Le Quotidien du 3 février 2022 : Voies d'exécution

[Brèves] Liquidation de l’astreinte : le contrôle par le juge de la proportionnalité entre le montant auquel l’astreinte est liquidée et l’enjeu du litige

Réf. : Cass. civ. 2, 20 janvier 2022, trois arrêts, n° 20-15.261, FS-B+R N° Lexbase : A79507IB ; n° 19-23.721, FS-B+R N° Lexbase : A79567II ; n° 19-22.435, FS-B+R N° Lexbase : A79547IG

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par Alexandra Martinez-Ohayon

le 02 Février 2022

► La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, a rendu trois arrêts importants, en matière d’astreinte ; les Hauts magistrats énoncent pour la première fois que l’astreinte judiciaire étant de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel du débiteur entre dans le champ d’application de la protection des biens garantie par le protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ; il en résulte que le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit ; en conséquence, le juge doit procéder au contrôle de proportionnalité entre le montant de l’astreinte et l’enjeu du litige.

Les affaires. La première affaire (pourvoi n° 20-15.261), portait sur un litige opposant un syndicat à la SNCF, dans lequel un jugement assorti de l’exécution provisoire, confirmé par la cour d’appel avait ordonné à la défenderesse de mettre en œuvre les classements en position de rémunération supérieure d'un certain nombre d'agents au titre des années 2011 à 2013. Le jugement était assorti d'une astreinte provisoire de 1 000 euros par agent et par jour de retard, à compter d'un délai de deux mois suivant la signification du jugement et pendant deux mois. En 2018, le syndicat a saisi le juge de l’exécution en liquidation de l’astreinte.

Dans la seconde affaire (pourvoi n ° 19-23.721), des acquéreurs ayant acquis en 2008 une maison d’habitation se plaignant de désordres ont assigné leurs vendeurs, ainsi que l’agence immobilière devant le tribunal de grande instance. Les demandeurs, soupçonnant l’existence de vices cachés, liés à un incendie datant de 2002, ont saisi le juge de la mise en état, afin qu’il enjoigne l’assureur du bien au moment des faits, de produire les éléments utiles à la solution du litige. Par une première ordonnance rendue le 24 juin 2014, l’assureur a été enjoint de communiquer au tribunal, sous un délai de trente jours à compter de sa signification, l’ensemble des documents en sa possession relatifs au sinistre de l’incendie et son indemnisation. Cette décision n’ayant pas été suivie d’effet, par une seconde ordonnance rendue le 7 avril 2015, le juge de la mise en état, a renouvelé son injonction précisant que faute de communiquer les éléments sollicités, l’assureur serait redevable d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Le jugement au fond a été rendu le 19 mai 2017. Les demandeurs en mai 2018 ont assigné l’assureur devant le juge de l’exécution en liquidation de l’astreinte. La défenderesse a invoqué l’irrégularité de la signification de la seconde ordonnance du juge de la mise en état.

Dans la troisième affaire (pourvoi n° 19-22.435), par jugement, une SCI copropriétaire, avait été condamnée à détruire le cellier et cesser l’activité de toilettage pour chiens exercé sur place, sous astreinte, pour chaque obligation, de 100 euros par jour de retard dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement. Le jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par la cour d’appel. La copropriétaire voisine du lot en question a assigné la SCI aux fins de liquidation de l’astreinte.

Décisions de la Cour de cassation. Dans les deux premières affaires, les Hauts magistrats retiennent les solutions précitées au visa de l'article L. 131-4 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L5818IRW, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1 du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L1625AZ9, avec une motivation pratiquement identique.

Après avoir rappelé qu’il résulte de la jurisprudence constante que le juge saisi d’une demande de liquidation d’astreinte ne peut se déterminer qu’au regard des seuls critères de l'article L .131-4 du code précité. Le juge peut cependant limiter le montant de l’astreinte au motif que :

- le montant sollicité par le créancier de l'astreinte serait excessif (Cass. civ. 2, 25 juin 2015, n° 14-20.073, F-D N° Lexbase : A9809NLU) ;
- qu’il serait trop élevé au regard des circonstances de la cause (Cass. civ. 2, 7 juin 2012, n° 10-24.967, F-D N° Lexbase : A3857IN8) ;
- ou il serait trop élevé au regard de la nature du litige (Cass. civ. 2, 30 janvier 2014, n° 13-10.255, F-D N° Lexbase : A4397MD9).

La Haute juridiction précise également que l’arrêt d’appel qui se référait au caractère « manifestement disproportionné » du montant a ainsi été cassé (Cass. civ. 2, 26 septembre 2013, n° 12-23.900, F-D N° Lexbase : A9476KLK), et également celui ayant réduit le montant de l'astreinte liquidée en se fondant sur « l'application du principe de proportionnalité » (Cass. civ. 2, 19 mars 2015, n° 14-14.941, F-D N° Lexbase : A1926NE3).

La Cour de cassation relève que dans aucune de ces affaires l'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de son protocole n° 1 n'avait été invoquée.

Les deux arrêts sont cassés.

Dans la troisième affaire, la Cour de cassation adopte un raisonnement similaire en retenant que se trouve légalement justifié l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour liquider l'astreinte à un certain montant, a pris en compte tant le comportement des débiteurs de l'obligation que les difficultés auxquelles ils s'étaient heurtés pour l'exécuter et s'est assurée, sans avoir à se référer aux facultés financières des débiteurs, que le montant de l'astreinte était raisonnablement proportionné à l'enjeu du litige.

En conséquence, le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation.

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