Réf. : CEDH, 3 février 2022, Req. 66328/14, N.M. et autres c/ France N° Lexbase : A19107MP
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N0421BZM
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par Laïla Bedja
le 14 Février 2022
► L’application rétroactive de l’article 1er de loi du 4 mars 2002, dite loi « Kouchner », codifié à l’article L. 144-5 du Code de l’action sociale et des familles, excluant l’indemnisation des charges particulières résultant du handicap d’un enfant non décelé lors du diagnostic prénatal et entré en vigueur après la naissance de l’enfant, est contraire à la CESDH (violation de l’article 1 du Protocole n° 1).
Les faits et procédure. Le 30 décembre 2001, un enfant est né atteint de multiples malformations. Estimant qu’une erreur de diagnostic prénatal a été commise, ils ont, par une action débutée le 16 septembre 2002, engagé la responsabilité du centre hospitalier et demandé la réparation de leur préjudice.
Les actions indemnitaires, portant sur les préjudices des parents ainsi que les dépenses liées au handicap, posaient notamment la question de l’application dans le temps des dispositions du I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 N° Lexbase : L1457AXA.
Le Conseil d’État, le 3 mars 2014, se fondant sur la décision du Conseil constitutionnel du 11 juin 2010, considéra que l’article L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles N° Lexbase : L8912G8L était applicable au litige, les requérants n’ayant engagé une instance en réparation que postérieurement au 7 mars 2002, date d’entrée en vigueur de la loi dont sont issues les dispositions de cet article. Il estima que, faute d’avoir engagé une instance avant le 7 mars 2002, date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, les requérants n’étaient pas titulaires, à cette date, d’un droit de créance indemnitaire qui aurait été lui-même constitutif d’un bien au sens de l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention (N° Lexbase : L1625AZ9 ; CE, 5° et 4° s-s-r., 31 mars 2014, n° 345812, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6400MIU).
Contestant l’application rétroactive de la loi du 4 mars 2002, les parents de l’enfant ont saisi la CEDH en invoquant les articles 6, § 1 (droit à un procès équitable N° Lexbase : L7558AIR), 8 (droit au respect de la vie familiale N° Lexbase : L4798AQR), 14 (interdiction de la discrimination N° Lexbase : L4747AQU) et l’article 1 du Protocole n° 1.
La solution. Énonçant la solution précitée, la CEDH conclut à la violation de l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention.
La Cour constate que la suppression du dispositif transitoire selon les termes de la décision du Conseil constitutionnel laisse immédiatement place à l’application des règles de droit commun relatives à l’application de la loi dans le temps et qu’ainsi, l’article L. 114-5 du CASF ne saurait être appliqué à des faits nés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, quelle que soit la date d’introduction de l’instance.
Cette solution rejoint celle de la Cour de cassation du 15 décembre 2011 (Cass. civ. 1, 15 décembre 2011, n° 10-27.473, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A2913H8E). La Cour européenne souligne à cet effet la divergence d’interprétation entre le Conseil d’État et la Cour de cassation et en a déduit qu’elle n’était pas en mesure de considérer que la légalité de l’ingérence résultant de l’application, par le Conseil d’État de l’article L. 114-5 du CASF dans sa décision du 31 mars 2014, pouvait trouver un fondement dans une jurisprudence constante et stabilisée des juridictions internes.
Pour aller plus loin : Ch. Radé, Panorama de responsabilité civile médicale (mars 2014 - août 2014) (première partie), Lexbase Droit privé, septembre 2014, n° 583 N° Lexbase : N3658BUZ. |
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