Jurisprudence : CE 9/10 ch.-r., 22-04-2022, n° 455520, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 ch.-r., 22-04-2022, n° 455520, mentionné aux tables du recueil Lebon

A36107UA

Référence

CE 9/10 ch.-r., 22-04-2022, n° 455520, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/83957981-ce-910-chr-22042022-n-455520-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

095-04-01-02-04 1) Il résulte du 4° de l’article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qu’il y a lieu, pour apprécier si l’activité du demandeur d’asile sur le territoire constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État, de tenir compte de l’ensemble des agissements qui lui sont imputables, a) sans qu’il soit nécessaire de rechercher l’existence d’éléments matériels et intentionnels spécifiques à la commission d’un crime....b) La circonstance qu’un demandeur d’asile ne soit pas en capacité, en raison de son état de santé mentale avant la reprise de son traitement médicamenteux et d’un suivi psychiatrique, de mesurer la portée exacte de ses paroles n’est pas de nature à relativiser sa dangerosité, alors que cette instabilité psychologique constitue un élément à prendre en compte dans la caractérisation de la menace pour l’ordre public....2) Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur l’existence d’une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État justifiant l'exclusion de la protection subsidiaire en application du 4° de l'article L. 512-2 du CESEDA.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 455520

Séance du 04 avril 2022

Lecture du 22 avril 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. N I a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, d'annuler la décision du 28 septembre 2018 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et, d'autre part, de lui reconnaitre la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision n°19013942 du 15 juin 2021, la Cour nationale du droit d'asile lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 août 2021 et 10 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛 applicable en l'espèce : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : () 3° S'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ". Selon l'article L. 512-2 du même code, la protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser que " son activité sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ". Il résulte de ces dernières dispositions qu'il y a lieu, pour apprécier si l'activité du demandeur d'asile sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat de tenir compte de l'ensemble des agissements qui lui sont imputables, sans qu'il soit nécessaire de rechercher l'existence d'éléments matériels et intentionnels spécifiques à la commission d'un crime.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. N I, de nationalité afghane, également connu des services de renseignement sous l'alias Farahnullah Mohammad Sabil, a, dès le lendemain du dépôt de sa demande d'asile en France, en février 2018, tenu des propos agressifs à l'encontre des personnels d'un centre communal d'action sociale, menacé d'incendier les locaux abritant cet établissement et proféré des invectives grossières à l'encontre de la France. En juillet 2019, il s'est de nouveau montré violent et menaçant à l'égard du personnel d'un centre d'accueil pour demandeur d'asile, déclarant vouloir " les égorger et boire leur sang ". Au mois d'octobre de la même année, il a fait l'objet, à la suite de nouveaux propos inquiétants, d'une hospitalisation sans consentement dont le juge des libertés et de la détention a ordonné la mainlevée après une semaine, en raison d'un vice de procédure, alors que le médecin psychiatre compétent proposait le maintien de la mesure. Si la Cour nationale du droit d'asile a souverainement estimé que l'intéressé n'était pas en capacité, en raison de son état de santé mentale avant la reprise de son traitement médicamenteux et d'un suivi psychiatrique en 2020, de mesurer la portée exacte de ses paroles, cette circonstance n'est pas de nature à relativiser sa dangerosité, alors, d'une part, que cette instabilité psychologique constitue un élément à prendre en compte dans la caractérisation de la menace pour l'ordre public et, d'autre part, qu'il ressortait du dossier qui lui était soumis que, peu avant sa décision, il perturbait encore gravement le fonctionnement de la structure d'hébergement dans laquelle il était accueilli, qu'il a menacé son avocate de " tout brûler " s'il n'obtenait pas la protection internationale et que celle-ci a informé la Cour qu'elle craignait pour sa sécurité après qu'il se soit introduit dans son cabinet en 2021.

3. Il résulte de l'ensemble des éléments mentionnés au point 2, en dépit de l'absence de lien établi entre M. I et la mouvance djihadiste relevée par la Cour et de la circonstance qu'il n'a fait l'objet, outre d'un rappel à la loi, que d'une peine d'emprisonnement avec sursis pour conduite de véhicule sans assurance et refus d'obtempérer, que la Cour nationale du droit d'asile, a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 18 février 2021 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. N I.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 avril 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. F E, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme J C, Mme A L, M. H B, M. K D, Mme Isabelle Lemesle, conseillers d'Etat et M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat-rapporteur ;

Rendu le 22 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Arno Klarsfeld

La secrétaire :

Signé : Mme G M

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