La lettre juridique n°494 du 19 juillet 2012 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Chronique] Chronique de TVA - Juillet 2012

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par Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne

le 19 Juillet 2012

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de TVA. Ce mois-ci, notre auteur a choisi de s'arrêter sur deux arrêts rendus par la Cour de justice de l'Union européenne et sur un avis motivé de la Commission parvenu à la France, tous rendus le 21 juin 2012. Dans le premier arrêt commenté, le juge de l'Union européenne protège le droit à la déduction de la TVA, élément essentiel du système mis en place au niveau communautaire. Ainsi, ce droit à déduction appartient au contribuable sauf s'il se rend coupable de fraude (CJUE, 21 juin 2012, aff. jointes C-80/11 et C-142/11). La seconde décision porte sur la nature du délai accordé aux entreprises étrangères par la législation de l'Union européenne pour déposer leur demande de remboursement de TVA : délai impératif ou indicatif ? (CJUE, 21 juin 2012, aff. C-294/11). Enfin, dans un avis motivé, la Commission européenne pointe du doigt le régime de TVA appliqué aux soins à domicile, que la France a étendu, en violation du droit de l'Union, aux "services à la personne". Cet avis est particulièrement intéressant car, outre qu'il implique un rappel sur le recours de constatation de manquement, il permet aussi de considérer la politique française en matière de TVA sous l'angle communautaire (Avis motivé de la Commission européenne du 21 juin 2012).
  • Le droit à déduction de la TVA en cas d'irrégularités dans la facturation ne peut être refusé que si l'assujetti savait ou aurait dû savoir que l'opération invoquée était frauduleuse (CJUE, 21 juin 2012, aff. jointes C-80/11 et C-142/11 N° Lexbase : A3117IP7)

Par une ordonnance du président de la CJUE en date du 15 juin 2011, les deux litiges commentés ayant le même objet, il a été décidé de les joindre. En effet, les deux affaires portent sur les mêmes dispositions du droit hongrois, la question préjudicielle ayant pour but de savoir si elles sont ou non conformes au droit communautaire.

Dans l'affaire C-80/11, il s'agit de livraisons de grumes d'acacia qui ont eu lieu entre le 1er juin et le 31 décembre 2007. Le fournisseur a délivré une série de factures en conséquence. L'entreprise cliente a pris en compte ces factures lors de l'établissement de sa déclaration fiscale et a exercé son droit à déduction. A la suite d'un contrôle par l'administration des achats et livraisons effectués par le fournisseur, elle en a déduit qu'il ne disposait pas des stocks suffisants pour honorer les commandes de sa cliente. En conséquence, l'administration fiscale a décidé que cette dernière avait une dette fiscale et l'a sanctionné par une amende et des pénalités de retard. La société a fait une réclamation, à l'encontre de la décision de l'administration hongroise, qui a été rejetée. Ensuite, elle s'est adressée au juge en faisant valoir qu'elle avait pris toutes les précautions nécessaires et que ne pouvait donc lui être refusé l'exercice du droit à déduction. La juridiction hongroise a décidé de surseoir et poser à la CJUE plusieurs questions préjudicielles.

De même, dans l'affaire C-142/11, les questions préjudicielles sont identiques, bien que les faits concernent deux opérations qui sont des prestations de services. S'agissant de la première opération en cause, un prestataire a réalisé différents travaux de construction. A la fin de ces travaux, le mandataire du maître de l'ouvrage a délivré un certificat d'achèvement des travaux. Au cours de différents contrôles fiscaux, il s'est avéré qu'il n'était pas possible de savoir "à suffisance de droit quel entrepreneur avait réalisé les travaux et par quelle entreprise étaient employés les ouvriers" (1). Pour la seconde opération litigieuse, le prestataire s'était engagé à réaliser des travaux, ce qu'il a fait en recourant à un sous-traitant. Ce dernier était en liquidation lors du contrôle fiscal, il n'a pas été possible d'entrer en contact avec l'ancien représentant, ni d'obtenir les documents nécessaires. L'administration fiscale a remis en cause la réalité des éléments énoncés dans la facture émise par le sous-traitant. Au final, elle n'a pas admis le droit à déduction pour ces deux opérations. Le prestataire a formé un recours devant le juge de l'impôt hongrois en soutenant qu'il avait pris les précautions nécessaires.
Au point de vue du droit applicable, la Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, relative au système commun de TVA (N° Lexbase : L7664HTZ) n'a pas modifié le droit antérieurement applicable, et donc la solution dégagée par cette décision est toujours d'actualité. La principale question porte sur les articles 167, 168 sous a), 178 sous a), 220 point 1 et 226 de cette Directive, à savoir s'ils doivent être interprétés dans le sens "où ils s'opposent à une pratique nationale en vertu de laquelle l'autorité fiscale refuse à un assujetti le droit de déduire le montant de la TVA [...] au motif que l'émetteur de la facture a commis des irrégularités, sans que cette autorité établisse que l'assujetti concerné avait connaissance dudit comportement irrégulier ou qu'il y a lui-même contribué" (2).

La CJUE rappelle que le droit à déduction est un élément essentiel qui doit garantir le principe de la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques (3). Ainsi, elle accueille de manière relativement restrictive les limites qui peuvent être apportées au droit à déduction. Mais, dans un second temps, elle indique aussi que ce principe de neutralité doit se concilier avec d'autres objectifs de la Directive 2006/112, qui sont la lutte contre la fraude fiscale, l'évasion fiscale et les éventuels abus. Il a été déjà jugé que, lorsqu'il est établi, par des éléments objectifs, que l'assujetti savait ou aurait dû savoir qu'il participait à une fraude à la TVA, la juridiction nationale doit lui refuser le bénéfice du droit à déduction (4).

Les opérations en cause dans l'affaire C-80/11 ont donné lieu à différentes factures qui comportent les informations exigées par la Directive 2006/112 "de sorte que les conditions matérielles et formelles prévues par cette Directive pour la naissance et l'exercice du droit à déduction sont réunies" (5). Dès lors, la jurisprudence "Kittel" (6) ne trouve pas à s'appliquer car, ayant rempli les conditions exigées par le droit communautaire, refuser le droit à déduction aurait pour effet "l'instauration d'un système de responsabilité sans faute (lequel) irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits du Trésor public" (7). Il s'agit là d'une problématique relative à la charge de la preuve. En effet, c'est l'autorité fiscale qui doit établir les éléments objectifs qui permettent de conclure que l'assujetti savait ou aurait dû savoir que l'opération invoquée dans le cadre du droit à déduction était réalisée dans le cadre d'une fraude. De même, s'agissant de l'affaire C-142/11, le droit communautaire n'autorise pas une pratique nationale qui aurait pour effet de priver un assujetti du droit à déduction au motif que les émetteurs des factures ont commis des irrégularités, sans que l'autorité fiscale puisse établir, par des éléments objectifs, que leur destinataire savait ou aurait dû savoir que l'opération invoquée était impliquée dans une fraude à la TVA.

Dans l'affaire C-80/11, relative à des livraisons de biens, l'une des questions concernaient plus précisément le point de savoir quelle mesure pouvait exiger un Etat membre d'un opérateur pour s'assurer que l'opération à laquelle il prenait part ne faisait pas partie d'une fraude. Selon la Cour, ces mesures ne peuvent avoir pour effet de remettre "systématiquement en cause le droit à déduction" (8). Le droit hongrois énonce que l'opérateur doit avoir pris "toutes les précautions nécessaires". Pour la juridiction communautaire, il s'agit avant tout d'une question de fait, qui est étroitement liée aux éléments factuels de l'espèce. Pour autant, ces précautions nécessaires ne doivent pas aboutir à transférer "ses propres tâches de contrôle sur les assujettis" (9).

  • Remboursement de TVA aux entreprises étrangères : la 8ème Directive-TVA institue un délai de six mois, cette durée est impérative et non indicative (CJUE, 21 juin 2012, aff. C-294/11 N° Lexbase : A3112IPX)

La CJUE a posé le principe selon lequel un assujetti qui procède à des dépenses dans un autre Etat membre pour les besoins de ses opérations taxées (et des opérations exonérées) dans l'Etat d'établissement dispose d'un droit à remboursement (éventuellement partiel) dans l'autre Etat (10).

Dans l'espèce commentée, il s'agit de savoir dans quel délai peut être présentée cette demande de remboursement. Une société s'est vue refuser le remboursement de la TVA qu'elle avait payée sur la base de factures reçues de partenaires italiens durant l'année 1999. Cette demande de remboursement avait été présentée le 27 juillet 2000. Or, selon l'administration, cette demande était faite hors délai, car elle aurait dû être présentée au plus tard le 30 juin 2000. Les juges du fond italiens ont donné raison à l'assujetti à la TVA. L'administration a fait appel de cette décision, la juridiction d'appel a confirmé la décision de première instance. Enfin, l'administration fiscale s'est pourvue en cassation, et le juge de cassation a décidé de surseoir et d'adresser une question préjudicielle à la CJUE.

Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, premier alinéa de la Directive 79/1072/CEE du Conseil du 6 décembre 1979, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays (N° Lexbase : L9405AUU), pour bénéficier du remboursement, l'assujetti doit déposer une demande "au plus tard dans les six mois qui suivent l'expiration de l'année civile au cours de laquelle la taxe est devenue exigible", c'est-à-dire au plus tard le 30 juin de l'année qui suit celle concernée par la demande (11). Ce délai était inscrit dans le droit italien (12), et c'est sur ce fondement que l'administration fiscale avait établi son refus. La question était de savoir si ce délai était ou non un délai de forclusion ; en cas de réponse positive, cela entraînait la déchéance du droit au remboursement.

Avant de répondre au fond, la CJUE s'est prononcée sur la recevabilité de cette question préjudicielle. En effet, selon la société, le droit applicable afin de résoudre ce litige est interne, en conséquence, la CJUE serait incompétente. La Cour rappelle la présomption de pertinence, qui n'est écartée qu'à titre exceptionnel lorsque "l'interprétation sollicitée [...] n'a aucun rapport avec l'objet du litige" (13).

Sur le droit applicable, il est nécessaire de rappeler que cette Directive de 1979 a été supprimée depuis l'entrée en vigueur de la Directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008, définissant les modalités du remboursement de la TVA, prévu par la Directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'Etat membre du remboursement, mais dans un autre Etat membre (N° Lexbase : L8140H3U). Cependant, la Directive de 1979 reste applicable pour toutes les demandes déposées avant le 1er janvier 2010, ce qui est le cas en l'espèce.

Enfin, sur le fond, la CJUE développe trois arguments qui lui permettent de conclure que le délai de six mois est un délai de forclusion et qu'en conséquence la société était hors délai quant à la présentation de sa demande. Ainsi, le refus opposé par l'administration fiscale était justifié au regard du droit communautaire. Le premier argument est d'ordre linguistique. Certaines versions de la disposition laissent planer le doute quant à savoir si le délai en cause est indicatif ou de forclusion. Cependant, il ressort clairement de la lecture de l'annexe C, point B, de la Directive que l'interprétation qui doit prévaloir est le caractère impératif de ce délai. En matière de divergences quant au libellé d'un texte communautaire, la CJUE fait application d'une jurisprudence constante aux termes de laquelle "les diverses versions linguistiques d'un texte de l'UE doivent être interprétées de façon uniforme et, dès lors, en cas de divergences entre ces versions, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l'économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément" (14).

Le deuxième argument porte précisément sur la finalité de la règle, objet du litige. La CJUE rappelle que la Directive de 1979 avait notamment pour objectif "de mettre fin aux divergences entre les dispositions actuellement en vigueur dans les Etats membres" (15). Or, si le délai en cause n'était qu'un "délai d'ordre", c'est-à-dire non impératif, certaines conséquences seraient contraires à cet objectif. S'il s'agit d'un délai non impératif, les Etats membres ont le choix entre deux possibilités. D'une part, ils peuvent opter pour une législation nationale plus contraignante que le délai indiqué par le droit communautaire et cette législation pourrait varier d'un Etat à l'autre. Or, cette situation serait précisément contraire au but de la Directive, qui est de mettre fin aux divergences entre les dispositions nationales. D'autre part, les Etats pourraient choisir de ne pas imposer une disposition interne plus contraignante que le droit communautaire, ainsi la demande de remboursement ne serait soumise à aucun délai. Cette situation serait en contradiction avec le principe de sécurité juridique au terme duquel l'assujetti ne doit pas voir ses droits et obligations remis en cause de manière indéfinie.

Enfin, le troisième argument, qualifié de "surabondant", est tiré des différentes modifications législatives relatives à ce délai. La Directive de 2008 a prolongé ledit délai de trois mois, la Cour en déduit qu'il ne peut s'agir que d'un délai de forclusion, car, s'il avait la nature d'un délai d'ordre, sa prorogation n'aurait pas été utile. "La prolongation d'un délai n'étant généralement nécessaire que si son expiration engendre la déchéance du droit qui aurait dû être exercé avant que ce délai fut arrivé à son terme" (16). La CJUE applique le même raisonnement à la modification du délai par la Directive 2010/66 du 14 octobre 2010 (17), modification exceptionnelle afin de pallier les difficultés techniques en 2010 pour les demandes relatives à l'année 2009.

Cette décision ne vaut pas tant pour le cas particulier de l'espèce car la législation applicable a été supprimée. Cependant elle a un caractère plus général du fait de ce motif "surabondant" qui permet de dégager les principes qui doivent présider à l'interprétation de la nature du délai enfermant les demandes de remboursement de TVA, y compris pour les dispositions applicables à l'heure actuelle.
Enfin, on peut noter que, depuis le 1er janvier 2010, la procédure de demande de remboursement est soumise à de nouvelles modalités par application de la Directive 2008/9/CE du 12 février 2008. Ce texte a imposé aux Etats membres de créer une procédure dématérialisée de soumission de demande, de communiquer par voie électronique et d'accepter que les demandes soient déposées auprès de l'Etat d'établissement (18).

  • Application du taux réduit de TVA aux soins à domicile : violation par la France du droit de l'Union concernant certains "services à la personne" ? (Avis motivé de la Commission européenne du 21 juin 2012)

Bien que depuis quelques années, la Commission européenne fasse une utilisation de plus en plus systématique du recours en constatation de manquement (19) et, par conséquent, des avis motivés (20), étape indispensable de cette procédure, ces avis ne font pas nécessairement l'objet d'un commentaire. Par ailleurs, l'avis présentement commenté intéresse une mesure très récente de la fiscalité française quant à la mise en oeuvre d'un taux réduit de 7 % sur certains services à la personne.

Pour rappel, le recours en manquement (21) constitue une voie de droit originale qui accorde une place prépondérante à la Commission européenne en tant que gardienne de l'ordre juridique communautaire, ainsi qu'un très large pouvoir discrétionnaire quant aux diverses étapes de la mise en oeuvre de cette voie de recours. Le recours en manquement comprend deux phases : d'une part, l'étape précontentieuse et, d'autre part, une phase contentieuse. S'agissant de la première étape, elle débute de manière officieuse : la Commission entame un dialogue avec l'Etat concerné afin de parvenir à une solution amiable. Si cette approche "diplomatique" (22) ne donne pas les résultats escomptés, la Commission met en oeuvre la procédure précontentieuse officielle. Elle est déclenchée par l'envoi d'une lettre de mise en demeure. Cette lettre invite l'Etat à présenter ses arguments et observations. Dans l'hypothèse où l'Etat parvient à convaincre la Commission ou aboutit à un accord sur les mesures nécessaires pour faire cesser le manquement, la procédure s'achève. Dans le cas contraire, la Commission adresse à l'Etat un avis motivé. Elle y indique les conditions de fait et de forme qui lui permettent d'affirmer qu'il existe un manquement, elle "exprime sa position formelle à l'égard de la situation juridique de l'Etat membre concerné" (23). Le but de cet avis n'est pas de déterminer les droits et obligations de l'Etat mais de lui permettre de "se conformer à ses obligations ou de lui offrir une dernière occasion de se justifier et d'éviter la saisine de la CJUE" (24).

Selon les dispositions de l'article 258 TFUE (N° Lexbase : L2571IPW) "si l'Etat en cause ne se conforme pas à l'avis dans le délai déterminé par la Commission, elle peut saisir la Cour". Pour autant, l'avis motivé est un acte non décisoire, il ne comporte pas d'effet contraignant à l'égard de son destinataire (25) et il va permettre de définir l'objet du litige. La Commission peut ensuite entamer la phase contentieuse et décider de poursuivre l'Etat membre devant la CJUE.

En l'espèce l'avis motivé est relatif à l'application du taux réduit de TVA à certains services à la personne. Cette disposition a été inscrite dans le droit français par l'article 7 de la loi de finances pour 2000 (26) et elle concernait les prestations de services fournies par des entreprises agréées en application de l'article L. 7231-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3383H98). La loi du 26 juillet 2005 (27) relative au développement des services à la personne a modifié les conditions d'exercice de ces activités et étendu le champ des activités éligibles. Il est à noter qu'en 2000, cette mesure avait un caractère temporaire et n'était prévue que jusqu'au 31 décembre 2002. Sans en reprendre le détail, elle a été souvent prorogée et est actuellement inscrite à l'article 279, i, du CGI (N° Lexbase : L6571IRS). A compter du 1er janvier 2012, ces activités ne sont plus soumises au taux de 5,5 % mais au nouveau taux de 7 % (28). Les activités qui peuvent bénéficier de ce taux réduit de 7 % sont limitativement énumérées à l'article D. 7231-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1353IRK). Pour autant bien que cette liste soit exhaustive, elle est très large ; elle comprend par exemple les "travaux de petit bricolage dits homme toutes mains" (29) ou encore "l'assistance informatique et internet à domicile" (30).

Au plan du droit communautaire, l'application d'un taux réduit à certaines activités, notamment de services à la personne, a fait l'objet de nombreuses dispositions. Ainsi, dans une décision du Conseil du 7 novembre 2006 (31), certains Etats membres ont été autorisés à appliquer un taux réduit de TVA sur des catégories de services à forte intensité de main d'oeuvre. Notamment l'article 5, b de cette décision autorisait la France à appliquer un taux réduit jusqu'au 31 décembre 2010 à certains services de soins à domicile.

Enfin, le Conseil a adopté une Directive (32) autorisant à titre permanent l'application facultative de taux réduits de TVA pour certains services à forte intensité de main-d'oeuvre réalisés dans le cadre local "pour lesquels il n'existe pas de risque de concurrence déloyale entre les prestataires de services dans les différents Etats membres" (33). Ces différentes modifications de notre droit interne, comme du droit communautaire, n'ont pas résolu la difficulté quant à la définition des services à la personne pouvant bénéficier de ce taux réduit.

Selon l'annexe III, 20 de la Directive 2006/112/CE, qui énonce de manière limitative les livraisons de biens et les prestations de services pouvant faire l'objet des taux réduits visés à l'article 98 de la même Directive, peuvent bénéficier de ce taux réduit "les services de soins à domicile, tels que l'aide à domicile et les soins destinés aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes malades ou aux personnes handicapées". Or, selon le communiqué de presse relatif à l'avis motivé reçu par la France, la Commission considère que la catégorie des services à la personne est bien plus large. A l'appui de cette constatation, elle cite les travaux de jardinage, l'assistance informatique, l'entretien et le gardiennage des résidences principale et secondaire... Outre, cette analyse purement textuelle, la Commission fait référence à certains documents, notamment le rapport du conseil des prélèvements obligatoires intitulé "Entreprises et 'niches' fiscales et sociales. Des dispositifs dérogatoires nombreux" (34), ainsi que le rapport rendu par le comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales. Au regard de ces différents textes, il apparaît qu'il serait nécessaire, eu égard à l'état des finances publiques de la France, de limiter ce type de dépense fiscale. Il est intéressant de noter que la Commission ne se cantonne pas à une seule lecture juridique mais inscrit son avis dans le cadre plus large de l'impact de la perte en termes de recettes fiscales d'une liste aussi large de services échappant à l'application du taux de TVA de droit commun.

Au regard de l'avancée actuelle de cette procédure, la Commission peut, ou non, selon son pouvoir discrétionnaire, poursuivre la procédure. Ainsi, elle peut décider de saisir la CJUE d'un recours en constatation de manquement, au motif que la France applique un taux de TVA réduit à des prestations de services qui ne sont pas comprises dans la liste de services pouvant en bénéficier selon la Directive de 2006, modifiée en 2009. La France dispose d'un délai de deux mois pour prendre les mesures utiles afin que sa législation soit conforme au droit communautaire. S'agissant d'un pouvoir discrétionnaire, il est difficile de préjuger de la décision de la Commission quant à la saisine ou non de la CJUE, dans l'hypothèse où la France n'effectue pas de mise en conformité.

Pour autant, il est utile de rappeler que, dans une affaire similaire, elle n'avait pas hésité à entamer la procédure contentieuse face à des avis motivés restés sans effet sur les Etats membres contrevenants. Plus particulièrement, il s'agit du maintien du taux réduit de TVA à certaines activités équestres et ce malgré une mise en demeure du 23 octobre 2007 et un avis motivé du 1er décembre 2008. Une décision du 8 mars 2012 (35) a condamné la France, de même antérieurement les Pays-Bas (36), l'Allemagne (37) et l'Autriche (38) avaient aussi été condamnés pour les mêmes raisons. Ce type d'activité est, depuis le 1er janvier 2012, soumis au taux de TVA à 7 %, à noter que la Commission européenne (39) a estimé que cette disposition était contraire aux dispositions de la Directive TVA.

L'on peut se demander dans quelle mesure la création de ce taux réduit de 7 %, outre les recettes fiscales supplémentaires attendues, n'a pas aussi été mis en oeuvre afin de ne pas soumettre certaines activités au taux normal, telles les activités équestres ou certains services à la personne. Mais si la France décide de résister, il est probable que la Commission, en tant que gardienne du droit communautaire, entamera une procédure contentieuse.


(1) Point 27.
(2) Point 36.
(3) Point 39.
(4) Point 59, CJUE, 6 juillet 2006, aff. C-493/04 et C-440/04 (N° Lexbase : A4806DNC), DF, 2007, n° 9, comm. 235.
(5) Point 44.
(6) Op.cit..
(7) Point 48.
(8) Point 57.
(9) Point 66.
(10) Point 32, CJUE, 13 juillet 2000, aff. C-136/99 (N° Lexbase : A2000AIW), DF, 2000, n° 52, comm. 1065.
(11) Directive 79/1072/CEE du Conseil du 6 décembre 1979, Annexe C, point B.
(12) Points 11 et 12.
(13) Point 21.
(14) Point 27 de la décision commentée ; à noter, l'identité des termes dans d'autres décisions antérieures : CJUE, 29 avril 2010, aff. C-340/08, point 44 (N° Lexbase : A7853EWR) ; CJUE, 29 avril 2004, aff. C-341/01, point 64 (N° Lexbase : A0414DCC).
(15) Point 28.
(16) Point 33.
(17) Directive (UE) 2010/66 du Conseil du 14 octobre 2010, portant modification de la Directive 2008/9/CE, définissant les modalités du remboursement de la TVA, prévu par la Directive 2006/112/CE (N° Lexbase : L1929INR).
(18) Sur ces nouvelles modalités cf. Gwenaëlle Bernier, Laurent Chetcuti et Armelle Courtois-Finaz, La TVA racontée aux dirigeants et à leurs conseils, Litec Fiscal, 2ème édition, 2010, 607 pages, p. 151 et suivantes.
(19) Ou recours en manquement.
(20) Claude Bluman et Louis Dubouis, Droit institutionnel de l'Union européenne, Litec, Col. Manuel, 4ème édition, 2010, 829 pages, p. 676, § 937.
(21) TFUE, art. 258 (N° Lexbase : L2571IPW) à 260.
(22) Maurice-Christian Bergerès, Contentieux communautaire, PUF, Col. Droit fondamental, 3ème édition, 1998, 399 pages, p. 197, § 184.
(23) CJUE, 29 septembre 1998, aff. C-191/95 (N° Lexbase : A1911AWP), Rec. CJCE 1998, p. 5449, point 36.
(24) Claude Bluman et Louis Dubouis, Droit institutionnel de l'Union européenne, op. cit., p. 678, § 941.
(25) CJUE, 29 septembre 1998, aff. C-191/95, op. cit., point 44.
(26) Loi n° 1999-1172 du 30 décembre 1999, de finances pour 2000 (N° Lexbase : L1726IRD), DF, 2000, n° 1-2, comm. 7.
(27) Loi n° 2005-841, relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (N° Lexbase : L8799G9R), art. 8, DF, 2005, n° 37 ; comm. 607.
(28) Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, de finances rectificative pour 2011, art. 13 (N° Lexbase : L4994IRE), DF 2012, n° 4, comm. 103.
(29) C. trav., art. D. 7231-1, II, 3° (N° Lexbase : L1353IRK).
(30) C. trav., art. D. 7231-1, II, 11°.
(31) Décision (2006/774/CE), JOUE 15 novembre 2006.
(32) Directive 2009/47/CE du 5 mai 2009, modifiant la Directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux réduits de TVA (N° Lexbase : L1662IEB).
(33) Lire le communiqué de presse de la Commission du 5 mai 2009
(34) Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires - octobre 2010 - La documentation française - 383 pages.
(35) CJUE, 8 mars 2012, aff. C-596/10 (N° Lexbase : A0663IEB).
(36) CJUE, 3 mars 2011, aff. C-41/09 (N° Lexbase : A8048G3H).
(37) CJUE, 12 mai 2011, aff. C-453/09 (N° Lexbase : A7666HQY).
(38) CJUE, 12 mai 2011, aff. C-441/09 (N° Lexbase : A7665HQX).
(39) Lire les questions au Parlement européen, le 16 septembre 2011, sur la fiscalité adaptée et soutien au secteur de l'équitation (E-008313/2011).

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