La lettre juridique n°494 du 19 juillet 2012 : Urbanisme

[Jurisprudence] De la nécessité d'un permis de construire pour l'implantation d'une antenne relais

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 20 juin 2012, n° 344646 (N° Lexbase : A9101IQ7)

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par Vincent Corneloup, docteur en droit, avocat associé, spécialiste en droit public, DSC Avocats

le 19 Juillet 2012

En quelques mois, de nombreuses décisions du Conseil d'Etat et du Tribunal des conflits sont intervenues à propos de l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile. En effet, ces dernières donnent lieu à un contentieux de plus en plus important, symptôme de l'inquiétude croissante de la population quant aux risques éventuels causés par ces installations sur le plan sanitaire. Dans trois arrêts d'Assemblée du 26 octobre 2011 (CE Ass., 26 octobre 2011, publiés au recueil Lebon, n° 326492 N° Lexbase : A0172HZE, n° 329904 N° Lexbase : A0173HZG, et n° 341767 N° Lexbase : A0174HZH), le Conseil d'Etat a posé le principe selon lequel le maire est incompétent pour réglementer de manière générale l'implantation des antennes relais sur le territoire de sa commune au nom du principe de précaution. C'est, en effet, au ministre chargé des Communications électroniques, à l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) et à l'Agence nationale des fréquences (ANFR), qu'il revient de déterminer les modalités d'implantation des stations radioélectriques, ainsi que les mesures de protection contre les effets des ondes émises. Par deux arrêts du 30 janvier 2012 (CE 2° et 7° s-s-r., 30 janvier 2012, deux arrêts, publiés au recueil Lebon, n° 344992 N° Lexbase : A6872IB7 et n° 344993 N° Lexbase : A6873IB8), le Conseil d'Etat a ensuite jugé qu'il est impossible de refuser la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en se fondant sur le principe de précaution (étant rappelé qu'en application de l'arrêt CE 2° et 7° s-s-r., 19 juillet 2010, n° 328687, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9950E4B, "Association du quartier les Hauts de Choiseul", le principe de précaution doit obligatoirement être pris en compte lors de la délivrance d'une autorisation d'urbanisme) si aucun élément circonstancié ne fait apparaître "en l'état des connaissances scientifiques, des risques même incertains de nature à justifier un tel refus". Pour sa part, le Tribunal des conflits, dans plusieurs arrêts en date du 14 mai 2012 (T. confl., 14 mai 2012, n° 3844 N° Lexbase : A7290ILL, n° 3846 N° Lexbase : A7291ILM, n° 3848 N° Lexbase : A7292ILN, n° 3850 (N° Lexbase : A7293ILP, n° 3852 N° Lexbase : A7295ILR, et n° 3854 N° Lexbase : A7296ILS) a dit que seul le juge administratif est compétent pour connaître d'une action tendant à obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou les déplacements d'une antenne relais, régulièrement autorisée, au motif que son fonctionnement peut compromettre la santé des personnes ou provoquer des brouillages.

L'ensemble de ces décisions de principe constitue d'importantes restrictions à l'application du principe de précaution en la matière, puisque le maire ne peut pas utiliser son pouvoir de police générale afin de faire respecter ce principe (arrêts du 26 octobre 2011 précités), et ne peut refuser la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en application de ce principe qu'en présence "d'éléments circonstanciés" (arrêts du 30 janvier 2012). Enfin, seul le juge administratif peut connaître des demandes de riverains tendant notamment à l'arrêt de l'émission ou à l'enlèvement de l'antenne relais pour des risques éventuels en matière de santé. Or, à ce jour, si à plusieurs reprises des juges judiciaires ont appliqué le principe de précaution en matière d'émission d'ondes par les réseaux de téléphonie mobile (CA Montpellier, 5ème ch., Sect. A, 15 septembre 2011, n° 10/04612 N° Lexbase : A9933HX8), jamais un juge administratif n'a encore adopté la même position. La compétence des juridictions administratives paraît donc devoir entraîner au minimum une limitation des cas dans lesquels le principe de précaution sera appliqué à propos des antennes relais.

L'arrêt ici commenté, rendu par le Conseil d'Etat le 20 juin 2012, ne va pas, cette fois-ci, dans le sens des opérateurs de téléphonie mobile, puisqu'il pose l'exigence de l'obtention d'un permis de construire et non d'une seule décision de non-opposition à déclaration préalable pour l'implantation d'une antenne relais "dont la hauteur est supérieure à 12 mètres et dont les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement entraînent la création d'une surface hors oeuvre brut de plus de 2 m²". Il s'agit là d'une prise de position du Conseil d'Etat attendue (I) à propos de la construction des antennes relais, mais qui peut paraître moins fondamentale que celles spécifiques au principe de précaution. Pourtant, les conséquences de cet arrêt du 20 juin 2012 sont loin d'être négligeables (II).

I - Une prise de position attendue

Depuis plusieurs années, un débat faisait rage, notamment devant les tribunaux administratifs pour savoir si un permis de construire est nécessaire pour l'implantation de la plupart des antennes relais qui ont une hauteur supérieure à 12 mètres et qui entraînent la construction d'une dalle de plus de 2 m² sur laquelle sont placées les installations techniques nécessaires au fonctionnement de ladite antenne.

Certains tribunaux administratifs, comme celui de Nîmes dans l'affaire soumise au Conseil d'Etat (TA Nîmes, 1er octobre 2010, n° 0902293 N° Lexbase : A7497IQQ), estimaient qu'une décision de non opposition à déclaration préalable était suffisante. Ainsi, selon les juges nîmois, "il ressort des pièces du dossier que la décision en litige autorise la réalisation d'un pylône arbre de type cyprès de moins de 2 m² de SHOB ainsi que l'installation d'armoires techniques sur une dalle béton de 10,5 m² clôturée [...] à supposer même que la fondation de l'arbre pylône, d'une superficie de 9 m², excèderait le niveau naturel du sol et devrait être regardée comme une dalle d'accès constitutive de SHOB [surface hors oeuvre brute], la surface cumulée de cette dalle d'accès au pylône et de la dalle supportant les ouvrages techniques demeurent inférieures à 20 m² [...] les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que les constructions autorisées par l'arrêté en litige relevaient dans leur ensemble du régime des permis de construire".

Selon ces juges, il convenait donc de distinguer, alors même qu'il n'y avait qu'une seule demande d'autorisation, la construction du pylône en lui-même de la construction des armoires techniques liées à ce pylône, ce qui les avait conduit à ne pas appliquer l'article R. 421-9 a) du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7457HZ9) imposant un permis de construire pour toute construction d'une hauteur supérieure à 12 mètres et créant une SHOB supérieure à 2 m². Ainsi, en l'espèce, ils avaient considéré que les 19,5 m² de SHOB ne devait pas être prise en compte en combinaison avec la hauteur de l'antenne, comme s'il y avait, d'un côté une antenne, et de l'autre des dalles de béton, sans lien entre les deux. Toutefois, de nombreuses prises de position contraires avaient progressivement vu le jour, notamment de la part de tribunaux administratifs. Ainsi, dès 2009, le tribunal administratif de Rouen, dès 2009 (TA Rouen, 23 juillet 2009, n° 0801565) a exigé un permis de construire pour l'implantation d'une antenne relais d'une hauteur supérieure à 12 mètres et de plus de 2 m² de SHOB.

Cette position a ensuite été reprise et précisée par le tribunal administratif de Dijon dans un jugement du 7 octobre 2010 (TA Dijon, 7 octobre 2010, n° 0802863 N° Lexbase : A8009GCM). Les juges dijonnais avaient indiqué que, dans l'espèce qui leur était soumise, un permis de construire s'imposait non seulement parce que l'antenne était supérieure à 12 mètres et reposait sur une dalle créant plus de 2 m² de SHOB mais, également, parce que les infrastructures techniques étaient elles-mêmes implantées sur une dalle d'une superficie de 19 m² de SHOB et qu'elles étaient indissociables de l'antenne.

C'est cette dernière position que le Conseil d'Etat a consacré dans son arrêt commenté en date du 20 juin 2012 : "il résulte de la combinaison des dispositions qui précèdent [C. urba, art. R. 421-1 (N° Lexbase : L7449HZW) et suivants et art. R. 112-2 (N° Lexbase : L5258HN3)] que les antennes relais de téléphonie mobile dont la hauteur est supérieure à 12 mètres et dont les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement entraînent la création d'une surface hors oeuvre brut de plus de 2 m² n'entrent pas, dès lors qu'elles constituent entre elles un ensemble fonctionnel indissociable, dans le champ des exceptions prévues au a et au c de l'article R 421-9 du Code de l'urbanisme et doivent faire l'objet d'un permis de construire en vertu des articles L. 421-1 (N° Lexbase : L3419HZN) et R. 421-1 (N° Lexbase : L7449HZW) du même code".

Ce qui signifie que, de manière désormais certaine, un permis de construire est nécessaire si l'antenne relais est d'une hauteur supérieure à 12 mètres et qu'une surface hors oeuvre brute de plus de 2 m² est créée, cette SHOB pouvant provenir de la dalle servant de fondation au pylône et/ou de la dalle portant les installations techniques qui constituent "un ensemble fonctionnel indissociable" avec l'antenne, cette dernière ne pouvant fonctionner sans les installations techniques. Cette décision doit être louée en ce qu'elle était la seule cohérente avec les dispositions du Code de l'urbanisme. En effet, alors même qu'une seule autorisation d'urbanisme était demandée, l'on ne voit pas à quel titre il aurait fallu dissocier l'implantation des installations techniques de l'implantation de l'antenne relais, comme le tribunal administratif de Nîmes avait cru pouvoir le juger. Cet arrêt du Conseil d'Etat va entraîner des conséquences loin d'être négligeables.

II - Une prise de position aux conséquences non négligeables

Il convient, tout d'abord, d'indiquer que la réforme des autorisations d'urbanisme qui est entrée en vigueur le 1er mars 2012 (ordonnance n° 2011-1539 du 16 novembre 2011, relative à la définition des surfaces de plancher prises en compte dans le droit de l'urbanisme N° Lexbase : L2512IRH, et décret n° 2011-2054 du 31 décembre 2011 N° Lexbase : L5063IRX) ne remet pas en cause l'application de cette nouvelle jurisprudence. En effet, depuis le 1er mars 2011, c'est la notion de surface de plancher qui est substituée à celles de surface hors oeuvre brute et de surface hors oeuvre nette (SHON), une nouvelle notion d'"emprise au sol" ayant, par ailleurs, été créée.

En application du nouvel article R. 112-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L5258HN3), la surface de plancher de la construction "est égale à la somme des surfaces de plancher de chaque niveau clos et couvert, calculée à partir du nu intérieur des façades [...]". Quant à l'emprise au sol, elle est "la projection verticale du volume de la construction, tout débord et surplomb inclus" (C. urba, art. R. 420-1 N° Lexbase : L5975IRQ). Il faut également préciser que, depuis le 1er mars 2012, le seuil de 2 m² visé jusqu'à maintenant lorsque la construction est d'une hauteur supérieure à 12 mètres, a été porté à 5 m².

Désormais, un permis de construire est donc nécessaire en application de l'article R. 421-9 a) du Code de l'urbanisme pour les constructions dont la hauteur au dessus du sol est supérieure à 12 m² avec une emprise au sol supérieure à 5 m² ou avec une surface de plancher également supérieure à 5 m². En application de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 20 juin 2012, une antenne relais d'une hauteur supérieure à 12 m² créant une emprise au sol supérieure à 5 m² (l'on imagine mal la création d'une surface de plancher) doit donc obligatoirement faire l'objet d'un permis de construire.

Ensuite, en conséquence de cet arrêt, les autorités chargées de la délivrance de l'autorisation d'implanter une antenne relais devraient procéder à une instruction plus poussée des dossiers présentés par les opérateurs. En effet, lorsque c'est un simple dossier de déclaration préalable qui est présenté, il est patent que l'instruction est souvent assez rapide, les autorités publiques étant persuadées qu'un projet présenté dans le cadre d'une déclaration préalable est nécessairement de faible importance et peut donc faire l'objet d'une analyse assez superficielle. Bien évidemment, ce n'est nullement le cas dans le cadre d'un permis de construire, la contenance du dossier leur permettant au demeurant un bien meilleur contrôle.

C'est une autre conséquence qui peut être tirée de cet arrêt : désormais, les opérateurs devront présenter un dossier beaucoup plus fourni et beaucoup plus volumineux (voir les articles R. 431-4 N° Lexbase : L2035IS8 et suivants du Code de l'urbanisme), s'accompagnant d'un délai d'instruction nécessairement plus long (un mois pour les déclarations préalables, au moins deux mois pour les permis de construire). Les opérateurs devront donc soigner leur dossier et se verront opposer des délais d'instruction plus élevés, ce qui enlèvera une certaine souplesse dans l'implantation des antennes relais. Par ailleurs, le contentieux de ces antennes sur le plan du droit de l'urbanisme, déjà volumineux, devrait encore logiquement prospérer puisqu'un permis de construire offre davantage prise à des moyens d'annulation qu'un simple dossier de déclaration préalable. Les exigences sont beaucoup plus nombreuses et, par voie de conséquence, le risque d'illégalité l'est également.

Enfin, une décision de non opposition à déclaration préalable ne peut pas faire l'objet d'un retrait, en application de l'article L. 424-5 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3443HZK). Or, fréquemment, c'est sous la pression des riverains de la potentielle future antenne relais que les maires s'aperçoivent que la décision de non opposition à la déclaration préalable, le plus souvent tacite, est irrégulière, par exemple parce qu'une disposition du plan local d'urbanisme n'a pas été respectée. Face à un tel constat, l'autorité compétente ne pouvait pas retirer la décision de non opposition et sauf si un recours contentieux était engagé, la décision, bien qu'irrégulière, devenait définitive.

Lorsqu'un permis de construire sera accordé, la situation sera totalement différente puisque l'autorité qui aura accordé ce permis pourra, dans un délai de quatre mois, en application de la jurisprudence "Ternon" (CE, Ass., 26 octobre 2001, n° 197018, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1913AX7), retirer le permis de construire en cause s'il est vicié d'une ou de plusieurs irrégularités. Les opérateurs de téléphonie mobile ne peuvent décidément pas se réjouir de cet arrêt rendu par le Conseil d'Etat.

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