Réf. : Cons. const., décision n° 2020-845 QPC, du 19 juin 2020, M. Théo S. (N° Lexbase : A85303NA)
Lecture: 4 min
N3789BYY
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par June Perot
le 15 Juillet 2020
► Dans sa décision rendue le 19 juin 2020, le Conseil constitutionnel juge que le délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme porte à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ;
Les mots « ou de faire publiquement l'apologie de ces actes » figurant au premier alinéa de l'article 421-2-5 du Code pénal (N° Lexbase : L8378I43) ne sauraient donc, sans méconnaître cette liberté, être interprétés comme réprimant un tel délit.
La QPC. Le Conseil avait été saisi par la Chambre criminelle le 25 mars 2020 (Cass. crim., 24 mars 2020, n° 19-86.706, F-D N° Lexbase : A18073K7) d’une QPC portant sur la combinaison des dispositions des articles 321-1 (N° Lexbase : L1940AMS) et 421-2-5 du Code pénal telles qu’interprétées par la jurisprudence de la Cour de cassation. La combinaison de ces dispositions permettait la répression, sous la qualification de recel d’apologie du terrorisme, de la consultation de sites internet faisant l’apologie du terrorisme, ou la possession d’un support informatique ou numérique sur lequel serait téléchargé le produit d’une telle consultation.
Selon le requérant et l’association intervenante, dans la mesure où il n'y aurait pas de différence substantielle et fondamentale entre la consultation d'un site internet terroriste et le téléchargement ou la détention sur un support informatique du contenu de tels sites, rien ne distinguerait ce délit de recel de celui de consultation habituelle de sites internet terroristes jugé contraire à la liberté de communication dans les décisions du 10 février 2017 (Cons. const., décision n° 2016-611 QPC, du 10 février 2017 N° Lexbase : A7723TBN) et du 15 décembre 2017 (Cons. const., décision n° 2017-682 QPC, du 15 décembre 2017 N° Lexbase : A7105W7B).
Dans sa décision du 7 janvier 2020 (Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 19-80.136, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5582Z9M ; lire F. Safi, comm., Lexbase Pénal, mars 2020 N° Lexbase : N2501BYB) et dans sa décision du 24 mars 2020 mentionnée ci-dessus, la Cour de cassation a jugé qu'entre dans les prévisions des articles 321-1 et 421-2-5 du Code pénal le fait de détenir, en toute connaissance de cause, des fichiers ou des documents caractérisant l'apologie d'actes de terrorisme, lorsque cette détention s'accompagne d'une adhésion à l'idéologie exprimée dans ces fichiers ou documents. Elle a ainsi reconnu l'existence d'un délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme.
Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité portait sur les mots « ou de faire publiquement l'apologie de ces actes » figurant au premier alinéa de l'article 421-2-5 du Code pénal.
Contrôle de l’exigence de nécessité de l’atteinte portée à la liberté d'expression et de communication
Le Conseil relève qu’au regard de cette exigence, les autorités administrative et judiciaire disposent, indépendamment du délit contesté, de nombreuses prérogatives, non seulement pour lutter contre la diffusion publique d'apologies d'actes de terrorisme et réprimer leurs auteurs (association terroriste de malfaiteurs, recrutement terroriste, entreprise individuelle terroriste et provocation au terrorisme), mais aussi pour surveiller une personne consultant ou collectant ces messages et pour l'interpeller et la sanctionner lorsque cette consultation ou cette collection s'accompagnent d'un comportement révélant une intention terroriste, avant même que ce projet soit entré dans sa phase d'exécution.
Contrôle des exigences d’adaptation et de proportionnalité requises en matière d'atteinte à la liberté d'expression et de communication
Sur ce point, le Conseil relève, d’une part que si l'apologie publique d'actes de terrorisme favorise la large diffusion d'idées et de propos dangereux, la détention des fichiers ou documents apologétiques n'y participe qu'à la condition de donner lieu ensuite à une nouvelle diffusion publique.
Surtout, le Conseil observe que la simple adhésion à l’idéologie terroriste ne suffit pas pour passer le contrôle de proportionnalité à l’aune de la liberté d’expression :
« 25. Le délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme réprime donc d'une peine qui peut s'élever, selon les cas, à cinq, sept ou dix ans d'emprisonnement le seul fait de détenir des fichiers ou des documents faisant l'apologie d'actes de terrorisme sans que soit retenue l'intention terroriste ou apologétique du receleur comme élément constitutif de l'infraction. »
Le Conseil en conclut que « le délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme porte à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée. Les mots « ou de faire publiquement l'apologie de ces actes » figurant au premier alinéa de l'article 421-2-5 du Code pénal ne sauraient donc, sans méconnaître cette liberté, être interprétés comme réprimant un tel délit » (§ 26).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:473789