Réf. : TJ Nanterre, 22 avril 2021, n° 18/01433 (N° Lexbase : A70474WW)
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par Marie Le Guerroué
le 01 Juillet 2021
► Manque à son obligation de compétence et de diligence l’avocat qui néglige de saisir, en temps utile soit avant l'expiration du délai de prescription, la juridiction compétente d'une instance interruptive au nom de sa cliente.
Faits et procédure. Une commune estimait avoir été privée d’une action en responsabilité décennale contre les sociétés en charge des travaux de restructuration de sa gare routière en raison de la faute commise par un cabinet d’avocat. Au soutien de ses prétentions, la commune expose que l’action en garantie décennale dont elle disposait à l’encontre de ses débiteurs s'est prescrite pendant l’exécution du mandat du cabinet. Elle considère que les défendeurs ont manqué à leur devoir de diligence en n'effectuant pas les démarches nécessaires à l'interruption du délai de prescription, alors même qu'ils avaient connaissance de l'existence d'erreurs commises lors de la conception et de l'exécution des travaux et de l'évaluation financière des travaux de réparation et de remise en état de la gare routière dès 2007, éléments qui auraient pu servir de fondement à l'introduction d'une action en justice.
Réponse du tribunal sur la faute des avocats. Le tribunal rappelle que, sous l'empire du droit positif en vigueur pendant le cours de l'expertise dont ils étaient chargés, les avocats tenus d'une obligation de compétence envers leur cliente quand bien même celle-ci disposerait d'un service juridique, fait qui ne décharge pas l'avocat, ne pouvaient ignorer que le délai pour agir en garantie décennale de la commune n'était pas, par principe, suspendu pendant les opérations d'expertise. Étant, en outre, relevé que, dès la réunion d'expertise du 22 mai 2007, l'expert avait désigné les erreurs commises au stade de la conception puis de l'exécution, et par ailleurs, obtenu de son sapiteur une évaluation financière des travaux de réparation et de remise en état de la gare communiquée aux parties dès le 20 août 2007, il appartenait aux défendeurs, a minima en vertu de leur devoir d'information et de conseil, d'informer la commune sur le cours du délai de prescription et la nécessité d'interrompre celui-ci par une assignation, et, plus sûrement compte tenu du périmètre du mandat confié et de l'absence de tout autre conseil pour l'assister, de délivrer eux-mêmes un acte interruptif de prescription. Dès lors, pour le tribunal, les avocats ont manqué à leur obligation de compétence et de diligence en négligeant de saisir, en temps utile soit avant l'expiration du délai de prescription, la juridiction compétente d'une instance interruptive au nom de leur cliente, et, à supposer le mandat confié restreint au suivi de l'expertise, les défendeurs ont failli à leur obligation de conseil en n'établissant pas avoir averti la commune de la nécessité de saisir, en temps utile, un autre conseil pour engager une action dans le délai.
Le tribunal déclare recevable l'action en responsabilité à l'encontre des avocats.
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