La lettre juridique n°853 du 4 février 2021 : Procédure pénale

[Brèves] Détention provisoire : l’obligation de contrôler l’existence d’indices graves ou concordants cesse en cas de révocation du contrôle judiciaire

Réf. : Cass. crim., 27 janvier 2021, n° 20-85.990, FS-P+B+I (N° Lexbase : A65064DC)

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par Adélaïde Léon

le 24 Février 2021

► Les mesures de sûreté (détention provisoire, assignation à résidence sous surveillance électronique et contrôle judiciaire) ne peuvent être prononcées qu’à l’égard de la personne à l’encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d’instruction est saisi ; la chambre de l’instruction doit, à chaque stade de la procédure, même d’office, constater expressément l’existence de tels indices afin de s’assurer que les conditions légales des mesures de sûretés demeurent réunies ; L’ obligation de procéder à ce contrôle cesse, sauf contestation sur ce point, en cas de placement en détention provisoire sanctionnant un manquement volontaire aux obligations du contrôle judiciaire ;

La décision de placement en détention provisoire sanctionnant les manquements du mis en examen aux obligations du contrôle judiciaire ne doit être motivée que par l’existence d’un manquement entrant dans les prévisions de l’article 141-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5028K8Q).

Rappel des faits. Un mis en examen est placé en détention provisoire. Le 18 juin 2020, il est libéré sous contrôle judiciaire avec diverses obligations.

Le 2 octobre 2020, le juge d’instruction saisit le juge des libertés et de la détention (JLD) aux fins de révocation du contrôle judiciaire. Cette révocation ayant été refusée, le procureur de la République a interjeté appel de la décision.

En cause d’appel. Estimant que le mis en examen s’était délibérément et à de nombreuses reprises soustrait aux obligations de son contrôle judiciaire, la chambre de l’instruction a infirmé l’ordonnance du JLD et ordonné la révocation du contrôle judiciaire et le placement en détention de l’intéressé.

Ce dernier a formé un pourvoi contre la décision de la chambre de l’instruction

Moyens du pourvoi. L’intéressé reprochait à l’arrêt d’appel d’avoir infirmé l’ordonnance entreprise, décidé de révoquer son contrôle judiciaire et ordonné son placement en détention. Il considérait que la décision de placement en détention provisoire, prise pour sanctionner le non-respect des obligations de son contrôle judiciaire, aurait dû être motivée au regard des exigences de l’article 144 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9485IEZ).

Le mis en examen arguait par ailleurs que l’article 141-2 du Code de procédure pénale, tel qu’interprété par la Cour de cassation, porte atteinte à l’interdiction de toute rigueur qui n’est pas nécessaire à l’égard d’une personne présumée innocente comme prévu par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1373A9Q). Selon l’auteur du pourvoi, la sanction de l’inexécution volontaire d’une obligation du contrôle judiciaire devrait être proportionnée à la gravité du manquement et adaptée aux objectifs de l’article 144 du Code de procédure pénale afin que seules des mesures nécessaires soient prononcées à l’encontre d’une personne présumée innocente. Il estimait dès lors qu’il y avait lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’insuffisance des dispositions de l’article 141-2 du Code de procédure pénale au regard de celles de l’article 144 du même code.

Enfin, le mis en examen rappelait que, conformément à l’article 5, 1, c de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) (N° Lexbase : L4786AQC), la chambre de l’instruction devait s’assurer à chacun des stades de la procédure que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies et notamment de l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation du mis en examen aux faits reprochés.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi et dit n’y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par le demandeur.

La Haute juridiction précise tout d’abord la motivation requise en matière de révocation du contrôle judiciaire venant sanctionner une méconnaissance des obligations du contrôle judiciaire. Elle confirme que n’a pas à être motivée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences de l’article 144 du Code de procédure pénale la décision de placement en détention provisoire qui, après avoir caractérisé l’existence d’un manquement entrant dans les prévisions de l’article 141-2 du Code de procédure pénale, ordonne le placement en détention provisoire pour sanctionner l’inobservation par un mis en examen des obligations de son contrôle judiciaire (v. notamment Cass. crim., 25 novembre 2003, n° 03-85.386, F-P+F N° Lexbase : A4430DAC). Le seul manquement du mis en examen aux obligations inhérentes à son contrôle judiciaire suffisait donc à motiver son placement en détention provisoire.

Dans la continuité de sa décision du 14 octobre 2020 (Cass. crim., 14 octobre 2020, n° 20-82.961, FS-P+B+I N° Lexbase : A50093XS), la Cour de cassation précise ensuite le champ d’application et la nature du contrôle de l’existence d’indices graves ou concordants en matière de mesure de sûreté. La Chambre criminelle précise qu’il résulte des articles 80-1 et 137 du Code de procédure pénale qu’un magistrat ne peut prononcer une mesure de sûreté à l'encontre d’une personne que s’il a préalablement contrôlé qu’il existe à l’égard de l’intéressé des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’il ait pu participer, comme auteur ou comme complice à la commission des infractions donc le juge d’instruction est saisi.

La Haute juridiction ajoute que conformément à l’article 5, 1, c de la CESDH, la chambre de l’instruction doit, à chaque stade de la procédure, même d’office, constater expressément l’existence de tels indices afin de s’assurer que les conditions légales des mesures de sûretés demeurent réunies. Cette décision précise par ailleurs que ce contrôle, malgré la similitude de la sémantique utilisée, est sans incidence sur la validité de la mise en examen, laquelle ne peut être remise en cause que sur le fondement des article 80-1-1 (N° Lexbase : L2963IZR) et 170 (N° Lexbase : L0918DYN) du Code de procédure pénale.

Enfin, la Chambre criminelle souligne que l’obligation de procéder à ce contrôle cesse en cas de placement en détention provisoire sanctionnant un manquement volontaire aux obligations du contrôle judiciaire. La Cour réserve toutefois une exception à cette règle lorsqu’il existe une contestation s’agissant du placement en détention provisoire fondé sur une révocation du contrôle judiciaire. En l’espèce, la chambre de l’instruction n’avait pas été saisie d’une telle contestation, elle n’était donc pas tenue de s’assurer de l’existence desdits indices.

Pour aller plus loin : N. Catelan, ÉTUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, assignation à résidence et détention provisoire, La détention provisoire, in Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E0810Z9U).

 

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