Le Quotidien du 18 novembre 2020 : Autorité parentale

[Brèves] Refus d’accorder un droit de visite et d’hébergement à l’ex-compagne de la mère : absence de violation de la Convention par les juridictions françaises

Réf. : CEDH, 12 novembre 2020, Req. 19511/16, Honner c/ France (N° Lexbase : A592734B)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 17 Novembre 2020

► En refusant, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, d’accorder un droit de visite et d’hébergement à la requérante à l’égard de l’enfant que son ex-compagne avait eu par procréation médicalement assistée en Belgique lorsqu’elles étaient en couple, alors que la requérante avait élevé l’enfant pendant les premières années de sa vie, tout en motivant attentivement cette mesure, les autorités françaises n’ont pas méconnu leur obligation positive de garantir le respect effectif du droit de la requérante à sa vie familiale.

L’affaire. La requérante était une ressortissante française ; l’enfant, né en 2007, était le fruit d’un projet parental élaboré entre la requérante et son ex-compagne, C., qui vivaient en couple depuis l’année 2000 et qui avaient conclu un pacte civil de solidarité en avril 2009 (PACS). Il avait été élevé par les deux femmes jusqu’à la séparation du couple en mai 2012. Quelques semaines après leur séparation, la mère s’opposa à la poursuite de relations entre l’enfant et la requérante. Cette dernière saisit le juge aux affaires familiales d’une demande de droit de visite et d’hébergement. Le tribunal de grande instance lui accorda ce droit. Le juge considéra, en effet, notamment, que la naissance de l’enfant correspondait à un projet familial commun du couple et que la requérante s’était investie auprès de lui dès sa naissance.

La mère interjeta appel du jugement du tribunal de grande instance, qui fut infirmé. La cour d’appel de Paris retint que les rencontres entre la requérante et l’enfant étaient trop traumatisantes pour ce dernier, et ainsi, qu’accorder un droit de visite et d’hébergement à l’intéressée était contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant (CA Paris, Pôle 3, 4ème ch., 5 juin 2014, n° 14/01098 N° Lexbase : A0808MQY). Le pourvoi de cette dernière devant la Cour de cassation fut rejeté.

Invoquant l’article 8 de la CESDH (droit au respect de la vie familiale N° Lexbase : L4798AQR), la requérante se plaignait de ce que le refus de lui accorder un droit de visite et d’hébergement à l’égard du fils de son ex-compagne, qu’elle avait élevé pendant les premières années de sa vie, avait violé son droit au respect de sa vie familiale. Elle n’obtiendra pas gain de cause.

Décision CEDH. La Cour observe, tout d'abord, que le droit français prévoit la possibilité pour une personne ayant développé un lien familial de facto avec un enfant d'obtenir des mesures visant à la préservation de ce lien. L'article 371-4 du Code civil (N° Lexbase : L8011IWM) permet en effet au juge aux affaires familiales de fixer les modalités des relations entre un tiers et un enfant si tel est l'intérêt de ce dernier, en particulier lorsque le tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation ou à son entretien, et a noué avec lui des liens affectifs durables. Cette disposition s'applique notamment lorsque, comme en l'espèce, un couple se sépare alors que l'un des conjoints avait développé un lien familial avec l'enfant de l'autre. Le cadre légal français a ainsi donné à la requérante la possibilité d'obtenir un examen judiciaire de la question de la préservation du lien qu'elle avait développé avec G., possibilité dont elle a usé.

La Cour constate ensuite que, procédant à cet examen, la cour d'appel de Paris a retenu que les rencontres entre la requérante et l'enfant étaient trop traumatisantes pour ce dernier, et qu'il n'était donc pas dans son intérêt de les poursuivre. Sa décision est donc fondée sur l'intérêt supérieur de l'enfant. La cour d’appel a en effet relevé que l’enfant, fragile, se trouvait dans une situation traumatisante et culpabilisante, au centre d’un conflit entre la requérante et sa mère biologique qui ne parvenaient pas à échanger sans agressivité. Elle a également relevé que les changements de mains de l’une à l’autre se passaient mal et que G. s’était montré réticent à se rendre chez la requérante. La Cour ne saurait mettre en cause la conclusion que la cour d’appel a tirée de ces constats, selon laquelle il n’était pas dans l’intérêt de l’enfant de poursuivre ses rencontres avec la requérante.

La Cour note également que la requérante reproche à la cour d’appel de ne pas avoir pris en compte les pièces qu’elle a produites et de s’être exclusivement fondée sur des attestations émanant de proches et sur des certificats de complaisance, dont ceux établis par un médecin qui lui ont valu un blâme de la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins parce qu’ils se référaient à des faits dont il n’aurait pas pu lui-même constater la réalité. Or, rien ne permet de considérer que la cour d’appel de Paris aurait omis de prendre en compte les éléments produits par la requérante. S’agissant des certificats, dont la fiabilité est en cause, le Gouvernement souligne pertinemment qu’il ressort de l’arrêt rendu par la cour d’appel que celle-ci ne s’est pas fondée de manière déterminante sur ces documents.

Quant au point de vue de la requérante selon lequel la cour d’appel de Paris aurait pu alternativement organiser des rencontres médiatisées entre l’enfant et elle, il se heurtait au fait que la cour d’appel de Paris a considéré que, compte tenu des relations particulièrement conflictuelles entre les deux femmes qui plaçaient l’enfant dans une situation traumatisante, il n’était pas dans l’intérêt de l’enfant d’organiser des relations entre lui et la requérante.

La Cour ajoute, enfin, qu’elle comprend la souffrance que la situation litigieuse et la réponse donnée par la cour d’appel de Paris ont pu causer à la requérante. Elle estime cependant que les droits de la requérante ne sauraient primer sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Eu égard aussi à l’ample marge d’appréciation dont il disposait, la Cour conclut que l’État défendeur n’a pas méconnu son obligation positive de garantir le respect effectif du droit de la requérante à sa vie familiale. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 8 de la Convention.

Pour rappel, à propos de l’article 371-4 du Code civil, dont il résulte que l’ex-concubine de la mère n’est pas titulaire d’un « droit à » entretenir des relations avec l’enfant après la séparation, cf. Cass. civ. 1, 24 juin 2020, n° 19-15198, F-P+B+I (N° Lexbase : A33673PE) et Cass. civ. 1, 6 novembre 2019, n° 19-15198, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3962ZUB), et les obs. de A. Gouttenoire, Lexbase privé, n° 833, juillet 2020 (N° Lexbase : N4274BYX).

 

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