Le Quotidien du 13 janvier 2022 : Internet

[Brèves] Diffusion de propos prétendument dénigrants sur internet : compétence juridictionnelle

Réf. : CJUE, 21 décembre 2021, aff. C-251/20, Gtflix Tv (N° Lexbase : A00197H8)

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par Vincent Téchené

le 12 Janvier 2022

► Une personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants à son égard sur internet, agit simultanément aux fins, d’une part, de rectification des données et de suppression des contenus mis en ligne la concernant et, d’autre part, de réparation du préjudice qui aurait résulté de cette mise en ligne, peut demander, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel ces propos sont ou étaient accessibles, la réparation du préjudice qui lui aurait été causé dans l’État membre de la juridiction saisie, bien que ces juridictions ne soient pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression.

Faits et procédure. Une société établie en République tchèque (la requérante) qui produit et diffuse des contenus audiovisuels pour adultes, reprochant à une personne domiciliée en Hongrie, professionnel de ce domaine également, de diffuser des propos dénigrants à son égard sur plusieurs sites internet, l’a assignée devant les juridictions françaises, en demandant, d’une part, la suppression de ces propos et la rectification des données publiées et, d’autre part, la réparation du préjudice subi en raison desdits propos. Tant en première instance qu’en appel, ces juridictions se sont déclarées incompétentes pour connaître de ces demandes. Devant la Cour de cassation, la requérante a demandé l’annulation de l’arrêt prononcé par la cour d’appel, laquelle aurait méconnu la règle de compétence spéciale prévue par l’article 7, point 2, du Règlement n° 1215/2012 (N° Lexbase : L9189IUU) en faveur des juridictions « du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire », en jugeant qu’il ne suffit pas, pour asseoir la compétence de la juridiction saisie, que les propos jugés dénigrants qui ont été publiés sur internet soient accessibles dans le ressort de cette juridiction, mais qu’il faut également qu’ils soient susceptibles d’y causer un préjudice.

Question préjudicielle. La Cour de cassation a décidé d’interroger la CJUE sur le point de savoir si les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de la demande indemnitaire pour ce qui est du préjudice qui aurait été causé à la requérante dans le territoire dont ces juridictions relèvent, et ce quand bien même celles-ci ne sont pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression (Cass. civ. 1, 13 mai 2020, n° 18-24.850, FS-P+B+I N° Lexbase : A05863MN ; V. Téchené, Lexbase Affaires, mai 2020, n° 636 N° Lexbase : N3453BYK).

Décision. Dans son arrêt, la CJUE, réunie en grande chambre, apporte des précisions sur la détermination des juridictions compétentes pour connaître de l’action en réparation au titre de la matérialisation du dommage sur internet.

Pour statuer comme énoncé ici en en-tête, la Cour rappelle que la règle de compétence spéciale prévue par l’article 7, point 2, du Règlement n° 1215/2012 en faveur des juridictions « du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire » vise à la fois le lieu de l’événement causal et celui de la matérialisation du dommage, chacun des deux lieux étant susceptible, selon les circonstances, de fournir une indication particulièrement utile en ce qui concerne la preuve et l’organisation du procès.

Elle rappelle aussi que, concernant les propos dénigrants, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, soit les juridictions du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus au titre du lieu de l’événement causal, soit les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts au titre de la matérialisation du dommage. Cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité visant à la réparation de l’intégralité du préjudice causé, introduire son action devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été. Celles-ci sont toutefois compétentes pour connaître du seul préjudice causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie.

En conséquence, une personne s’estimant lésée par la mise en ligne de données sur un site internet pourra saisir, aux fins de la rectification de ces données et de la suppression des contenus mis en ligne, les juridictions compétentes pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage, à savoir soit la juridiction du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus au titre du lieu de l’événement causal, soit celle dans le ressort de laquelle se trouve le centre des intérêts de cette personne au titre du lieu de la matérialisation du dommage.

À cet égard, la Cour précise qu’une demande de rectification des données et de suppression des contenus mis en ligne ne peut pas être introduite devant une juridiction autre que celle qui est compétente pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage, au motif qu’une telle demande de rectification et de suppression est une et indivisible. En revanche, une demande ayant trait à la réparation du dommage peut avoir pour objet soit une indemnisation intégrale, soit une indemnisation partielle. Ainsi, il ne serait pas justifié d’exclure, pour ce même motif, la faculté pour le demandeur de porter sa demande d’indemnisation partielle devant toute autre juridiction dans le ressort de laquelle il estime avoir subi un dommage. Par ailleurs, la bonne administration de la justice n’impose pas non plus d’exclure une telle faculté. Enfin, l’attribution, aux juridictions concernées, de la compétence pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre dont elles relèvent n’est subordonnée qu’à la condition que le contenu attentatoire soit accessible ou l’ait été sur ce territoire.

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