Le Quotidien du 22 novembre 2022 : Bancaire

[Brèves] Nouvelle précision sur le régime du devoir de mise en garde du banquier

Réf. : Cass. civ. 1, 9 novembre 2022, n° 21-16.846, FS-B N° Lexbase : A13058S7

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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 21 Novembre 2022

► L’appréciation du risque d’endettement excessif intéressant le devoir de mise en garde nécessite de prendre en compte la valeur du bien immobilier financé par l’emprunt, sous déduction du montant de la dette au jour de la conclusion du contrat.

Il est bien connu que, depuis une évolution jurisprudentielle remarquée (Cass. civ. 1., 12 juillet 2005, trois arrêts, n° 03-10.921, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A9140DID, n° 02-13.155, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0277DKH et n° 03-10.770, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A9139DIC), le banquier dispensateur de crédit voit peser sur lui un devoir de mise en garde à respecter en présence de certaines circonstances (caractérisation d’un risque d’endettement excessif et qualité de non-averti de l’emprunteur).

Or, bien que régulièrement appliqué par les juges depuis dix-sept ans, ce devoir donne encore lieu à des précisions notables de la part de la Cour de cassation. Nous en avons une nouvelle illustration ici.

Faits et procédure. En l’espèce, la banque X. avait consenti à Mme N. un prêt destiné à l’acquisition d’un bien immobilier constituant sa résidence principale. Or, des échéances étant demeurées impayées, la banque avait prononcé la déchéance du terme du prêt, puis avait assigné l’emprunteur en paiement. À titre reconventionnel, celui-ci avait demandé la condamnation de la banque à lui payer des dommages et intérêts en soutenant qu'elle avait manqué à son obligation de mise en garde.

La cour d’appel de Rennes a, par un arrêt du 14 février 2020 (CA Rennes, 14 février 2020, n° 16/07925 N° Lexbase : A67263ET), condamné la banque à payer à Mme N. une indemnité égale au montant de ce qu’elle demeurait lui devoir en exécution du prêt qu’elle lui avait consenti et ordonné la compensation entre leurs obligations respectives.

Pourvoi. Un pourvoi en cassation a alors été formé par l’établissement de crédit. Il rappelait par l’intermédiaire de ce dernier qu’un prêteur n’est pas débiteur d’une obligation de mise en garde envers l’emprunteur, lorsque celui-ci, à la date où il s’est engagé, disposait de capacités financières lui permettant de faire face à son engagement, et ne se trouvait pas, par conséquent, exposé à un risque d'endettement. Dès lors, en énonçant, pour retenir que la banque était débitrice d’une obligation de mise en garde envers l’emprunteur, d’une part, que « la circonstance que l'opération ait été financée en partie grâce à un apport personnel est sans incidence sur les capacités de remboursement de l'emprunteur », et, d’autre part, qu’« il n'y a pas lieu de tenir compte de la valeur de la résidence principale faisant l'objet du prêt, dès lors que le financement accordé par la banque était précisément destiné à permettre à l'emprunteur d'accéder à la propriété de façon pérenne, et non d'investir avec le projet de revendre l'immeuble et de rembourser le prêt par anticipation », la cour d’appel aurait violé, selon la banque, les articles 1147 ancien N° Lexbase : L1248ABT, 2284 N° Lexbase : L1112HIZ et 2285 N° Lexbase : L1113HI3 du Code civil.

Décision. Ce moyen parvient à convaincre la Haute juridiction. Celle-ci commence par indiquer qu’il résulte de l’ancien article 1147 du Code civil que, pour apprécier les capacités financières et le risque d'endettement d’un emprunteur non averti, doivent être pris en considération ses biens et revenus.

Or, pour condamner la banque à payer des dommages et intérêts à l’emprunteur au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde, la cour d’appel de Rennes a retenu que la circonstance que l’opération a été financée en partie grâce à un apport personnel est sans incidence sur les capacités de remboursement de l’emprunteur et qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de la valeur de la résidence principale faisant l’objet du prêt, dès lors que le financement accordé était destiné à lui permettre d’accéder à la propriété de façon pérenne, et non d’investir avec le projet de revendre l'immeuble et de rembourser le prêt par anticipation.

Par conséquent, en statuant ainsi, sans prendre en compte la valeur du bien immobilier financé par l’emprunt, sous déduction du montant de la dette au jour de la conclusion du contrat, la cour d’appel a violé l’ancien article 1147 du Code civil.

Observations. Cette précision est utile. Elle vient nous renseigner sur la méthode à suivre pour apprécier le risque d’endettement excessif lié au crédit.

On savait déjà que ce risque s’apprécie, non seulement à la vue des revenus de l’emprunteur, mais également de son patrimoine (Cass. com., 27 novembre 2012, n° 11-19.311, F-D N° Lexbase : A8710IXU). La Cour de cassation a, en outre, déjà pu indiquer que le prêt n’est pas excessif si son montant est quasi équivalent au patrimoine de l’emprunteur, alors même qu’il s’agit de sa résidence (Cass. com., 13 mai 2014, n° 13-13.843, F-D N° Lexbase : A5725MLM).

Désormais, nous savons en plus que si le crédit en question a servi à acquérir un bien immobilier, il convient de prendre en compte la valeur de ce bien, sous déduction du montant de la dette au jour de la conclusion du contrat.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Droit de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit, La reconnaissance d’un devoir de mise en garde, in Droit bancaire, (dir. J. Lasserre-Capdeville), Lexbase N° Lexbase : E14193PA.

 

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