La lettre juridique n°882 du 28 octobre 2021 : Covid-19

[Pratique professionnelle] Le coût des tests de dépistage de la Covid-19 doivent-ils être pris en charge par l’employeur ?

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par Ludovique Clavreul, Avocat Counsel, CMS Francis Lefebvre

le 02 Novembre 2021

 

 


Mots-clés : covid-19 • tests de dépistage • gratuité • prise en charge • passe sanitaire • entreprises • frais professionnels • employeur

Avec la fin de la gratuité des tests de dépistage au 15 octobre 2021, l’obtention d’un passe sanitaire va entrainer un coût pour les salariés lorsqu’il doivent le présenter à l’occasion de leur activité.

Ce changement de régime des tests de dépistage engendre de nouvelles questions portant notamment sur le point de savoir si le coût résultant de la réalisation de ces tests constitue un frais professionnel que l’employeur a l’obligation de prendre en charge et si une telle prise en charge bénéficie à ce titre de l’exonération de cotisations sociales applicable à de tels frais.


1. Quel est le nouveau régime des tests de dépistage ?

Depuis le 15 octobre 2021 [1], à moins qu’ils ne soient prescrits par un médecin, les tests de dépistage de la Covid-19 ne sont plus pris en charge par l’assurance maladie, sauf dans les cas suivants pour lesquels une telle prescription n’est pas requise :

  • l’assuré est vacciné, fait l’objet d’une  contre-indication médicale à la vaccination ou présente un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination à la Covid-19 de moins de six mois ;
  • la personne est mineure ;
  • la personne est cas contact identifiée par l’assurance maladie ;
  • les personnes font l’objet d’un dépistage collectif organisé par une agence régionale de santé, ou une préfecture au sein de populations ciblées, de cluster ou de suspicion de cluster ;
  • les personnes présentent un résultat de test antigénique de moins de quarante-huit heures concluant à la contamination par la covid-19 en vue de la réalisation d’un examen RT-PCR de confirmation ou de criblage de variant ;
  • les personnes se déplacent entre la métropole et la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ;
  • les personnes proviennent d’un pays identifié comme zone de forte circulation du virus.

En dehors de ces hypothèses, les tests sont désormais payants pour les personnes non vaccinées et majeures. Les tests réalisés pour l’obtention du passe sanitaire par les personnes qui ont fait le choix de ne pas se faire vacciner leur sont donc facturés pour un montant évoluant de 22 euros environ pour un test antigénique à 44 euros environ pour un test PCR.

Notons enfin que, depuis le 15 octobre 2021, les autotests réalisés sous la supervision d’un professionnel de santé ne permettent plus l’obtention du passe [2].

2. L’employeur doit-il prendre en charge le coût des tests de dépistage dans le cadre de l’activité professionnelle ?

Selon une jurisprudence bien établie [3], les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans pouvoir être imputés sur sa rémunération.

Néanmoins, en l’espèce, la qualification de frais professionnel est contestable.

En premier lieu, l’obligation de présenter un passe sanitaire n’est pas inhérente à l’activité professionnelle dont elle dépasse largement le cadre.

En effet, si le passe sanitaire est obligatoire pour exercer certaines activités ou accéder à certains lieux d’activité, il l’est également pour accéder à des lieux de loisirs (restaurants, musées, cinémas, etc.) ou à certains services (transports, hôpitaux, etc.).

En deuxième lieu, il pourrait être soutenu que l’existence même de ce frais relève du choix personnel du salarié qui a décidé de ne pas se faire vacciner.

Si on dispose d’arguments sérieux pour soutenir que le coût du test ne constitue pas un frais professionnel, on ne peut exclure que le juge retienne une interprétation différente, notamment dans le cas où le passe sanitaire est nécessaire à l’exercice de l’activité professionnelle (par exemple pour les salariés d’une entreprise dont l’activité est soumise au passe sanitaire, comme un restaurant).

Certains pourraient notamment se fonder sur l’obligation pour l’employeur de prendre en charge le coût de certaines vaccinations dès lors qu'elles sont justifiées par un risque professionnel [4] ou sur le principe selon lequel les salariés ne doivent pas supporter le coût des mesures prises en matière de santé et de sécurité [5].

De même, il semble que dans certaines situations, la qualification de frais professionnels pour les tests de dépistage réalisés par les salariés ne puisse être sérieusement contestée : il en serait ainsi par exemple du salarié qui, bien que vacciné, est envoyé en déplacement professionnel à l’étranger et doit, en application de la législation de cet État, réalisé un ou plusieurs tests de dépistage.

3. Quelle est la position du ministère du Travail ?

L’analyse selon laquelle le coût des tests ne constitue pas un frais professionnel est confortée par la position du ministère du Travail.

L’objectif du Gouvernement, en rendant les tests payants, est d’augmenter la couverture vaccinale. Cela ressort clairement du communiqué du 8 octobre 2021 : « le Gouvernement continue ainsi à encourager à la vaccination, qui constitue la meilleure façon de se protéger et de protéger les autres et la clé de la sortie durable de crise ».

Tirant toutes les conséquences de cette position, le Gouvernement considère que c’est à la personne qui est réfractaire à la vaccination de supporter les conséquences financières de son choix.

Selon cette logique, le ministère du Travail s’est prononcé en faveur de la non prise en charge du coût des tests par l’employeur.

Dans son questions/réponses relatif au passe sanitaire et à la vaccination au travail (mise à jour du 13 octobre 2021), il y a retenu que pour les entreprises soumises au passe sanitaire « le coût des tests ne constitue pas un frais professionnel. L’employeur n’est pas tenu de les prendre en charge ». 

La rédaction du questions/réponses, dans sa première version, était néanmoins ambigüe. Elle laissait en effet entendre que cette position ne visait que la situation des salariés soumis à la présentation du passe pour l’exercice de leur activité professionnelle – entreprises soumises à passe – et non ceux qui pouvaient être ponctuellement tenus de présenter un passe à l’occasion de l’exercice de leur activité professionnelle, par exemple, pour assister à un séminaire ou effectuer un déplacement professionnel. 

En publiant une nouvelle version du questions réponses le 18 octobre, visant désormais « les entreprises » et non « les entreprises soumises au passe », le ministère du Travail semble avoir voulu lever cette ambiguïté.

Cette position visant à encourager la vaccination en laissant le coût du test à la charge du salarié avait déjà conduit le ministère à retenir un traitement différent du temps consacré à la vaccination et au test.

L’article 17 de la loi du 5 août 2021 prévoit ainsi que : « Les salariés, les stagiaires et les agents publics bénéficient d'une autorisation d'absence pour se rendre aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations contre la covid-19. Une autorisation d'absence peut également être accordée au salarié, au stagiaire ou à l'agent public qui accompagne le mineur ou le majeur protégé dont il a la charge aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations contre la covid-19. Ces absences n'entraînent aucune diminution de la rémunération et sont assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par les intéressés au titre de leur ancienneté ».

Au contraire, le temps nécessaire à la réalisation d’un test n’est pas assimilé à du temps de travail effectif. À la question « Le temps nécessaire à la réalisation d’un test (en laboratoire ou en pharmacie, ou bien en établissement) est-il considéré comme du temps de travail ? », le ministère répond : « En l’absence de disposition législative sur le sujet, sauf stipulation conventionnelle spécifique ou décision de l’employeur, le temps nécessaire à la réalisation (y compris le temps d’attente) d’un test n’est pas du temps de travail effectif ».

Il faut toutefois rappeler que le questions/réponses du ministère du Travail, qui constitue un élément de la « doctrine administrative », n’a pas de valeur juridique.

4. Prendre en charge le coût des tests serait-il compatible avec la protection du secret médical ?

On peut se demander plus largement si la prise en charge du coût du test, qui implique que le salarié remette à l’employeur la facture correspondante, serait compatible avec l’impératif de protection du secret médical.

La loi du 5 août 2021 [6] interdit en effet à l'employeur de connaître la nature du passe sanitaire (test, vaccin, rétablissement après une contamination par la Covid, etc.) du salarié [7].

Or, si le salarié demande le remboursement du prix du test, l’employeur saura qu’il n’est pas vacciné.  Cela pourrait donc constituer une source de difficulté.

5. La prise en charge des tests de dépistage par l’employeur bénéficie-t-elle de l’exonération applicable aux frais professionnels ?

Dans l’hypothèse où l’employeur déciderait de prendre en charge le coût des tests, on peut se demander si les sommes versées bénéficieront de l’exonération applicable aux frais professionnels.

Les frais professionnels sont définis par l’article 1er de l’arrêté du 20 décembre 2002 : « Les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions ».

Si on retient que le coût du test n’est pas un frais professionnel, il conviendrait alors de considérer que cette prise en charge constitue un avantage en espèce assujetti à ce titre aux cotisations de Sécurité sociale.

Il semble probable, compte tenu de la position prise par le ministère du Travail, que les URSSAF considèrent que le coût des tests de dépistage constitue un frais personnel non éligible à l’exonération. Cette position pourrait être confirmée par l’ACOSS dans les prochaines semaines et donner lieu à une modification du bulletin officiel de Sécurité sociale (BOSS).

6. Comment traiter les représentants du personnel ?

Il est de jurisprudence constante que les représentants du personnel ne doivent subir aucune perte de rémunération en raison de l'exercice de leur mandat. Il en résulte notamment que les frais de déplacement des représentants du personnel concernant des réunions organisées à l'initiative de l'employeur sont à la charge de ce dernier [8], étant précisé que ces frais incluent également, sauf abus, les frais d'hébergement et de nourriture des membres du comité [9].

Si l’employeur refuse de rembourser les frais occasionnés au représentant du personnel pour se rendre à une réunion convoquée par l’employeur, il s’expose à une sanction au titre du délit d’entrave [10]. Ce refus peut en effet restreindre la participation des représentants aux réunions, puisqu'ils sont obligés d'assumer personnellement ces dépenses.

Dès lors, si les conditions d’organisation des réunions des représentants par l’employeur imposent aux salariés de présenter un passe sanitaire (transport, salle de réunion, etc.), on peut se demander si la position du ministère du Travail leur est également applicable.

On le voit, la position prise par le ministère du Travail est loin d’avoir réglé les incertitudes concernant la prise en charge des tests de dépistage de la Covid-19 par l’employeur. En effet, l’absence de valeur juridique du questions/réponses laisse les employeurs face à un double risque : un risque de contentieux prud’homal initié par un salarié qui estimerait que ces frais auraient dû être pris en charge par l’employeur et un risque de redressement Urssaf dans le cas où cette dernière considérerait qu’il ne s’agit pas de frais professionnels. 

Il serait souhaitable, si l’intention du Gouvernement est de laisser effectivement le coût des tests de dépistage, réalisés sans prescription médicale, à la charge des personnes non vaccinées, qu’une disposition législative ou réglementaire vienne confirmer ce point et sécuriser ainsi, pour l’avenir, la situation des entreprises.


[1] Arrêté du 14 octobre 2021, modifiant l'arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire (N° Lexbase : L5606L87).

[2] Décret n° 2021-1343, du 14 octobre 2021, modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire (N° Lexbase : L5541L8Q).

[3]  Voir notamment Cass. soc., 25 février 1998, n° 95-44.096 (N° Lexbase : A5375AC3) ; Cass. soc., 25 mars 2010, n° 08-43.156, F-P (N° Lexbase : A1524EUY) ; Cass. soc., 12 décembre 2012, n° 11-26.585, FS-B+P (N° Lexbase : A1172IZG) ; Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-24.546, F-D (N° Lexbase : A12183RK).

[4] CSP, art. L. 3111-4 (N° Lexbase : L0049LD8) et L. 3112-1 (N° Lexbase : L0048LD7) et C. trav., art. R. 4426-6 (N° Lexbase : L0901IAM).

[5] C. trav., art. L. 4122-2 (N° Lexbase : L1460H9X) : « Les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs ».

[6] Loi n° 2021-1040, du 5 août 2021, relative à la gestion de la crise sanitaire (N° Lexbase : L4664L7U).

[7] L'article 1er, II, B de la loi du 5 août 2021 prévoit que : « La présentation des documents prévus au premier alinéa du présent B par les personnes mentionnées au 1° du A du présent II est réalisée sous une forme permettant seulement aux personnes ou aux services autorisés à en assurer le contrôle de connaître les données strictement nécessaires à l'exercice de leur contrôle ».

Le questions/réponses du ministère du Travail sur l’obligation de vaccination ou de détenir un passe sanitaire pour certaines professions apporte la précision suivante :

« Comment respecter le secret médical lors du contrôle des justificatifs prévus par la loi ?

L’employeur aura connaissance du statut des personnes au regard de l’obligation de passe sanitaire via le QR code. Ce dernier ne comporte pas d’information précise sur la santé des personnes concernées : l’employeur ne sait pas par quel moyen ce passe est respecté, cela peut être par le vaccin, un test PCR, le rétablissement après une contamination par la COVID, etc. ».

[8] Cass. soc., 28 mai 1996, n° 94-18797, publié au bulletin (N° Lexbase : A2125AAX) ; Cass. soc., 22 mai 2002, n° 99-43.990, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7135AYW).

[9] Cass. soc., 15 mai 2001, n° 99-10.127 (N° Lexbase : A4679ATH).

[10] Cass. crim., 22 novembre 2005, n° 04-87.451, F-P+F (N° Lexbase : A8570ELY).

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