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par Samantha Gruosso, avocat au barreau de Paris
le 15 Mars 2012
C'est l'alinéa 2 de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130 N° Lexbase : L6343AGZ) qui énonce les critères de fixation d'honoraires applicables en l'absence de convention d'honoraires conclue entre les parties. Celui-ci dispose que : "A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci".
Les critères d'évaluation précités sont, également, rappelés à l'article 11.2 du règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8) qui dispose que :
"[...] La rémunération de l'avocat est fonction, notamment, de chacun des éléments suivants conformément aux usages :
- le temps consacré à l'affaire,
- le travail de recherche,
- la nature et la difficulté de l'affaire,
- l'incidence des frais et charges du cabinet auquel il appartient,
- sa notoriété, ses titres, son ancienneté, son expérience et la spécialisation dont il est titulaire,
- la situation de fortune du client,
- les avantages et le résultat obtenu au profit du client par son travail, ainsi que le service rendu à celui-ci".
L'arrêt rendu le 9 février 2012 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation fait une exacte application de l'un des critères d'évaluation, à savoir la notoriété.
En effet, la Cour de cassation a considéré qu'un avocat auquel le client a confié un dossier, mais qui a été suivi, en réalité, par sa collaboratrice dans son intégralité, ne peut invoquer sa propre notoriété pour faire fixer ses honoraires.
Cette décision revêt toute son importance, lorsque l'on sait que certains collaborateurs disposent d'une large autonomie au sein de leurs cabinets, les amenant nécessairement à gérer l'intégralité du dossier, l'avocat associé supervisant essentiellement le travail effectué par ceux-ci.
Ainsi, pour l'avenir, cet arrêt vise à remettre en question l'organisation interne de certains cabinets et subordonne l'application du critère d'évaluation relatif à la notoriété à une intervention personnelle.
En l'espèce, Mme B. avait refusé de régler une facture d'honoraires de Me L. auquel elle avait confié la défense de ses intérêts dans un litige administratif.
Mme B. avait donc saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Toulon qui a fixé, par décision du 19 novembre 2009, les honoraires dus par celle-ci à Me L. à la somme de 2 475, 29 euros HT.
Me L. a interjeté appel de la décision ordinale rendue.
Par ordonnance du 5 juillet 2010, le premier président de la cour d'appel d'Aix -en-Provence a statué de nouveau et fixé les honoraires de Me L. à la somme de 1 500 euros H.T (CA Aix-en-Provence, 5 juillet 2010, n° 09/23399 N° Lexbase : A1390E7M).
Me L. s'est pourvu en cassation et fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir infirmé la décision du Bâtonnier, aux motifs qu'il n'appartient pas au premier président de statuer sur d'éventuelles fautes de l'avocat, fautes susceptibles d'engager sa responsabilité mais seulement de fixer le montant de ses honoraires.
Il convient de rappeler qu'il est de jurisprudence parfaitement établie que le premier président peut souverainement fixer le montant de l'honoraire en fonction des diligences accomplies (Cass. civ. 2, 21 janvier 2010, n° 06-18.697, F-P+B N° Lexbase : A4577EQL), la fixation des honoraires s'établissant par application des critères d'évaluation de la loi, conformément à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.
Le premier président de la cour d'appel n'a pas à s'expliquer sur chacun des critères retenus. Il est seulement tenu "de faire état des critères d'évaluation déterminants de son estimation" (Cass. civ. 1, 21 janvier 1997, n° 95-12.326 N° Lexbase : A0369ACN).
En l'espèce, Me L. précise avoir effectué les diligences qui ont consisté en l'étude du dossier, des rendez-vous avec le client, en la rédaction et la transmission d'un mémoire devant la cour administrative d'appel.
Néanmoins, il ressort tant au cours de l'instance ordinale que de celle devant la cour d'appel que le dossier de Mme B. a été suivi par une collaboratrice du cabinet et non par Me L. lui-même.
C'est dans ces conditions que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que "ayant relevé que la cliente faisait valoir l'absence d'intervention personnelle de l'avocat, le dossier ayant été suivi par une collaboratrice, le premier président a pu décider que l'avocat ne pouvait se prévaloir de sa propre notoriété et a souverainement évalué les honoraires en application des critères de l'article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971".
Dans un arrêt rendu le 9 février 2012, la Cour de cassation rappelle que la procédure de fixation des honoraires est une procédure orale, et que les conclusions déposées la veille de l'audience saisissent le premier président, à la condition que leur auteur soit personnellement présent ou régulièrement représenté à l'audience (cf. Cass. civ. 1, 15 janvier 2002, n° 99-15.508, F-P N° Lexbase : A8012AXZ).
Devant la cour d'appel, c'est le premier président qui est compétent pour connaître des recours formés contre les décisions rendues par le Bâtonnier.
L'article 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID) précisent les conditions applicables en matière de procédure de fixation d'honoraires devant le Bâtonnier et le premier président de la cour d'appel.
L'article 177 du même décret dispose que "le premier président les [les parties] entend contradictoirement".
La procédure orale a pour conséquence que les parties doivent être obligatoirement présentes, ou, éventuellement représentées lors de l'audience au fond.
Cette comparution des parties est une garantie du respect du principe du contradictoire.
La jurisprudence a rappelé, à plusieurs reprises, cette obligation de comparution, notamment dans un arrêt rendu le 16 décembre 2004 la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a précisé que la présence des parties à l'audience était obligatoire, faute de quoi ces dernières seront déclarées irrecevables dans leur recours principal et incident (Cass. civ. 2¸ 16 décembre 2004, n° 03-15.614, FS-P+B N° Lexbase : A4790DE7).
Elle présente, néanmoins, un danger lorsque l'une des parties régulièrement convoquée à l'audience ne se présente pas et que la partie adverse sollicite sur le fond un jugement qui sera contradictoire conformément à l'article 468 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6580H7T).
En l'espèce, par contrat du 11 janvier 2008, la société L'A. a confié une mission de conseil stratégique à la société C.P. avec la possibilité de recourir à des experts extérieurs, le montant de leurs honoraires étant fixé forfaitairement à la somme de 100 000 euros.
Me L. a été mandaté par la société C.P. afin d'établir un plan d'action qui n'a pas été mis en oeuvre.
La mission de la société C.P. a pris fin le 16 avril 2008.
Me L. a saisi le Bâtonnier d'une demande de condamnation de la société L'A. à lui payer la somme de 134 853,21 euros HT au titre de ses honoraires pour la mission accomplie.
Me L. a transmis la veille de l'audience ses écritures et pièces à la société L'A. soit le 20 septembre 2010, l'audience étant fixée au 21 septembre 2010.
Lors de cette audience Me L. était régulièrement représenté.
Pourtant, par ordonnance du 19 octobre 2010, le premier président de la cour d'appel de Paris a écarté des débats les écritures et pièces communiquées par Me L. considérant qu'il y a eu en l'espèce violation du principe du contradictoire.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé l'ordonnance rendue par le premier président et renvoyé les parties de la cour d'appel de Versailles aux motifs que "Me L. auteur des conclusions déposées la veille, comparaissait par avocat à l'audience du 21 septembre 2010, le premier président a violé les textes susvisés".
En dépit de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), le juge dispose d'un pouvoir de révision de la convention d'honoraires proposée par l'avocat à son client et acceptée par celui-ci.
C'est ainsi que le juge peut réviser les conventions conclues faisant la loi des parties et réduire notamment l'honoraire de résultat, lorsque celui-ci conduit à une rémunération excessive au regard des services rendus (Cass. civ. 1, 3 mars 1998, n° 95-15.799 N° Lexbase : A1902ACG ; Cass. civ. 2, 4 juillet 2007, n° 06-14.633, FS-P+B N° Lexbase : A0828DXX ; Cass. civ. 2, 19 novembre 2009, n° 07-13.268, FS-P+B N° Lexbase : A7403ENI).
Ce pouvoir de révision vise, surtout, à assurer un équilibre contractuel.
Néanmoins, le juge n'a pas le pouvoir de dénaturer, ni d'interpréter l'accord conventionnel conclu entre les parties.
Par application de l'article 1134 du Code civil, la convention régularisée entre les parties prime, mais elle doit être claire, précise et équilibrée (absence de tous vices de consentement).
Le juge doit appliquer l'honoraire de résultat convenu, dès lors que la convention est valide (Cass. civ. 2, 19 février 2004, n° 01-14.504, F-P+B N° Lexbase : A3134DBP).
Dans un arrêt rendu le 9 février 2012, la Cour de cassation a censuré une décision rendue par le premier président pour violation de l'article 1134 du Code civil.
En l'espèce, M. R. a confié à Me T. la défense de ses intérêts dans le cadre d'un litige prud'homal.
Une convention d'honoraires a été signée entre les parties prévoyant un honoraire de diligence de 1 000 euros HT et un honoraire complémentaire de résultat fixé à 20 % HT de l'ensemble des sommes perçues après décision de la cour d'appel devenue définitive ou après signature d'un accord amiable ou d'une transaction intervenue entre M. R et la partie adverse.
Un accord a été formalisé devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes fixant le montant total des sommes dues au salarié à 305 505,96 euros, dont la somme de 140 000 euros au titre de l'indemnité transactionnelle.
Le montant de l'ensemble des sommes précitées a été versé par la partie adverse.
C'est dans ces conditions que Me T. a réclamé à son client le montant de l'honoraire de résultat dû en application de la convention d'honoraires régularisée entre les parties et correspondant à l'ensemble des sommes perçues par M. R. après la conclusion de la transaction.
M. R. a contesté le montant de l'honoraire de résultat.
Tant le délégataire du Bâtonnier que le premier président de la cour d'appel, dans son ordonnance attaquée du 24 septembre 2010, pour fixer l'honoraire de résultat à la somme de 10 000 euros HT, ont effectué une distinction entre les sommes versées au titre de l'indemnité transactionnelle et celles versées dans le cadre de la rupture du contrat de travail (indemnité de préavis, indemnité de congés payés, indemnités conventionnelles de licenciement...).
Le premier président a estimé que seule l'indemnité transactionnelle répond à la définition de l'honoraire de résultat prévu contractuellement, celle-ci étant le fruit d'un avantage obtenu par l'avocat au profit de son client.
Ainsi, seule l'indemnité transactionnelle constitue l'assiette de cet honoraire.
Me T. a formé un pourvoi contre ladite ordonnance, qui a été accueilli par la Cour de cassation au visa de l'article 1134 du Code civil considérant que "la clause concernée prévoyait l'assiette de l'honoraire de résultat était constituée des sommes perçues après transaction, le premier président a dénaturé les termes clairs et précis de la convention".
Ainsi, par cet arrêt, la Haute juridiction rappelle la limite du pouvoir de révision dont dispose le juge de l'honoraire. En effet, en présence d'une convention d'honoraires valide, celle-ci constitue la loi des parties et doit être appliquée dans son intégralité.
Par un arrêt rendu le 9 février 2012, la Haute juridiction a rappelé que le premier président de la cour d'appel ne saurait faire droit à la demande d'un avocat tendant à la fixation de ses honoraires, dès lors qu'une décision irrévocable déboutant l'avocat a, d'ores et déjà, été rendue.
En l'espèce, Me S. avait saisi le Bâtonnier d'une demande de fixation d'honoraires. Son client M. G. a interjeté appel de la décision rendue par le Bâtonnier.
Par ordonnance du 6 mai 2010, le premier président de la cour d'appel a infirmé la décision rendue par le Bâtonnier et débouté Me S. en considérant que sa demande était prématurée dans la mesure où M. G. n'avait pas encore encaissé les sommes obtenues par Me S. devant le tribunal de grande instance.
Celui-ci a formé un pourvoi en cassation duquel il s'est par la suite désisté.
Par requête du 12 mai 2010, Me S. a sollicité auprès du premier président la réouverture des débats et la condamnation de M.G. au paiement de la somme de 8 400 euros HT au titre de ses honoraires.
Par ordonnance rendue le 16 septembre 2010, le premier président a confirmé la décision du Bâtonnier taxant le montant des honoraires dus à Me S. à la somme de 8 820,42 euros TTC.
Pour accueillir la requête en rectification d'erreur matérielle présentée par Me S., le premier président soutient qu'il convenait de rechercher si la décision définitive avait été entièrement exécutée et d'examiner les pièces versées aux débats ayant conduit à l'ordonnance du 6 mai 2010, notamment la convention d'honoraires régularisée entre les parties prévoyant un honoraire de résultat de 12 % des sommes obtenues par M. G..
Le premier président considère que l'honoraire de résultat prévu par la convention doit être calculé sur les sommes effectivement perçues par M. G., qu'en l'espèce le jugement a été exécuté, mais les sommes sont encore détenues par l'huissier de justice.
M. G. a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'ordonnance rendue le 16 septembre 2010.
Au soutien de son pourvoi, il affirme que le premier président avait déjà tranché la contestation d'honoraires soulevée par Me S., par son ordonnance du 6 mai 2010, et qu'en acceptant de rouvrir les débats et de faire droit à cette demande par ordonnance du 16 septembre 2010, le premier président a violé les articles 480 (N° Lexbase : L6594H7D) et 500 (N° Lexbase : L6617H79) du Code de procédure civile, et 1351 du Code civil (N° Lexbase : L1460ABP).
La Haute juridiction a accueilli le pourvoi formé par M. G. et considéré "qu'une décision irrévocable déboutant M. S. de sa demande avait déjà été rendue, le premier président a violé les textes susvisés".
Elle a cassée l'ordonnance rendue le 16 septembre 2010 sans renvoi conformément à l'article 627, alinéa 1er, du Code procédure civile (N° Lexbase : L8428IRL).
Si la convention d'honoraires n'est pas obligatoire, celle-ci semble être une nécessité notamment dans l'établissement de la preuve de la volonté des parties. Elle limite, également, le pouvoir de révision du juge en cas de contestation.
Dans ce domaine, il n'existe aucun formalisme ; néanmoins, la jurisprudence est venue apportée des éléments concernant les modes de preuve de cette volonté.
Ainsi cette preuve peut résulter :
- d'un écrit du client s'analysant en une reconnaissance de dette (CA Paris, ord. premier président, 21 février 2001, n° 99/45780) ;
- d'un échange lettres entre l'avocat et son client (Cass. civ. 1, 13 octobre 1999, n° 97-17.767 N° Lexbase : A7237CST ; Cass. civ. 1, 29 février 2000, n° 97-17.487 N° Lexbase : A3898A7I).
La volonté des parties doit être libre, non équivoque et dépourvue de tous vices de consentements.
Ainsi, il ne peut être considéré que les parties ont entendu conclure une convention d'honoraires de résultat, dès lors qu'aucun élément n'établit sans ambiguïté l'intention claire et non équivoque des parties en ce sens et une volonté libre et éclairée de la cliente d'y souscrire.
Tel est le sens de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nancy le 12 janvier 2012.
En l'espèce, le 3 mars 2011, Mme K. a saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau d'Epinal d'une demande de taxation d'honoraires à l'encontre de la SCP C..
Celle-ci a assuré la défense des intérêts de Mme K. et ceux de son fils dans un litige devant le tribunal de grande instance, le 20 janvier 2006, puis devant la cour d'appel de Nancy, le 26 octobre 2009.
Mme K. a versé à la SCP C. la somme de 60 449,64 euros au moyen de quatre chèques calculée sur le montant des dommages et intérêts alloués par le TGI, selon jugement du 20 janvier 2006. Cette décision a été infirmée la cour d'appel de Nancy lui accordant une indemnisation moindre.
Dans la mesure où le Bâtonnier n'a pas statué dans le délai de quatre mois qui lui était imparti, conformément à l'article 175 du décret du 27 novembre 1991 et qu'aucune décision motivant la prorogation de ce délai n'a été prise, Mme K. a saisi le 25 juillet 2011 le premier président de la cour d'appel de Nancy.
En effet, selon l'alinéa 2 de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, "lorsque le Bâtonnier n'a pas pris de décision dans les délais prévus à l'article 175, le premier président doit être saisi dans le mois qui suit".
Le Bâtonnier a finalement rendu sa décision le 7 septembre 2011 qui a été contestée par Mme K. le 30 septembre 2011.
Le premier président a examiné la demande formulée par Mme K., celle-ci reconnaissant devoir à la SCP C. la somme de 13 595,20 euros TTC au titre des honoraires de diligences.
Dans sa décision, celui-ci a apporté de nouveaux éléments sur la preuve de l'existence d'une convention entre les parties.
Ainsi, dans le cas d'espèce, n'apporte pas cette preuve :
- divers courriers auxquels Mme K. n'a pas répondu ;
- le paiement fractionné, par elle, d'une somme de 60 449,64 euros.
C'est dans ces conditions que le premier président de la cour d'appel de Nancy a ordonné la jonction des demandes formulées par Mme K. les 25 juillet et 30 septembre 2011, et taxer les honoraires dus par Mme K. à la SCP C. à la somme de 13 395,20 euros TTC.
Le remboursement des sommes versées par Mme K. pour le surplus a également été ordonné représentant la somme de 47 054,44 euros.
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