Réf. : CJUE, 11 juin 2020, aff. C-74/19 (N° Lexbase : A27933NR)
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N3713BY8
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par Vincent Téchené
le 17 Juin 2020
► Sous certaines conditions, le comportement perturbateur d’un passager ayant entraîné un déroutement de l’aéronef, à l’origine du retard du vol, constitue une « circonstance extraordinaire », et un transporteur aérien effectif peut se prévaloir de cette « circonstance extraordinaire » ayant affecté non pas le vol annulé ou retardé mais un vol précédent opéré par lui-même au moyen du même aéronef ;
Le réacheminement d’un passager par le transporteur aérien au moyen du vol suivant opéré par lui-même et conduisant ce passager à arriver le lendemain du jour initialement prévu ne constitue une « mesure raisonnable » libérant ce transporteur de son obligation d’indemnisation que si certaines conditions sont remplies.
Tel est le sens d’un arrêt rendu par la CJUE le 11 juin 2020 (CJUE, 11 juin 2020, aff. C-74/19 N° Lexbase : A27933NR).
Les faits. Le litige oppose un passager à un transporteur aérien au sujet du refus de ce dernier d’indemniser ce passager dont le vol en correspondance a subi un retard important à l’arrivée à sa destination finale. Le transporteur aérien avait refusé de faire droit à la demande d’indemnisation au motif que le retard du vol concerné trouvait son origine dans le comportement perturbateur d’un passager intervenu sur un vol précédent opéré au moyen du même aéronef et ayant entraîné un déroutement de l’aéronef, et que cette circonstance devait être qualifiée d’« extraordinaire » au sens du Règlement sur les droits des passagers aériens (Règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 N° Lexbase : L0330DYU) qui l’exonérait de son obligation d’indemnisation prévue par ce même Règlement. C’est dans ces circonstances que le juge portugais saisi de ce litige a interrogé la CJUE afin de savoir si de telles circonstances pouvaient être qualifiées d’extraordinaires.
La décision. La Cour retient, en premier lieu, que le comportement perturbateur d’un passager ayant entraîné un déroutement de l’aéronef met en cause la sécurité du vol concerné. Ce comportement n’est pas inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien. Toutefois, pour la Cour, le comportement en cause ne saurait être considéré comme échappant à la maîtrise effective du transporteur aérien effectif concerné et, partant, qualifié de « circonstance extraordinaire », s’il apparaît que le transporteur a contribué à la survenance du comportement ou s’il avait été en mesure de l’anticiper et de prendre les mesures appropriées à un moment où il pouvait le faire sans conséquences importantes sur le déroulement du vol concerné, en se fondant sur des signes avant-coureurs d’un tel comportement. Tel peut être notamment le cas si le transporteur aérien a procédé à l’embarquement d’un passager présentant des troubles du comportement déjà avant, voire pendant l’embarquement.
En deuxième lieu, la Cour précise qu’un transporteur aérien doit pouvoir se prévaloir d’une « circonstance extraordinaire » ayant affecté un vol précédent opéré par lui-même au moyen du même aéronef, à la condition qu’il existe un lien de causalité directe entre la survenance de cette circonstance ayant affecté un vol précédent et le retard ou l’annulation d’un vol ultérieur.
En troisième lieu, la Cour considère que, en cas de survenance d’une « circonstance extraordinaire », le transporteur aérien doit mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assurer un réacheminement raisonnable, satisfaisant et dans les meilleurs délais, au nombre desquels figure la recherche d’autres vols directs ou indirects opérés éventuellement par d’autres transporteurs aériens appartenant ou non à la même alliance aérienne et arrivant à un horaire moins tardif que le vol suivant du transporteur aérien concerné.
Dès lors, le transporteur aérien ne saurait être considéré comme ayant mis en œuvre tous les moyens dont il disposait en se limitant à offrir au passager concerné un réacheminement vers sa destination finale par le vol suivant opéré par lui-même et arrivant à destination le lendemain du jour initialement prévu pour son arrivée, sauf s’il n’existe aucun siège disponible sur un autre vol direct ou indirect permettant à ce passager d’atteindre sa destination finale à un horaire moins tardif que le vol suivant du transporteur aérien concerné ou que la réalisation d’un tel réacheminement constitue pour ce transporteur aérien un sacrifice insupportable au regard des capacités de son entreprise au moment pertinent.
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