La lettre juridique n°514 du 31 janvier 2013 : Éditorial

Un pour tous et tous pour...

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


L'ordre partout.
"Arrêtez le mal avant qu'il n'existe ; calmez le désordre avant qu'il n'éclate". Voilà bien une citation de Lao Tseu qui, s'il elle n'accompagnait pas un délicieux gâteau chinois "gobé" à la mi-temps d'un match de football ou entourait une papillote de fin d'année prônant sempiternels voeux et bonnes résolutions, devrait au moins figurer sur l'éphéméride suspendu dans les toilettes familiales pour que les maris prennent conscience qu'un insigne détail (pour eux) peut avoir de fâcheuses conséquences. Dans un arrêt rendu le 17 janvier 2013, la cour d'appel de Paris a , en effet, prononcé un divorce aux torts exclusifs du mari, lequel, de par le désordre qu'il imposait à son épouse dans l'appartement, ne pouvait reprocher à celle-ci, se refusant à vivre à lui, un manquement au devoir de cohabitation. On apprend qu'il y régnait un très important désordre entraînant un défaut difficilement supportable par quiconque. Selon la cour, ce comportement est attentatoire à l'obligation de respect existant entre les époux et constitue un manquement grave et renouvelé des obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune. Cette jurisprudence peut prêter à sourire, mais attendez que la first lady apprenne que, chez les cousins de France, on divorce pour des chaussettes laissées choir, elle qui, dans un élan de sincérité sans doute mal venu, révélait, la veille des élections de premier mandat, que le "maître du monde" laissait traîner ses chaussettes dans la maison...

Le baptême pour tous. Plus sensible est sans doute cet arrêt de la cour d'appel de Douai rendu le 8 janvier 2013 qui retient qu'il ne peut être refusé à la mère d'organiser le baptême de sa fille, placée chez une assistante maternelle, ce choix relevant des attributs de l'autorité parentale. La cour relève que ce choix d'un sacrement pour son enfant ne peut être écarté au seul motif que le "service n'y est pas favorable" et que l'enfant n'y mettrait aucun sens alors même que la plupart des baptêmes célébrés dans la religion catholique touche des nourrissons ou de très jeunes enfants pour lesquels aucune question sur leur faculté de discernement n'est posée à leurs parents. A priori, la décision des juges de Douai a de quoi raviver le coeur des croyants et, surtout, la foi des pratiquants les plus fervents dans une orthodoxie de la laïcité : l'Etat ne peut, par ses services, interdire le baptême. A lire de près la sentence, cette victoire à la Pyrrhus leur laissera un goût amer. Elle rappelle le caractère irrationnel du Sacrement du baptême, dont le sens "relève de la seule appréciation de celui qui le reçoit ou de celui qui le donne". En renvoyant aux âmes et consciences de chacun le soin de décider de la foi du petit autrui et en incorporant le baptême au corpus éducatif parental, le juge ne se mouille pas (lui) et fait effectivement application d'une laïcité de bon aloi. Et, l'on ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec d'autres Sacrements repris par la République dont l'ambiguïté au regard de la laïcité empêche de garder raison, toute véritable laïcisation Le "péché originel" du mariage, par exemple, est bien de l'avoir nommé ainsi. "La tyrannie commence avec la fraude des mots" craignait Socrate ; alors n'eut-il pas été plus judicieux, afin de ne pas créer d'ambiguïté interprétative, ni de tensions sociales inutiles, de débaptiser tout simplement le mariage, de le désacrementaliser en le nommant autrement... pour tous ?

Le respect pour tous et partout. "En 2010, nous avons reçu près de 8 000 signalements sur notre plate-forme de signalement des contenus illicites de l'Internet, internet-signalement.gouv.fr, accessible à toute personne", indiquait la commissaire principale Adeline Champagnat, qui dirige l'"Office cyber" de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Si "la majorité d'entre eux (57 %) concernent des escroqueries et 25 % sont liés à la pédopornographie", précisait-elle, "10 % de ces signalements rapportent des contenus racistes et/ou xénophobes, alors qu'ils représentaient 4 % de l'ensemble en 2009" (Le Point.fr, 26 juillet 2011). Un an plus tard, les médias se faisaient l'écho de l'affaire "#UnBonJuif", mettant en cause un "festival de vannes communautaires, censées être légères, fun, prenant pour cible la communauté juive" sur Twitter (Le Monde.fr, 14 octobre 2012). Sans reprendre le contenu nauséabond des tweets incriminés, la publication des échanges dans les journaux laissait une question lourde en suspens : tout est-il permis sur internet ? La lutte contre les discriminations s'arrête-t-elle à la frontière des réseaux sociaux ? De discussions en conciliations, de conciliabules en contentieux, le problème semble, enfin, être pris à bras le corps par les magistrats qui, par une sage décision du 24 janvier 2013, ont fait droit à la demande d'association de luttes contre le racisme et l'antisémitisme de voir contraindre la société Twitter à leur fournir les données de nature à permettre l'identification des twittos ayant publié des tweets racistes et antisémites. Le simple retrait des messages contrevenants n'est plus suffisant, ni la mise en place des "procédures d'alerte et de sécurité". Les auteurs des messages à connotation raciste, antisémite ou homophobes vont donc pouvoir être traduits devant la justice française quel que soit le média utilisé et, notamment, la localisation des serveurs véhicules de ces infractions. Y verra-t-on un regain de l'universalisme des droits de l'Homme à la française ?

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