L'exploitant d'un réseau social en ligne ne peut être contraint de mettre en place un système de filtrage général, visant tous ses utilisateurs, pour prévenir l'usage illicite des oeuvres musicales et audiovisuelles. Tel est le sens d'un arrêt de la CJUE du 16 février 2012 (CJUE, 16 février 2012, aff. C-360/10
N° Lexbase : A5815ICD). Pour la Cour, la mise en oeuvre d'un tel système de filtrage supposerait que le prestataire de services d'hébergement identifie, d'une part, au sein de l'ensemble des fichiers stockés sur ses serveurs par tous les utilisateurs de ses services, les fichiers susceptibles de contenir les oeuvres sur lesquelles les titulaires de droits de propriété intellectuelle prétendent détenir des droits. D'autre part, le prestataire de services d'hébergement devrait déterminer, parmi ces fichiers, ceux stockés et mis à la disposition du public de manière illicite, et devrait procéder, enfin, au blocage de la mise à disposition des fichiers qu'il a considérés comme étant illicites. Une telle surveillance préventive exigerait ainsi une observation active des fichiers stockés par les utilisateurs auprès de l'exploitant du réseau social. Par conséquent, il imposerait une surveillance générale des informations stockées, ce qui est interdit par la Directive sur le commerce électronique (Directive 2000/31 du 8 juin 2000
N° Lexbase : L8018AUI). La Cour rappelle ensuite qu'il incombe aux autorités et aux juridictions nationales d'assurer un juste équilibre entre la protection du droit d'auteur des titulaires et des droits fondamentaux des personnes qui sont affectées par de telles mesures. Or, en l'occurrence, l'injonction de mettre en place un système de filtrage impliquerait de surveiller la totalité ou la plus grande partie des informations stockées auprès du prestataire de services d'hébergement. Cette surveillance devrait, en outre, être illimitée dans le temps, viser toute atteinte future et supposerait de devoir protéger non seulement des oeuvres existantes, mais également celles qui n'ont pas encore été créées au moment de la mise en place de ce système. Ainsi, une telle injonction entraînerait une atteinte caractérisée à la liberté d'entreprise puisqu'elle obligerait le prestataire à mettre en place un système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais, caractérisant une atteinte à la liberté d'entreprise. De plus, les effets de l'injonction ne se limiteraient pas au requérant, le système de filtrage étant susceptible également de porter atteinte aux droits fondamentaux des utilisateurs de ses services -droit à la protection des données à caractère personnel et liberté de recevoir ou de communiquer des informations-. Enfin, l'injonction risquerait de porter atteinte à la liberté d'information, puisque ce système risquerait de ne pas distinguer suffisamment le contenu illicite du contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d'entraîner le blocage des communications à contenu licite.
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