Le Quotidien du 17 novembre 2021 : Construction

[Brèves] La difficile sanction de l’expertise judiciaire irrégulière

Réf. : Cass. civ. 3, 20 octobre 2021, n° 20-18.171, F-D (N° Lexbase : A00507A4)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 16 Novembre 2021

► Le défaut du caractère contradictoire d’une expertise judiciaire ne peut être sanctionné que par la nullité ; et non l’inopposabilité ;
► faute de demande d’annulation, il n’y a pas de sanction possible d’autant que le juge n’est pas lié par le rapport d’expertise.

Le procès se gagne ou se perd devant l’expert judiciaire. Cette phrase, aux allures de slogan, résume l’importance du rapport déposé par l’expert. Même si le juge n’est jamais lié par les conclusions de l’expert, ces conclusions sont, dans la grande majorité des cas, entérinées par le juge. Cela n’est d’ailleurs pas surprenant puisque le juge désigne l’expert justement pour l’éclairer.

Nombreux sont donc ceux qui, déçus des termes du rapport déposé, tentent d’en réduire la portée dans le cadre de la procédure au fond qui conduira à leur jugement. Mais rares sont les fondements juridiques pour y parvenir. Les motifs d’annulation d’un rapport se réduisent comme un peu de chagrin, à l’image des cas d’inopposabilité. Le manquement au principe du contradictoire, garantie d’un procès équitable au sens de l’article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), proclamé au célèbre article 16 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1133H4Q), fait toutefois partie de l’un d’eux.

La jurisprudence s’est néanmoins durcie. Pendant longtemps, il était possible de sanctionner par l’inopposabilité une expertise réalisée sans respect du principe du contradictoire. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Si une partie critique une irrégularité dans le déroulement des opérations d’expertise, elle ne doit pas se contenter de demander que le rapport lui soit inopposable, elle doit réclamer la nullité des opérations d’expertise dans leur ensemble (V. notamment Cass. mixte, 28 septembre 2012, n° 11-11.381 N° Lexbase : A5411ITL), mais il faut pour cela rapporter la preuve d’un grief (Cass. civ. 3, 14 mai 2020, n° 19-16.278, FS-P+B+I N° Lexbase : A05823MI).

Autrement dit, un rapport d’expertise, même établi non contradictoirement, n’est pas, per se, nul. Il vaut comme titre et doit, en cela, être examiné par le juge dès lors qu’il est soumis à la discussion des parties (Cass. civ. 2, 9 septembre 2020, n° 19-13.755, FS-P+B N° Lexbase : A32853XX).

Le juge ne peut, cependant, statuer exclusivement sur un tel rapport. Le rapport non contradictoire doit être corroboré par d’autres éléments de preuve (pour exemple, Cass. civ. 2, 13 septembre 2018, n° 17-20.099, F-P+B N° Lexbase : A7884X4R) ainsi que le confirme l’arrêt rapporté.

En l’espèce, une SCI entreprend la rénovation lourde d’un bâtiment pour le revendre en VEFA. Après la réception, les faux plafonds s’effondrent et l’acquéreur assigne les constructeurs et leur assureur en réparation des préjudices subis. Une expertise est ordonnée. Devant les juges du fond, l’un des constructeurs conteste les termes du rapport au motif, notamment, que les opérations conduites par l’expert n’auraient pas été contradictoires.

La cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 15 janvier 2020 (CA Paris, 1, 3, 15 janvier 2020, n° 19/06961 N° Lexbase : A08353BK), le condamne sur le fondement du rapport. Le constructeur forme un pourvoi en cassation qui est rejeté.

Les parties à une instance au cours de laquelle une expertise a été ordonnée ne peuvent invoquer l’inopposabilité du rapport d’expertise en raison d’irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise, lesquelles sont sanctionnées selon les dispositions de l’article 175 du CPC (N° Lexbase : L1574H43) c’est-à-dire par la nullité.

En l’absence d’une demande d’annulation des rapports d’expertise, la cour d’appel, constatant que leur contenu avait pu être débattu contradictoirement devant elle et appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son examen, a pu se fonder sur les appréciations de l’expert pour juger de la responsabilité du constructeur.

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