Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 11 décembre 2020, n° 427744, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A653539W)
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par Marie Le Guerroué
le 17 Décembre 2020
►Si le caractère manifeste des irrégularités, dont l'absence de détection constitue un manquement du transporteur à ses obligations de contrôle de nature à justifier le prononcé d'une amende, est susceptible de faire l'objet d'un contrôle de qualification juridique de la part du juge de cassation, l'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des manquements constatés et des circonstances de l'espèce relève, pour sa part, de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution retenue est hors de proportion (CE 2° et 7° ch.-r., 11 décembre 2020, n° 427744, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A653539W).
Procédure. Le ministre de l'Intérieur avait infligé à la société Air France une amende de 5 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français une personne en provenance de Ouagadougou, titulaire d'un passeport de la République démocratique du Congo qui s'était révélé contrefait. Le tribunal administratif de Paris avait rejeté la demande d'annulation de cette sanction présentée par la société Air France. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.
Contrôle du juge de cassation. Le Conseil d’État énonce, dans sa décision, que la constatation et la caractérisation de l'irrégularité qu'il est reproché au transporteur de ne pas avoir décelée relèvent, dès lors qu'elles sont exemptes de dénaturation, du pouvoir souverain des juges du fond. Si le caractère manifeste de ces irrégularités, dont l'absence de détection constitue un manquement du transporteur à ses obligations de contrôle de nature à justifier le prononcé d'une amende, est susceptible de faire l'objet d'un contrôle de qualification juridique de la part du juge de cassation, l'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des manquements constatés et des circonstances de l'espèce relève, pour sa part, de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution retenue est hors de proportion.
Conditions de la sanction. Il ajoute, également, qu’il résulte des dispositions précitées des articles L. 625-1 (N° Lexbase : L9308K4I) et L. 625-5 (N° Lexbase : L9306K4G) du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les irrégularités manifestes qu'il appartient au transporteur de déceler sous peine d'amende lors, au moment de l'embarquement, du contrôle des documents requis, sont celles susceptibles d'apparaître à l'occasion d'un examen normalement attentif de ces documents par un agent du transporteur et que le transporteur peut être sanctionné alors même que l'irrégularité manifeste n'a pas été détectée par les autorités publiques compétentes pour délivrer les documents (rappr., Cons. const., décision n° 2019-810 QPC, du 25 octobre 2019 N° Lexbase : A5363ZSG).
Par suite, en jugeant que la circonstance que l'irrégularité retenue était passée inaperçue du service ayant apposé un visa Schengen sur le passeport n'était pas de nature à faire obstacle au prononcé d'une sanction, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit. Par ailleurs, en estimant, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la mention « date d'expiration du passeport » recelait une faute aisément décelable à l'oeil nu par le personnel d'embarquement et en en déduisant, compte tenu de ce que cette anomalie portait sur une mention essentielle dans le contrôle de la validité du titre de voyage, que l'irrégularité constatée devait être regardée comme manifeste et donc comme justifiant le prononcé d'une sanction, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de droit ni d'inexacte qualification juridique des faits. En jugeant, toutefois, que ces faits justifiaient que soit infligé à la société Air France le montant maximal de l'amende encourue, alors que le passeport présenté par l'étranger comportait un visa Schengen qui avait été apposé par les autorités compétentes et dont la validité n'était pas contestée, la cour a retenu une solution, quant au choix, par le ministre, du montant de la sanction, hors de proportion avec les manquements constatés.
Annulation. L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 10 décembre 2018 est donc annulé (CAA Paris, 10 décembre 2018, n° 17PA03680 N° Lexbase : A6666YQX). Le Conseil d’État, dans ces circonstances particulières, réduit le montant de l'amende infligée à 3 000 euros.
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