Le Quotidien du 3 février 2023 : Contrat de travail

[Brèves] Les chauffeurs Uber sont des salariés

Réf. : Cass. soc., 25 janvier 2023, n° 21-11.273, F-D N° Lexbase : A44209AX

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N4196BZG

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par Lisa Poinsot

le 01 Février 2023

Les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail ;

L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre ;

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.

Faits et procédure. Contractuellement lié à la société Uber BV par la signature d’un formulaire d’enregistrement de partenariat et enregistré au répertoire Sirene en tant qu’indépendant, un chauffeur exerce son activité de transport de voyageurs par taxis en recourant à la plateforme numérique Uber.

Toutefois, la société Uber BV suspend son compte pendant 2 semaines au motif d’un taux d’annulation très élevé de ses courses avant de le réactiver.

Le chauffeur saisit la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de sa relation contractuelle avec la société Uber BV en contrat de travail.

La cour d’appel  (CA Lyon, 15 janvier 2021, n° 19/08056 N° Lexbase : A63364CN) retient, tout d’abord, que certaines dispositions du contrat pourraient s’apparenter à l’exercice d’un pouvoir de directive de la société Uber sur les chauffeurs :

  • celles relatives à la mise en place d’un itinéraire défini ;
  • celles relatives à l’obligation pour les chauffeurs de prendre 6 heures de pause lorsqu’ils ont accumulé 10 heures de conduite, à la préconisation au chauffeur ;
  • celles relatives à l’obligation pour les chauffeurs d’attendre au moins 10 minutes qu’un utilisateur se présente sur le lieu convenu ;
  • celles relatives à l’engagement du chauffeur de ne pas contacter les utilisateurs ou d’utiliser leurs données personnelles, sauf à réserver toutefois l’hypothèse où ils seraient d’accord ;
  • celles relatives à l’obligation de ne pas transporter d’autre personne que l’utilisateur et à s’engager à ce que tous les utilisateurs soient transportés directement vers leur destination convenue, sans interruptions ou arrêts non autorisés ;
  • celles relatives à l’engagement du chauffeur de s’abstenir d’afficher des noms ou logos sur son véhicule ou de s’abstenir de porter un uniforme ou autre tenue vestimentaire à l’effigie ou aux couleurs d’Uber.

Néanmoins, ces dispositions du contrat pourraient s’apparenter à la préconisation de règles qui relèvent plus de la fixation d’un cahier des charges destiné à garantir la qualité et la sécurité d’une prestation plutôt que de la mise en œuvre de directives formelles et précises caractérisant le pouvoir de direction.

Ensuite, la cour d’appel retient que la mention d’un tarif utilisateur fixé au moyen des algorithmes de la plateforme et sur lequel le chauffeur n’a aucune prise n’est que la conséquence découlant de la politique tarifaire de la société. En outre, cette situation n’est pas différente de celle découlant de la relation entre un franchisé et un franchiseur ou dans le cadre d’une location gérance où il peut être parfaitement imposé une politique tarifaire et la possibilité pour la société Uber d’ajuster le tarif, notamment si le chauffeur choisi un itinéraire inefficace.

Enfin, les juges du fond retiennent que la désactivation du compte du chauffeur pendant deux semaines ne résulte pas de l’exercice d’un pouvoir disciplinaire de la société dès lors que le chauffeur a la possibilité de revenir en ligne dès qu’il le souhaite en cliquant sur un bouton.

Sur ce point, ils relèvent que la société Uber possède cette faculté de déconnexion temporaire ou définitive en vertu des conditions générales. Ils considèrent que cet élément non discuté par la société Uber, s’il peut certes constituer un indice de l’exercice d’un pouvoir de disciplinaire par un employeur, s’assimile tout aussi bien à la faculté d’un acteur économique de rompre ses relations avec son co-contractant au motif qu’il n’aurait pas respecté les termes de leur convention. Cet élément est alors insuffisant à caractériser de manière incontestable l’exercice d’un pouvoir disciplinaire.

En conséquence, la cour d’appel dit que le chauffeur n’est pas lié par un contrat de travail à la société Uber et le déboute de ses demandes.

Ce dernier forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant les solutions susvisées, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel sur le fondement de l’article L. 8221-6 du Code du travail N° Lexbase : L8160KGC, prévoyant une présomption de non-salariat en faveur des personnes immatriculées au RCS, et de la définition jurisprudentielle du lien de subordination.

La Haute juridiction considère que les éléments relevés par les juges du fond caractérisent l’existence d’un pouvoir de direction, d'un pouvoir de contrôle de l’exécution de la prestation ainsi que d’un pouvoir de sanction à l’égard du chauffeur, élément caractérisant un lien de subordination.

Pour aller plus loin :

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