Lexbase Fiscal n°882 du 28 octobre 2021 : Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Cession d’actions, plus-value et taux de change

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 13 septembre 2021, n° 443914, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9245448)

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par Franck Laffaille, Professeur de droit public (IDPS) - Université de Paris XIII

le 08 Novembre 2021


Mots-clés : plus-value • taux de change • cession d’actions • entreprises

Le Conseil d’État est revenu dans un arrêt du 13 septembre 2021 sur le traitement fiscal d’une plus-value mobilière d’un particulier et la conséquence de la conversion en euros des prix effectifs d’acquisition et de cession aux dates de l’acquisition et de la cession.


 

Des contribuables cèdent le 13 mars 2015 6880 actions d’une société américaine au prix de 366972 dollars américains ; le 21 janvier 2013, ces actions avaient été acquises au prix de 284643 dollars américains. Au titre de cette opération, ils déclarent à l’administration fiscale un gain net de 55040 euros (annexe 2074 jointe à leur déclaration de revenu global au titre de l’année 2015). L’administration remet en cause le calcul de ce gain net, arguant que son montant doit être calculé à partir de la différence entre le prix de cession et d’acquisition… après « conversion de chacun d’entre eux sur la base sur la base des cours du dollar américain respectivement au moment de la cession et de l’acquisition. À l’aune d’une telle méthode, la plus-value est de 135563 euros.

Par une réclamation en date du 21 février 2017, les contribuables demandent la décharge partielle des impositions supplémentaires ayant été mises à leur charge. Leur principale argumentation est la suivante : le gain net par eux réalisé doit être établi en convertissant en euros l’écart entre les prix de cession et d’acquisition mesurés en dollar américain. À cet écart doit être appliqué le taux de change en vigueur à la date de la cession des titres. L’administration rejette une telle réclamation le 13 septembre 2017. Saisine du tribunal administratif de Paris il y a : il lui est demandé de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles les contribuables ont été assujettis au titre de l’année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes. Le TA de Paris ne fait pas droit à leur demande (TA Paris, 2 mai 2019, n° 1717320 N° Lexbase : A58093TC). Un appel est formé et la Cour administrative d’appel de Paris confirme la décision du TA (CAA, n° 19PA02095, 31 juillet 2020 N° Lexbase : A18823SI). Saisi, le juge de cassation rejette le pourvoi formé par les requérants.

Aux yeux de ces derniers, il était régulier de calculer en dollars américains la plus-value de cession (intervenue en mars 2015) des actions (acquises en janvier 2013) de la société américaine ; ensuite, il leur revenait de convertir en euros le montant en question à la date de la réalisation de la plus-value. Ils contestent la méthode de l’administration fiscale qui consiste à convertir en euros le prix d’acquisition et le prix de cession, en retenant la parité euro/dollar américain aux dates auxquelles les acquisitions et cession ont été opérées. Une telle méthode, soulignent les contribuables, consiste à leur faire supporter l’évolution du taux de change euro/dollar entre les dates d’acquisition et de cession des actions de la société. Cela emporte la conséquence suivante : faire assoir la plus-value sur une somme en euros qu’ils n’ont point encaissée. De surcroît, les contribuables récusent le fait que l’administration puisse se fonder sur le paragraphe n° 20 de la doctrine référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-10-10-10 (N° Lexbase : X5822AL9) ; selon eux, cette doctrine se contente d’expliciter la notion de prix effectif pour les opérations internes.

Le Conseil d’État fait lecture du 1 du I de l’article 150-0 A du CGI (N° Lexbase : L0732L7A) : « …les gains nets tirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l’intermédiaire d’une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l’article 118 et aux 6° et 7° de l’article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l’impôt sur le revenu ». Quant à l’article 150-0 D (1) du CGI (N° Lexbase : L2206LYD), il énonce que « les gains nets mentionnés au I de l’article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, nets des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d’acquisition par celui-ci diminué, le cas échéant, des réductions d’impôt effectivement obtenues dans les conditions prévues à l’article 199 terdecies-0 A (N° Lexbase : L2450L7U), ou, en cas d’acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation ».

De cela, le Conseil d’État – reprenant le raisonnement de la cour administrative d’appel – déduit que les prix effectifs d’acquisition et de cession mentionnés à cet article doivent être déterminés en euros ; le cas échéant, il revient de convertir en euros – sur la base des taux des taux de change applicables respectivement à la date d’acquisition ou de cession – les prix qui ont été réglés au moment de ces opérations en devises. Cela emporte la conséquence suivante : s’il est constaté des gains ou pertes de change lors de cession de valeurs mobilières, droits sociaux ou titres assimilés, ces gains ou pertes de change constituent une composante des gains nets ou moins-values réalisés. Ils sont alors pris en compte pour la détermination des sommes imposables sur le fondement de l’article 150-0 A du CGI.

La cour administrative d’appel de Paris n’est pas réputée avoir commis une erreur de droit, tout comme elle n’est pas réputée avoir inexactement qualifié les faits. C’est à bon droit qu’elle a jugé que le gain net (tiré de l’opération au centre du présent contentieux) devait être établi globalement à hauteur de la différence entre le prix de cession des titres (converti en euros sur la base du taux de change du dollar américain à la date de la cession) et le prix d’acquisition de ces titres (converti en euros sur la base du taux de change du dollar américain à la date de l’acquisition).

Le Conseil d’État ne revient pas sur la question du paragraphe n° 20 de la doctrine référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-10-10-10 (« Pour les cessions réalisées en bourse, le prix de cession s'entend toujours du cours de transaction. Ainsi, pour les obligations, il s'agit du prix effectivement reçu, y compris celui qui correspond à la fraction courue du coupon. En cas de transaction sur un marché situé hors de France, ce cours doit être converti en euros par application du taux de change applicable à la date de l'opération »). La cour administrative d’appel s’était, quant à elle, contentée de l’assertion classique : le service n’a pas méconnu le paragraphe 20 invoqué, « lequel, au demeurant, n’ajoute pas aux dispositions légales dont il a été fait application ».

Le n° 20 du BOI-RPPM-PVBMI-20-10-10-10 se contente de disposer qu’en « cas de transaction sur un marché situé hors de France, ce cours doit être converti en euros par application du taux de change applicable à la date de l'opération ». Reste que le calcul de la fiscalité inhérente aux gains et pertes de change interroge. Il s’avère que le gain de change constitue parfois une part importante du gain in fine réalisé. Il peut même survenir la configuration suivante : une perte à la suite d’une revente de titres mais un gain de change qui, lui, s’avère taxable. Dans le cas présent, le problème est que la plus-value de change calculée par l’administration est supérieure à la plus-value calculée par les contribuables. La méthode de l’administration est la suivante : le prix d’acquisition est converti en euros avec application du taux de change en vigueur au moment de l’acquisition … le prix de cession est converti en euros avec application du taux de change en vigueur au moment de l’acquisition … la plus-value est calculée en faisant la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition (toujours en euros).

Ce raisonnement de l’administration est adoubé par le Conseil d’État dans cette décision du 13 septembre 2021. Un autre raisonnement est susceptible d’être retenu, au profit cette fois des contribuables. Tel est le cas dans la décision de la cour administrative d’appel de Nancy en date du 16 mai 2017 (CAA Nancy, 16 mai 2017, n° 05NC01153 N° Lexbase : A8427DWZ). Le juge d’appel relève que le calcul des plus-values a été opéré en déduisant du prix de vente des actions (converti en francs français par application du taux de change à la date de la vente) la valeur réelle des actions au moment de leur achat (également convertie en francs français par application du taux de change à la date de l’achat). L’administration est réputée avoir intégré – à tort – l’effet de l’évolution à la hausse du taux de change dans l’évaluation des plus-values réalisées. Rectification du calcul des plus-values il doit y avoir selon la CAA : il convient d’effectuer le calcul des plus-values réalisées en francs suisses puis de convertir en francs français le résultat ainsi obtenu par application du taux de change à la date de la cession des actions. Ici, le gain de change – quand survient une cession de titres détenus en devises étrangères – ne saurait faire partie de la plus-value dont jouit le contribuable. Dans cette espèce de 2017, les contribuables obtiennent la décharge des impositions correspondant à la différence entre les bases d’imposition initialement retenues et le résultat issu de la rectification du calcul des plus-values par eux réalisées.

La méthode retenue par le Conseil d’État dans cette décision du 13 septembre 2021 n’avait rien – on l’entrevoit – d’évident.

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