Réf. : CE 9°-10° ch. réunies, 22 avril 2022, n° 455520, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A36107UA
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N1319BZU
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par Marie Le Guerroué
le 17 Mai 2022
► Il y a lieu, pour apprécier si l'activité du demandeur d'asile sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État, de tenir compte de l'ensemble des agissements qui lui sont imputables, sans qu'il soit nécessaire de rechercher l'existence d'éléments matériels et intentionnels spécifiques à la commission d'un crime ;
► La circonstance qu'un demandeur d'asile ne soit pas en capacité, en raison de son état de santé mentale avant la reprise de son traitement médicamenteux et d'un suivi psychiatrique, de mesurer la portée exacte de ses paroles, n'est pas de nature à relativiser sa dangerosité, alors que cette instabilité psychologique constitue un élément à prendre en compte dans la caractérisation de la menace pour l'ordre public.
Faits et procédure. Un Afghan avait, dès le lendemain du dépôt de sa demande d'asile en France, tenu des propos agressifs à l'encontre des personnels d'un centre communal d'action sociale, menacé d'incendier les locaux abritant cet établissement et proféré des invectives grossières à l'encontre de la France. En juillet 2019, il s'était de nouveau montré violent et menaçant à l'égard du personnel d'un centre d'accueil pour demandeur d'asile, déclarant vouloir « les égorger et boire leur sang ». Au mois d'octobre de la même année, il avait fait l'objet, à la suite de nouveaux propos inquiétants, d'une hospitalisation sans consentement dont le juge des libertés et de la détention a ordonné la mainlevée après une semaine, en raison d'un vice de procédure, alors que le médecin psychiatre compétent proposait le maintien de la mesure. Si la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) avait souverainement estimé que l'intéressé n'était pas en capacité, en raison de son état de santé mentale avant la reprise de son traitement médicamenteux et d'un suivi psychiatrique en 2020, de mesurer la portée exacte de ses paroles, cette circonstance n'était pas de nature à relativiser sa dangerosité, alors, d'une part, que cette instabilité psychologique constitue un élément à prendre en compte dans la caractérisation de la menace pour l'ordre public et, d'autre part, qu'il ressortait du dossier qui lui était soumis que, peu avant sa décision, il perturbait encore gravement le fonctionnement de la structure d'hébergement dans laquelle il était accueilli, qu'il avait menacé son avocate de « tout brûler » s'il n'obtenait pas la protection internationale et que celle-ci avait informé la Cour qu'elle craignait pour sa sécurité après qu'il se soit introduit dans son cabinet en 2021.
Réponse du CE. La Haute juridiction administrative rappelle les dispositions de l’article L. 512-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L3406LZ8. Elle en déduit qu'il y a lieu, pour apprécier si l'activité du demandeur d'asile sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État, de tenir compte de l'ensemble des agissements qui lui sont imputables, sans qu'il soit nécessaire de rechercher l'existence d'éléments matériels et intentionnels spécifiques à la commission d'un crime.
En l’espèce, en dépit de l'absence de lien établi entre l’intéressé et la mouvance djihadiste relevée par la Cour et de la circonstance qu'il n'a fait l'objet, outre d'un rappel à la loi, que d'une peine d'emprisonnement avec sursis pour conduite de véhicule sans assurance et refus d'obtempérer, que la CNDA, a inexactement qualifié les faits de l'espèce.
Annulation. L’Ofpra est, par conséquent, fondé à demander l'annulation de la décision attaquée par laquelle la CNDA lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire.
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