Lexbase Fiscal n°867 du 3 juin 2021 : Fiscalité financière

[Focus] Tokens et NFT : Variations sur le thème des cryptoactifs

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par Benjamin Guion - Avocat au Barreau de Marseille et Alex Ajroud Chetioui - Avocat au Barreau de Bastia

le 02 Juin 2021


La rapidité à laquelle évoluent les cryptoactifs, comme celle à laquelle se créent de nouveaux actifs numériques est probablement sans précédent dans l’histoire moderne. En quelques années, les cryptomonnaies, dont le Bitcoin et l’Ethereum sont les principaux chefs de file, ont atteint des valeurs importantes à raison d’une croissance exponentielle, et extrêmement rapide.

Mais les actifs numériques ne se cantonnent pas aux cryptomonnaies, et de nouveaux actifs ont fait leur apparition. Ces derniers, tels que les Jetons Valeurs, les Jetons Utilitaires ou encore les Non Fungible Tokens (NFT), ont ouvert encore plus le champ des possibles de la spéculation sur actifs numériques. Mais ces nouveaux actifs font de nouveau place à des interrogations sur leur qualification juridique (1) et, par là même, sur le traitement fiscal à appliquer aux gains réalisés sur la cession de tels actifs (2).


 

1. La qualification juridique des Tokens et des NFT

En premier lieu, il convient de préciser que ce que l’on qualifie au sens large de « Tokens », est tout simplement un actif numérique échangeable sur une blockchain. Cette dernière est elle-même définie, selon un rapport de la mission d’information commune de l’Assemblée nationale sur les usages des chaînes de blocs et autres technologies de certification de registre, daté de 2018, comme étant « un registre, une grande base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs, tous également détenteurs de ce registre, et qui ont également tous la capacité d’y inscrire des données, selon des règles spécifiques fixées par un protocole informatique très bien sécurisé grâce à la cryptographie ».

Le schéma suivant, proposé dans ce rapport, paraît pertinent :

 

Un token peut donc être créé de différentes manières, reprises dans le rapport de l’OCDE sur la fiscalité des monnaies virtuelles :

  • par Airdrop : distribution de jetons gratuitement, dans le but de faire connaître ces derniers et d’en accroître la liquidité ;
  • par Initial Token Offering (ITO) : émission d’un nouveau jeton, en échange d’une monnaie virtuelle existante ou d’une monnaie ayant cours légal. Ces opérations semblent néanmoins être sur le déclin depuis 2019, celui-ci pouvant s’expliquer par la régularisation grandissante, et nécessaire, du marché, et par la difficulté à faire concurrence à des cryptomonnaies bien établies telles que le Bitcoin ou l’Ethereum ;
  • par Minage : le « mineur » est la personne qui va entreprendre des processus informatiques complexes afin de créer de nouveaux blocs sur une blockchain. Le mineur percevra en contrepartie de sa « preuve de travail » une récompense de minage, sous forme soit de nouveaux jetons, soit par des frais de transaction de protocoles ;
  • par Forgeage : il s’agit d’un processus de vérification des transactions fondé sur le même principe que le minage.

Ces jetons, une fois créés, sont uniques et non falsifiables. Ils peuvent ainsi être échangés entre les différents opérateurs, soit en contrepartie d’un actif numérique, soit en contrepartie de monnaie virtuelle. Chaque opérateur peut stocker ses actifs numériques dans un portefeuille, appelé Wallet, également numérique.

Ces opérations d’échanges, en ce qu’elles sont susceptibles d’engendrer des gains, seront bien évidemment soumises à taxation dans le pays de domiciliation du contribuable en application de la législation fiscale interne en vigueur.

Néanmoins, le traitement fiscal français dépendra essentiellement de la qualification juridique de ces jetons.

L’article L. 552-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7517LQH) définit ainsi les jetons comme étant « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien ».

L’article 86 de la loi Pacte a également crée un article L. 54-10-1 dans le même Code, en ajoutant à cette définition celle plus large de « Toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».

La question de la qualification juridique pourrait toutefois se poser quant à la nature des NFT, jetons non fongibles, qui peuvent concerner une forme d’objet numérique artistique : une image, une vidéo ou encore un son. De plus, l’acquéreur d’un NFT se voit remettre un certificat établissant sa propriété sur l’objet sur la blockchain. Or, les échanges de NFT se sont développés en 2019 et en 2020, pour prendre un envol exponentiel en 2021, avec davantage de Airdrops.

Néanmoins, force est de constater que l’état du droit en matière d’actif numérique est mouvant et s’adapte aux apparitions d’actifs nouveaux. Pour l’heure, il convient donc de considérer les jetons et les NFT comme des biens incorporels représentant un ou plusieurs droits susceptibles d’être conservés ou échangés.

Cette qualification pourra toutefois être amenée à évoluer, et une question au Gouvernement n° 22200 a été posée par M. Jérôme Bascher (JO Sénat du 15 avril 2021) au sujet précisément de la fiscalité des NFT. La réponse à cette question à venir sera à surveiller avec attention.

2. Traitement fiscal des cessions de Tokens et des NFT

La qualification juridique des tokens et des NFT est fondamentale pour déterminer le traitement fiscal à appliquer aux gains de cessions de ces actifs numériques. Néanmoins, du fait du caractère spécifique et de la forme de ces actifs, le législateur a entendu créer un article dédié au sein du Code général des impôts, l’article 150 VH bis (N° Lexbase : L9043LQY), qui entend traiter de manière uniforme la fiscalité des gains sur cessions d’actifs numériques réalisées par une personne physique à titre occasionnel.

Comme mentionné dans les précédents articles, cet article vise de manière générale les « actifs numériques », sans précision particulière quant à la catégorie d’articles. De plus, il renvoie expressément à l’article L. 54-10-1 du CMF mentionné ci-dessus, lui-même renvoyant à l’article L. 522-2 du même Code.

Dès lors, il peut en être déduit que les tokens et les NFT, qui entrent dans la catégorie des actifs numériques, entrent dans le champ d’application de cet article. Le fait générateur de l’imposition est l’échange de l’actif numérique contre une monnaie ayant cours légal, un bien, un service, ou un autre actif numérique avec soulte. Les plus-values réalisées sont donc calculées selon la méthode de calcul décrite dans l’article, qui prend en compte la valeur globale du portefeuille et le montant d’acquisition du cryptoactif.
Les gains réalisés par la personne physique agissant directement ou par personne interposée relevant des articles 8 et suivants du CGI (N° Lexbase : L1176ITQ), à titre occasionnel sont donc imposés à l’impôt sur le revenu au taux de 12,8 %, auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 17,2 %. Les moins-values éventuelles s’imputent sur les plus-values brutes de même nature réalisées au cours de la même année. Elles ne sont donc pas reportables.

En revanche, les gains réalisés par des personnes, ou par extension des personnes morales, à titre professionnel, les gains réalisés sont imposés selon les règles applicables aux BIC.
En revanche, l’activité de minage évoquée ci-dessus demeure imposable dans la catégorie des BNC.

Ces dernières règles s’appliquent aussi bien aux émetteurs de jetons qu’aux investisseurs. Précisons également que les émetteurs de jetons peuvent également en sus être soumis à TVA si tant est qu’il existe un lien entre le service rendu ou le bien acquis et la contre-valeur reçue. Cela revient donc à démontrer, selon une jurisprudence constante, que l’opération en cause procure un avantage à la personne destinataire de l’émission de l’actif numérique, et que le prix payé est en lien avec ledit avantage.

Comme il peut l’être constaté, l’évolution très rapide des actifs numériques, susceptible d’évoluer encore plus, du fait de la volatilité de ces actifs, aussi bien à la hausse qu’à la baisse, implique un traitement fiscal adapté et réagissant rapidement. Émetteurs de jetons, investisseurs aussi bien professionnels que particuliers à titre occasionnel, la simplicité d’accès du marché des actifs numériques favorise les échanges, qui s’opèrent aujourd’hui à d’importants volumes. Mais il convient alors de garder à l’esprit que tous les gains sont taxables, et ce d’autant plus qu’au vu de la pluralité des acteurs, le droit fiscal dans son ensemble est mobilisé.

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