Par décision rendue le 11 octobre 2012, la Cour européenne des droits de l'Homme condamne la France pour violation de l'article 4 de la Convention (
N° Lexbase : L4775AQW) au titre de l'obligation positive de l'Etat de mettre en place un cadre législatif et administratif permettant de lutter efficacement contre la servitude et le travail forcé. La France est ainsi condamnée à verser 30 000 euros à la victime en cause (CEDH, 11 octobre 2012, Req. 67724/09
N° Lexbase : A1529IU8). L'affaire concernait les allégations de servitude et de travail forcé ou obligatoire (travaux ménagers et domestiques non rémunérés chez leur oncle et tante) de deux soeurs burundaises orphelines de seize et dix ans. La Cour a notamment conclu que C.N. avait été soumise à un travail forcé ou obligatoire, ayant dû fournir, sous la menace d'un renvoi au Burundi, un travail tel qu'il aurait appelé une personne professionnelle rémunérée, après avoir pris le soin de préciser qu'un "travail forcé" se différencie des travaux liés à l'entraide familiale ou à la cohabitation, notamment selon la nature et le volume de l'activité en cause. La Cour a également estimé que C.N. avait été tenue en servitude. La servitude constitue un travail forcé ou obligatoire "aggravé" reposant sur l'impossibilité pour l'intéressé de changer sa condition. En l'occurrence, l'élément fondamental distinguant la servitude du travail forcé ou obligatoire est le sentiment des victimes que leur condition est immuable et que la situation n'est pas susceptible d'évoluer, ainsi en l'espèce la conviction de C.N. qu'elle ne pouvait pas s'émanciper de la tutelle de son oncle et sa tante sans se trouver en situation irrégulière, et l'absence d'espoir de pouvoir travailler à l'extérieur à défaut de formation professionnelle. La Cour a enfin considéré que la France avait failli aux obligations lui incombant au titre de l'article 4 de la Convention de lutter contre le travail forcé, après avoir estimé que, d'une part, les dispositions pertinentes du Code pénal et leur interprétation n'ont pas assuré une protection concrète et efficace de la victime, et que, d'autre part, la Cour de cassation n'a été saisie que du volet civil de l'affaire, en l'absence de pourvoi du procureur général à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel du 29 juin 2009.
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