Jurisprudence : Cass. com., 10-03-2015, n° 13-26.794, F-D, Rejet

Cass. com., 10-03-2015, n° 13-26.794, F-D, Rejet

A3270NDH

Référence

Cass. com., 10-03-2015, n° 13-26.794, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23591147-cass-com-10032015-n-1326794-fd-rejet
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COMM. CM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 10 mars 2015
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt no 256 F-D
Pourvoi no T 13-26.794
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ Mme Z Z, épouse Z, domiciliée Sarrebourg,
2o/ la société Gangloff et Nardi, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est Le Ban-Saint-Martin, prise en la personne de Mme X X, en qualité de mandataire liquidateur de M. Z Z,
contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2013 par la cour d'appel de Metz (1re chambre), dans le litige les opposant à la société Banque populaire Lorraine-Champagne, devenue Banque populaire Alsace-Lorraine Champagne, société coopérative de banque populaire, dont le siège est Metz,
défenderesse à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 février 2015, où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Robert-Nicoud, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Robert-Nicoud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme U et de la société Gangloff et Nardi, de la SCP Lévis, avocat de la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne, l'avis de Mme Bonhomme, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 24 septembre 2013), que M. et Mme Z ont souscrit auprès de la Banque populaire ... ..., devenue Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne (la banque) un prêt remboursable in fine et adhéré, à cette occasion, à l'assurance groupe proposée par la banque en choisissant les garanties " décès, invalidité absolue et définitive, accident/maladie et incapacité totale de travail " ; qu'ayant été victime d'un accident du travail, M. Z n'a pu continuer à exercer sa profession d'artisan couvreur et s'est trouvé sans revenu; que l'assureur a refusé sa garantie, au motif qu'il n'était pas en incapacité totale de travail et pouvait reprendre une activité professionnelle à temps partiel avec un poste adapté ; que, reprochant à la banque de ne pas leur avoir proposé une assurance adaptée à la situation d'entrepreneur individuel de ce dernier, M. et Mme Z ont assigné la banque en responsabilité ; que M. Z ayant été mis en liquidation judiciaire, la société Gangloff-Nardi est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité de liquidateur ; que devant la cour d'appel, ils ont également invoqué le manquement de la banque à son obligation de mise en garde ;

Attendu que Mme Z et le liquidateur font grief à l'arrêt de limiter à la somme de 10 000 euros le montant de la condamnation de la banque pour manquement à ses obligations de conseil et de mise en garde alors, selon le moyen
1o/ qu'en limitant le préjudice indemnisable à la perte de chance de ne pas contracter le prêt litigieux ou de ne pas contracter aux conditions qu'ils ont en réalité acceptées, quand il résultait de ses constatations que la faute de la banque commise lors de la conclusion du contrat d'assurance crédit avait privé M. et Mme Z de la possibilité de bénéficier d'une
assurance crédit efficace, ce dont il se déduisait l'existence d'un préjudice réparable pris de ce que les emprunteurs ne pouvaient dès lors en aucun cas prétendre conserver le bénéfice des fonds prêtés sans être tenus en contrepartie de rembourser le capital emprunté, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2o/ qu'en tout état de cause le dommage résultant du manquement de la banque à son obligation d'éclairer son client, auquel elle consentait un prêt et proposait d'adhérer au contrat d'assurance de groupe quelle avait souscrit, sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, consiste en une perte de chance de contracter une garantie supplémentaire ; qu'en jugeant que ce préjudice était constitué par la perte de chance de ne pas contracter le prêt litigieux ou de ne pas contracter aux conditions qu'ils ont en réalité acceptées, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que le préjudice résultant du manquement par un établissement de crédit à son obligation d'éclairer son client, auquel elle consent un prêt et propose d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'elle a souscrit, sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur s'analyse en la perte d'une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle, laquelle ne peut qu'être mesurée à la chance perdue sans pouvoir être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'après avoir retenu les manquements de la banque à son devoir d'éclairer M. et Mme Z sur la souscription d'une assurance adaptée à leur situation et spécialement à l'activité et au métier à risques de M. Z, et à son devoir de mise en garde lors de l'octroi du prêt, la cour d'appel a exactement retenu que l'indemnisation ne peut être équivalente au montant du prêt qui leur a été accordé et qui leur a permis de disposer de fonds qu'ils ont utilisés à leur bénéfice, mais doit correspondre à la perte de chance de ces derniers de ne pas contracter ledit prêt ou de ne pas contracter aux conditions qu'ils ont acceptées, ce dont il résulte qu'elle a pris en compte la perte de chance de ne pas contracter consécutive au manquement au devoir de mise en garde et celle de souscrire une assurance adaptée consécutive au manquement au devoir d'éclairer ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme U et la société Gangloff et Nardi, en qualité de liquidateur de M. Z, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme U et autre
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR condamné la Banque populaire ... ... à payer à la SELARL Gangloff et Nardi, ès qualités de mandataire liquidateur de M. Z et à Mme Z la somme de 10.000 euros seulement au titre des dommages et intérêts découlant de ses manquements aux obligations de conseil et de mise en garde ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que dans le cadre de la souscription du prêt offert par la banque puis accepté par les époux Z Z Z leur a proposé d'adhérer à un contrat d'assurance groupe, contrat dans le cadre duquel les appelants ont fait le choix des garanties décès, invalidité absolue et définitive accident/maladie et incapacité totale de travail ; qu'après l'accident du travail dont M. Z a été victime en juillet 2007 l'assureur a refusé de prendre en charge les mensualités du prêt, au motif que M. Z n'était pas reconnu en incapacité totale de travail et avait la possibilité de reprendre une activité professionnelle à temps partiel et en poste adapté ; que cependant M. Z n'a pu continuer d'exercer sa profession d'artisan couvreur et s'est trouvé sans revenu ; qu'il est démontré que Monsieur et Madame Z ont été rendus destinataires des conditions générales de l'offre du prêt qu'ils ont effectivement contracté, conditions comportant notamment des dispositions relatives aux modalités de souscription de l'assurance facultative décès - invalidité - incapacité de travail, ce document étant revêtu des signatures des deux emprunteurs ; qu'il est important d'observer que ces clauses ne fournissent pas la définition contractuelle des garanties" invalidité et incapacité de travail"; que la mention figurant à l'article 8 desdites conditions générales, sous le titre " assurance perte d'emploi ", - selon laquelle l'emprunteur déclare que la banque lui a proposé une affiliation individuelle à l'assurance perte d'emploi et que, si l'emprunteur n'a pas matérialisé sa souscription à cette assurance sur la formule prévue à cet effet et si sa souscription n'a pas été annotée dans les conditions particulières, il sera censé soit avoir renoncé à la souscription soit ne pas remplir les conditions d'admissibilité à ladite assurance - ne peut avoir pour effet de démontrer, comme l'a pourtant jugé le tribunal, que la banque a véritablement rempli son obligation de conseil, alors que pareillement aucune définition plus avant de la garantie perte d'emploi n'est énoncée dans cette clause, et ce quand bien même l'établissement bancaire produit dans ses pièces un document signé des époux a commis que le 31 mars 2001 mentionnant que la BPLC leur a proposé une affiliation individuelle à l'assurance perte d'emploi et qu'ils y ont renoncé, la signature d'un tel document ne représentant pas la démonstration que les emprunteurs ont reçu de la banque tous les renseignements nécessaires sur les conséquences d'une telle renonciation ; qu'il apparaît que le fait pour la banque de leur avoir proposé et fait signer une renonciation à la garantie perte d'emploi étaient contraires aux intérêts de ses cocontractants ; qu'en outre l'examen des certificats d'adhésion de Monsieur et Madame Z à l'assurance-crédit groupe ARCCALIS montre qu'ils ne comportent pas non plus de définition contractuelle des garanties invalidité absolue et définitive et incapacité totale de travail ; qu'il s'en déduit que l'intimée n'a pas rapporté la preuve lui revenant de l'exécution de son obligation de conseil et de ce qu'elle a concrètement conseillé à M. Z et à son épouse de souscrire à des garanties adaptées précisément à leur situation et spécialement à l'activité et au métier de M. Z, qui est un métier à risques, ce qu'elle ne pouvait ignorer, une telle ignorance n'étant d'ailleurs pas alléguée ; Sur les manquements de la BPLC à son devoir de mise en garde qu'en cause d'appel le liquidateur judiciaire et Madame Z ont également fait grief à la banque d'avoir manqué à son obligation de mise en garde au profit des emprunteurs, compte tenu de leur qualité d'emprunteurs non avertis, en ce qu'il leur a, été proposé de souscrire un prêt in fine, alors que à l'époque de la conclusion de ce prêt M. Z était artisan couvreur et que Mme Z était directrice d'école et que ce genre d'opération était totalement inadaptée et même dangereuse eu égard à leurs rémunérations respectives ; que, s'agissant de la recevabilité de ce poste du litige, cette prétention ne peut, comme le souhaiterait la banque, être regardée comme une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; qu'en effet les appelants se bornent à formuler la même demande de dommages-intérêts dans le cadre de la même action en responsabilité contractuelle dirigée contre l'établissement de crédit, mais en émettant un nouveau reproche contre lui et soumettant ce faisant à la cour, non pas une demande nouvelle, mais bien seulement un moyen nouveau, ce dont il se déduit en outre que le moyen de prescription également mis en avant par l'intimée ne peut prospérer ; qu'il échet de relever que la qualité d'emprunteurs profanes et non avertis de M. et Mme Z n'est pas dénié par le prêteur de deniers ; que par suite la banque était tenue spécialement d'éclairer également les emprunteurs sur les risques encourus par eux à la suite de la souscription d'un prêt in fine dont le remboursement s'effectue en un seul versement à l'échéance, seuls les intérêts contractuels et l'assurance devant être payés pendant la durée du contrat ; qu'à la date de conclusion de ce contrat Monsieur et Madame Z percevaient, selon les données fournies par l'avis d'imposition au titre des revenus, un revenu mensuel moyen de 3.997 euros (revenus industriels et commerciaux du mardi 29.789 euros et revenus de Mme Z 18.185 euros) les mettant dans l'impossibilité d'acquitter en une seule fois le montant du prêt s'élevant à 720.000 francs, soit 109.763,29 euros, la BPLC ne rapportant pas la preuve qu'elle se serait au moment de la conclusion de ce prêt renseigné sur les facultés financières des emprunteurs et que ceux-ci disposeraient d'autres revenus ou de biens immobiliers ; que la souscription d'un contrat d'assurance-vie, qui au demeurant n'est pas produit, n'était pas pas de nature à sécuriser utilement cette opération eu égard aux aléas et au risque inhérent à ce type de montage financier ; que ce second manquement de la BPLO à ses obligations contractuelles et par conséquent également démontré ; l'indemnisation devant revenir aux appelants à la suite des manquements caractérisés de la BPLC à ses obligations contractuelles ne peut cependant être équivalente au montant du prêt qui leur a été consenti et qui leur a permis de disposer de fonds qu'ils ont utilisés à leur bénéfice ; qu'ils ne peuvent se prévaloir que de la perte de chance soufferte par les époux Z de ne pas contracter ledit prêt ou de ne pas contracter aux conditions qu'ils ont en réalité acceptées ; qu'il y a lieu dès lors de leur allouer de ce chef une indemnité de 10.000 euros ;
1o) ALORS QU 'en limitant le préjudice indemnisable à la perte de chance de ne pas contracter le prêt litigieux ou de ne pas contracter aux conditions qu'ils ont en réalité acceptées, quand il résultait de ses constatations que la faute de la banque commise lors de la conclusion du contrat d'assurance crédit avait privé les époux Z de la possibilité de bénéficier d'une assurance crédit efficace, ce dont il se déduisait l'existence d'un préjudice réparable pris de ce que les emprunteurs ne pouvaient dès lors en aucun cas prétendre conserver le bénéfice des fonds prêtés sans être tenus en contrepartie de rembourser le capital emprunté, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2o) ALORS QU' en tout état de cause le dommage résultant du manquement de la banque à son obligation d'éclairer son client, auquel elle consentait un prêt et proposait d'adhérer au contrat d'assurance de groupe quelle avait souscrit, sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, consiste en une perte de chance de contracter une garantie supplémentaire ; qu'en jugeant que ce préjudice était constitué par la perte de chance de ne pas contracter le prêt litigieux ou de ne pas contracter aux conditions qu'ils ont en réalité acceptées, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

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