficultés dans ces modalités d’application pratique.

II. Nouvelles modalités d’affichage sur les chantiers

Le décret renforce l’obligation de transparence et de visibilité des entreprises intervenantes sur les chantiers du bâtiment (C. trav., art. R. 8221-1 N° Lexbase : L8768MH9).

L’objectif poursuivi par cette mesure est, selon le ministère du Travail, d’améliorer l’efficacité des moyens de lutte contre le travail dissimulé, qui serait un facteur de survenance d’accidents du travail.

C’est ainsi qu’avant l’entrée en vigueur de ce décret, l’article R. 8221-1 du Code du travail disposait que :

« L'entrepreneur travaillant sur un chantier ayant donné lieu à la délivrance d'un permis de construire affiche sur ce chantier, pendant la durée de l'affichage du permis, son nom, sa raison ou sa dénomination sociale ainsi que son adresse.

L'affichage est assuré sur un panneau dont les indications sont lisibles de la voie publique ».

Cet article a été complété et dispose désormais que :

« L'entrepreneur travaillant sur un chantier ayant donné lieu à la délivrance d'un permis de construire affiche sur ce chantier, pendant la durée de l'affichage du permis, son nom, sa raison ou sa dénomination sociale ainsi que son adresse.

L'affichage est assuré sur un panneau dont les indications sont lisibles de la voie publique. Les informations mentionnées au premier alinéa peuvent également être affichées de manière synthétique sous la forme d'un code bi-dimensionnel visible depuis la voie publique, gratuit pour toute personne appelée à le consulter et généré par un dispositif numérique sécurisé ».

Avec l’entrée en vigueur du décret, il est donc possible de mettre en place un espace numérique partagé sur lequel les entreprises intervenantes sont invitées à renseigner les informations prévues par la réglementation (nom, raison ou dénomination sociale, adresse). Une fois ces données renseignées sur l’espace numérique, celles-ci sont rendues accessibles à toute personne, par le scan du QR Code visible depuis la voie publique.

Pour les professionnels intervenant sur le chantier, cette solution permet de :

  • simplifier la collecte d’informations relatives aux entreprises et la mise à jour des coordonnées des intervenants sur le panneau ;
  • faciliter la déclaration de l’entreprise en toute autonomie.

Pour les organismes de contrôle, cette solution permet de disposer en temps réel des informations liées à tous leurs chantiers (nom, coordonnées, numéro SIRET des entreprises intervenantes) soit en se connectant gratuitement à une plateforme, soit sur le chantier en scannant le QR code.

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