Le Quotidien du 8 octobre 2021 : Urbanisme - Plan local d'urbanisme

[Jurisprudence] Mise en oeuvre des mesures de compensation : nécessaire conformité avec les documents d'urbanisme en vigueur

Réf. : CAA Paris, 20 septembre 2021, n° 21PA04871 (N° Lexbase : A9647443)

Lecture: 9 min

N9002BY3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Mise en oeuvre des mesures de compensation : nécessaire conformité avec les documents d'urbanisme en vigueur. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/73032765-jurisprudence-mise-en-oeuvre-des-mesures-de-compensation-necessaire-conformite-avec-les-documents-du
Copier

par Raphaële Antona Traversi, Jean-Franck Chatel, cabinet Coudray

le 07 Octobre 2021

 


Mots clés : permis de construire • mesures de compensation • documents d'urbanisme

La méconnaissance des obligations de compensation environnementale prévues par le règlement d’un plan local d’urbanisme fait naître un doute sérieux sur la légalité du permis de construire afférent et justifie sa suspension.


 

De plus en plus fine, la frontière entre les enjeux du droit de l’urbanisme et du droit de l’environnement s’est encore réduite sous l’impulsion du juge administratif.

Par une ordonnance rendue le 20 septembre 2021, la cour administrative d’appel de Paris a ainsi placé l’obligation de compensation des impacts environnementaux au cœur de sa décision de suspension d’un permis de construire, en se fondant sur la rédaction du règlement du plan local d’urbanisme en vigueur.

En l’espèce, par un arrêté en date du 21 juillet 2021, la maire de la commune d’Aubervilliers avait accordé, au nom de la commune, un permis de construire pour la réalisation d’un centre nautique comprenant un centre aquatique et un espace de restauration.

Le projet avait été fortement médiatisé, pour son appartenance aux aménagements liés aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, mais surtout au regard de son implantation sur des jardins familiaux faisant l’objet de conventions d’occupation précaire.

De manière prévisible, plusieurs occupants des jardins, accompagnés par des associations de protection de l’environnement, avaient formé un recours en annulation et accompagné celui-ci d’une demande de suspension.

Il est ainsi revenu à la cour administrative d’appel de Paris de se prononcer sur l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté, conformément aux dispositions de l’article R. 311-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L4138LUS), codifié par l’article 1er du décret n° 2018-1249 du 26 décembre 2018 (N° Lexbase : L5890LNH), attribuant à la cour l’exclusivité des litiges relatifs aux actes afférents notamment « aux opérations d'urbanisme et d'aménagement, aux opérations foncières et immobilières, aux infrastructures et équipements ainsi qu'aux voiries dès lors qu'ils sont, même pour partie seulement, nécessaires à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ».

Outre les enjeux relatifs à la compensation environnementale, la juridiction administrative a eu à se positionner sur l’urgence du référé.

I. Sur la condition d'urgence

En matière de référé-suspension contre un permis de construire, le Code de l’urbanisme pose une présomption d’urgence, laquelle est cependant dépourvue de caractère irréfragable. Autrement dit, il s’agit d’une présomption simple qu’il est possible de contester [1].

Et parmi les éléments débattus pour contrer cette présomption simple, l’intérêt public est souvent mis en avant par le pétitionnaire ou l’autorité qui délivre l’autorisation pour démontrer l’intérêt qui s’attache à ce que la construction projetée soit édifiée sans délai.

Dans cette affaire, la commune d’Aubervilliers faisait valoir non seulement « l’importance de la réalisation en temps utile du centre nautique » qui constitue un équipement lié aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, mais également « la carence du département de Seine-Saint-Denis en équipements nautiques, qui accroit la menace de noyade ».

Pour écarter l’argumentation présentée par la commune, le juge des référés a relevé que la présomption d’urgence est insusceptible d’être renversée lorsque la situation résulte du comportement du titulaire de l’autorisation ou du seul intérêt public qui s’attache à la réalisation d’un quelconque ouvrage.

D’une part, le juge des référés indique qu’il appartenait à la commune d’intégrer dans son calendrier de travaux la possibilité de recours juridictionnels contre le permis de construire afin de pallier le risque de retard.

D’autre part, la commune ne peut pas non plus se prévaloir d’une carence du département de Seine- Saint-Denis en matière d’équipements nautiques, le risque de noyades qui en résulterait n’étant pas davantage établi.

La condition d’urgence remplie, il appartenait alors au juge des référés de se prononcer sur la légalité de l’autorisation accordée.

II. Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.2.3 du règlement du PLUI

Dans son ordonnance, et sans qu’il soit besoin de revenir sur les autres moyens fondant la suspension de l’exécution du permis de construire, le juge des référés a notamment retenu comme étant de nature à faire naître un doute sérieux le moyen tiré de la violation de l’article 3.2.3 du règlement du PLUI qui pose l’exigence de replanter, par arbre de grand développement abattu, un arbre équivalent sur le terrain.

Il faut d’emblée rappeler que les auteurs du document d’urbanisme sont habilités par l’article L. 151- 18 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2596K9Z) à déterminer des règles concernant [les caractéristiques] des constructions [...] et l'aménagement de leurs abords, afin de contribuer à la qualité [...] paysagère [...].

Et le traitement environnemental des abords des constructions peut se traduire par le fait d’imposer des contraintes en matière de réalisation des plantations à l’occasion des projets de construction ou d’aménagement conformément à l’article R. 151-43 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2600KI7).

À l’échelle du PLUI de Plaine-Commune, le règlement écrit pose le principe du remplacement des arbres existant sur le terrain, ce qui revient à compenser tout arbre supprimé pour la réalisation du projet. Tous les arbres ne méritent cependant pas cette protection puisque seuls les arbres à grand développement (plus de 20 mètres à maturité selon les dispositions générales du PLUI) sont visés.

Le premier enseignement à tirer de cette ordonnance est que le juge des référés considère que « pour l’application de ces dispositions, le nombre d’arbres abattus est déterminé compte tenu de l’état du terrain existant à la date du dépôt de la demande, et non en fonction des modifications postérieures de cet état ».

Cette appréciation traduit une position de la jurisprudence qui ne fait pas défaut en la matière puisqu’une coupe d’arbres effectuée avant le dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme, dans le but d’échapper à l’exigence réglementaire du remplacement du nombre d’arbres préexistant, constitue une fraude [2].

Le second enseignement à retenir de cette décision est que l’obligation de compensation relative aux arbres que fixe le règlement s’applique à l’échelle du terrain d’assiette de l’opération, objet du permis de construire.

La situation à prendre en compte est donc, sauf disposition contraire au PLUI, celle du terrain d’assiette au moment de l'instruction de la demande. Aussi, faute d’envisager, au titre de la compensation, la replantation d’un nombre d’arbres équivalent sur le terrain d’assiette de l’opération, l’autorisation querellée méconnaît les dispositions du règlement du PLUI.

Si le raisonnement juridique de cette décision n’est pas critiquable, il se marie mal avec le projet de construction du centre nautique qui est non seulement un projet d’ouvrage olympique mais aussi un lot de la zone d’aménagement concerté.

En effet, si la séquence ERC est aujourd’hui intégrée dans les projets d’aménagement et peut conduire à une mutualisation des mesures de compensation pour un ou plusieurs maîtres d’ouvrage dans l’emprise d’aire de l’opération ou à proximité immédiate, le juge administratif raisonne ici en termes de projet pour censurer le permis de construire attaqué qui ne prévoit pas la replantation d’arbres en nombre équivalent sur le terrain d’assiette.

Il reste que, dans le cas des ZAC, les prescriptions qui ont trait aux espaces verts peuvent être imposées à l’échelle de l’opération d’ensemble, soit par le règlement du PLU (C. urb., art. L. 151-42 N° Lexbase : L2599KI4), soit par une orientation d’aménagement et de programme (C. urb., art. L.151-7-1 N° Lexbase : L9792LMM).

Ces adaptations permises par le règlement du PLU sont d’autant plus importantes qu’elles permettent une bonne adéquation des projets avec les objectifs fixés.

La décision de la cour administrative d’appel de Paris permet d'approfondir les réflexions sur la puissance des documents de planification urbaine et sur le rôle des élus dans la protection des arbres.

Au-delà des dispositions du règlement écrit, plusieurs outils peuvent être mobilisés pour contribuer à la préservation des éléments paysagers, notamment, l'identification des éléments du patrimoine non bâti à protéger ou encore le classement en espace boisé classé des arbres isolés.

Par ailleurs, cette affaire pourrait interroger sur l'articulation entre la compensation des atteintes à la biodiversité à l'échelle du projet global d'aménagement et celle à l'échelle de ses composantes ou encore sur l’actualisation de l’étude d’impact du projet global au stade de la mise en œuvre des composantes.

En l’espèce, le juge des référés n’a pas considéré que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 122-1 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L5478LT3), soulevé par les requérants, était en l’état de l’instruction de nature à faire naître un doute sérieux. Reste à voir, si au fond, approfondi, ce moyen pourrait perdurer.

 

[1] Par exemple : CE 5° et 6° ch.-r., 26 mai 2021, n° 436902 et n° 436904, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A92824SL).

[2] Par exemple : CE 3° et 5° s-s-r., 3 février 1978, n° 04469, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2062B7I) ; CE, 25 janvier 1993, n° 122112, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8028AMB) ; CE, 23 juillet 1993, n° 129391, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0350ANB).

newsid:479002

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.