Réf. : Cass. civ. 3, 16 février 2022, n° 21-12.060, F-D N° Lexbase : A63657N3
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 14 Mars 2022
► Tous les travaux n’entrent pas dans le champ d’application du marché à forfait ; les parties ne peuvent conventionnellement se soumettre aux dispositions applicables au marché à forfait s’il ne s’agit pas de travaux de construction.
Le marché à forfait est très répandu dans le domaine de la construction. C’est même la règle tant en marchés privés qu’en marchés publics. Il est possible de le définir comme une catégorie de marchés de travaux dans laquelle le contrat fixe à la fois la quantité des travaux à exécuter et la somme globale qui sera payée à l’entrepreneur. La définition de ce qui entre, ou non, dans le forfait, c’est-à-dire le périmètre des travaux forfaitisés, prend donc une importance toute particulière. Si cette question relève de la libre appréciation des juges du fond, la Cour de cassation opère un contrôle de qualification (pour exemple, Cass. civ. 3, 14 mai 1971, n° 70-10.171 N° Lexbase : A4260CHA). Les juges doivent qualifier les contrats non pas en s’arrêtant aux termes employés par les parties mais en analysant le contenu de leur convention. Ils ne sont pas liés par l’affirmation du caractère forfaitaire faite par les parties (Cass. civ. 3, 25 avril 1972, n° 71-10.251 N° Lexbase : A9316CIU).
La Haute juridiction avait déjà eu l’occasion de le rappeler il y a quelques mois (Cass. civ. 3, 25 juin 2020, n° 19-11.412, F-D N° Lexbase : A71383P3). L’arrêt rapporté est, également, l’occasion d’y revenir.
En l'espèce, un maître d’ouvrage confie les travaux d’aménagement intérieurs de sa maison à une entreprise pour un coût total de 113 919 euros. Cette entreprise n’a pourtant pas réalisé la totalité des travaux convenus parce que le maître d’ouvrage a fait appel à d’autres entreprises. Invoquant un solde de travaux impayé sur les travaux réalisés, l’entreprise assigne le maître d’ouvrage en résiliation judiciaire et en paiement.
La cour d’appel d’Angers, dans un arrêt rendu le 20 octobre 2020 (CA Angers, 20 octobre 2020, n° 17/02146 N° Lexbase : A37853YT), considère que le contrat pris en litige n’est pas un marché à forfait. Les conseillers ont rappelé que l’article 1779 du Code civil N° Lexbase : L1748IEH distingue trois types de contrats d’entreprises : celui des architectes, des entrepreneurs d’ouvrage et des techniciens par suite d’études. Ils relèvent aussi que le devis de l’entreprise n’indique pas que le prix sera forfaitaire ou encore ferme et définitif ou encore non révisable. Ils ajoutent que selon l’article 1793 du même code N° Lexbase : L1927ABY, le marché à forfait concerne uniquement la construction d’un bâtiment selon un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol.
L’entrepreneur forme un pourvoi en cassation. Il articule que les parties seraient libres de se soumettre conventionnellement aux dispositions relatives au marché à forfait, peu important qu’il ne s’agisse pas de la construction d’un bâtiment.
La Haute juridiction censure. Selon l’article 1793, le marché à forfait concerne uniquement la construction d’un bâtiment selon un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol et que les travaux d’aménagements intérieurs n’entrent pas dans la prévision de ce texte.
La qualification d’un marché de forfait nécessite donc de confier à une entreprise la réalisation de travaux de construction.
Il reste à préciser que la notion de travaux de construction n’est pas définie, pas plus que celle d’ouvrage. Il serait donc intéressant de vérifier que les deux notions se regroupent, totalement ou partiellement.
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