Le Quotidien du 26 janvier 2022 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Interdiction de gérer : précisions sur l’omission volontaire de la déclaration de la cessation des paiements dans les 45 jours

Réf. : Cass. com., 12 janvier 2022, n° 20-21.427, F-B N° Lexbase : A01977I7

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par Vincent Téchené

le 25 Janvier 2022

► Le dirigeant qui demande l'ouverture d'une procédure collective alors qu'il se trouve dans l'impossibilité de payer la part patronale des cotisations sociales depuis plus d'un an, la TVA depuis plusieurs mois et les salaires depuis quatre mois a sciemment tardé à déclarer la cessation des paiements, quand bien même il n'en aurait pas eu conscience à la date à laquelle la cessation des paiements a été fixée par le juge.

Faits et procédure. Une société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 6 avril 2016 et 11 mai 2016, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er janvier 2016. La date de cessation des paiements a été reportée au 6 octobre 2014. Le liquidateur a demandé que soit prononcée contre le gérant une mesure d'interdiction de gérer.

L’arrêt d’appel (CA Bordeaux, 11 mars 2020, n° 19/05667 N° Lexbase : A39113IP) ayant condamné le gérant à une interdiction de gérer d'une durée de sept ans, celui-ci a formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. Il soutenait que l'omission de demander l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter de la date de la cessation des paiements n'est fautive que si le dirigeant a eu conscience de cet état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours à compter de la date judiciairement fixée de cet état. Dès lors, le dirigeant, qui n'a pas eu conscience de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours à compter de la date de celui-ci, ne peut pas se voir imputer à faute le retard quel qu'il soit, avec lequel il a fait la déclaration passé ce délai. Or, en l'espèce, l'arrêt attaqué relève que le dirigeant n'avait pas conscience de la cessation des paiements dès le 6 octobre 2014, date à laquelle celle-ci a été judiciairement fixée. Ainsi, en constatant que le dirigeant ne pouvait que savoir à compter du premier trimestre 2015 que la société ne pouvait faire face à son passif exigible avec son actif disponible, pour lui imputer à faute le caractère tardif de sa demande d'ouverture d'une procédure, la cour d'appel aurait violé l'article L. 653-8 du Code de commerce N° Lexbase : L2082KG9.

Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle énonce que s'il résulte de l'arrêt que le gérant n'avait pas conscience de la cessation des paiements au 6 octobre 2014, date à laquelle avait été reportée la date de la cessation des paiements, la cour d'appel retient aussi que, dès le premier semestre 2015, il était impossible de payer la part patronale des cotisations sociales, qu'à partir du dernier trimestre de la même année la TVA n'était pas non plus réglée et que depuis quatre mois avant l'ouverture de la procédure collective, le paiement des salaires n'était plus assuré. Elle a donc a pu déduire qu'en attendant le 23 mars 2016, date mentionnée par le jugement confirmé, pour demander l'ouverture d'une procédure collective, le gérant avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours prévu par l'article L. 653-8, alinéa 3, du Code de commerce.

Observations. On rappellera que sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, l'omission de déclarer dans les délais son état de cessation des paiements pouvait être sanctionnée par la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer. Désormais, seule cette dernière sanction peut être prononcée.

Par ailleurs, la loi « Macron » de 2015 (loi n° 2015-990 du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC) a limité la sanction au cas de mauvaise foi du débiteur. Ainsi, par l’ajout de l’adverbe « sciemment », la sanction de l’interdiction de gérer ne peut plus frapper le débiteur ou le dirigeant simplement négligent. La Cour de cassation a précisé que cette loi ayant modifié, dans un sens moins sévère, les conditions de la sanction, elle doit être appliquée à une situation antérieure au 8 août 2015 (Cass. com., 24 mai 2018, n° 17-18.918, F-P+B+I N° Lexbase : A1513XPQ – Cass. com., 17 juin 2020, n° 19-10.341, F-P+B N° Lexbase : A08093PN ; B. Saintourens, Lexbase Affaires, juillet 2020, n° 641 N° Lexbase : N3952BYZ).

Au demeurant, en l’état de la dernière jurisprudence, la preuve de la connaissance directe et personnelle de la situation financière de la société ne semblait déjà plus nécessaire (Cass. com., 17 juin 2020, n° 19-10.341, F-P+B, préc.). La Cour de cassation paraît en effet accepter de prendre en compte l’attitude d’un dirigeant normalement avisé qui, compte tenu de certaines circonstances (des faits), « ne pouvait ignorer que la société se trouve en état de cessation des paiements ». L’arrêt rapporté du 12 janvier 2022 vient confirmer cette impression. Comme un auteur l’avait alors relevé, cette jurisprudence conduit à devoir prendre en compte ce que devrait être l’attitude d’un dirigeant normalement avisé qui, confronté à certaines circonstances (ex. impossibilité de s’acquitter des charges récurrentes liées au fonctionnement de l’entreprise), ne pourrait pas ignorer que la société se trouve en état de cessation des paiements (B. Saintourens, Lexbase Affaires, préc.).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les règles spécifiques à l'interdiction de gérer, L'omission de déclarer la cessation des paiements dans les quarante-cinq jours, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E4103EXA.

 

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