La lettre juridique n°846 du 3 décembre 2020 : Droit pénal des affaires

[Brèves] Revirement sur la fusion-absorption : la société absorbante peut désormais voir sa responsabilité pénale engagée pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion

Réf. : Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955, FS-P+B+I (N° Lexbase : A551437D)

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[Brèves] Revirement sur la fusion-absorption : la société absorbante peut désormais voir sa responsabilité pénale engagée pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/61695808-breves-revirement-sur-la-fusionabsorption-la-societe-absorbante-peut-desormais-voir-sa-responsabilit
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par Adélaïde Léon

le 16 Décembre 2020

► En cas de fusion-absorption, la société absorbante peut être condamnée pénalement, à une peine d’amende ou de confiscation, pour une infraction commise par la société absorbée avant l’opération ;

Le champ d’application de cette solution diffère lorsque l’opération de fusion-absorption a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale.

Rappel des faits. À l’issue d’une information judiciaire ouverte après l’incendie d’entrepôts de stockage d’archives, la société Intradis a été convoquée à comparaître le 23 novembre 2017 devant le tribunal correctionnel du chef de destruction involontaire de bien appartenant à autrui par l’effet d’un incendie provoqué par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi.

En mars 2017, la société Recall France et sa filiale Intradis (ci-après la société absorbée) ont été absorbées par la société Iron Moutain (ci-après la société absorbante) dans le cadre d’une opération de fusion-absorption.

Les parties civiles ont fait citer la société absorbante à comparaître à l’audience du 23 novembre 2017. Cette dernière est, par ailleurs, intervenue volontairement à la procédure ouverte après information judiciaire.

Le tribunal correctionnel a fixé le montant des consignations à verser par les parties civiles et ordonné un supplément d’information afin de déterminer les circonstances de l’opération de fusion-absorption, et de rechercher tout élément relatif à la procédure en cours, notamment s’agissant de l’infraction de destruction involontaire initialement poursuivie à l’encontre de la société absorbée.

La société absorbante a relevé appel de cette décision.

En cause d’appel. La cour d’appel a confirmé le supplément d’information ordonné par les premiers juges ainsi que les dispositions désignant le commandant d’une compagnie de gendarmerie pour y procéder.

Moyens du pourvoi. La société absorbante a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel. Elle reprochait à la juridiction de l’avoir déboutée de sa demande de nullité du supplément d’information et d’avoir ordonné un supplément d’information dans le but de rechercher si l’opération de fusion-absorption n’était pas entachée de fraude.

Décision de la Cour. Selon la Chambre criminelle, les moyens exposés posent notamment la question suivante : dans quelles conditions, en cas de fusion-absorption, la société absorbante peut-elle être condamnée pénalement pour des faits commis, avant la fusion, par la société absorbée ?

Pour répondre à cette interrogation, la Cour s’attache à déterminer :

  • s’il existe un principe général de transfert de la responsabilité pénale en cas de fusion-absorption ;
  • si, le cas échéant, ce principe s’applique immédiatement.

En cas de réponse négative à l’une de ces sous-questions, la Cour entendait également déterminer si la solution devait être différente en cas de fraude lors de l’opération de fusion-absorption.

Jusqu’alors, la Cour de cassation refusait de retenir la responsabilité pénale de la société absorbante. Par une approche anthropomorphique assimilant la personne morale absorbée à une personne décédée, la Haute juridiction considérait que la perte de la personnalité juridique de la société absorbée, induite par la fusion, entrainait l’extinction de l’action publique.

Sur la responsabilité de la société absorbante. Opérant un revirement de jurisprudence et prenant, pour ce faire, appui sur une décision récente de la Cour européenne des droits de l’Homme dans le domaine du droit de la concurrence (CEDH, 1er octobre 2019, Req. 37858/14, Carrefour France c/ France N° Lexbase : A8015ZSN : v. F. Stasiak, Transmission d’une amende civile à la société absorbante : la fusion n’est qu’un changement d’état, Lexbase Pénal, novembre 2019 N° Lexbase : N1180BYD), la Cour juge ici qu’en cas de fusion-absorption, la société absorbante peut être condamnée pénalement, à une peine d’amende ou de confiscation, pour une infraction commise par la société absorbée avant l’opération.

Ce transfert de responsabilité ne pourra conduire qu’au prononcé de peines d’amende ou de confiscation à l’encontre de la société absorbante.

Sur le champ d’application du revirement. La Cour précise que ce transfert de responsabilité pénale ne s’applique qu’aux fusions-absorptions entrant dans le champ de la Directive n° 78/855/CEE du Conseil, du 9 octobre 1978, relative à la fusion des sociétés anonymes (N° Lexbase : L9347AUQ). S’agissant de l’application dans le temps, seules les opérations postérieures au 25 novembre 2020 seront concernées.

Toutefois, la Haute juridiction précise que lorsque la fusion-absorption aura eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale (fraude à la loi), la responsabilité pénale pleine et entière de la société absorbante pourra être engagée, quelle que soit la forme de la société concernée et quelle que soit la date de l’opération de fusion.

À venir : cette décision fera l'objet d'un commentaire par le Professeur Marc Segonds dans le numéro du mois de janvier de la revue Lexbase Pénal.

 

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