Le Quotidien du 17 mars 2023 : Procédure pénale

[Brèves] Juridiction correctionnelle : le prévenu doit pouvoir s’expliquer sur la restitution aux faits de leur exacte date

Réf. : Cass. crim., 15 mars 2023, n° 21-87.389, FP-B N° Lexbase : A60699HA

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N4722BZW

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par Adélaïde Léon

le 22 Mars 2023

► Hors le cas d'une erreur matérielle, la restitution au fait de son exacte date est de nature à emporter des conséquences juridiques au regard, notamment, de la qualification, de la prescription, de la détermination de la loi applicable ou de la compétence de la juridiction. En conséquence, les juges ne peuvent retenir, pour entrer en voie de condamnation, une date autre que celle visée par la prévention, sans que le prévenu ait été invité à s'expliquer sur cette modification.

Rappel des faits et de la procédure. Le 24 avril 2015, une femme née en 1994 a déposé plainte contre le compagnon de sa tante pour agression sexuelle. La plaignante a indiqué que les faits s’étaient déroulés dans la nuit du 1er, du 2 ou du 3 décembre 2011.

L’homme visé dans la plainte a été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pour agression sexuelle incestueuse commise sur une victime mineure, entre le 1er et le 3 décembre 2011.

L’intéressé a relevé appel suivi par le ministère public qui a formé appel incident.

En cause d’appel. Après avoir constaté la réalité du fait dénoncé, la chambre de l’instruction a déclaré coupable le prévenu d’agression sexuelle aggravée et l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis.

S’agissant de la date des faits, l’arrêt attaqué énonce qu’ils n’ont pu être commis en 2011 comme l’indiquait la citation, mais l’ont été dans la nuit du 6 au 7 juin 2013.

S’agissant du caractère incestueux de l’agression sexuelle, la chambre correctionnelle de la cour d’appel s’est bornée à relever que les faits avaient été commis par le prévenu en qualité de personne liée par un pacte civil de solidarité à la tante de la victime.

Le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la cour d’appel d’avoir privé le prévenu de la possibilité de préparer sa défense en réunissant les éléments propres à établir que les faits dénoncés n’avaient pu se dérouler à la nouvelle date que la juridiction avait retenue et qui était distincte de celle visée à la prévention.

Il était également reproché à la cour d’appel de n’avoir pas invité le prévenu à se défendre sur la circonstance aggravante du caractère incestueux qu’elle a retenue d’office.

Enfin, le pourvoi soutenait que le caractère incestueux ne pouvait être retenu en l’espèce sans que la cour ne constate l’existence d’une autorité de droit ou de fait sur la plaignante.

Décision. La Chambre criminelle censure l’arrêt d’appel au visa des articles 6, § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L7558AIR et 222-22-3 du Code pénal N° Lexbase : L2620L4S et 593 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3977AZC.

S’agissant de la date des faits, la Cour rappelle dans un premier temps que les juges ne peuvent, en application de l’article 388 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3795AZL, statuer que sur les faits dont ils sont saisis à moins que le prévenu n’accepte expressément d’être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention (Cass. crim., 19 avril 2005, n° 04-83.879, F-P+F N° Lexbase : A1844DI7).

La Haute juridiction ajoute que la juridiction qui constate que le fait poursuivi n’a pas été commis à la date visée par la prévention mais à une autre date qu’elle détermine, en demeure saisie.

En l’espèce, le fait n’était pas distinct de celui visé par la prévention. Selon le raisonnement de la Cour elle-même, l’accord du prévenu n’avait donc pas à être recueilli pour être jugé sur ce fait commis à une autre date.

Toutefois, la Chambre criminelle remarque que la restitution au fait de son exacte date est de nature à emporter des conséquences juridiques au regard, notamment, de la qualification, de la prescription, de la détermination de la loi applicable ou de la compétence de la juridiction.

La Cour retient donc que « modifiant les termes du débat devant la juridiction de jugement, cette restitution affecte l’exercice de leurs droits par les parties ».

Dès lors, la Haute juridiction déclare que les juges ne peuvent retenir, pour entrer en voie de condamnation, une date autre que celle visée par la prévention, sans que le prévenu ait été invité à s’expliquer sur cette modification.

En l’espèce, les motifs de l’arrêt n’établissant pas que le prévenu ait été informé ni qu’il ait été invité à s’expliquer sur cette modification et ses conséquences, la cour d’appel a méconnu les principes précités.

S’agissant de la circonstance aggravante retenue, la Chambre criminelle rappelle que sont qualifiés d’incestueux les viols et les agressions sexuelles commis par le partenaire lié par un pacte civil de solidarité à l’ascendant, le frère, la sœur, l’oncle, la tante, le grand-oncle, la grand-tante, le neveu ou la nièce de la victime, s’il a sur cette dernière une autorité de droit ou de fait (C. pén., art. 222-22-3).

Or, en l’espèce, la cour d’appel s’est bornée à relever que le prévenu avait agi en qualité de personne liée par un pacte civil de solidarité à la tante de la victime. En ne caractérisant pas l’existence d’une autorité, de droit ou de fait, de l’auteur sur la victime. La juridiction d’appel n’avait donc pas justifié sa décision.

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