Le Quotidien du 17 janvier 2022 : Bancaire

[Brèves] Précisions sur le devoir de mise en garde et le devoir d’information et de conseil

Réf. : Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 19-24.436, FS-B (N° Lexbase : A42267HY)

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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 17 Janvier 2022

► D’une part, le prêteur n’est tenu d'un devoir de mise en garde qu’à l’égard d’un emprunteur non averti ;

D’autre part, il résulte de l'article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) que, lorsqu’un emprunteur a adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur à l’effet de garantir l’exécution de tout ou partie de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité au titre d’un manquement du prêteur au devoir d'information et de conseil sur les risques couverts court à compter du jour où il a connaissance du défaut de garantie du risque qui s'est réalisé.

Un double rappel s’impose ici à titre préalable.

D’abord, le devoir de mise en garde à la charge du banquier dispensateur de crédit doit être vu comme l’obligation pour le prêteur d’alerter son cocontractant sur les risques d’endettement excessif de l’opération envisagée. Ce principe, dégagé de longue date par la jurisprudence (Cass. civ. 1, 12 juillet 2005, n° 03-10.921, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A9140DID), donne régulièrement lieu à des précisions jurisprudentielles.

Ensuite, dans un souci de protection, la jurisprudence a également consacré en matière d’assurance de groupe un devoir d’éclairer le souscripteur sur la portée de son engagement alors même que la notice précitée lui a été remise (Ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267 N° Lexbase : A4358DUX – Cass. civ. 2, 2 octobre 2008, n° 07-15.276, FS-P+B N° Lexbase : A5871EAP – Cass. civ. 1, 22 janvier 2009, n° 07-19.867, F-P+B N° Lexbase : A6393ECR – Cass. com., 10 mars 2015, n° 13-26.794, F-D N° Lexbase : A3270NDH – Cass. civ. 2, 20 mai 2020, n° 18-25.440, FS-P+B+I N° Lexbase : A06243M3). Il s’agit d’une manifestation de l’obligation d'information et de conseil pesant sur le banquier souscripteur d'une assurance de groupe envers les adhérents (pour d’autres manifestations, Cass. civ. 1, 17 juin 2015, n° 14-20.257, FS-P+B N° Lexbase : A5300NLU – Cass. com., 5 septembre 2018, n° 17-15.866, FS-P+B N° Lexbase : A7180X3C).

Or, l’arrêt sélectionné vient préciser ces deux obligations jurisprudentielles.

Faits et procédure. En l’espèce, une banque a consenti à M. Z. un prêt immobilier. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme le 23 mai 2014 et a assigné l’emprunteur en paiement le 8 septembre 2014. Par conclusions du 2 septembre 2016, celui-ci a sollicité l'annulation du contrat pour non-respect du délai légal de réflexion et des dommages-intérêts au titre de manquements de la banque, d’une part, à son obligation de mise en garde lors de l'octroi du prêt et, d'autre part, à son obligation d'information et de conseil au titre de l'assurance souscrite.

La cour d’appel de Nîmes a, par une décision du 19 septembre 2019, déclaré les demandes de M. Z. irrecevables. Celui-ci a alors formé un pourvoi en cassation. Il invoquait plusieurs moyens par son intermédiaire.

Décision. Deux solutions notables sont alors dégagées par la Haute juridiction concernant, respectivement, le devoir de mise en garde et le devoir d’information et de conseil.

En premier lieu, la Cour de cassation déclare que le prêteur n’est tenu d'un devoir de mise en garde qu’à l’égard d'un emprunteur non averti.

Or, après avoir relevé qu’à la date de la conclusion du prêt, l’emprunteur était associé majoritaire d’une société créée par lui en 2001 et ayant pour objet la transaction immobilière et était gérant d’une société civile immobilière ayant pour objet la location de terrains et autres biens immobiliers inscrite au registre du commerce depuis janvier 2000 et que l'exercice de ces fonctions lui avait permis d’acquérir une expérience professionnelle et une connaissance certaine du monde des affaires, la cour d'appel en avait souverainement déduit que l'emprunteur était averti.

Dès lors, c'est à bon droit, et sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'elle avait écarté le point de départ de la prescription invoqué par l'emprunteur et a ainsi légalement justifié sa décision.

Cette solution est conforme à la jurisprudence dégagée en la matière depuis 2005 : le devoir de mise en garde ne bénéficie qu’à celui qui n’est pas suffisamment connaisseur en matière de crédit, c’est-à-dire pouvant être qualifié de non averti. Cette qualité s’apprécie alors en fonction de l’activité professionnelle de l’intéressé, des études qu’il a suivies et enfin de son passé bancaire.

En second lieu, la Haute juridiction vient préciser qu’il résulte de l'article 2224 du Code civil que, lorsqu’un emprunteur a adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur à l’effet de garantir l'exécution de tout ou partie de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité au titre d’un manquement du prêteur au devoir d'information et de conseil sur les risques couverts court à compter du jour où il a connaissance du défaut de garantie du risque qui s’est réalisé.

En l’occurrence, la cour d’appel, devant laquelle l'emprunteur soutenait qu'à compter de son licenciement prononcé en mai 2010, les échéances du prêt n'avaient pu être prises en charge par l'assureur, avait constaté qu'il avait invoqué pour la première fois, le 2 septembre 2016, un manquement de la banque à son devoir de conseil.

Il s’en déduisait, par conséquent, que la demande en dommages-intérêts, qui avait été introduite au-delà du délai de prescription quinquennale, était prescrite.

La décision n’est pas remise en cause par la Cour de cassation qui rejette le pourvoi précité.

Cette solution (réitérée le même jour, Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-16.031, FS-B N° Lexbase : A42227HT) est, dans tous les cas, conforme à la jurisprudence rendue en matière de devoir d’éclairer (Cass. com., 6 janvier 2021, n° 18-24.954, FS-P N° Lexbase : A88454B9 ; J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, janvier 2021, n° 661 N° Lexbase : N6023BYQ). Elle rejoint également celle retenue en matière de devoir de mise en garde (Cass. com., 22 janvier 2020, n° 17-20.819, F-D N° Lexbase : A59293CL – Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-18.893, FS-B N° Lexbase : A42197HQ ; V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2022, n° 701 N° Lexbase : N9989BYM).

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