Lexbase Fiscal n°867 du 3 juin 2021 : Fiscalité financière

[Focus] Un tour d’Europe en 80 cryptos

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par Sarah Maubert Mendez - Avocate au Barreau de Aix-en-Provence et Alex Ajroud Chetioui - Avocat au Barreau de Bastia

le 03 Juin 2021


Face à l’émergence des cryptomonnaies, les décideurs publics européens n’ont eu d’autre choix que de prendre position pour réglementer ces nouveaux actifs dépourvus de définition uniforme. Les différents droits nationaux ont eux aussi dû réagir face aux problématiques posées par ces nouveaux actifs : l’anonymisation des transactions, les difficultés de valorisation, l’évaluation constante de la technologie qui les permet et l’explosion de leur utilisation par les particuliers.

Toutefois, face à une problématique pourtant commune, les différents pays européens n’ont pas adopté d’approche uniforme. Il en résulte ainsi une diversité de règles fiscales que nous nous proposons ici de présenter.


 

Différentes approches sont utilisées par les décideurs publics européens pour classer les cryptoactifs selon les fonctions qu’ils remplissent.

Les cryptoactifs peuvent donc être considérés comme des :

  • actifs incorporels (Espagne, France, Luxembourg, République Tchèque, Suisse, Royaume-Uni),
  • matières premières ou instruments financiers (Croatie, Danemark, Slovaquie)
  • monnaies fiduciaires étrangères (Belgique, Italie, Pologne),
  • représentations numériques de valeurs (Allemagne).

La catégorie des actifs incorporels reste la plus répandue. Cette préférence s’explique notamment car elle permet de pallier l’absence de régimes fiscaux spécifiques en appliquant aux cryptoactifs les régimes existants.

Il faudra se pencher ci-après sur la manière dont les législations européennes traitent deux situations distinctes de la vie des cryptoactifs : d’une part leur création (1) et d’autre part leur cession (2).

1. Création et « minage »

Au cours de l’existence du cryptoactif, certains pays européens considèrent que le premier fait générateur de l’impôt se trouve être la création du cryptoactif.

Pour rappel, les monnaies virtuelles peuvent être créées de différentes manières, par un processus dit du « minage », où le cryptoactif est attribué au mineur en tant que « récompense », par distributions gratuites initiales, également appelées « airdrops », ou encore par offres initiales de jetons (ou « initial coin offering », soit « ICO »).

À ce jour, les législations européennes traitent surtout des processus de minage. L’imposition du minage au niveau européen peut être divisée en trois catégories d’approches.

La plupart des pays européens considèrent que l’activité de minage constitue un premier fait générateur dans la vie du cryptoactif, et que l’acquisition de nouveaux jetons obtenus par minage déclenche l’imposition. À titre d’exemple, la Finlande considère plus précisément que les revenus issus du minage constituent des revenus traités comme des gains. Les autres pays partageant cette vision sont l’Autriche, la Croatie, l’Estonie, la Finlande, le Luxembourg, la Slovénie et le Royaume-Uni.

Certains autres pays ont choisi de distinguer selon que l’activité de minage est opérée de manière habituelle ou non par le mineur. Si le mineur agit comme un particulier, l’imposition n’est pas déclenchée. C’est notamment l’approche retenue par l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et la Suisse. Dans ce dernier pays notamment, les plus-values réalisées par les particuliers suite aux activités de minage ne sont pas imposables si le particulier agit dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé. Dans le cas contraire, les gains feront l’objet d’une imposition.

Enfin, certains pays européens considèrent que l’activité de minage ne constitue pas le fait générateur d’une imposition. C’est notamment le cas de la République Tchèque, du Danemark, de l’Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne ou encore de la Slovaquie. Dans ces pays, le premier fait générateur d’une imposition dans la vie du cryptoactif est constitué par la cession – au sens large – du cryptoactif.

Ces derniers pays attendent donc la cession du cryptoactif pour déclencher l’imposition. Cette dernière sera le plus fréquemment traitée de manière identique aux autres gains en capital réalisés par les individus en l’absence de réglementation spécifique.

2. Cessions

Les cessions des cryptoactifs englobent en réalité trois types de transactions : d’une part les échanges contre des monnaies fiduciaires, d’autre part les échanges contre des monnaies virtuelles ou autres crypto actifs, et enfin les échanges contre des biens ou des services.

Les pays européens ne considèrent pas tous que ces trois types d’échanges puissent constituer des faits générateurs d’une imposition.

Un nombre très restreint de pays considère même que les échanges réalisés par les particuliers ne constituent pas de fait générateur, quel que soit l’échange. Il s’agit du Portugal, qui considère notamment que les gains réalisés ne répondent pas aux définitions existantes, ou encore de la Suisse, qui assimile les opérations d’échanges à des paiements privés, de l’Italie, pour qui les transactions entre particuliers ne sont pas imposables, et enfin des Pays-Bas, qui applique aux cryptoactifs le régime prévu en matière d’épargne et d’investissements.

Ces quatre pays mis à part, la grande majorité considère que tous les échanges entraînent une imposition. Certains pays choisissent pourtant de ne pas déclencher l’imposition lorsque les échanges sont réalisés contre d’autres monnaies virtuelles ou cryptoactifs, essentiellement pour des problématiques de valorisation, et préfèrent alors différer l’imposition au moment où la plus-value est versée au bénéficiaire en monnaie traditionnelle. C’est notamment la position retenue par la France, la Lettonie et la Pologne.

Une fois l’opération entrant dans le champ d’application du droit fiscal interne, de nouvelles différences de traitement peuvent être relevées.

Certains pays considèrent que si l’opération entre dans le champ d’application de l’impôt sur le revenu ou sur les gains en capital, le taux appliqué reste de 0 %, sauf à ce que le volume d’opérations réalisées dépasse un certain seuil. Cette approche est notamment retenue par la Belgique, la Bulgarie, l’Allemagne, l’Irlande, la Lituanie ou encore le Luxembourg.

D’autres pays ont, à l’inverse, choisi de durcir le ton et d’adopter une attitude presque défiante face aux cryptoactifs. C’est notamment l’approche retenue par les pays baltiques, la Finlande, la Norvège et la Suède, qui taxent les gains à des taux de 30 %, mais également de la France, qui applique un taux de 30 % aux plus-values déclenchant le fait générateur de l’imposition.

Certains pays adoptent enfin une position d’entre-deux, en retenant des taux plus faibles, mais en choisissant tout de même de taxer les opérations. C’est le cas notamment de la Croatie, la Grèce, la Lettonie, la Pologne, la République Tchèque ou encore la Roumanie (dont les taux d’imposition oscillent entre 10 et 18 %).

L’Allemagne, de son côté, adopte une position intermédiaire, en conditionnant l’exonération d’imposition à une durée de détention du cryptoactif supérieure à 365 jours.

Nous pouvons donc constater une certaine disparité entre les différents pays européens dans le traitement fiscal appliqué aux gains réalisés sur les cessions de cryptomonnaies. Les différentes législations nous permettent de percevoir la politique fiscale du pays en ce qui concerne les cryptoactifs, dont l’uniformisation au niveau européen ne semble pas être d’actualité.

Les pays européens, crypto-friendly (en vert et bleu) or not (en rouge).

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