Le Quotidien du 22 septembre 2020 : Droit pénal des affaires

[Brèves] Droit pénal économique : précisions relatives aux délits de tromperie et d’abus de position dominante

Réf. : Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 18-82.746, F-P+B+I (N° Lexbase : A16703TZ)

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par Vincent Téchené

le 24 Septembre 2020

► La réglementation du contrôle des chapiteaux, tentes et structures mobiles par des bureaux de vérification habilités, ne fait pas obstacle à l’application du délit de tromperie aux prestations fournies par ces derniers dans le cadre de contrats passés avec les propriétaires et exploitants de ces structures ;

► Les dispositions de l’article L. 420-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L1755LCY), qui renvoient aux articles L. 420-2 (N° Lexbase : L9606LQT) et L. 420-1 (N° Lexbase : L6583AIN) du même code ne sont pas de nature à méconnaître le principe de légalité posé par l’article 7 de la CESDH (N° Lexbase : L4797AQQ) ;

Par ailleurs, l’exercice d’une action en justice, expression du droit fondamental d’accès au juge, ne peut être qualifié d’abusif, qu’à la double condition, d’une part, de ne pouvoir être raisonnablement considéré comme visant à faire valoir les droits de l’entreprise concernée, d’autre part, de s’inscrire dans un plan visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur le marché considéré.

Faits et procédure. Une société est habilitée par le ministère de l’Intérieur pour le contrôle des structures et équipements accueillant du public, et notamment les chapiteaux, tentes et structures mobiles (CTS). En décembre 2008, la DGCCRF a transmis au procureur de la République un procès-verbal faisant état d’anomalies constatées sur des installations vérifiées par la société, laissant penser que des manquements auraient pu être commis à l’occasion de ces contrôles. Le dirigeant de cette société a alors été condamné pour avoir trompé les clients de sa société sur les qualités substantielles des prestations de services dispensées, avec cette circonstance que ces faits ont eu pour conséquence de rendre l’utilisation de la prestation de service dangereuse pour la santé. Il a été reconnu coupable d’abus de position dominante pour avoir, au cours de la même période, pris part de manière personnelle et déterminante à des pratiques anticoncurrentielles sur le marché de la vérification des chapiteaux, tentes et structures, empêchant les concurrents d’avoir accès à ce marché. La société a pour sa part été relaxée des chefs d’abus de position dominante mais condamnée pour tromperie aggravée.

Décision. La Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel concernant la tromperie mais le censure en ce qu’il a déclaré le dirigeant coupable d’abus de position dominante.

  • Sur la tromperie

Le prévenu soutenait que le délit de tromperie ne s’applique pas aux prestations réalisées dans le cadre d’une mission de service public, ne laissant aux contractants aucun choix des prestations à réaliser et que tel est le cas en l’espèce de l’activité des vérificateurs habilités par le ministère de l’Intérieur en vue de s’assurer de la sécurité de structures démontables recevant du public.

La Cour de cassation énonce que l’article L. 441-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1042K7Q) qui définit le délit de tromperie, est applicable à la conclusion ou à l’exécution de tout contrat de prestation de service. Ainsi, les dispositions de l’arrêté du 23 janvier 1985, portant approbation de dispositions complétant et modifiant le règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP type CTS) intégré à l’arrêté du 25 juin 1980, portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public, qui réglementent le contrôle des CTS par des bureaux de vérification habilités, ne font pas obstacle à l’application du délit de tromperie aux prestations fournies par ces derniers dans le cadre de contrats passés avec les propriétaires et exploitants de ces structures.

  • Sur l’abus de position dominante

En premier lieu, le prévenu soutenait que le délit d’abus de position dominante qui ne précise pas par rapport à quelle norme s’apprécient les pratiques abusives qu’elle vise, ne donnant que des illustrations des formes qu’elles peuvent prendre, en visant certaines pratiques commerciales, qui ne définit pas plus la matérialité de l’infraction, en l’imputant non pas à l’auteur de la pratique, mais à toute personne qui y prend une part prépondérante et qui ne permet pas de déterminer avec certitude si l’incrimination implique l’intention de tromper méconnaît le principe de légalité des délits et violerait, de ce fait, l’article 7 de la CESDH.

La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Selon elle, il résulte de la combinaison des articles L. 420-6, L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce que la participation à des pratiques caractérisant l’exploitation abusive d’une position dominante est réprimée lorsque ces pratiques, en lien avec la domination du marché par l’entreprise, ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur ce marché et qu’elles ne sont pas justifiées au regard des dispositions de l’article L. 420-4 du même code (N° Lexbase : L1757LC3). Par ailleurs, l’article L. 420-6 qui incrimine le fait de prendre frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre des pratiques prohibées, vise tout acte de participation ayant un lien de causalité avec ces pratiques, commis intentionnellement, de mauvaise foi ou dans le but de tromper.

Ainsi, pour la Haute juridiction, ces textes sont rédigés en des termes suffisamment clairs et précis pour exclure tout risque d’arbitraire et laissent au juge, auquel la loi permet de consulter l’autorité de la concurrence, le soin, conformément à son office, de qualifier des comportements que le législateur, de par leur complexité et leur variété, ne peut énumérer de façon exhaustive.

Il convient de relever que, dans la même affaire et en des termes strictement identiques, la Cour de cassation a refusé, le 18 décembre 2019, de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC sur la conformité de cette même disposition à l’article 9 de la DDHC (N° Lexbase : L1373A9Q) relatif au principe de la légalité des délits et des peines (Cass. crim., 19 décembre 2018, n° 18-82.746, F-D N° Lexbase : A9855YSS)

En second lieu, le prévenu soutenait que l’abus n’était pas caractérisé en l’espèce.

Sur ce dernier point, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Elle énonce qu’il résulte des articles L. 420-6, L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce qu’est prohibé le fait pour toute personne physique de prendre frauduleusement une part personnelle à l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci lorsque les pratiques mises en œuvre ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur ce marché et qu’elles ne sont pas justifiées au regard des dispositions de l’article L. 420-4 du même code, qui exclut notamment les pratiques résultant de l’application d’un texte législatif ou d’un texte réglementaire pris pour son application. Il s’en déduit que l’exercice d’une action en justice, expression du droit fondamental d’accès au juge, ne peut être qualifié d’abusif, qu’à la double condition d’une part de ne pouvoir être raisonnablement considéré comme visant à faire valoir les droits de l’entreprise concernée, d’autre part, de s’inscrire dans un plan visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur le marché considéré.

Or, en l’espèce, pour condamner le prévenu du chef d’abus de position dominante, l’arrêt relève notamment que des concurrents ont fait état de ce que leur société avait fait l’objet de recours ou de plaintes à l’occasion de leur demande d’habilitation. Il retient également qu’un des clients de la société a été menacé d’une action en justice après avoir émis le souhait de résilier le contrat conclu avec la société dirigée par le prévenu. Les juges du fond en ont alors déduit que ces multiples actions en justice, manifestement destinées à intimider, constituent l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché.

Mais, pour la Cour de cassation, en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision. En effet, elle n’a pas recherché si ces actions en justice, d’une part, avaient été déclenchées par la société ou son dirigeant, d’autre part, étaient manifestement dépourvues de tout fondement et n’avaient pour objet que d’écarter ses concurrents.

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