Réf. : Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-16.002, FP-B+R N° Lexbase : A10487PI ; Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-18.442, FP-B+R N° Lexbase : A10607PX ; Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-20.077, FP-B N° Lexbase : A10467PG
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par Lisa Poinsot
le 11 Mars 2022
► En matière d’action en nullité d’un accord collectif, le CSE et le syndicat disposent de la faculté de contester, par voie d’exception, la validité d’un accord dans le cadre d’une action concernant leurs propres droits, quand bien même elle aurait été formée postérieurement à l’expiration du délai de prescription de deux mois.
Les faits. Dans la première affaire (n° 20-16.002), le CSE d’une entreprise désigne un expert dans le cadre des consultations sur les situations économiques, financières et sociales de la société. L’employeur saisit la juridiction civile pour demander l’annulation de ces délibérations en invoquant l’application d’un accord collectif prévoyant que cette consultation doit avoir lieu au niveau du comité central. Le CSE conteste, quant à lui, la validité de cet accord collectif d’entreprise relatif au dialogue social, au motif qu’il écartait la consultation des CSE, au profit du seul comité central, pour les consultations obligatoires sur les politiques économique et sociale. La cour d’appel fait droit à la demande du CSE en déclarant son action en justice recevable.
Dans la deuxième espèce (n° 20-18.442), une société conteste en justice la désignation d’un représentant syndical sur un périmètre plus restreint que celui des établissements distincts, alors que l’accord collectif d’entreprise prévoit que le périmètre de désignation des délégués syndicaux est identique à celui retenu pour les CSE d’établissement. En défense, l’organisation syndicale mise en cause conteste la validité de cet accord collectif, qu’elle n’avait pas signé.
Dans la troisième espèce (n° 20-20.077), le litige porte sur les deux thématiques des deux premières affaires. En effet, une organisation syndicale conteste devant le tribunal judiciaire la validité d’un accord collectif, qu’elle n’avait pas signé, et qui prévoit les modalités de mise en place des CSEE et du CSE central. L’employeur décide par ailleurs de saisir le tribunal judiciaire afin de voir annuler les délibérations d’un des CSEE ayant décidé de désigner un expert pour l’assister dans la procédure d’information-consultation relative à la politique sociale de l’établissement. Il soutient que ces délibérations sont contraires à l’accord collectif qui prévoit que ces consultations doivent avoir lieu au niveau du CSE central. En défense, le CSEE fait valoir l’illégalité de l’accord collectif litigieux.
La procédure. Concernant les deux premiers litiges, les juridictions de fond font droit à la demande du CSE et du syndicat en déclarant leur action en justice respective recevable.
Dans la troisième affaire, le tribunal judiciaire rejette l’exception d’illégalité aux motifs que la sanction du non-respect des conditions d’adoption de l’accord collectif, étant un acte de droit privé, est la nullité. Il considère que cette sanction doit être soulevée par voie l’exception et non l’inopposabilité. Ainsi, n’étant pas annulé, l’accord collectif est opposable au CSEE.
Les sociétés (arrêts n° 20-16.002 et n° 20-18.442) forment en conséquence un pourvoi en cassation. Elles se fondent sur les nouvelles dispositions de l’article L. 2262-14 du Code du travail N° Lexbase : L7773LGY, issues de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 N° Lexbase : L7631LGQ, pour soutenir qu’en raison d’un délai de recours en annulation de deux mois, la validité de l’accord ne peut plus être remise en cause par le CSE ou par le syndicat en raison de l’absence d’action en nullité dans le délai de deux mois.
Dans le troisième arrêt, le CSEE forme un pourvoi en cassation en contestant la décision rendue en première instance tendant à rejeter sa demande à voir prononcer l’inopposabilité de l’accord collectif à son égard.
La solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation, en formation plénière, rejette le raisonnement de l’employeur dans les deux premières affaires en application de l’article L. 2262-14 du Code du travail, de l’article 16 de la DDHC N° Lexbase : L1363A9D, de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne N° Lexbase : L0230LGM et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L6799BHB. Dans les deux arrêts, elle affirme qu’un CSE et un syndicat disposent de la faculté de s’exonérer du délai de prescription de deux mois destiné à l’action en nullité d’un accord collectif, à condition que leur contestation relative à la validité d’un accord collectif porte sur leurs droits propres et prenne la voie de l’exception.
Dans la troisième affaire, en utilisant les mêmes fondements juridiques que dans les deux autres décisions, la Chambre sociale de la Cour de cassation précise que « la reconnaissance de l’illégalité d’une clause d’une convention ou d’un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l’exception ».
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