La lettre juridique n°853 du 4 février 2021 : Covid-19

[Pratique professionnelle] Dépistage du covid-19 en entreprise

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par Ludovique Clavreul, Avocat counsel, Département de Droit Social, Francis Lefebvre Avocats

le 03 Février 2021

 


Après avoir interdit aux entreprises de procéder d’elles-mêmes à des campagnes de dépistage du covid-19 pour leurs salariés, le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise, dans sa version publiée le 29 octobre 2020, a autorisé les employeurs à « proposer, à ceux de leurs salariés qui sont volontaires, des actions de dépistage dans des conditions garantissant la bonne exécution de ces tests et la stricte préservation du secret médical ».

Ces campagnes de dépistage participent de l’obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels. Elles doivent se dérouler selon des règles strictes destinées à préserver le secret médical et la protection des données personnelles.


 

1 - Quels sont les textes applicables ?

Le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de la covid-19 [1] mentionne la possibilité pour les entreprises, dans le respect des conditions réglementaires, de proposer aux salariés des actions de dépistage.

Un arrêté ministériel du 16 novembre 2020, modifiant un arrêté du 10 juillet 2020 [2], encadre la réalisation de ces campagnes de dépistage. Il précise que des actions de dépistage collectif par des tests rapides d'orientation diagnostique antigéniques sont autorisées en entreprise « à titre exceptionnel et dans l’intérêt de la protection de la santé », « en cas de suspicion de cluster ou de circulation particulièrement active du virus » et après « déclaration au représentant de l’État dans le département ».

Une circulaire interministérielle du 14 décembre 2020 [3], relative au déploiement des tests antigéniques au sein des entreprises publiques et privées, précise enfin les modalités de mise en œuvre de ces campagnes de dépistage. Un kit de déploiement du dépistage, synthétisant les conditions de mise en place des tests de dépistage, est joint à la circulaire.

2 - Quel type de test peut-on effectuer en entreprise ?

Dans les entreprises, seuls les tests rapides sont autorisés. En conséquence, le dépistage se fait par la réalisation de tests antigéniques. Ces tests consistent en un prélèvement par voie nasale avec un écouvillon et leur résultat est disponible en 15 à 30 minutes.

S’agissant des tests sérologiques, le protocole sanitaire précise que « les indications définies par les autorités sanitaires à ce stade ne permettent pas d’envisager des campagnes de tests sérologiques par les entreprises ». Toutefois, sous la responsabilité d’un laboratoire de biologie médicale, l’employeur peut organiser des campagnes de dépistage à partir d’autres tests virologiques autorisés (RT-PCR, RT-LAMP).

3 - À quel moment pratiquer le dépistage ?

La circulaire rappelle que les opérations de dépistage doivent être « ponctuelles et ciblées sur des lieux précis, en cas de suspicion de cluster ou de circulation particulièrement active du virus ».

Elles doivent être déclarées au représentant de l’État dans le département et à l’Agence régionale de santé (ARS) au moins deux jours avant le début de la campagne sur le portail dédié.

4 - Qui peut être testé ?

Les tests ne s’adressent pas à tous les salariés mais à des populations précises.

La circulaire identifie deux catégories de salariés prioritaires pour bénéficier de tests :

  • les personnes symptomatiques, à condition que le test soit réalisé dans un délai inférieur ou égal à quatre jours après le début des symptômes ;
  • les personnes asymptomatiques lorsqu’elles sont « cas contacts » (au sens de la définition de Santé publique France), identifiées isolément ou au sein d’un cluster.

La circulaire précise que le recours au test antigénique n’est pas recommandé dans les situations suivantes :

  • les personnes asymptomatiques qui ne sont pas personnes contacts, sauf lorsqu’un professionnel de santé l’estime nécessaire ;
  • les personnes symptomatiques depuis plus de 4 jours.

Par ailleurs, des dépistages collectifs par des tests antigéniques peuvent être organisés par un employeur au sein de populations ciblées en cas de suspicion de cluster, de cluster avéré ou de circulation particulièrement active du virus dans le département où est située l’entreprise. En cas de cluster avéré, l’ARS doit être immédiatement prévenue et les modalités de gestion doivent être arrêtées de concert avec elle.

5 - Le dépistage est-il obligatoire ?

La réalisation des tests de dépistage par les entreprises s’effectue sur la base du volontariat. Le professionnel de santé doit recueillir l’accord libre et éclairé du salarié après une information claire, loyale et appropriée.

En cas de refus du salarié de se soumettre à un test de dépistage, l’employeur ne peut le sanctionner disciplinairement ni lui interdire de rejoindre son poste, même en maintenant son salaire.

Enfin, l’employeur ne peut recenser les salariés qui se font tester, ni enregistrer de données personnelles relatives à l’état de santé des salariés.

6 - Qui peut pratiquer le dépistage ?

Les tests, qui constituent un acte médical, doivent être pratiqués par des professionnels de la santé.

Depuis le décret du 13 janvier 2021 [4], peuvent pratiquer des dépistages les médecins du travail ou, sous leur supervision, les collaborateurs médecin, les internes en médecine du travail et les infirmiers de santé au travail.

Dans le cas où le service de santé au travail n’est pas en mesure d’accéder à toutes les sollicitations des entreprises en raison d’un manque de ressources disponibles, l’entreprise peut faire appel à d’autres professionnels de santé (infirmier ou médecin libéral, laboratoire, pharmacien, masseur-kinésithérapeute, etc.).

Les professionnels de santé doivent être formés aux techniques de dépistage et disposer des équipements de protection individuels requis (masques, blouses, gants, charlottes, lunettes de protection, visière, etc.).

7 - Dans quelles conditions est effectué le dépistage ?

Les obligations relatives à la réalisation des tests, posées par l’arrêté du 10 juillet 2020, sont strictes.

Elles concernent, en premier lieu, l’accueil des personnes soumises aux tests antigéniques. Avant la réalisation du test, le professionnel de santé doit vérifier que le salarié répond aux critères d'éligibilité et qu'il est informé des avantages et des limites du test et recueillir son consentement libre et éclairé. Il doit également lui remettre un document sur la conduite à tenir en cas de résultat positif ou négatif.

Le test doit être réalisé dans des locaux adaptés comprenant notamment un espace de confidentialité pour mener l'entretien préalable, des équipements adaptés permettant d'asseoir la personne pour la réalisation du test, un point d'eau pour le lavage des mains ou la mise à disposition de solution hydroalcoolique, les matériels et consommables permettant la désinfection des surfaces en respectant la norme de virucide 14476. Il faut également prévoir le circuit d'élimination des déchets d'activité de soins à risque infectieux.

Le test doit être également réalisé dans le strict respect du secret médical et de la protection des données personnelles.

Les règles étant assez complexes, les entreprises peuvent se faire conseiller par un point de contact départemental qui a pour mission, en lien avec l’ARS, de conseiller les entreprises et les services de santé au travail dans la mise en place de leurs dispositifs de dépistage.

8 - Qui finance le dépistage ?

L’approvisionnement en tests est réalisé directement par les entreprises qui en supportent seules le coût. Aucune participation financière à ces campagnes de dépistage ne peut être demandée aux salariés ni à l’assurance maladie. La circulaire recommande aux entreprises d’acquérir des tests antigéniques dont le coût unitaire n’excède pas 8,05 euros, coût correspondant au montant maximum remboursé aux pharmacies par l’assurance maladie.

9 - Quelles obligations vis-à-vis du CSE ?

La circulaire recommande aux employeurs qui décident de mettre en place des campagnes de dépistage en entreprise d’en informer au préalable le CSE ainsi que les salariés.

Cette information peut notamment porter sur les conditions dans lesquelles la campagne de dépistage sera menée au sein de l’entreprise, notamment les garanties apportées s’agissant du respect du volontariat et du secret médical.

10 - Comment traiter les résultats ?

L’employeur ne peut en aucun cas avoir connaissance du résultat des tests pratiqués. Le salarié peut décider de révéler le résultat du test à son employeur, sans y être tenu.

L’employeur ne peut davantage recenser les salariés qui se font tester ni enregistrer de données personnelles relatives à l’état de santé des salariés. En application du Règlement général pour la protection des données (RGPD), il ne peut non plus accéder à des informations statistiques dès lors que celles-ci sont de nature à permettre d’identifier, directement ou indirectement, les salariés contaminés.

Le professionnel de santé doit saisir les résultats des tests antigéniques dans l’application "SI-DEP" (institué par le décret du 12 mai 2020[5]) qui permet, d’une part, d’établir des statistiques consolidés au niveau national et, d’autre part, de déclencher le contact tracing pour les cas positifs.

11 - Quelles conséquences si le test du salarié est positif ?

Si un salarié est testé positif, le professionnel de santé lui rappelle « la nécessité de s’isoler sans délai et d’appliquer les consignes sanitaires qui lui seront délivrées ». Le salarié est en outre orienté vers son médecin traitant. Il lui conseille également d’informer son employeur.

En cas de détection d’un cluster dans le cadre d’un dépistage collectif, l’entreprise et/ou le professionnel de santé informe immédiatement l’ARS qui procède ensuite à un dépistage des personnes concernées via un test RT-PCR.

La circulaire apporte en outre une précision importante : un salarié testé positif en dehors de l’entreprise est encouragé à informer l’employeur afin que ce dernier prenne les mesures nécessaires pour préserver les autres salariés et rompre la chaîne de contamination, à aider les autorités sanitaires pour le contact tracing et à communiquer à son employeur le nom des personnes avec qui il a été en contact rapproché au sein de l’entreprise.

Dans tous les cas où l’entreprise a connaissance de cas positifs à la covid-19 parmi ses salariés, elle met en œuvre les mesures de prévention prévues par son protocole sanitaire, le cas échéant en les renforçant si la transmission du covid dans le cadre professionnel apparaît probable. Si nécessaire, elle actualise son document unique d’évaluation des risques.  

12 - Quelles conséquences si le test du salarié est négatif ?

La circulaire rappelle qu’un résultat négatif doit être pris avec précaution, du fait de la possibilité de faux-négatifs.

Un test négatif ne signifie pas que le risque de présence du virus et de contagiosité peut être totalement écarté. En particulier, les gestes barrière (port du masque, distanciation sociale notamment) devront continuer à être respectés.

Pour les personnes symptomatiques âgées de 65 ans ou plus et celles qui présentent au moins un facteur de risque au sens du Haut conseil de la santé publique dont le résultat est négatif, une consultation médicale et une confirmation par test RT-PCR sont fortement recommandées.


[1] Cette possibilité est maintenue dans la dernière version, mise en ligne le 29 janvier 2021. 

[2] Arrêté du 10 juillet 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé.

[3] Circ. cabinet, n° 2020/229 du 14 décembre 2020, relative au déploiement des tests antigéniques au sein des entreprises publiques et privées (N° Lexbase : L2157LZW).

[4] Décret n° 2021-24 du 13 janvier 2021, fixant les conditions temporaires de prescription et de renouvellement des arrêts de travail prescrits par le médecin du travail pendant l'épidémie de covid-19 et les modalités de dépistage du virus SARS-CoV-2 par les services de santé au travail (N° Lexbase : L7675LZB).

[5] Décret n° 2020-551 du 12 mai 2020, relatif aux systèmes d'information mentionnés à l'article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020, prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (N° Lexbase : L8483LW4).

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