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N0726BT3
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Trois avocats jettent ainsi un pavé dans la mare -comme de coutume- ; et non pour le montant des sommes en cause (68, 68 et 11 euros d'amende), mais pour le principe des droits de la défense et de l'accès au juge et à la justice. En effet, dans ces trois dossiers, les avocats, fins connaisseurs des arcanes du Code de la route, avaient régulièrement contesté les infractions qui leur étaient reprochées et les sanctions afférentes, sans pour autant avoir pu plaider leur cause devant un juge... dut-il être de proximité. Et, même si le juge de proximité, auquel la Cour de cassation a dû récemment rappeler qu'il devait procéder lui-même au supplément d'information, en la matière, est au magistrat ce que The artist est aux Quatre cavaliers de l'Apocalypse de Rex Ingram, il n'en demeure pas moins que tout justiciable a droit à ce que sa cause soit entendue, et qui plus est en matière pénale.
Dans les trois affaires, les officiers du ministère public avaient, certes, reçu la contestation des procès-verbaux, mais ne les avaient pas fait suivre auprès de la juridiction compétente, alors que "les requérants [avaient] clairement indiqué contester l'infraction et, dans une lettre d'accompagnement, [avaient ] dûment précisé leur motifs", nous précise la Cour. Ainsi, les sommes consignées, en règlement des amendes, furent définitivement encaissées par le Trésor, heureux d'éteindre, de ce fait, l'action publique.
A court terme, les arrêts rendus le 8 mars 2012 ne devraient pas bouleverser l'équilibre budgétaire français ; ils seront peu nombreux à affronter le système judiciaire pour contester une amende de 11 euros, tout au plus les officiers du ministère public se feront-ils taper sur les doigts, par le biais d'une nouvelle circulaire les enjoignant, même pudiquement, à accéder aux demandes de saisine des juridictions, en cas de contestation en bonne et due forme des procès-verbaux. Entre les impératifs budgétaires, la "pression du chiffre" dénoncée régulièrement par les syndicats de police et le respect des prescriptions européennes, l'on sait, au final, qui en sortira vainqueur -les libertés fondamentales, à l'image du long feuilleton sur la garde à vue-, mais à quel prix et sous quel délai ?
Plus foncièrement, ces trois arrêts posent la question de la nature des amendes ainsi recouvrées sans droit effectif à la contestation, car, si "en ce monde on ne peut dire que rien est certain, excepté la mort et les impôts" (Benjamin Franklin), il n'est pas loin à ce que les PV d'infractions au Code de la route, en France, rejoignent ce duo morbide, sans pour autant que chaque conducteur ne se prenne pour un wild angel.
Et, sans faire de populisme de bas étage, et compte tenu de la grogne certaine des automobilistes même les plus zélés, les pouvoirs publics seraient certes avisés de réformer profondément les rapports entre l'usager contraventionnel et l'officier du ministère public, percepteur des temps modernes. La partie recette des lois de finances montrant clairement les objectifs budgétaires du recouvrement des amendes routières, visant à une augmentation conséquente de leur produit annuel que ce soit en matière de contrôle automatisé (172 à 192 millions d'euros) ou en matière de circulation et de stationnement routiers (de 1,11 à 1,2 milliard d'euros), une loi "Aicardi", à l'image de cette loi du 8 juillet 1987 instaurant, notamment, la Charte des obligations et des droits du contribuable vérifié, pilier de l'apaisement des relations conflictuelles entre les contribuables et l'administration fiscale, serait, sans doute, la bienvenue. On n'ira pas jusqu'à exiger la mise en place du "rescrit routier", pour savoir si l'on peut ou non adopter tel comportement en exonération de contravention, bien que les conducteurs de deux-roues seraient bien heureux de savoir où apposer leur ticket horodateur, lorsqu'ils ont stationné leur véhicule sur une place payante, sans craindre une amende. De la même manière, on s'étonnera que le procès-verbal négligemment déposé sur le pare-brise d'une voiture et soumis aux quatre vents cardinaux ou à des mains farceuses suffisent à entraîner une majoration de l'amende, pour défaut de paiement dans les délais prescrits ; et, pour cause, puisque, contrairement à la notification de redressements ou proposition de rectifications, seule à même d'imposer un sanction fiscale, le procès-verbal de l'infraction routière n'est pas adressé par lettre recommandée avec accusé réception, faisant fi du régime de la preuve à charge.
Ce serait un pas important vers la transparence et le respect des droits de la défense, à l'image du contentieux de la circulation routière condamnant, depuis peu, le défaut d'information du conducteur préalable à tout retrait de points du permis de conduire.
"Poujade, sort de ce corps", me direz-vous ? Non, juste le sens de l'apaisement social et du consentement à l'impôt... Pardon ! De l'acceptation des impératifs d'ordre public de sécurité routière, veux-je dire...
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